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Rapport d’Alter EU sur le rôle de l’industrie financière dans l’élaboration des réglementations européennes

traduction Adéquations

Mercredi 9 décembre 2009, par Yveline Nicolas

Alter EU a publié en octobre 2009 un rapport sur le rôle de l’industrie financière dans l’élaboration des réglementations européennes. Ce rapport souligne à quel point la prise de décision est déséquilibrée par la présence dominantes des experts de l’industrie et du secteur bancaire dans les groupes d’experts qui conseillent la Commission européenne. Ces mêmes experts s’étaient pourtant montrés incapables de prévoir la crise financière. Alter EU estime que la Commission doit réformer la façon dont elle obtient des conseils d’experts en garantissant un processus plus transparent et un véritable engagement à rechercher une diversité de points de vue. Ci-dessous une traduction du résumé du rapport.


Une commission captive : le rôle de l’industrie financière dans l’élaboration des réglementations européennes

Rapport d’Alter EU, octobre 2009

Résumé du rapport

L’ampleur de la crise économique actuelle a pris le secteur financier par surprise. Pourtant, depuis un certain temps, différents experts indépendants mettaient en garde sur le fait que le manque de régulation dans le secteur rendait une crise inévitable. Ces avertissements ont été ignorés par les de nombreuses institutions financières et politiques, y compris la Commission européenne. Au lieu de cela, la Commission formulait sa politique financière presque exclusivement sur la base d’avis de l’industrie financière et des personnes mêmes qui se sont montrées incapables de prévoir la crise.

Cette expertise de la Commission provient essentiellement de ce qu’on appelle les « groupes d’experts ». Ces groupes d’experts, qui, selon les propres Lignes directrices de la Commission devraient refléter une pluralité de points de vues, exercent une très grande influence dans l’élaboration de la législation de l’Union européenne.

Une analyse de la composition des groupes qui ont conseillé ou conseillent encore la Commission sur les questions financières montre une prédominance écrasante des représentants de l’industrie financière. Cela signifie que les grandes banques privées, les géants de l’assurance et toute une série d’entreprises financières sont massivement sur-représentés et exercent un pouvoir important dans le processus législatif de l’Union européenne - de l’élaboration de stratégies et de lois à leur mise en œuvre.

Actuellement, il y a plus de 1000 groupes d’experts actifs, dont 19 groupes fournissent en permanence des conseils sur les politiques du secteur financier.

Sur ces 19 groupes d’experts, 8 sont dominés par l’industrie, 7 par les États membres, un comporte à égalité des représentants d’ONG et de l’industrie, et 3 ne peuvent être évalués du fait que leur composition intégrale n’est pas divulguée.

Au sein de ces groupes, les experts de l’industrie sont plus nombreux que les représentants du milieu universitaire, des groupes de consommateurs et des syndicats, dans une proportion de quatre à un. Les 229 experts de l’industrie sont même plus nombreux que les fonctionnaires de la Commission chargés de la politique financière, au nombre d’environ 150.

Un examen plus approfondi des politiques clés de l’Union européenne montre également que les représentants du secteur financier ont été activement impliqués dans la conception des politiques qui ont contribué à la crise financière mondiale. L’Union européenne consulte actuellement ces mêmes experts sur ses plans pour faire face à la crise.

Dans le processus d’élaboration de règlementations concernant les banques, la Commission a suivi les avis du secteur bancaire et a permis aux banquiers eux-mêmes d’évaluer le niveau de risque de leurs investissements. L’échec des banques à identifier les investissements à risque a été soulignée comme une des principales causes de la crise économique actuelle.

La réglementation des fonds de pension (hedge funds) a été conçue avec les conseils de groupes d’experts, qui ont recommandé de poursuivre l’approche de régulation souple, qui, selon eux, avait "bien servi l’industrie, ses investisseurs et plus globalement le marché". Alors même que la prise de risque excessive liée aux fonds de pension est apparue sous les projecteurs comme un facteur contribuant à la crise, la Commission n’a opté que pour un durcissement minime des règles. Plusieurs questions importantes sont restées en suspens, par exemple les perturbations du marché par des fonds non européens, ou des ventes à découvert (naked short-selling).

Les agences de notation du crédit ont indiqué à la Commission que des règles sur les côtes ratings et les procédures n’étaient pas nécessaires. Mais le fait que de nombreux investisseurs se soient fondées sur les conseils des agences pour investir massivement dans les dettes toxiques a été un facteur clé dans la crise. Sur les conseils des experts de l’industrie, la Commission n’a proposé qu’un ensemble de règles faibles, similaires aux règles en vigueur actuellement aux États-Unis - qui ont complètement échoué à empêcher la crise à ses débuts.

Lorsque la crise financière a éclaté, des failles dans le système de comptabilité – essentiellement conçu par la profession elle-même avec peu de contrôle externe - ont été identifiées par les décideurs politiques comme l’une des causes essentielles de la crise. Même s’il a beaucoup été question de revoir ces règles, les lacunes subsistent, permettant aux dettes toxiques de rester cachées dans les bilans comptables.

L’approche de la Commission concernant les paradis fiscaux a également été compromise par l’intégration de représentants des trusts - y compris les trusts off-shore - au cœur du processus de consultation. Sans surprise, les propositions de la Commission pour éliminer l’évasion fiscale font qu’il demeure relativement facile de contourner les règles, grâce notamment aux fondations non imposées et aux trusts inaccessibles.

Cette position dominante des entreprises signifie que la réglementation est souvent conçue pour protéger les bénéfices des grandes banques et sociétés privées, et non l’intérêt public général. Comment la Commission peut-elle espérer réformer le secteur financier si l’objectif de ses conseillers est de maintenir le statu quo ?

Dans l’intérêt de la transparence et pour parvenir à des changements réels dans le secteur financier, la Commission devrait envisager une expertise pluraliste. Elle devrait :

- Divulguer l’identité des membres (noms et organismes) et les documents (rapports et compte-rendus) de tous les groupes qui ont conseillé ou conseillent encore la Commission sur la régulation financière, dans le cadre de l’enjeu de création d’un marché unique des services financiers.
- Dissoudre les groupes qui sont contrôlés par des intérêts industriels ou prendre des mesures pour assurer une représentation équilibrée.
- Ne créer aucun nouveau groupe d’experts sur les questions financières, sans que des mécanismes et équitables ne soient mis en place pour garantir la consultation équitable de toutes les parties-prenantes.

Plus globalement, la Commission doit réformer la manière dont elle obtient des conseils d’experts, en garantissant un processus plus transparent et un véritable engagement à rechercher une diversité de points de vue.

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