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Agriculture, sécurité alimentaire, gouvernance : plaidoyers et prises de positions d’acteurs de la société civileVendredi 17 avril 2009 |
Le 17 avril est la Journée internationale des luttes paysannes,
à l’initiative notamment de Via Campesina, une organisation internationale regroupant des syndicats et organisations de paysans et de la société civile.
Les 18 et 19 avril a lieu en Italie un G8 agricole (rencontre des ministres de l’agriculture du G8) qui traitera notamment de la question de la sécurité alimentaire dans le monde et des prix des matières premières agricoles. Le groupe des 8 a prévu de s’élargir en recevant le Brésil, la Chine, l’Inde, le Mexique, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, l’Égypte... La Commission européenne sera également représentée ainsi que les principales institutions internationales concernées : Union africaine, FAO, l’Équipe spéciale de haut niveau sur la sécurité alimentaire de l’Organisation des Nations Unies, FIDA, OCDE, Banque mondiale, PAM...
Il s’agit donc d’un temps fort tant dans les enjeux de gouvernance mondiale que d’expression de la société civile, sur un sujet d’importance vitale : la sécurité alimentaire, et dans une situation de crise économique et écologique.
De son côté, Via Campesina publie un document de position exigeant du G8 qu’il corrige "ses propres erreurs au lieu d’imposer des remèdes aux pays pauvres".
A l’occasion de la Journée internationale des luttes paysannes [1] de ce vendredi 17 avril 2009 et en prévision du G8 Agricole qui aura lieu les 18 et 19 avril en Italie, des organisations de la société civile interpellent les députés français, en faveur d’une résolution sur la crise alimentaire qui perdure dans la plupart des pays du Sud.
A.
considérant que le droit à l’alimentation est un
droit fondamental de l’être humain, inscrit à l’article 25 de la
Déclaration universelle des droits de l’homme ;
B.
considérant les objectifs du millénaire pour le
développement, et plus précisément l’objectif visant à réduire la
pauvreté et la faim (OMD 1) ;
C.
considérant que un milliard de personnes souffrent
de la faim, soit près d’une personne sur six dans le monde, et que ce
chiffre est susceptible d’évoluer encore à la hausse du fait des
effets de la crise économique mondiale ;
D.
considérant la spéculation purement financière dont
les produits et les terres agricoles font actuellement l’objet ;
E.
considérant la résolution du Parlement européen du
22 mai 2008 sur la hausse des prix des denrées alimentaires dans
l’Union européenne et les pays en développement ;
F.
considérant les impacts négatifs du changement
climatique sur l’agriculture des pays du Sud, démontré par le GIEC et
reconnus par la Communauté internationale
G.
considérant l’évaluation internationale des sciences
et technologies agricoles pour le développement (IAASTD) sur la
production alimentaire globale effectuée avec le concours des Nations
Unies, de la FAO et de la Banque Mondiale, qui affirme l’importance
du soutien aux agricultures familiales du Sud pour relever le défi
alimentaire et de la lutte contre la faim ;
H.
considérant le rapport du rapporteur spécial de
l’ONU pour le droit à l’alimentation datant du 10 septembre 2008, et
les recommandations adressées aux Etats dans le rapport auprès de
l’Organisation mondiale du commerce datant du 9 mars 2009 ;
I.
considérant la politique européenne élaborée en
vue d’incorporer de façon obligatoire pour les Etats-membres 10%
d’agrocarburants d’ici 2020 reposant en partie sur des importations
des pays en développement, son rôle dans l’augmentation des prix
alimentaires, et son incitation pour les entreprises à accaparer les
terres aux dépends de l’agriculture familiale et vivrière ;
J.
considérant que seulement 10% des 22 milliards
promis lors du sommet FAO de juin 2008 par les pays donateurs pour
lutter contre la crise alimentaire ont été décaissés depuis ; et
considérant que la France avait annoncé à ce sommet qu’elle
s’engageait à soutenir les agricultures vivrières des pays touchés par
la crise alimentaire en promettant 1 milliard d’euros à l’agriculture
Africaine, toujours pas décaissé à ce jour ;
K.
considérant que les Accords de partenariat économique (APE) actuellement négociés par l’UE avec les pays ACP vont mettre en compétition les produits agricoles européens avec ceux des pays ACP et diminuer drastiquement les ressources budgétaires nécessaires à assurer des politiques agricoles ;
L.
considérant la tradition du peuple français à lutter contre les inégalités et à promouvoir la liberté et la justice sociale, tradition dans laquelle s’est inscrit à plusieurs reprises le Parlement élu ;
1.
défendent dans les instances internationales la mise en
application effective par les Etats du droit à l’alimentation ;
2.
défendent, auprès du gouvernement français et de l’Union
européenne, la nécessité d’un renforcement de la cohérence des
politiques publiques européennes avec la politique de développement,
en particulier concernant la politique agricole commune et la
politique commerciale ;
3.
demandent au gouvernement français de respecter les
engagements financiers et politiques annoncés par le Président de la
République en juin 2008 en faveur d’un soutien massif aux agricultures
paysannes et vivrières. En particulier, et en cohérence avec ces
engagements :
de poursuivre les efforts afin que l’aide publique au
développement (APD) atteigne l’objectif des 0,7% du PIB
de veiller à ce que l’Agence française de développement
renforce ses subventions à l’agriculture. Il est regrettable que pour
l’année 2009, ces subventions à l’agriculture soient proches de zéro.
de renforcer, dans le cadre de la politique de
coopération française, les organisations paysannes des pays du Sud à
renforcer leurs capacités techniques, condition nécessaire pour que
les agricultures familiales locales assurent leur revenus et
contribuent à l’alimentation de leur propre pays ;
de participer financièrement, avec l’Union Européenne, à l’adaptation des agricultures paysannes des pays en développement au changement climatique, ce soutien devant être additionnel à l’APD
4.
veillent à ce que la France pousse pour l’intégration du
respect de la souveraineté alimentaire dans les normes des
organisations internationales, y compris l’OMC, et veille à ce que les
produits agricoles fassent l’objet de mesures particulières dans le
cadre des négociations à l’OMC, afin de mettre en œuvre cette
souveraineté alimentaire ;
5.
veillent à ce que les Accords de partenariat économique
négociés par l’Union Européenne avec les pays ACP prévoient une
protection suffisante des marchés locaux, des mesures de sauvegarde
ambitieuses, et permettent l’utilisation de tous les instruments de
politique économique nécessaires afin de garantir la sécurité
alimentaire et le développement agricole, ce que les APE proposés
actuellement ne garantissent pas ;
6.
veillent à ce que la France, avec l’Union européenne, soit
attentive à ce que la culture et le commerce des agrocarburants
n’aient aucune incidence négative sur la sécurité alimentaire et sur
le développement durable dans les pays en développement ;
7.
agissent auprès du gouvernement français et de la Commission
européenne, dans le cadre de la Politique agricole commune, pour que
la promesse de l’UE de mettre fin au dumping et aux restitutions à
l’exportation soit appliquée immédiatement ;
8.
envisagent les mécanismes à mettre en œuvre aux niveaux
européen et national afin d’interdire les fonds et produits financiers
spéculatifs de nature à aggraver l’insécurité alimentaire et à
accroître la volatilité des prix des produits agricoles de base ;
9.
veillent à ce que le gouvernement français propose au Conseil
de l’Union européenne que l‘UE se positionne dans les négociations à
l’OMC en faveur d’une initiative visant à évaluer les dispositifs
existants en matière de stabilisation des cours des produits de base,
notamment par des instruments de gestion de l’offre.
Signataires :
Adéquations, Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF), Amis de la terre, Cheminements, Chrétiens dans le monde rural (CMR), Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre
solidaire), Comité français de solidarité internationale (CFSI),
Confédération paysanne, Coordination rurale, Coordination sud,
Dossiers et débats pour le développement durable (4D), Fédération
nationale de l’agriculture biologique (FNAB), Groupe de recherche et
d’échanges technologiques (GRET), Oxfam France-Agir ici, Peuples
solidaires, Secours catholique, Solidarité.
Le G8 devrait corriger ses propres erreurs au lieu d’imposer des remèdes aux pays pauvres
Du 18 au 21 avril 2009 les gouvernements des pays du G8 se réuniront à Trévise en Italie pour leur première rencontre sur l’agriculture. L’agenda se centrera sur la sécurité alimentaire et la manière dont le secteur agricole pourrait contribuer à une relance de l’économie. Outre les thèmes techniques, les gouvernements du G8 discuteront également du Cycle de Doha, du Partenariat Global, de la réforme de la FAO, des agrocarburants et du changement climatique.
La Via Campesina est gravement préoccupée par les résultats de cette rencontre car le G8 n’est pas le lieu approprié pour définir des solutions à la crise des prix de l’alimentation. Définir ce que les pays les plus pauvres doivent faire n’appartient pas aux pays les plus riches ! Ce "G8 Agricole" qui a été étendu au Brésil, à la Chine, à l’Inde, au Mexique, à l’Afrique du Sud et à l’Egypte, montre l’importance de l’agriculture dans le contexte de l’infrastructure internationale établie dans le sillage de la crise financière. Ces gouvernements entendent trouver des solutions au travers des mêmes politiques de gouvernance globale que celles à l’origine des problèmes qu’elles sont supposées résoudre.
La crise des zones rurales est dans une large mesure le résultat des politiques néolibérales actuelles d’aménagement structurel et de libéralisation du commerce, politiques mises plus particulièrement en oeuvre par le G8. Ces politiques détruisent la production paysanne alimentaire en faisant d’un grand nombre de pays exportateurs nets d’aliments des pays désormais importateurs nets, en les mettant dans une situation de forte dépendance des marchés internationaux. Cette déréglementation des marchés agricoles actuellement en cours, en combinaison avec le capital spéculatif provenant des marchés financiers, a provoqué une énorme spéculation des prix des aliments. Cela a déstabilisé les marchés domestiques, affamant et appauvrissant de nouveaux millions d’êtres humains. Les gouvernements du monde ont mis le dogme du marché libre avant les nécessités des citoyens. Il est maintenant évident que cette idéologie ne conduit qu’à la banqueroute et à la pauvreté.
À Londres le G20 a annoncé un programme de 850 millions de dollars d’ "aide" aux pays en voie de développement pour neutraliser la crise financière et ce programme a été confié au FMI et à la Banque Mondiale. Nous craignons que ce programme soit un autre instrument semblable aux Programmes d’Ajustement Structurel et aux directives de l’OMC et qu’il imposera comme eux des politiques néolibérales.
En même temps nous voyons la pénétration agressive des Compagnies Transnationales, soutenues par des puissantes fondations, en Afrique où elles espèrent imposer une deuxième "révolution verte" (au moyen d’engrais chimiques et de semences génétiquement modifiées) et saisir des millions d’hectares de terres pour produire des aliments et des agro carburants. Pour ces corporations la priorité est le profit et non pas la réduction de la faim. Nous voyons des spéculateurs et des gros investisseurs internationaux se détourner des produits financiers pour miser sur les produits alimentaires et sur les terres agricoles du Sud. Nous pouvons déjà nous attendre à l’explosion de la prochaine bulle et à l’émergence de la prochaine crise.
Au lieu de maintenir et de renforcer les mêmes politiques, nous devons réorienter le système d’alimentation vers la souveraineté alimentaire. Nous voulons que le modèle paysan de la production durable soit reconnu en tant que réponse à la crise du climat et des prix alimentaires.
Les membres du G8 devraient remettre en question et analyser leurs propres politiques agricoles, en particulier la CAP et le "Farm Bill", afin d’évaluer leur impact sur la crise des prix de l’alimentation et de prendre les mesures correctives nécessaires. La CAP par le mécanisme du système de remboursement à l’exportation (sur le lait par exemple) aboutit en essence au dumping des produits agricoles vers des pays tiers, détruisant leurs marchés intérieurs et mettant ainsi les producteurs locaux hors toute possibilité de concurrence.
Le G8 ne doit plus donner une aide financière pour les semences et les engrais mais bien encourager les gouvernements nationaux à assumer leurs responsabilités et à restructurer leurs systèmes agricoles sur d’autres bases que des productions orientées à l’exportation et conduites pas les grandes corporations. Les gouvernements nationaux doivent mettre en oeuvre les mesures suivantes :
Eliminer la volatilité désastreuse des prix alimentaires sur les marchés domestiques en contrôlant fermement les importations et les exportations alimentaires afin de stabiliser les marchés locaux.
Établir des politiques pour aider de manière active la production paysanne alimentaire et la pêche artisanale, les marchés locaux et pour mettre en oeuvre des réformes agraires et aquatiques. Nous ne voulons pas que tous les fonds aillent aux engrais chimiques et aux semences génétiquement modifiées qui profitent exclusivement aux Compagnies Transnationales et qui portent atteinte aux sols et à la biodiversité.
Mettre fin à la saisie massive des terres pour la production industrielle des agro carburants et des aliments.
Nous demandons aux pays du G8 de reconnaître l’échec de leurs politiques ainsi que l’impact dévastateur que ces politiques ont eues sur la production paysanne des aliments. Une amélioration drastique de la gouvernance globale de l’agriculture et de l’alimentation est nécessaire. Le G8 doit donner tout son soutien à une réforme fondamentale des agences des Nations Unies (L’ Organisation de l’Alimentation et de l’Agriculture - FAO, Le Fond International pour le Développement Agricole — FIDA, et le Programme Mondial pour l’Alimentation - PMA) ainsi que du Groupe Consultatif International pour la Recherche Agricole — CGIAR, afin de créer un espace unique dans le système des Nations Unies qui puisse agir en totale indépendance de l’OMC, de la Banque Mondiale et du FMI, dont le mandat soit bien défini par et pour les gouvernements, et dont la prise de décisions résulte d’un processus transparent et démocratique, auquel participent activement les organisations paysannes, de pêcheurs ainsi que d’autres Organisations de la Société Civile. Nous sommes opposés à la création de la dite « Alliance Globale ». Nous protestons vigoureusement contre cette création continue de nouvelles structures et de nouveaux espaces. Dans la mesure où elles sapent les organisations existantes et continuent à mettre en place les mêmes politiques néfastes, de telles initiatives sont vouées à l’échec.
Une conclusion du Cycle de Doha, au même titre que celles d’autres accords de libre-échange, sont inacceptables, car elles creuseront la crise de la production alimentaire paysanne. Il faut interdire à l’OMC, à la Banque mondiale et au FMI d’intervenir dans les politiques domestiques alimentaires. L’alimentation n’est pas uniquement une question "technique". Vivre dans un monde dans lequel chacun peut manger et dans lequel les paysans peuvent gagner leur vie est une question de décision politique. Nous exigeons que les gouvernants du monde acceptent ce défi.
Partenariat mondial pour l’agriculture et l’alimentation : recommandations des ONG françaises de solidarité internationale
Une réunion de haut niveau organisée par l’ONU s’est tenue les 26 et 27 janvier à Madrid, pour mettre en place un « Partenariat mondial pour l’agriculture et l’alimentation », susceptible d’assurer la sécurité alimentaire pour tous, dans un contexte de crise alimentaire et économique. A cette occasion les ONG françaises réunies au sein de la Coordination SUD et notamment de sa Commission agriculture, ont publié un texte de position et de recommandations...
Campagnes et plaidoyers : Actions et campagnes citoyennes en cours
"Semons la biodiversité !" : des états généraux à Toulouse les 18 et 19 avril. / Pour maintenir des terres agricoles en agriculture biologique à Flins contre un projet de circuit de Formule 1. / Pour la ratification du protocole facultatif au PIDESC. / "Appel pour des politiques européennes cohérentes en faveur de la lutte contre la faim et pour des agricultures paysannes et durables dans les pays du Sud". / "Appel citoyen pour un encadrement et une transparence du lobbying". / "Contre l’irradiation des aliments"… Adéquations participe directement à ces campagnes ou les soutient.
Notre rubrique Agricultures et alimentations
[1] Le 17 avril a été déclaré « journée internationale des luttes paysannes » par Via Campesina en souvenir de paysans sans terre qui ont été massacrés au Brésil par la police dans le cadre de la lutte pour la réforme agraire.