Accueil > Développement soutenable > Politiques de transition écologique (...) > Chronique d’Adéquations sur la transition > Un nouveau projet de loi sur la biodiversité |
Un nouveau projet de loi sur la biodiversitéRéactualisé mars 2014 Lundi 6 janvier 2014, par |
Le gouvernement va soumettre au Parlement un projet de loi-cadre relative à la biodiversité avant l’été 2014. Le projet traite notamment de la création de l’Agence française pour la biodiversité [1], des espaces naturels et de la protection des espèces, des paysages.
Le projet de loi [2] prévoit la création d’une Agence française pour la biodiversité, annoncée depuis la première conférence environnementale de 2012 [3], et qui devrait être mise en place en 2015. Cette nouvelle Agence regroupera l’Agence des aires marines protégées, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), l’établissement public des Parcs nationaux de France et l’atelier technique des espaces naturels (organisme de formation), une partie de la Fédération des conservatoires botaniques nationaux et le service du patrimoine naturel du Muséum national d’histoire naturelle… Le budget de l’Agence pour la biodiversié sera de 200 millions d’euros et elle emploiera 1200 agent-es.
La loi ne comporte pas de nouveaux dispositifs contraignants pour faire respecter la biodiversité mais prévoit de nouveaux outils comme des « zones spéciales de conservation environnementale » permettant d’imposer des mesures de protection quand une espèce est en danger et un « régime d’autorisation » pour évaluer les projets d’infrastructures dans les zones côtières.
Une « servitude environnementale » est créée pour mettre en œuvre les « mesures de compensation » que devraient obligatoirement prévoir les porteurs de projets d’aménagement qui portent atteinte à l’environnement. Jusqu’à présent cette obligation (qui existe depuis près de 40 ans !) n’a jamais fonctionné. Un système de contrat pourrait être mis en place : pour « compenser » une infrastructure portant atteinte à l’environnement, une entreprise passerait un contrat par exemple avec un propriétaire foncier garantissant la protection d’un milieu pendant une quarantaine d’année. Ce « principe de compensation » qui monétarise des « services environnementaux » - au risque de créer des effets d’aubaine ou de rente - fait partie des mesures controversées et difficiles à concrétiser.
L’Agence pour la biodiversité constitue surtout un outil d’expertise pour les acteurs publics et privés. Les objectifs précis et quantifiés pour la biodiversité figurent déjà dans la Stratégie nationale pour la biodiversité [4], elle-même liée à la Stratégie européenne [5] et aux engagements internationaux de la Convention internationale pour la biodiversité [6]. La Convention européenne du paysage [7], qui vise à promouvoir la protection, la gestion et l’aménagement des paysages européens et d’organiser la coopération européenne dans ce domaine, est intégrée dans le projet de Loi.
Deux instances sont créées pour la « gouvernance » de la biodiversité. Un « comité national de la biodiversité » établit la concertation entre acteurs (collectivités, associations, professionnels du secteurs, Etat…), selon le modèle du comité national de l’eau. La composition du Conseil national de la protection de la nature [8] est modifiée pour que ses avis soient indépendants des parties prenantes (associations de chasseurs, de pêcheurs ou environnementales qui y siègent actuellement) avec des membres recrutés désormais dans les établissements publics et techniques et des personnes désignées en fonction de leurs qualités propres.
Le Comité national de la transition écologique (CNTE) [9], instance consultative qui rassemble des représentant-es des différentes familles d’acteurs (associations environnementales, syndicats, entreprises, collectivités territoriales, élu-es…) a rendu le 17 décembre 2013 un avis quasi unanime sur ce projet de loi sur la biodiversité.
Seul un syndicat (Force Ouvrière) et le collège des entreprises a voté contre. Le Medef, la CGPME, la FNSEA et les chambres d’agriculture ont en effet regretté « les insuffisances de la concertation et l’absence d’étude d’impact économique, social, fiscal des mesures proposées » [10].
L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) [11] reste en dehors de l’Agence de la biodiversité, malgré le plaidoyer des associations, ce qui constitue un signal peu encourageant - sauf pour les chasseurs actuellement majoritaires au conseil d’administration de l’Office, ce qui a été critiqué par la Cour des comptes en 2012 [12]. La moitié des constats d’infractions aux réglementations sur l’environnement est établie par l’ONCFS, d’où l’importance de l’enjeu...
Il y a pourtant urgence car l’érosion de la biodiversité constitue un des aspects majeurs de la crise écologique mondiale : 30 % des espèces végétales et animales pourraient avoir disparu d’ici 2050. En France, environ 60 000 hectares sont engloutis chaque année en raison de l’étalement urbain, de la construction de centres commerciaux, de routes, etc. Cela fait en moyenne l’équivalent d’un département tous les dix ans. 9 % du territoire est ainsi artificialisé et la tendance s’accélère, malgré les engagements pris lors du Grenelle de l’Environnement [13]. Espérons que la coordination de ces nouveaux dispositifs pour la biodiversité se fera et que des moyens financiers seront dégagés pour l’ensemble des missions, et particulièrement le contrôle et la police au niveau local et départemental. A ce propos le CNTE a appelé le gouvernement à ré-ouvrir le dossier de la fiscalité écologique…
[1] Lire le Rapport de préfiguration de l’Agence française pour la biodiversité, Ministère du développement durable, mars 2013
[2] Arnaud Gossement a publié sur son site un dossier complet Biodiversité : l’avant-projet de loi présenté au Conseil national de la transition écologique où l’on peut télécharger les textes.
[4] Voir la Présentation de la stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 sur le site du Ministère du développement durable
[5] Voir la présentation de la Stratégie de la biodiversité pour 2020 sur l’un des sites de l’UE
[6] Voir le texte de la Convention sur la diversité biologique.
[7] Voir la présentation de la Convention européenne du paysage sur le site du Conseil de l’Europe
[8] Voir la Présentation du Conseil National de la Protection de la Nature sur le site du Ministère du développement durable
[9] Voir la présentation duConseil national de la transition écologique sur le site du Ministère du développement durable
[10] Voir le communiqué commun La CGPME, la FNSEA le MEDEF et l’UPA votent contre l’avis du CNTE relatif au projet de loi sur la biodiversité.
[11] Site : www.oncfs.gouv.fr.
[12] Voir le texte du Référé Gestion de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage publié par la Cour des Comptes le 30 octobre 2012, notamment le point 4) : "Des pratiques contestables dans la gouvernance et dans le fonctionnement de l’établissement"
[13] Voir par exemple le dossier Etalement urbain et artificialisation des sols en France sur le site du Ministère du développement durable.