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Interview : Isabelle Cabat Houssais, professeure des écoles

Mercredi 30 juin 2010


Interview d’Isabelle Cabat Houssais

Professeure des écoles
Auteure d’un mémoire de maîtrise sur les stéréotypes de genre
Ancienne collaboratrice du Journal des Instits

Interview réalisée le vendredi 28 Mai 2010

Qu’est ce qui vous a amené à travailler sur les stéréotypes et l’éducation non sexiste ?

Quand je suis arrivée de Nantes à Paris, j’ai été très frappée par la pollution publicitaire en général et la publicité sexiste en particulier. Le climat aussi m’a semblé très délétère. Ça allait des réflexions grossières et sexistes que je pouvais entendre dans la rue à celles venant de mes collègues cadres. Je travaillais alors dans le domaine des ressources humaines, à la valorisation des acquis professionnels des artisans. J’ai commencé par rejoindre « La Meute », mais finalement, c’est avec « Mix-cité » que j’ai trouvé la manière de militer qui me convient : pas de hiérarchie de fonctionnement, de l’action - ludique de surcroît - articulée à la réflexion. Ainsi une fois par mois, nous invitons un chercheur ou une chercheuse pour creuser des pistes. Parallèlement, j’ai changé de métier. Une amie professeure des écoles, m’a donné envie de prendre ce virage. Je croyais alors que j’évoluerais dans un milieu très engagé, mais j’ai vite compris que pour beaucoup de femmes, le choix de ce métier relève d’une conception traditionnelle de la répartition des tâches. Comme chacun-e sait, c’est un métier qui permet de se libérer pendant les vacances des enfants etc. Tandis que moi, j’y voyais l’opportunité de travailler à une éducation non sexiste.

Comment travaillez-vous concrètement cette question de l’éducation à l’égalité en classe ?

C’est d’abord une vigilance. Une vigilance quant aux supports que j’utilise, les spectacles auxquels j’emmène mes élèves etc. Par ailleurs, je féminise beaucoup. Je m’adresse à « tous et à toutes », je n’emploie jamais un nom de métier sans le citer au masculin et au féminin. Je parle d’électeurs et d’électrices… Dans mes exemples, je prends volontiers le contre-pied des stéréotypes. Si je dois placer le mot « poupée », je l’inclus dans une phrase de type « Samuel joue à la poupée ».

D’aucuns diront que je renverse les stéréotypes, en fait je fais œuvre de rééquilibrage. Parfois, ça débouche sur des discussions dans la classe. A côté de cette démarche d’éducation non sexiste, j’anime des séances anti-sexistes spécifiques. Travailler avec des élèves du cours préparatoire est une chance car nous avons une grande latitude dans le choix des textes. Je me suis inspirée d’un album très bien fait, Marre du Rose de Ilya Green et Nathalie Hense, pour créer des fiches de lecture. Quelques questions de compréhension et de vocabulaire permettent de lancer le débat. Je travaille aussi beaucoup à partir des catalogues de jouets, de la publicité ou des dictionnaires illustrés qui fourmillent de stéréotypes en associant par exemple l’image d’une petite fille à l’adjectif coquet/coquette et celle d’un garçon à courageux/courageuse. Je ne cherche pas à faire la morale, à imposer mon point de vue. Je me contente de pousser mes élèves dans leur retranchement en demandant « Qu’est-ce que tu en penses ? », « Pourquoi ? », « Et dans telle situation ? », « Est-ce que vous êtes d’accord avec elle ou lui ? ». Ce qu’il y a de formidable avec les enfants, c’est qu’ils ne sont pas essentialistes. Pas plus qu’ils ne recourent au « culturel » pour justifier les inégalités. Du coup, ils finissent par déconstruire d’eux-mêmes les stéréotypes.

Cette année, je fais aussi participer mes élèves à la création d’un livre non sexiste dans le cadre de la campagne « Rose & Shou », organisée par la Ligue de l’enseignement.

Pouvez-vous estimer l’impact de votre démarche et de ces séances spécifiques ?

C’est impossible à quantifier. En revanche, pendant ces séances, les enfants sont passionnés. Les unes et les uns passeraient volontiers leur récréation à la trappe pour continuer sur le sujet. Quelques anecdotes me font aussi croire que tout ça fait son chemin. Mes élèves ne se privent pas de reprendre les intervenant-e-s extérieur-e-s qui ne féminisent pas. Un jour, une personne intervenant dans ma classe s’était contentée de parler des « joueurs » « Et les joueuses ! » ont-ils corrigé. Une autre fois, alors qu’une de mes collègues demandait « à quelle petite fille appartient cette veste rose ? », une fillette a répondu « Comment sais-tu qu’elle n’est pas à un garçon ? ».

Comment votre démarche est-elle accueillie parmi vos collègues et par les parents ?

Au début, j’y suis allée doucement. Maintenant ma démarche est reconnue. A titre d’exemple, la plupart des documents qui sont produits au sein de l’établissement sont aujourd’hui féminisés. Il y a deux ans, j’enseignais à ¾ temps , de manière à ce qu’une professeure stagiaire puisse animer ma classe durant la journée que je libérais. Pendant mon ¼ de temps restant, j’intervenais dans les classes de mes collègues pour animer des ateliers « éducation non sexiste ». Un seul d’entre eux n’a pas souhaité l’atelier. Les autres étaient ravi-e-s. Lors d’un colloque, j’ai été accusée de faire du prosélytisme. Or je me contente d’appliquer les textes que la majorité de mes collègues n’appliquent pas. Je ne leur en tiens pas rigueur. Ils ne sont pas formés. Certain-e-s sont passionné-e-s par le théâtre, moi par le féminisme. Ça me donne quelques avantages. Mon rêve serait de conjuguer enseignement et formation des formateurs et formatrices. Mais en ce qui concerne les formations, le manque de volonté politique est évident.

Avec les parents non plus, je n’ai jamais eu de problème. Au contraire, lorsque ça m’est arrivé d’annoncer la couleur en début d’année, je n’ai recueilli que des retours positifs. Des mères surtout, qui savent bien qu’elles sont victimes de discrimination. J’ai aussi invité dans mes classes des animatrices du planning familial qui sont très compétentes pour intervenir sur les question de sexualité. Je n’ai jamais été critiquée par les parents.

Comment vous définiriez-vous ?

Aujourd’hui, je me définis comme une enseignante militante, une professeure des écoles féministe. « Féministe », c’est un terme qui me colle à la peau, que ce soit dans mon entourage professionnel, amical ou familial. Et je le revendique ! Quand on me dit que je suis dogmatique, c’est un contresens. Le but ultime de ma démarche est d’abolir l’assignation, d’abolir les barrières.


Consultez deux fiches d’activités pour école élémentaire, élaborées par Isabelle Cabat Houssais

Fiche à partir de l’album « Imagier Renversant », de Mélo et Sébastien Telleschi aux éditions Talents Hauts, 2006.
www.talentshauts.fr/data/pdf/th-imagier-2008.pdf

Fiche à partir de l’album « Bijou, Casse-Cou », de Hiawyn Oram et Tony Ross aux éditions Talents Hauts, 2007.
www.talentshauts.fr/data/pdf/th-fiche-bijou-casse-cou.pdf.

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