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« Entreprendre autrement : l’économie sociale et solidaire ». Un avis du CESE, janvier 2013Mardi 22 janvier 2013 Le Conseil économique, social et environnemental a adopté cet avis le 22 janvier 2013. |
« Entreprendre autrement » : telle est la conviction des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) de plus en plus présente dans notre environnement économique, créant de la richesse en mettant l’humain au coeur de l’activité.
L’ESS a, en 2012, été renforcée par la création d’un ministère délégué dédié, auprès du ministère de l’Économie et des finances. Le Conseil économique, social et environnemental se félicite de ce que le gouvernement ait retenu le principe d’une concertation approfondie et suffisamment en amont dans le cadre de la préparation d’un prochain projet de loi destiné à reconnaître, structurer et développer l’ESS.
Parallèlement aux travaux du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, notre assemblée a été sollicitée pour établir une synthèse de ses recommandations issues d’avis récents intéressant directement le développement et la promotion de l’ESS. Le Premier ministre a également souhaité nous consulter sur les deux questions suivantes :
à quelles conditions une modernisation du modèle coopératif et une évolution
du droit des salariés pourraient contribuer à faciliter la reprise d’entreprises - en
difficulté ou non - par leurs salariés ?
sur quelles institutions et quels acteurs pourraient s’appuyer l’élaboration et la
mise en oeuvre d’une politique de développement local de l’ESS ? Quels dispositifs
de concertation et de contractualisation pourraient aider à cette élaboration et à
cette mise en oeuvre ?
Il est toutefois apparu à notre assemblée qu’aborder ces importantes questions nécessitait au préalable de mieux définir la nature et le champ de l’ESS afin que celle-ci, forte de ses valeurs et pratiques, soit reconnue pleinement comme un secteur économique qui agit en complémentarité des autres formes ou systèmes de l’économie.
Les acteurs de l’ESS contribuent ainsi aux mutations nécessaires pour surmonter la crise systémique qu’affronte notre société et pour promouvoir un développement durable.
L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public par 125 voix contre 22 et 18 abstentions
Des millions de Français sont concernés par l’économie sociale et solidaire (ESS).
38 millions de personnes sont protégées par une mutuelle adhérente à la
Fédération nationale de la mutualité française ;
21 000 entreprises coopératives emploient près d’un million de salariés ;
45 % de Français adhèrent à une association et plus d’1,8 million de salariés
oeuvrent aux côtés de 16 millions de bénévoles.
L’ESS est présente dans la quasi totalité des secteurs d’activités : action sociale, offre de soin, sport et loisirs, éducation et formation, banques et assurances, agriculture, industrie, construction, logement social, distribution, artisanat…
Forte de valeurs, de pratiques et de statuts qui lui sont propres, l’ESS se revendique comme une économie à part entière : ni substitutive de l’action publique et du service public, ni curative des dérives d’un modèle économique en crise. Elle s’affirme comme une économie d’utilité sociale au service de l’intérêt collectif et de la cohésion sociale.
Le CESE se félicite de la concertation engagée par le gouvernement dans le cadre de la préparation d’un projet de loi destiné à reconnaitre, structurer et développer l’ESS dans notre pays.
Notre assemblée considère que ce sont les statuts qui définissent le périmètre de l’ESS. Ceux-ci reprennent en effet des valeurs communes (entreprises de personnes et non de capitaux, solidarité entre membres, gouvernance démocratique, impartageabilité de la propriété collective) et spécifiques (non lucrativité pour les associations, les mutuelles et les fondations ; lucrativité encadrée et règlementée pour les coopératives). Par conséquent, le CESE estime que l’instauration d’un label ou dispositif volontaire de reconnaissance ne présente pas de réel intérêt.
De même, il rappelle l’importance du dialogue social au sein de l’ESS et recommande que :
il n’y ait aucune confusion entre le système de gouvernance et les Institutions
représentatives du personnel et que celles-ci voient leurs prérogatives respectées ;
les textes issus de la négociation d’accords multi-professionnels reçoivent
une valeur normative, ce qui passe notamment par une clarification de la
représentativité des employeurs ;
les organisations syndicales soient présentes dans les instances institutionnelles
de représentation de l’ESS, du type Conseil supérieur de l’économie sociale et
solidaire, et qu’elles soient également associées aux procédures d’attribution et
d’évaluation des financements publics comme tous les autres acteurs de l’ESS
concernés.
Le CESE estime que la reprise d’entreprises par les salariés ne doit pas être réservée aux entreprises en difficulté et que le modèle coopératif, dont les SCOP, peut apporter plus globalement une solution à l’enjeu de la transmission de PME saines.
Dans tous les cas, l’anticipation, le temps de préparation du projet collectif et l’accès aux financements sont des facteurs décisifs en vue de la réussite d’une telle reprise.
Dans le cas d’entreprises en difficulté :
cette formule doit être utilisée avec prudence en privilégiant un véritable
accompagnement des salariés repreneurs ;
la formation des mandataires judiciaires et des tribunaux de commerce doit leur
permettre de mieux prendre en compte l’intérêt de cette solution ;
le CESE invite les partenaires sociaux en lien avec les pouvoirs publics à faire
évoluer, pour les cas de projets collectifs, le dispositif d’aide à la reprise ou la
création d’entreprise (ARCE) et celui du régime de garantie des salaires (AGS)
pour permettre aux salariés repreneurs de mobiliser plus rapidement leur apport
financier ;
lorsqu’un projet de reprise d’une entreprise défaillante par les salariés apparaît
économiquement viable, ceux-ci doivent se voir accorder un droit de reprise
préférentiel.
d’instaurer, pour les sociétés commerciales, un droit d’information des salariés sur
tout projet de cession ;
en l’absence de transmission familiale, que les salariés disposent, après l’obligation
d’information, d’un droit de reprise dans un délai raisonnable au cours duquel
cédants et salariés repreneurs examinent les conditions de transmission ;
dans le cas spécifique de « fonds prédateurs », le CESE recommande l’application
d’un droit de reprise préférentiel aux salariés repreneurs ;
de créer un statut transitoire de SCOP d’amorçage, permettant un portage
temporaire, avec détention majoritaire du capital par des associés extérieurs
pendant une période limitée de 5 à 10 ans, avec droits proportionnels, le temps
que les salariés puissent racheter les parts nécessaires à la détention majoritaire
du capital.
Si le CESE se félicite que la Banque publique d’investissement dispose d’un compartiment spécialement dédié au financement de l’ESS, il conviendra d’en suivre attentivement les développements.
Il convient aussi :
que le rôle des banques coopératives soit renforcé en matière de prêts, de
renforcement des fonds propres et de garanties en appui aux salariés créateursrepreneurs ;
d’orienter l’épargne salariale vers un fonds dédié aux reprises et transmissions
d’entreprises par les salariés ;
d’encourager la création d’un fonds spécialisé dans la reprise d’entreprises comme
en Italie.
Au-delà des évolutions qui ont déjà mené à la création des SCIC (Sociétés coopératives d’intérêt collectif) et au développement des CAE (Coopératives d’activités et d’emploi), le CESE propose un modèle permettant de consolider et accompagner la croissance externe des SCOP : le groupe coopératif. Cette évolution juridique devrait permettre d’élargir la notion de salariés associés à l’ensemble du groupe dans le cas des relations entre SCOP.
Le développement de l’ESS et celui des territoires, métropolitains comme ultramarins sont complémentaires.
Pour le CESE, une meilleure reconnaissance des chambres régionales de l’ESS (CRESS) est un préalable. Pour ce faire, il convient de :
simplifier et harmoniser le fonctionnement et les missions des CRESS : soutien au
développement économique, promotion et sensibilisation à l’ESS, observation des
acteurs et remontée des données. Le CESE n’est pas favorable à une transformation
des CRESS en chambres consulaires ;
d’assurer la présence des CRESS dans le troisième collège des conseils
économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) ;
définir les modalités permettant d’associer dans les CRESS les organisations
syndicales au développement de l’ESS sans substitution aux instances de
négociations sociales.
Le CESE recommande la participation de plein droit des syndicats d’employeurs de l’ESS dans tous les CCREFP et les CESER (premier collège).
Les CRESS doivent s’appuyer sur des réseaux associatifs, mutualistes et coopératifs solides et donc contribuer à la pleine reconnaissance des prérogatives de ceux-ci.
Le CESE engage à :
structurer une politique en faveur du développement de l’ESS via la
contractualisation entre les pouvoirs publics et les acteurs. L’ESS doit être prise
en compte dans l’élaboration des contrats de projets État/régions et ces dernières
doivent intégrer l’ESS dans leurs documents stratégiques ;
encourager les coopérations entre les acteurs économiques d’un même territoire
en favorisant la structuration de dynamiques locales de développement de l’ESS
sous des formes souples.
Enfin le CESE appelle à mieux soutenir l’ESS par :
l’utilisation d’une partie de l’épargne règlementée et de l’assurance-vie, ainsi
que par la création de nouveaux effets levier grâce à la Banque publique
d’investissement ;
la mobilisation de tous les outils financiers solidaires ;
l’accès privilégié à la commande publique comme le permettent désormais les
textes communautaires ;
la sécurisation de la subvention comme modèle de financement des activités
associatives en clarifiant les relations contractuelles entre associations et
collectivités.
Économie à part entière, l’ESS s’affirme comme une économie d’utilité sociale au service de l’intérêt collectif et de la cohésion sociale. Forte de son poids économique et social, ainsi que des principes et valeurs qui la caractérisent, elle peut et doit contribuer à relever un certain nombre de défis auxquels notre pays est confronté.
Parmi ceux-ci, la transmission d’entreprises constitue un enjeu majeur pour le maintien et le développement des activités et des emplois dans les territoires. Pour le CESE, la formule de reprise par les salariés doit être considérée au-delà de la reprise d’entreprises en difficulté et constitue l’une des solutions à promouvoir face à l’enjeu national de la transmission d’entreprises saines. Le CESE fait des préconisations pour lever les obstacles les plus significatifs et mettre en place les mesures juridiques et financières de nature à encourager l’implication des salariés dans le processus de reprise-transmission.
Notre assemblée a également émis des recommandations en faveur du développement de l’ESS dans les territoires et de la structuration de ses acteurs, notamment au sein des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) dont les missions doivent être harmonisées. Les initiatives doivent être soutenues par une intégration de l’ESS dans les politiques économiques mises en oeuvre localement par les pouvoirs publics et une attention particulière portée au soutien à l’investissement des entreprises du secteur.
D’une façon générale, le CESE souhaite développer la connaissance du modèle de l’ESS. L’éducation et la formation sont des outils précieux pour que les préconisations du CESE puissent prendre toute leur envergure. Le CESE formule le souhait d’une meilleure prise en compte de l’ESS dans les parcours scolaires et éducatifs pour que les jeunes puissent être sensibilisés à la fois à l’entrepreneuriat et aux valeurs de l’ESS. Il est nécessaire de porter une attention particulière aux pratiques pédagogiques qui valorisent les réussites collectives et coopératives, et le goût d’agir ensemble.
www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2013/2013_05_economie_sociale_solidaire.pdf
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