Site de l’Association Adéquations
Développement humain durable - Transition écologique - Egalité femmes-hommes - Diversité culturelle - Solidarité internationale

Mardi 19 mars 2024

Intranet

Accueil > Développement soutenable > Politiques de transition écologique (...) > Archives Le Grenelle de l’environnement > La "Chronique du Grenelle" mensuelle > Chronique du Grenelle, juin 2010


Chronique du Grenelle, juin 2010

Samedi 12 juin 2010, par Yveline Nicolas

Le gouvernement salue avec éloquence, voire grandiloquence, la loi Grenelle II, « outil de simplification, d’accélération et de prévention », « logiciel » permettant à la France de « prendre une longueur d’avance dans l’ensemble des secteurs de la croissance verte ». La campagne « Entrons dans le monde d’après » va sensibiliser les Français à cette « révolution ».



Des avancées sont certaines. Dans la plupart des secteurs, elles restent cependant insuffisantes pour que la France remplisse ses obligations européennes ordinaires ou rattrape rapidement son retard - énergies renouvelables, agriculture biologique, recyclage des déchets, qualité des eaux souterraines…

Parmi les nombreuses mesures, analysons le pour et le contre, en commençant par trois exemples – sous réserve du vote définitif le 29 juin, Assemblée et Sénat se réunissant encore actuellement en commission mixte paritaire pour élaborer un texte de compromis.

La réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre

L’objectif de réduction de moitié des émissions de gaz à effet de serre en 2020 et par quatre en 2050 est réaffirmé. Les entreprises de plus de 500 salariés et collectivités de plus de 50 000 habitants devront faire une évaluation de leur émissions de GES. De nombreuses dispositions sont prises pour l’amélioration du diagnostic de performance énergétique, la construction de bâtiments basse consommation et la réduction de la consommation d’énergie du parc ancien de 38% d’ici 2020. Mais les moyens humains et matériels pour la formation des professionnels et la vérification de la mise en œuvre ne suivent pas encore.

L’encadrement plus strict de l’éolien va en freiner le développement, l’étiquetage environnemental est repoussé et limité à des expérimentations jusqu’en 2012 pour les produits de grande consommation. La mise en œuvre de l’écotaxe poids-lourds est reportée.

La gestion durable des déchets

Le Grenelle décide d’une diminution de 15 % des quantités de déchets destinés à l’enfouissement ou à l’incinération et de la réduction de la production d’ordures ménagères de 5 kg par habitant et par an pendant les cinq prochaines années, d’ici au 1er janvier 2012. L’incinération et le stockage continueront à avoir la part belle ! Des plans départementaux d’élimination des déchets fixent des objectifs de réduction et de collecte sélective, notamment des déchets organiques et les collectivités devront mettre en place un programme local de prévention des déchets d’ici le 1er juillet 2012. Mais, d’après le CNIID, les mesures pour contraindre producteurs et distributeurs à prioriser la réduction à la source sont absentes : « Les emballages, qui constituent aujourd’hui 30% du poids de notre poubelle, sont épargnés par toute mesure contraignante » et « le Grenelle ne permettra même pas à la France de rattraper son retard au sein de l’Union europénne, qui a fixé un objectif de recyclage de 50 % en 2020 ».

L’agriculture durable

La Loi Grenelle 1 fixait un objectif global de 20% de la surface agricole utile en bio en 2020. Si l’Agence BIO disposera de trois millions d’euros par an pendant 5 ans pour structurer les filières, l’étape de 6% de bio en 2010 a été reportée par le Parlement jusqu’en 2012. L’objectif d’introduire 15% de produits biologiques en 2010 et 20% en 2012 pour la restauration collective des services de l’Etat est confirmé, avec un rapport d’évaluation annuel au Parlement.

Les activités de vente et de conseil sur les pesticides, la formation des utilisateurs, La publicité sont mieux encadrés. Mais les associations n’acceptent pas l’article qui soumet désormais le retrait d’un pesticide dangereux à une analyse « socio-économique » (cf. notre rubrique dans Biocontact de juin). Quant à l’agriculture à « haute valeur environnementale » (HVE), censée promouvoir une agriculture autonome à bas niveau d’intrants (chimiques) elle a été vidée de sa substance et la certification ne paraît pas devoir bénéficier d’aides.

La loi Grenelle votée, vient une phase de mise en œuvre qui passera par des décrets d’application. Si l’on mise beaucoup sur la relance par les « emplois verts », les aléas de la crise économique, notamment celle de collectivités territoriales après la réforme des institutions et la suppression de la taxe professionnelle, pourraient également fragiliser certaines ambitions.


Yveline Nicolas
Coordinatrice de l’association Adéquations
ynicolas adequations.org




Chronique du Grenelle, mai 2010 (réactualisation)


La loi de mise en œuvre du Grenelle a été votée par l’Assemblée nationale le 11 mai après un marathon d’examen de 1070 amendements en quatre jours. De nombreuses critiques s’élèvent de la part des ONG et d’élus sur les « lobbies » qui ont « détricoté » des engagements essentiels.

Des milliers d’employés et représentants de la filière éolienne ont défilé à Paris pour protester contre des amendements. Treize ONG écologistes manifestaient devant l’Assemblée nationale, munis de sifflets - une pollution sonore pour une fois justifiée ? Le WWF a adressé à tous les députés le discours de Nicolas Sarkozy d’octobre 2007 : « Je veux que le Grenelle soit l’acte fondateur d’une nouvelle politique, d’un New Deal écologique en France, en Europe, dans le monde ».

De leur côté, agriculteurs (productivistes), transporteurs routiers, industriels, ont fait pression, au nom de la crise économique. D’après le Canard Enchaîné, les syndicats des céréaliers « n’ont pas lésiné sur le blé pour encourager leurs troupes à défiler mardi 27 avril : 150 euros de prime versés à chaque agriculteur monté à Paris avec son tracteur, soit 193 950 euros pour les 1 293 qui ont fait le déplacement ».

Peut-on mettre sur le même plan les ONG se réclamant de l’intérêt général et les lobbies qui défendent des intérêts industriels et financiers ? La situation actuelle favorise un amalgame préjudiciable aux associations, lesquelles n’auront jamais la même capacité financière que les industries à se faire entendre ni la même proximité avec les pouvoirs publics. Fin 2009, l’Assemblée nationale et le Sénat ont institué des « registres » où les « représentants d’intérêts » doivent s’inscrire pour avoir accès à certaines salles du parlement. Cette initiative a contribué à légitimer le lobbying au détriment d’instruments démocratiques, telles que des auditions pluralistes, transparentes, avec retranscription des débats et avis, etc.

De plus, de multiples conflits d’intérêts existent au sein des organismes d’expertise, dont l’impartialité apparaît problématique. Ainsi, le recul spectaculaire concernant l’interdiction de pesticides. Le Grenelle 1 prévoyait leur réduction de moitié dans l’agriculture d’ici dix ans. Le 28 avril, un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) mettait en garde contre une « diminution trop brutale » , se demandant si « les bénéfices liés à l’usage des pesticides sont suffisamment pris en considération » : « sécurité de revenus stables », « produits accessibles au plus grand nombre ». D’après les rapporteurs, « aucune étude scientifique n’est en mesure aujourd’hui de faire chez l’Homme un lien entre la consommation d’aliments issus de l’agriculture conventionnelle qui utilise des produits phytopharmaceutiques et la survenue de maladies ». Ces curieux propos ont été votés avec moins de 10 présents sur les 36 membres que compte l’OPECST, alors même que de nombreuses études existent sur la toxicité des pesticides, entre autres pour les perturbateurs endocriniens et la surmortalité des abeilles.

Au final, l’article 36 bis A de la loi Grenelle décide, que pour interdire un pesticide, une « évaluation socio-économique » est nécessaire. L’intérêt commercial pourra donc passer avant l’intérêt général sanitaire et environnemental : là, le doute n’est plus permis sur l’influence des lobbies industriels et sur le rapport de force en défaveur d’associations citoyennes qui alertent depuis des années sur cet enjeu essentiel.


Qu’est ce que le « lobbying » ?

D’après le réseau ETAL « pour l’encadrement et la transparence du lobbying », qui regroupe 20 associations et syndicats, et dont fait partie Adéquations, le Lobbying désigne « l’ ensemble des actions d’influence par lesquelles des groupes d’intérêt interfèrent dans les processus d’élaboration, d’application ou d’interprétation des lois, règlements ou normes, et, plus généralement, dans les décisions des pouvoirs publics. On qualifie de lobbying les pressions visant à favoriser des intérêts économiques spécifiques auprès de ces décideurs ». Le réseau intègre cette question dans un ensemble d’enjeux essentiels :
- les mécanismes de contre-pouvoirs et d’expertise citoyenne et pluraliste ;
- la question des conflits d’intérêts entre fonction publique et activités dans les industries et la finance, celle de l’indépendance des organismes publics scientifiques ;
- le statut des lanceurs d’alerte et la prévention des poursuites-bâillons visant à empêcher des medias ou des associations d’exercer leur rôle.


Yveline Nicolas
Coordinatrice de l’association Adéquations
ynicolas adequations.org


Le texte ci-dessus est la réactualisation de la "Chronique Grenelle" de mai 2010,
suite au vote de la loi le 11 mai.
Voici l’état initial de cette chronique, au 1er mai 2010 :


Le Grenelle de l’environnement connaît une nouvelle phase de turbulences depuis le report du projet de taxe carbone et les paroles du président de la république au Salon de l’agriculture : « L’environnement, ça commence à bien faire ». La Loi Grenelle 2 a essuyé une pluie d’amendements en commission à l’Assemblée nationale, où elle a été examinée en séance plénière à partir du 4 au 7 mai, de manière définitive selon la « procédure d’urgence » – qui implique un moindre débat démocratique.

Les acteurs associatifs apparaissent assez divisés. D’après Greenpeace, le Grenelle « est mort ». D’autres estiment qu’il n’avait jamais vraiment existé - comme le réseau Sortir du nucléaire, qui dès le début a considéré qu’exclure du débat la question du nucléaire condamnait la dynamique. La Fondation Nicolas Hulot quitte – momentanément - le comité de suivi. D’autres tiennent à y rester, comme France Nature Environnement, dont des milliers de membres, sur le terrain, siègent dans des commissions officielles (protection de la nature, gestion des risques...). Beaucoup, pragmatiques, considèrent que le Grenelle a permis à la France de rattraper un peu de son retard sur certains enjeux (agriculture biologique, réduction des pesticides…). Désormais en embuscade, les écolo-climato-sceptiques, nouvelle catégorie d’acteurs boostés par les medias, se réjouissent sans doute de cette cacophonie…

Le gouvernement fait valoir que sur les 273 engagements pris en octobre 2007, « la grande majorité est aujourd’hui entrée en application ou est en cours de mise en place » et que des dispositions concrètes rencontrent un grand succès. Ainsi, 100 000 éco-prêts à taux zéro ont été signés pour financer des travaux d’économies d’énergie dans les logements et le bonus malus se développe - réduction du prix pour les acquéreurs de voitures neuves émettant le moins de CO2, augmentation pour les modèles les plus polluants.

De son côté, un collectif de spécialistes du droit de l’environnement estime qu’il y a beaucoup de communication autour de peu de changements juridiques permettant une réelle effectivité. Il a fait paraître son analyse technique des avancées législatives du Grenelle sur le site Rue89.com (voir ici). La première « imposture du Grenelle » serait le très faible budget et champ d’intervention du secrétariat d’Etat à l’Environnement au sein du « ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer ». Les juristes épinglent ensuite de nombreuses dispositions, par exemple en matière de :

Transports : un péage très modulé pour les véhicules de transport de marchandises par route, sans incitation au ferroutage et à l’utilisation des transports collectifs.
Déchets : choix de l’incinération.
Urbanisme : deux lois assouplissent des règles du code de l’urbanisme pour favoriser les aménagements, ainsi les seuils des installations commerciales soumises à contrôle ont été relevés, conduisant à réduire les études préalables sur l’environnement, le social et l’aménagement du territoire.
Associations : la « loi chasse » de décembre 2008 permet aux organismes de chasse d’obtenir l’agrément « associations de protection de l’environnement » ! Sans compter des mesures dangereuses pour l’avenir, sur des dossiers emblématiques :
• En l’absence de tout débat public, un régime juridique se met en place pour le stockage souterrain du CO2,
La Loi sur les OGM « n’instaure aucun système novateur ». La France s’apprête à autoriser de manière systématique les cultures OGM.
Deux réacteurs EPR ont été autorisés, alors que l’expérience en Finlande a montré de nombreux problèmes et des coûts prohibitifs…


L’énergie éolienne remise en question ?

La Grenelle a fixé un objectif de 23% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie en 2020 (soit 25 000 megawatts, contre 4500 actuellement avec 3500 éoliennes).Mais de récents amendements de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale à la loi Grenelle proposent d’appliquer aux éoliennes le régime des installations classées pour l’environnement (ICPE), de les subordonner à l’établissement de schémas régionaux éoliens, d’imposer une taille minimum aux parcs éoliens – ce qui va à l’encontre de la préservation de l’environnement. Le risque est de complexifier les procédures, ce qui freinera le développement de l’éolien, sachant que la France est déjà très en retard : environ 7 000 personnes sont employées par cette industrie, contre 40 000 en Allemagne et 20 000 en Espagne.


Yveline Nicolas
Coordinatrice de l’association Adéquations

P.-S.

A lire sur le site d’Adéquations :
- Rubrique Grenelle
- Rubrique ETAL (encadrement et transparence du lobbying
- Notre "revue de presse" Les poids des lobbies sur la décision publique

Haut de page
Accueil | Contact | | Mentions légales | Plan du site | Membres et partenaires