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Un rapport de l’ONU intègre l’approche genre dans la lutte contre le terrorisme

Lundi 26 octobre 2009


 Conférence de presse de Martin SCHEININ, rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste

Communiqué de l’ONU, 26 octobre 2009

Il reste beaucoup à faire pour inclure la « dimension sexospécifique » dans la lutte antiterroriste, a indiqué, cet après-midi, M. Martin Scheinin, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, au cours d’une conférence de presse au Siège de l’ONU, à New York.

M. Scheinin, qui a présenté ce matin son rapport annuel devant la Troisième Commission de l’Assemblée générale, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a expliqué qu’il avait travaillé cette année en vue d’intégrer la perspective du genre dans son domaine, comme il le lui a été demandé en 2007 lors du renouvellement de son mandat. Le rapport a été élaboré après consultations d’experts, a-t-il précisé. Il s’est félicité d’avoir pu accomplir ce travail, non rémunéré, pour l’ONU. Les Rapporteurs spéciaux ne reçoivent en effet aucune rémunération en contrepartie du travail qu’ils accomplissent.

Après avoir mentionné les sujets sur lesquels il travaille actuellement, comme les droits relatifs à la vie privée, il a expliqué en quoi les femmes sont victimes à la fois du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme. Elles sont en effet parfois accusées de soutenir le terrorisme uniquement parce qu’elles ont été forcées de fournir des services aux terroristes. Les organisations terroristes peuvent aussi les recruter pour accomplir des attentats-suicide, a-t-il relevé.

« Ce rapport est devenu un sujet de controverse dans certains médias, parce qu’il parait provocant ou radical », a reconnu le Rapporteur spécial. Il traite des problèmes particuliers auxquels sont confrontés les minorités sexuelles, comme les homosexuels, les lesbiennes, les bisexuels et les transexuels (les « GLBT »). Le rapport couvre aussi la question du viol homosexuel, notamment chez les hommes qui sont en détention et suspectés d’avoir commis des actes de terrorisme.

Parmi les 17 recommandations contenues dans le rapport, il y a celle d’abroger toutes les mesures antiterroristes qui autorisent la détention illégale et les mauvais traitements infligés aux femmes et aux enfants pour obtenir des informations concernant les hommes de la famille soupçonnés de terrorisme, a dit M. Scheinin. Il a indiqué qu’il recommande aussi de prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer l’utilisation, au nom de la lutte contre le terrorisme, de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, perpétrés sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité sexuelle de la victime. Le Rapporteur spécial demande également de veiller à ce que les droits des femmes et ceux des personnes d’orientation sexuelle et d’identité sexuelle différenciée ne soient jamais utilisés comme monnaie d’échange pour satisfaire des groupes terroristes ou extrémistes.

Abroger les contrôles restreignant l’immigration et les procédures d’asile qui contreviennent aux droits fondamentaux des transsexuels, des immigrants et des femmes migrantes, est une autre des recommandations figurant au rapport. Le Rapporteur spécial suggère même aux États de reconnaître le rôle des femmes et des GLBT en tant partenaires dans la lutte contre le terrorisme, ainsi que le rôle que jouent les hommes pour assurer l’égalité entre les sexes.

Dans ses conclusions, le Rapporteur spécial énonce aussi quatre recommandations à l’intention des organismes des Nations Unies. À ce titre, il engage le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) à intégrer la question spécifique de l’effet des mesures antiterroristes sur les femmes lorsqu’il examine les rapports des États Membres et lorsqu’il formule ses observations finales et ses observations générales. Le Comité contre le terrorisme, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, devraient prendre en compte de façon explicite la problématique sexuelle comme préoccupation pertinente au regard de la défense des droits de l’homme dans toutes leurs activités, a aussi préconisé M. Scheinin.

Une autre recommandation concerne le Conseil de sécurité et ses organes subsidiaires qui devraient poursuivre le processus de réforme du mode d’inscription des individus et des entités sur la liste des individus, organisations ou entités terroristes pour veiller au respect intégral des droits de l’homme lors de l’imposition et de l’application des sanctions qui en découlent, a-t-il dit. Il a demandé notamment que le genre soit inclus dans les travaux du Comité 1267 contre Al-Qaida, les Taliban et les individus ou entités qui leur sont associés.

À ce propos, répondant à une question, M. Scheinin a rappelé avoir proposé, il y a un an, une solution pour résoudre le problème des listes de terroristes. Il s’agirait d’instaurer une sorte de procédure d’appel devant une instance interne composée d’experts. Mais cela n’est pas réaliste, a-t-il admis, préférant recommander l’abrogation des listes qui désignent les personnes par leurs noms. Il faut prévoir le respect des garanties judiciaires et des droits de l’homme dans cette procédure, a-t-il insisté.

M. Scheinin a ensuite indiqué que les femmes accusées de terrorisme sont très peu nombreuses et représentent peut-être 5% de la catégorie des personnes incriminées sur les listes. « Mais il faut voir surtout, comme mon rapport le souligne, quels sont les effets par ricochet du terrorisme sur les femmes », a-t-il préconisé. « Les femmes subissent les conséquences du terrorisme à cause de leur rôle dans les familles et les communautés. Elles sont utilisées par les terroristes pour leur fournir un hébergement, de l’alimentation, des services divers, ou encore, des faveurs sexuelles. Les hommes de ces communautés peuvent être tués ou éloignés pour laisser la place aux terroristes qui s’en prennent ensuite aux femmes », a expliqué M. Scheinin. C’est pour cela que les femmes sont parfois accusées de terrorisme par l’État où elles cherchent asile.

La question du rôle des hommes dans la lutte antiterroriste ne concerne pas que le problème de l’homosexualité, mais aussi celui de la torture, a poursuivi M. Scheinin. Sans entrer dans le détail, on sait que des pays « civilisés » utilisent des formes de torture qui doivent être abolies, a-t-il observé.

Interrogé sur la controverse à propos de la poursuite en justice des auteurs de tortures commises aux États-Unis dans le cadre de la CIA, M. Scheinin a reconnu attendre beaucoup de ce pays tout en sachant qu’il faudrait sans doute du temps avant de recevoir une réponse adéquate.

Le Rapporteur spécial s’est ensuite prononcé en faveur de la fermeture du centre de détention de Guantanamo. Les détenus suspects devraient être jugés devant les juridictions compétentes et les autres devraient être relâchés, a-t-il préconisé. Les États-Unis doivent être prêts à recevoir ces derniers, mais si d’autres pays peuvent le faire et les protéger, il faut favoriser cette solution, a estimé le Rapporteur spécial. Il a aussi recommandé que le Haut Commissariat aux droits de l’homme soit impliqué dans la procédure de relocalisation.

« Je suis allé à Guantanamo », a indiqué M. Scheinin, « mais seulement aux audiences de la Commission militaire ». Nous souhaiterions accéder au centre de détention, mais uniquement si nous pouvons nous entretenir avec les détenus en l’absence des autorités américaines, a-t-il indiqué. Sous l’administration Bush, nous avons été confrontés à un refus motivé par le fait que c’était contraire à la politique américaine d’alors. Maintenant, le débat porte sur le caractère efficace ou non d’une telle visite, a précisé le Rapporteur spécial.

J’ai travaillé avec la Chine et le Sri Lanka, a encore précisé M. Scheinin, mais n’ai pas encore reçu d’invitation à m’y rendre sur le terrain. En ce qui concerne l’Égypte, il a reconnu que son rapport est « volontairement un peu provocant » en ce qu’il met en évidence des questions liées au genre. « Je donne beaucoup d’exemples provenant de sources onusiennes la plupart du temps », a-t-il ajouté. Il a indiqué avoir travaillé précédemment sur la question des homosexuels dans le système pénal en Égypte, mais a assuré ne pas en faire une question personnelle ni n’a proposé de solutions allant dans une direction particulière.

Sur la question de la construction du mur de séparation par Israël, le Rapporteur spécial a rappelé que la construction de cet ouvrage a été considérée comme illégale et s’est dit en faveur de la destruction du mur. Il a rappelé les difficultés qu’il entraine pour les femmes dans le Territoire palestinien occupé, notamment pour celles qui veulent accoucher et se voient refuser l’accès à l’autre coté du mur.

Le Rapporteur spécial a aussi répondu à une question sur sa proposition de créer une « Cour mondiale des droits de l’homme ». L’idée est qu’il nous faut une autorité dont les décisions sont juridiquement contraignantes, a-t-il expliqué, une juridiction compétente pour juger les violations de droits de l’homme commises par tout acteur international. « Avec Manfred Nowak, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, nous envisageons de fusionner nos propositions pour corriger le système actuel qui souffre des effets de l’immunité et de l’impunité », a dit M. Scheinin.

 Les recommandations du rapport

Le Rapporteur spécial présente aux organismes des Nations Unies lesrecommandations ci-après :

a) Inscrire les principes de l’égalité entre les sexes et de la non discrimination dans la conception et l’application de toutes les mesures antiterroristes, y compris dans les cas où l’inégalité entre les sexes s’intercroise avec d’autres motifs de discrimination prohibés, et s’attaquer aux conditions propices au terrorisme ;

b) Prendre toutes les mesures voulues pour rechercher, établir et contrôler les effets sexistes des mesures antiterroristes sur les femmes et sur les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transsexuels et les hermaphrodites en les signalant notamment aux organisations intergouvernementales ;

c) Mettre fin à l’impunité de toutes les violations sexistes des droits de l’homme, directes et indirectes, commises au nom de la lutte contre le terrorisme, y compris les violations des droits économiques, sociaux et culturels, et prévoir des voies de recours pour les victimes, notamment par des programmes d’indemnisation non discriminatoires et renforçant l’égalité, et prévoir la reconnaissance de toutes les formes de préjudices fondés sur le sexe, y compris pour les victimes ciblées en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité sexuelle ;

d) Faire répondre de leurs actes les groupes terroristes qui commettent des violations sexistes et reconnaître des programmes d’indemnisation des victimes du terrorisme soucieux de la problématique sexuelle, pour garantir l’égalité entre les sexes et mettre fin à la déshumanisation des victimes du terrorisme, l’une des conditions reconnues comme propice au terrorisme ;

e) Veiller à ce que les mesures antiterroristes ne ciblent pas et n’empêchent pas des activités qui ne sont pas des actes de terrorisme, comme l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique et d’association par les défenseurs des droits fondamentaux des femmes et des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transsexuels et des hermaphrodites ;

f) Renoncer au « modèle guerrier » dans la lutte contre le terrorisme en raison des effets négatifs que ce paradigme exerce sur l’égalité entre les sexes et veiller à ce que la privatisation de la lutte antiterroriste n’aggrave pas l’impunité des violations des droits fondamentaux à motivation sexiste ;

g) Abroger toutes les mesures antiterroristes qui autorisent la détention illégale et les mauvais traitements infligés aux femmes et aux enfants pour obtenir des informations concernant les hommes de la famille soupçonnés de terrorisme ;

h) Garantir la protection contre l’ingérence arbitraire ou illicite dans la vie privée et dans la vie de famille, notamment en veillant à ce que toutes les lois qui érigent en infraction un appui matériel aux terroristes ou une association avec eux, ou qui prévoient l’application d’ » ordonnances de contrôle », répondent aux exigences de légalité et de garanties judiciaires ;

i) Reconnaître et indemniser les violations des droits de l’homme, notamment des droits économiques, sociaux et culturels, des parents d’individus qui ont fait l’objet de disparition, de transfèrement « extraordinaire » ou de détention prolongée au nom de la lutte contre le terrorisme ;

j) Renoncer à utiliser des stéréotypes sexistes comme indicateurs indirects pour établir des profilages sur la base de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion et promouvoir une éducation et une formation soucieuses des droits de l’homme pour atténuer les préjugés défavorables, le harcèlement et la discrimination auxquels sont confrontées les femmes à cause de ces pratiques de profilage ;

k) Intégrer dans les régimes de sanctions les exemptions humanitaires et assurer des moyens accessibles, sûrs et efficaces pour acheminer les dons, notamment pour l’aide humanitaire, aux organisations qui travaillent pour l’égalité entre les sexes ;

l) Prendre toutes les mesures voulues, législatives, administratives et autres, pour prévenir, investiguer et réprimer l’utilisation, au nom de la lutte contre le terrorisme, de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, perpétrée sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité sexuelle de la victime ;

m) Veiller à ce que les droits des femmes et ceux des personnes d’orientation sexuelle et d’identité sexuelle différenciée, ne soient jamais utilisés comme monnaie d’échange pour satisfaire des groupes terroristes ou extrémistes ;

n) Garantir le droit à la protection contre toutes les formes d’exploitation, de vente et de traite des personnes en séparant les mesures antiterroristes des initiatives contre la traite pour faire en sorte que les personnes victimes de la traite ne soient ni pénalisées ni stigmatisées et que leurs droits fondamentaux soient protégés ;

o) Abroger les contrôles restreignant l’immigration et les procédures d’asile qui contreviennent aux droits fondamentaux des transsexuels, des immigrants et des femmes migrantes, notamment le droit de circuler librement ;

p) Garantir le droit d’asile à ceux qui ont droit à une protection internationale pour cause de persécution liée à l’appartenance sexuelle, notamment en veillant à ce que des lois générales relatives à « l’appui matériel » ne soient pas utilisées pour pénaliser des individus victimes de violences sexistes infligées par des groupes terroristes ;

q) Reconnaître le rôle des femmes et des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transsexuels comme partenaires et l’avantage que procure l’inclusion de perspectives féministes contextuelles dans la conception et l’exécution de mesures antiterroristes et dans la lutte contre le terrorisme, ainsi que le rôle que jouent les hommes pour assurer l’égalité entre les sexes.

Le Rapporteur spécial présente aux organismes des Nations Unies lesrecommandations ci-après :

a) Il faudrait intégrer dans toutes les procédures spéciales et autres mécanismes du Conseil des droits de l’homme, ainsi que dans les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, une perspective de l’égalité des sexes dans la lutte contre le terrorisme, dans l’exécution de leurs mandats respectifs ;

b) En particulier, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes devrait intégré la question spécifique de l’effet des mesures antiterroristes sur les femmes lorsqu’il examine les rapports des États et lorsqu’il formule ses observations finales et ses observations générales ;

c) Le Comité contre le terrorisme, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme devraient prendre en compte de façon explicite la problématique sexuelle comme préoccupation pertinente au regard des droits de l’homme dans toutes leurs activités ;

d) Le Conseil de sécurité et ses organes subsidiaires devraient poursuivre le processus de réforme du mode d’inscription des individus et des entités sur la liste des terroristes pour veiller au respect intégral des droits l’homme lors de l’imposition et de l’application des sanctions qui en découlent, et inscrire dans cet examen une évaluation de la problématique sexuelle.

 Sommaire du rapport

Télécharger le rapport en français : ci-dessous

I. Introduction

II. Activités du Rapporteur spécial

III. La perspective de l’égalité des sexes dans la lutte antiterroriste

A. Considérations générales
B. Problématique sexuelle, égalité et non-discrimination dans le droit international des droits de l’homme
C. Persécutions sexistes et militarisation de la lutte antiterroriste
D. Dérives liées à la définition du terrorisme
E. Conséquences indirectes des mesures antiterroristes sur les femmes
F. Relation entre la promotion de l’égalité des sexes et la lutte contre le terrorisme
G. Sacrifier des droits à la lutte contre le terrorisme
H. Profilage et discrimination fondés sur le sexe
I. Effets des sanctions ciblées et des ordonnances de contrôle
J. Les lois sur le financement du terrorisme et leurs effets sur les organisations caritatives
K. Techniques d’interrogatoire discriminatoires par rapport à l’égalité des sexes
L. Rôle des femmes dans le terrorisme et dans les activités antiterroristes
M. Contrôles restreignant l’immigration, procédures d’asile et traite

IV. Conclusions et recommandations

A. Conclusions
B. Recommandations

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