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Défi jeunes : une approche intégrée de promotion de la demande des adolescentes en services de santé sexuelles et de la procréationEquilibres & populations Mercredi 1er décembre 2010 |
Intégrer le genre dans la conduite de projets sur le terrain avec les partenaires
En Afrique de l’Ouest, c’est parmi les jeunes, et en particulier les filles, que l’épidémie à VIH, les IST, les grossesses non désirées et les avortements à risques font le plus de ravages. Par ailleurs, les décisions des jeunes concernant la santé de la procréation détermineront dans l’avenir, la dynamique et le bien-être des populations. Mais partout, les programmes et services peinent à toucher les adolescentes, en particulier certaines catégories dans des situations de très grande vulnérabilité : les 10-14 ans, les filles déscolarisées, les adolescentes mariées, les filles vivant sans leur parents. Certains des plus sérieux obstacles qui empêchent l’expression de leur demande de services et soins résident dans l’environnement socioculturel (les croyances pronatalistes, les barrières religieuses, l’absence de pouvoir décisionnel aux femmes et aux jeunes, etc.) et la situation économique (les jeunes, et encore plus les filles, sont surreprésentés parmi la population défavorisée).
Comme l’a montré l’économiste prix Nobel Amartya Sen, droits et ressources ne se traduisent pas nécessairement en de réelles potentialités à être et à faire, expliquant, dans notre domaine d’intervention, les limites des actions standardisées axées uniquement sur l’offre de services. Chaque territoire modèle les normes sociales comme les rapports de pouvoir. Seule la proximité spatiale, sociale et culturelle peut permettre de repérer les problèmes rencontrés par les individus pour transformer leurs doits et ressources en de réelles potentialités. Le présent projet vise la mise en œuvre et la capitalisation d’une approche pilote en milieu urbain et en milieu rural dans trois pays de la sous-région. Dans chacun des six sites retenus, il s’agira alors d’identifier les facteurs socioculturels et économiques qui freinent l’expression d’une demande de soins et de services de SR chez les adolescentes, puis de mettre au point avec l’ensemble de la communauté une réponse intégrée et adaptée à chaque territoire, axée sur le renforcement des ressources/compétences individuelles, sociales et économiques des filles, partenaires/bénéficaires du projet.
L’approche genre guidera l’ensemble de notre action, des études à la conception des actions pilotes. Les enjeux de la sexualité et de la procréation au Sud ont trop souvent été réduits à une dimension sanitaire. Ce projet s’attachera alors à prendre en compte comment les individus, selon leur sexe et leur position sociale, agissent, réagissent et interagissent, contraints par des modèles sexuels et familiaux. L’approche genre constituera pour nous un levier décisif pour promouvoir de nouveaux comportements et favoriser un environnement plus favorable à la santé sexuelle et reproductive des adolescentes, et plus largement des femmes. .
Le projet a débuté en octobre 2010, nous ne disposons donc évidemment pas du recul suffisant pour analyser ses forces et faiblesses. Cependant nous avons quelques hypothèse de travail à partager.
Les points forts, les acquis :
La démarche de recherche-action est centrale dans ce programme, des moyens et du temps lui sera consacrée. Les filles vulnérables constituent des catégories peu visibles et c’est en grande partie ce manque de visibilité qui fait qu’elles sont sous- représentées dans les bénéficiaires des programmes et services en SR. La recherche en tant que productrice de connaissances sur ce sujet jouera alors un rôle central dans le déclenchement d’une prise de conscience et l’élaboration de nouvelles pratiques collectives. La mobilisation communautaire et l’approche participative devraient faciliter l’adhésion des différents acteurs clés de la communauté et faciliter un début de questionnement des normes sociales défavorables aux jeunes filles (mariage précoce, mobilité réduite…).
Le renforcement des capacités des partenaires locaux pour mieux intégrer l’approche genre est prévue dès le début du programme. Des formation seront assurées et un suivi-conseil tout au long du projet est prévu.
Les faiblesses, difficultés, résistances rencontrées
Un certain nombre d’objectifs du projet vont à l’encontre des normes et des pratiques sociales en vigueur. On ne sait pas encore notamment comment les hommes réagiront à l’approche de genre qui est à la base de ce projet. Même s’il est prévu de les associer à la démarche, il est très prévisible qu’une majorité d’entre eux manifeste des réticences voire des oppositions au programme.
Les trois ans du projet suffiront-ils à changer certaines normes sociales ? La réponse évidemment est négative. Cela relève d’un processus très long et multifactoriel. Le projet se propose de participer à son niveau à ce changement mais il est nécessaire, dès son début, d’imaginer d’inscrire cette dynamique dans la durée.
Le projet en ciblant les jeunes filles et notamment certaines catégories d’entre elles recèle un risque non négligeable de stigmatisation et de discrimination à leur encontre.
Trois ONG locales participent à la mise en œuvre : Ceradis pour le Bénin, l’Asmade pour le Burkina-Faso, Lafia Matassa pour le Niger
Trois partenaires techniques sont associés : l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers, le Monde Selon les Femmes et Population Council.
Au cours du projet, la production issue de la recherche action sera disponible (cartographie sanitaire, cartographie sociale, entretiens qualitatifs, questionnaires, itinéraires de vie…). Un document de capitalisation à la fin du projet est également prévu.
Equilibres & Populations
Aurélie Gal-Régniez
aurelie.gal_regniez equipop.org
Tel : 01 53 63 80 56