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Responsabilité sociale des entreprises : l’incohérence française

Jeudi 14 avril 2011


A l’occasion du G20 Finances, Nouvelobs.com publie une tribune [1] signée entre autres par Amnesty international France et la Ligue des Droits de l’Homme sur la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme.


Au moment où les Nations unies, la Banque mondiale, l’OCDE et d’autres organismes internationaux tentent de faire avancer le cadre de responsabilité des entreprises multinationales en matière de droits de l’Homme, le G20 doit envoyer un signal fort afin de renforcer les processus en cours.

La France, présidente du G20, tient-elle un double discours dans les négociations internationales traitant de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme ? C’est ce que l’on pourrait croire au vu de l’incohérence des positions françaises sur ce sujet.

En effet, au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en juin 2008, le gouvernement français avait contribué à l’approbation unanime du rapport du professeur John Ruggie, représentant spécial pour les droits de l’Homme, les sociétés transnationales et autres entreprises auprès du Secrétaire général de l’ONU. En janvier dernier, elle a même demandé que les principes de mise en œuvre de ce rapport soient précisés et renforcés en vue de mieux répondre aux exigences du droit international, d’une part, et aux réalités rencontrées sur le terrain, d’autre part.

Or, parallèlement à ces positions de principe, la France vient de manquer trois occasions importantes de rendre leur application effective, en apportant son appui politique dans des enceintes toutes aussi influentes sur l’activité des entreprises.

A la Société financière internationale (SFI) tout d’abord. Filiale de la Banque mondiale, la SFI révise actuellement son "Cadre de durabilité", dont le respect conditionne le soutien qu’elle apporte au secteur privé. La place qui est réservée aux conditions de respect des droits de droits de l’Homme par les entreprises est largement insuffisante par rapport au cadre proposé par le professeur Ruggie.

A l’OCDE ensuite, qui actualise ses "Principes directeurs à l’intention des multinationales" ainsi que ses "Approches communes concernant l’environnement et les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public ". Là encore, avec force précautions, le respect des droits de l’Homme y relève plus de l’invitation que d’une obligation pourtant reconnue de façon consensuelle par la communauté internationale après les travaux de John Ruggie.

Pour ces trois textes, qui peuvent avoir un impact majeur sur le respect des droits par les entreprises, la France a oublié les belles paroles qu’elle a prononcées au Conseil des droits de l’Homme. Pour le troisième texte, à l’OCDE, elle a même contribué au blocage des négociations.

"Face à un capitalisme financier devenu fou à force de n’être soumis à aucune règle et dont on commence à mesurer à quel point il peut être destructeur, est-il bien raisonnable d’attendre encore ? [… ]Le monde ne peut pas être gouverné que par la loi de l’offre et de la demande. La mondialisation ne peut pas être l’alibi de tous nos renoncements politiques, intellectuels et moraux. Or, c’est ce à quoi nous condamne l’absence de régulation mondiale. Oserai-je ajouter que la mondialisation ne survivra pas à la loi de la jungle ? Parce qu’il ne peut pas y avoir de liberté sans règles."

Quelles suites concrètes la France a-t-elle donné à ce discours du président Nicolas Sarkozy prononcé avec emphase lors de la 98ème session de la Conférence internationale du travail à Genève le 15 juin 2009 ? Pourquoi, lorsqu’il s’agit de défendre cette position dans des institutions économiques telles que la Banque mondiale ou l’OCDE, la France brille-t-elle par ses contradictions ?

Au Conseil des droits à Genève, le ministère des Affaires étrangères défend l’obligation juridique des États de protéger les droits de l’Homme, en s’assurant que les entreprises n’y portent pas atteinte. A l’inverse, devant ses pairs à la SFI ou à l’OCDE, le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie en fait fi, voire récuse toute obligation au nom du principe d’auto-régulation par les entreprises et de la prétendue distorsion de concurrence que de telles règles entraîneraient. L’agence de crédit à l’exportation qui agit pour le compte de l’Etat, la Coface, fournit un exemple criant de cette attitude : refusant de subordonner les garanties qu’elle apporte aux entreprises à leur respect des droits de l’Homme dans leurs activités, c’est une partie de l’argent des contribuables qui sert potentiellement à financer des violations par des entreprises peu scrupuleuses des droits d’autrui.

Le fait est que les entreprises ne s’autorégulent pas, elles n’ajustent leurs pratiques que si elles y sont contraintes. Et le gouvernement français ne souhaite manifestement pas les y contraindre, souvent convaincu par des pratiques de lobby qui agitent le spectre de la concurrence déloyale des pays émergents. Comme si la croissance économique était en concurrence avec le respect des droits de l’Homme ! Ne reste alors qu’une fausse transparence sur le papier glacé des rapports de développement durable ou de responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Est-ce le message que la France veut envoyer à la Banque mondiale ou à l’OCDE notamment ? Existe-t-il une raison, en dehors de l’absence de volonté politique et de la pression des milieux d’affaires, pour que les violations des droits de l’Homme par certaines entreprises multinationales demeurent encore possibles sans que les victimes disposent d’un recours effectif ?

Il est urgent que la France, présidente du G20, parle d ‘une seule voix et passe de la parole aux actes.

Forum citoyen pour la responsabilité sociale de l’entreprise, avec les associations signataires : Amnesty International France, CCFD-Terre Solidaire, CGT, France Nature Environnement, Ligue des Droits de l’Homme, Peuples Solidaires, Sherpa.

Notes

[1Article repris du site du Nouvel Observateur ; retrouver la publication originale ici.

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