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Sécurité alimentaire, biodiversité, agriculture paysanne : les enjeux de la réunion autour du Traité sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture

Mardi 2 juin 2009


 Informations de l’ONU et de la FAO

Conservation des plantes : 11 projets de financement annoncés

Communiqué de l’ONU, 2 juin 2009.

Onze projets de conservation de gènes et d’autres ressources phytogénétiques vitales pour nourrir l’humanité ont été sélectionnés pour bénéficier du système de partage des bénéfices institué par le Traité sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, dont l’organe directeur est réuni cette semaine à Tunis, indique mardi l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Les fonds, qui totalisent 543 millions de dollars, vont à des projets en Egypte, au Kenya, au Costa Rica, en Inde, au Pérou, au Sénégal, en Uruguay, au Nicaragua, à Cuba, en Tanzanie et au Maroc.

C’est la première fois que des transferts d’avantages financiers sont effectués aux termes du Traité et ce, depuis son entrée en vigueur en juin 2004. Ce système de partage des bénéfices découlant du Traité vise à compenser les paysans des pays en développement pour leur rôle dans la conservation des variétés des plantes, précise la FAO dans un communiqué.

Ces onze projets ont été choisis parmi plus d’une centaine de demandes et cela a été rendu possible grâce aux contributions de la Norvège, de l’Italie, de l’Espagne et de la Suisse. Ils comprennent notamment la protection à la ferme de l’agro-biodiversité des agrumes en Egypte, l’amélioration génétique et la revitalisation d’une variété de mil au Kenya et la conservation de variétés indigènes de pommes de terre au Pérou.

Communiqué de la FAO, 1er juin 2009

Des délégués de 120 pays sont réunis du 1er au 5 juin à Tunis pour discuter du partage des bénéfices découlant du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture et des moyens de renforcer ce traité juridiquement contraignant.

Un nouveau système de partage des bénéfices, partie intégrante du Traité, doit entrer en vigueur grâce aux dons généreux octroyés par plusieurs gouvernements en faveur de projets devant bénéficier à des paysans pauvres. Ces paysans seront récompensés pour avoir conservé et propagé des variétés de plantes susceptibles de sauvegarder la sécurité alimentaire mondiale au cours des prochaines décennies, souligne un communiqué de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Ces projets seront annoncés cette semaine à Tunis au cours de cette réunion de l’organe directeur du Traité. Ils ont été sélectionnés parmi plus de 300 propositions soumises par des paysans, des associations paysannes et des centres de recherche principalement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.

C’est la première fois que des transferts d’avantages financiers seront effectués aux termes du Traité et ce, depuis son entrée en vigueur en juin 2004.

Le Traité a établi une banque de gènes mondiale comprenant 64 cultures vivrières qui constituent plus d’un million d’échantillons de ressources phytogénétiques connues.

Il stipule qu’à chaque fois qu’un produit commercial résulte de l’utilisation de cette banque de gènes et que ce produit est breveté, 1,1% des ventes de ce produit doivent être versés au Fonds de partage des bénéfices du Traité.

Le premier lot de projets doit recevoir quelque 250.000 dollars. La Norvège, l’Italie, l’Espagne et la Suisse ont contribué au capital de lancement de ce Fonds qui doit alimenter le système de partage des bénéfices.

Le travail de sélection des plantes est un processus très lent. Il faut parfois dix ans pour qu’à la suite de l’opération de transfert génétique on débouche sur un produit breveté. Et c’est pour cette raison que les pays sus-mentionnés ont voulu ce système.

La Norvège a introduit une petite taxe sur la vente de semences sur son marché intérieur, ce qui lui permet de financer sa contribution.

Les projets sélectionnés devront remplir un certain nombre de critères en faveur des paysans pauvres qui conservent différentes variétés de semences et contribuent ainsi à la lutte contre la faim dans le monde.

"Nous sommes reconnaissants aux gouvernements qui ont rendu cela possible grâce à leurs contributions volontaires", a déclaré Shakeel Bhatti, Secrétaire de l’organe directeur du Traité. "Si les paysans et les autres partenaires en matière d’agriculture n’obtiennent aucun soutien pour conserver et développer les différentes variétés de plantes, la diversité des cultures dont ils s’occupent sera perdue à jamais".

Aucun pays n’est autosuffisant en ressources phytogénétiques. Tous dépendent de la diversité génétique de cultures d’autres pays ou régions. La coopération internationale et l’échange libre de ressources génétiques sont par conséquent fondamentaux pour la sécurité alimentaire.

Le changement climatique a rendu cet enjeu d’autant plus pressant qu’il faut absolument préserver toutes les plantes cultivées au cours des millénaires et qui sont en mesure de résister à des hivers rigoureux ou à des étés torrides.

La majorité de la population mondiale dépend de 150 cultures seulement et 12 d’entre elles assurent 80% des apports énergétiques d’origine végétale, le riz, le blé, le maïs et les pommes de terre ayant la part belle avec près de 60%.

De nombreuses variétés nouvelles et inexploitées poussent dans certaines des zones les plus inaccessibles des pays pauvres où elles sont traditionnellement cultivées par les petits paysans locaux sans avoir jamais été commercialisées.

Or, un grand nombre de plantes ayant développé une résistance aux étés torrides et aux hivers rigoureux ainsi qu’aux longues périodes de sécheresse pourraient disparaître à jamais, raison pour laquelle une des priorités du Traité est la conservation des variétés à la ferme.

Les délégués à la réunion de Tunis chercheront un accord sur les moyens de renforcer les aspects du Traité relatifs au partage des bénéfices.

Il pourrait s’agir notamment d’un appel de l’organe directeur du Traité aux gouvernements, bailleurs de fonds privés et fondations pour un montant de 116 millions de dollars destiné à accélérer les travaux consistant à aider les pays en développement à améliorer la qualité de leurs cultures.

 Le point de vue de Via Campesina

Communiqués de Via Campésina, 2 juin 2009

Dans la perspective des deux sommets qui se dérouleront en fin d’année, le sommet sur la crise alimentaire qui se tiendra à Rome en novembre, et le sommet sur la crise climatique, prévu à Copenhague en décembre, la réunion du Traité sur les semences de la FAO (TIRPAA) sera déterminante pour la capacité de la communauté internationale à répondre aux crises alimentaires et climatiques.

« Si nous ne sauvegardons pas la diversité de nos semences et n’appliquons pas les droits des paysans, le système agricole mondial ne sera pas à même de faire face aux rapides changements climatiques » a déclaré Adam Kuleij, pastoraliste Massai de Tanzanie.

Il est essentiel de tenir compte de la question de la conservation des semences dans les fermes pour garantir la fourniture de nourriture. Le plus gênant est que les États Membres ont passé des années à se disputer autour du budget minimaliste de 116 millions de dollars proposé depuis 2007, qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de base du traité.

Le Comité International de Planification pour la Souveraineté Alimentaire (CIP) a coordonné une rencontre de personnes venant de cinq continents et de 25 pays, représentants d’organisations de paysans, de pastoralistes et de Peuples Indigènes, afin d’analyser le statut et le rôle du Traité.

Le Docteur Malaku Worede, d’Éthiopie, fondateur de la banque de gènes la plus importante d’Afrique, et ancien Président de la Commission des Nations Unies à l’origine du Traité a souligné le rôle clé des petits agriculteurs dans la conservation de la diversité génétique des semences :

« Les banques de gènes ex-situ ont un rôle important à jouer. Cela fait cinquante ans que nous essayons de sauvegarder des semences dans les banques de gènes, en rencontrant davantage d’échecs que de succès. Afin de pouvoir garantir un approvisionnement durable en germoplasme utile, et un système plus dynamique permettant d’entretenir la biodiversité, nous devons soutenir les agriculteurs dans le maintien des semences dans les champs. Si nous venions à perdre cette biodiversité vivante, l’Afrique et le monde ne seraient pas en mesure de s’adapter aux changements climatiques », selon M. Worede.

Après deux jours de débats, les représentants ont formulé les exigences suivantes :

- Étant donné le contexte d’urgence alimentaire, tous les droits de propriété intellectuelle et autres réglementations empêchant les agriculteurs de conserver et d’échanger leurs semences non-OGM doivent être suspendus.

- Engager des financements importants afin de conserver les semences dans les champs, afin d’y conserver la diversité génétique, et empêcher et effectuer une veille concernant la biopiraterie.

- Nous devons en finir avec les pratiques de monopole des multinationales semencières qui contrôlent les semences, ces dernières constituant le premier maillon de la chaîne alimentaire.

- Les gouvernements ne peuvent pas agir seuls, ils doivent à tout moment impliquer les agriculteurs dans le processus de prise de décision. Les gouvernements doivent également mettre en application les décisions du Traité concernant les Droits des Agriculteurs.

« Nous accordons aux États une dernière chance de mettre en oeuvre les droits collectifs des agriculteurs, tout comme le droit à conserver les semences sur les fermes. Dans le cas contraire, nous considérerons que le Traité ne constitue plus un cadre pertinent pour la mise en application de la souveraineté alimentaire » déclare Soniamara Maranho de la Via Campesina Brésil.

Traité sur les semences : Déclaration de Via Campesina

Texte adressé aux Aux membres du Comité directeur du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Agriculture et l’Alimentation.

La multiplication et l’aggravation des crises alimentaires, économiques, énergétiques et climatiques contraint les paysans de toutes les régions du monde à adapter leurs systèmes de culture à l’accélération des changements de leur environnement. La conservation dynamique et l’utilisation durable de la biodiversité cultivée, des agrosystèmes, des systèmes sociaux et des savoirs paysans associés sont au centre de cette adaptation dont dépend la nourriture des générations futures.

Cette biodiversité ne peut être conservée et renouvelée sans la reconnaissance des droits des agriculteurs définis par le TIRPAA, notamment leurs droits définis à l’article 9 de conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences de ferme, de participer aux décisions nationales et de protéger leurs savoirs traditionnels. Or, malgré de nombreuses déclarations politiques et scientifiques sur la nécessité de développer la conservation à la ferme, la majorité des pays signataires du Traité interdisent l’exercice de ces droits collectifs. Ils les remplacent par les droits privés de propriété intellectuelle sur les semences qui permettent à une dizaine de firmes semencières multinationales de se proclamer propriétaires de l’ensemble de la biodiversité existante.

Privés de leurs droits, les paysans ne peuvent plus conserver les centaines de milliers de variétés qu’ils ont patiemment sélectionnées pour les adapter à leurs agrosystèmes. Les firmes multinationales les remplacent par quelques dizaines de cultures industrielles destinées à alimenter les populations les plus riches, leurs animaux ou leurs voitures. Non reproductibles et protégées par des Droits de Propriété Intellectuelle (DPI) qui interdisent aux paysans de ressemer leur récolte, ces semences industrielles sont trop chères pour les petits paysans qui ne peuvent ni les racheter chaque année, ni acheter les engrais et les pesticides indispensables à leur culture. Elles détruisent ainsi les cultures vivrières, les systèmes sociaux, culturels et les savoirs traditionnels des communautés paysannes et des peuples indigènes.

Ne concéder aux agriculteurs que le droit au partage des avantages est un leurre contourné par l’UPOV qui refuse de rendre obligatoire l’indication de l’origine des ressources utilisées lors du dépôt d’un COV et par les brevets qui camouflent cette information ; ce droit illusoire ne sert qu’à faire accepter la négation des droits collectifs des agriculteurs par les DPI qui génèrent ces « avantages » jamais partagés.

Utiliser l’argent de la lutte contre la faim pour distribuer gratuitement ces semences industrielles et les engrais associés aux petits paysans qui nourrissent les peuples pauvres du Sud jusqu’à ce qu’ils abandonnent leurs semences paysannes locales, c’est les condamner à disparaître dès que ce soutien non durable disparaîtra : cette politique agressive est contraire à la protection des droits des agriculteurs définis dans le TIRPAA.

Les banques de gènes « ex situ » et la biodiversité cultivée sont menacées jusque dans les centres d’origine et de diversification par les contaminations d’OGM brevetés, les guerres et l’abandon des financements publics nécessaires à leur conservation, notamment dans les pays du Sud les plus riches en biodiversité cultivée. Les remplacer par des collections de séquences génétiques numérisées prive les paysans de l’accès à la diversité des graines vivantes reproductibles dont ils auront besoin pour nourrir l’humanité de demain. Les paysans n’ont que faire de semences incapables de germer, enfermées dans un immense coffre fort de glace et auxquelles ils n’ont pas accès, ni de leur code génétique numérisé dans les ordinateurs. Seules les multinationales pourront s’emparer de ce trésor pour commercialiser quelques plantes standardisées issues de gènes synthétiques brevetés que leur puissance financière leur permet de fabriquer.

C’est pourquoi la Via Campesina demande au Comité Directeur du Traité de bien vouloir oeuvrer :

- pour faire appliquer par l’ensemble des pays signataires les droits des agriculteurs de conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences de ferme, de les protéger du biopiratage, des contaminations par les gènes brevetés et des politiques agressives qui détruisent les systèmes sociaux, les agrosystèmes, les systèmes culturels et les savoirs traditionnels associés

- pour suspendre les Droits de Propriété Intellectuelle sur les semences afin de permettre aux paysans de répondre dans les meilleurs délais aux crises alimentaires, climatiques et énergétiques

- pour conserver la faculté germinative et rendre accessible à l’ensemble des paysans de la planète les ressources phytogénétiques prélevées dans leurs champs et enfermées dans les banques de gènes,

- pour mobiliser ses partenaires financiers, notamment le programme mondial pour l’alimentation, afin de développer de vastes programmes de sélection participative au champ et non pour distribuer des semences industrielles non reproductibles ou pour numériser les collections du système multilatéral,

- pour associer à l’élaboration de ses décisions les organisations de petits agriculteurs rassemblées au sein de Via Campesina tout autant que les représentants de l’industrie

Pour cela, d’associer les organisations paysannes au fonctionnement du Traité et notamment :

- à la réalisation d’un rapport sur le respect des droits des agriculteurs et la situation des paysans dans le monde, sur la base de leur propre expérience et des documents fournis par les gouvernements

- à un groupe de travail chargé de s’assurer de la conformité des pratiques des utilisateurs du systèmes multilatéral avec les règles du Traité, notamment en prenant des mesures concrètes pour lutter contre la biopiraterie,

- à un groupe de travail chargé de définir un cadre pour la conservation in situ à la ferme et de faciliter son financement

- à un travail commun avec le C.G.I.A.R. sur la définition des ressources ex situ et d’un code de bonne conduite relatif aux conditions d’accès aux ressources, à leur utilisation et au partage des bénéfices,

- et de donner aux organisations de petits paysans les moyens financiers de participer à ces travaux.

 Liens externes

- Le texte du traité sur le site de la FAO : http://www.fao.org/docrep/011/i0510f/i0510f00.htm
- L’actualité de la réunion de Tunis : http://www.planttreaty.org/media/gb3/gb3media_fr.htm

P.-S.

A consulter sur le site d’Adéquations :
- Semences : les droits collectifs des paysans, des jardiniers et des communautés contre les droits de propriété intellectuelle, une analyse de Guy Kastler (réseau Semences paysannes et Collectif Semons la biodiversité).
- Rubrique Biodiversité
- Rubrique Agricultures et alimentations

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