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En route vers la transition énergétique ?

Mercredi 26 août 2015, par Yveline Nicolas

La loi de programmation « relative à la transition énergétique pour la croissance verte » a été adoptée par l’Assemblée nationale en dernière lecture le 22 juillet 2015.


La loi a ensuite été validée le 13 août par le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par des sénateurs « Les Républicains » espérant la faire annuler pour vice de procédure. Le Conseil constitutionnel a néanmoins censuré trois articles concernant la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels, l’obligation de mettre en place des programmes de réduction des gaz à effet de serre dans la grande distribution et des dispositions sur le gaspillage alimentaire par les supermarchés. (Cf. ci-dessous ainsi que dans notre nouvelle chronique du 7 septembre 2015->http://www.adequations.org/spip.php?article2320])

Annoncée par le président de la République au début de son quinquennat, comportant 66 articles, la loi relative à la transition énergétique revient en gros aux propositions de départ, après d’interminables discussions :

- réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et division par quatre en 2050 ;
- réduction de moitié de la consommation énergétique finale en 2050 avec une étape de 20 % en 2030 ;
- baisse de la part des énergies fossiles de 30 % et utilisation des énergies renouvelables à hauteur de 32 % de la consommation d’énergie finale brute d’ici 2030 (23 % en 2020) et 40 % de la production d’électricité ; en 2030 les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ;
- réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici 2025 (actuellement cette part est de 75 %) avec un plafonnement de sa puissance à son niveau actuel de 63,2 gigawatts (GW).

Des acquis salués par de nombreux acteurs, tout en constatant que la concrétisation d’un nombre important de dispositions est laissée à des décrets d’application du gouvernement…

Un autre mauvais signe : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour la période 2016-2018, initialement prévue au 31 décembre 2015 et qui constitue l’outil essentiel pour la mise en œuvre des objectifs de réduction des énergies fossiles et d’augmentation des renouvelables par filières a été repoussée par le Sénat à de nouvelles discussions à partir de la fin de l’année !

En ce qui concerne le nucléaire, la loi demeure imprécise : elle ne prévoit pas explicitement la fermeture de la centrale de Fessenheim. En fait celle-ci n’interviendra que si l’EPR de Flamanville est mis en service, car EDF aura alors obligation de fermer des réacteurs de puissance équivalente.

Amendement plus positif (et passé contre l’avis du gouvernement) : le montant de la taxe carbone (« contribution climat-énergie » de la taxe intérieure de consommation) actuellement de 14,5 € la tonne passera à 56 € en 2020 et 100 € en 2030, permettant d’augmenter les taxes sur le fioul notamment – si validation par les lois de finances ultérieures.

Le gouvernement escompte la création de plus de 100 000 emplois en trois ans, notamment dans les transports propres, les énergies renouvelables, la filière déchet et le bâtiment. Ainsi la rénovation énergétique sera obligatoire pour tous les bâtiments privés résidentiels (500 000 unités par an au lieu des actuels 150 000) et les nouvelles constructions de l’Etat et des collectivités territoriales devront être « à énergie positive et à haute performance environnementale ». Un chèque énergie sera créé à partir de 2016, allant de 50 à 150 euros, pour aider les ménages les plus défavorisés à payer leur facture d’énergie. Par contre a été censuré l’article 6 sur la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels prévoyant un crédit d’impôt pour les particuliers égal à 30 % du montant des travaux pour les rendre plus économes en énergie. Le Conseil constitutionnel considère que le législateur n’avait pas suffisamment défini "les conditions et les modalités de l’atteinte que la disposition portait au droit de la propriété » en ne précisant pas "la portée de l’obligation", "les conditions financières de sa mise en œuvre" et "celles de son application dans le temps".

Concernant les transports, lors du renouvellement de leurs flottes de véhicules, l’Etat et les établissements publics devront choisir au moins 50 % de modèles à faibles émissions (10 % pour les taxis et les loueurs de voitures). Les entreprises d’au moins cent salariés élaboreront un plan de mobilité favorisant les transports en commun et le covoiturage.

D’une manière générale, c’est sur la stratégie nationale bas carbone (SNBC) qu’il faudra avoir l’œil : elle fixera par décret à la mi-octobre par périodes de cinq ans (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028) les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser dans les différents secteurs d’activité.

La stratégie nationale bas-carbone, instituée par l’article 173 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, définit la marche à suivre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle de la France et respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de moyen (budgets carbone) et long terme (objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et 75 % à l’horizon 2050 par rapport à 1990. Les budgets carbone déterminent les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser au niveau national. Ils seront fixés à l’avenir par période de 5 ans une décennie à l’avance afin de renforcer la visibilité sur les évolutions structurelles des émissions de gaz à effet de serre à moyen terme. Un projet de décret a été publié et est soumis à consultation du 27/08/2015 au 22/09/2015 pour définir la stratégie nationale bas-carbone et fixer les trois premiers budgets carbone pour les périodes 2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028. Voir sur le site des consultations publiques du ministère du développement durable

L’économie circulaire dans la loi

Un volet "économie circulaire" vise à limiter le gaspillage des ressources, notamment en diminuant de moitié d’ici à 2025 la quantité de déchets jetés en décharge. La mise à disposition des sacs plastiques à usage unique est interdite à compter du 1er janvier 2016, à l’exception, s’agissant des sacs autres que les sacs de caisse, des sacs compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. L’obsolescence programmée, définie comme « l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché visé à réduire délibérément la durée de d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement », devient un délit punissable d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende avec possibilité de porter ce montant à 5% du chiffre d’affaires réalisé en France.

La lutte contre le gaspillage alimentaire, à revoir
Un consensus existe sur l’aberration du gaspillage de denrée alimentaires encore comestibles, qui constitue le 3ème émetteur de gaz à effet de serre dans le monde. La FAO estime que 30 à 50% de la nourriture produite au niveau mondial est gâchée. En France, le gaspillage alimentaire est de l’ordre de 7 millions de tonnes de déchets (dont 750.000 tonnes par la distribution et les commerces). Les particuliers gaspillent encore plus que les grandes surfaces. Chaque français-e jette en moyenne 20 kg de déchets alimentaires par an, dont 7 kg de produits encore emballés ! Le coût moyen de ce gaspillage alimentaire est estimé à 400 euros par an pour une famille du quatre personnes.
Mais le Conseil constitutionnel a invalidé les dispositions visant à lutter contre le gaspillage alimentaire, telles que l’introduction d’informations sur la lutte contre le gaspillage dans le reporting des entreprises et celle de la prévention des déchets alimentaire dans le code de l’environnement, ou encore des sanctions aux grandes surfaces pratiquant la détérioration des invendus alimentaires encore consommables (jusqu’à 450 euros de contravention), l’obligation pour les enseignes de plus de 400 m2 à signer d’ici juillet 2016 une convention de dons alimentaires avec une association... Le retoquage de ces articles est dû au fait qu’ils avaient été ajoutés à la fin du processus d’examen du projet de loi, en deuxième lecture, alors que les amendements déposés en nouvelle lecture doivent être directement liés aux articles en discussion.
- Le ministère du Développement Durable a ensuite décidé de mener des concertations avec les représentants du secteur, qui ont abouti à une convention signée le 27 août avec la grande distribution (téléchargement ci-dessous), qui reprend les principaux éléments de l’article de la Loi : don des invendus des grandes surfaces de plus de 400m² à des associations conventionnées, interdiction de destruction des invendus alimentaires encore consommables, suppression des dates limites d’utilisation optimale sur certains produits de marque distributeur...
Il serait cependant préférable de légiférer pour s’assurer d’une réelle mise en oeuvre de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Ressources

- Texte de loi sur le site de l’Assemblée nationale et sur Légifrance
- Dossier législatif transition énergétique et croissance verte
- Avis du conseil constitutionnel
- Dossier sur "la transition énergétique pour la croissance verte" sur le site du ministère du Développement durable
- Une consultation publique est ouverte sur le décret relatif à la promotion de l’économie circulaire et à la prévention et à la gestion des déchets
- Une consultation publique est ouverte sur le décret relatif au Projet de stratégie nationale bas-carbone et de budgets carbone ; résumé de la stratégie nationale bas carbone (pdf 18 pages)
- Chiffres sur le gaspillage alimentaire ; Rapport Garot "Lutte contre le gaspillage alimentaire : proposition pour une politique publique" (pdf 52 p.)
- Convention d’engagement volontaire en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire par les distributeurs du secteur alimentaire. Télécharger (pdf 8 p.)

Annexe : objectifs figurant dans la loi

« Art. L. 100-1. – La politique énergétique :
I. – L’article L. 100-1 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« 1° Favorise l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte qui se définit comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, socialement inclusif, soutenant le potentiel d’innovation et garant de la compétitivité des entreprises ;
« 2° Assure la sécurité d’approvisionnement et réduit la dépendance aux importations ;
« 3° Maintient un prix de l’énergie compétitif et attractif au plan international et permet de maîtriser les dépenses en énergie des consommateurs ;
« 4° Préserve la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre et contre les risques industriels majeurs, en réduisant l’exposition des citoyens à la pollution de l’air et en garantissant la sûreté nucléaire ;
« 5° Garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources ;
« 6° Lutte contre la précarité énergétique ;
« 7° Contribue à la mise en place d’une Union européenne de l’énergie, qui vise à garantir la sécurité d’approvisionnement et à construire une économie décarbonée et compétitive, au moyen du développement des énergies renouvelables, des interconnexions physiques, du soutien à l’amélioration de l’efficacité énergétique et de la mise en place d’instruments de coordination des politiques nationales. »

II. – L’article L. 100-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 100-2. – Pour atteindre les objectifs définis à l’article L. 100-1, l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à :

« 1° Maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité et la sobriété énergétiques ;
« 2° Garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ;
« 3° Diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles, diversifier de manière équilibrée les sources de production d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale ;
« 4° Procéder à un élargissement progressif de la part carbone, assise sur le contenu en carbone fossile, dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies, dans la perspective d’une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d’autres produits, travaux ou revenus ;
« 5° Participer à la structuration des filières industrielles de la croissance verte ;
« 6° Assurer l’information de tous et la transparence, notamment sur les coûts et les prix des énergies ainsi que sur l’ensemble de leurs impacts sanitaires, sociaux et environnementaux ;
« 7° Développer la recherche et favoriser l’innovation dans les domaines de l’énergie et du bâtiment ;
« 8° Renforcer la formation initiale et continue aux problématiques et aux technologies de l’énergie, notamment par l’apprentissage, en liaison avec les professionnels impliqués dans les actions d’économies d’énergie ;
« 9°Assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins.

« Pour concourir à la réalisation de ces objectifs, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive. Est dénommé “territoire à énergie positive” un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale en réduisant autant que possible les besoins énergétiques et dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux. Un territoire à énergie positive doit favoriser l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement. »

(AN LD) III. – L’article L. 100-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 100-4. – I. – La politique énergétique nationale a pour objectifs :

« 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement ;
« 2° De réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030. Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel ;
« 3° De réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012, en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ;
« 4° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ;
« 5° De réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 ;
« 6° De contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction de la pollution atmosphérique prévus par le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques défini à l’article L. 222-9 du code de l’environnement ;
« 7° De disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilées, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes ;
« 8° De parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer à l’horizon 2030, avec, comme objectif intermédiaire, 50 % d’énergies renouvelables à Mayotte, à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane à l’horizon 2020 ;
« 9° De multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid à l’horizon 2030.

« II. – L’atteinte des objectifs définis au I du présent article fait l’objet d’un rapport au Parlement déposé dans les six mois précédant l’échéance d’une période de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-3. Le rapport et l’évaluation des politiques publiques engagées en application du présent titre peuvent conduire à la révision des objectifs de long terme définis au I du présent article. »

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