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Programme Genre et économie, les femmes actrices du développement

Le développement passe par le politique

Interviews réalisées entre 2010 et 2012 par Bénédicte Fiquet, Adéquations

Mardi 1er janvier 2013

Fatou Pouye, sénégalaise, est trésorière d’une organisation paysanne et personne ressource pour l’association Enda Pronat dans le domaine de l’agriculture saine et durable. Après avoir été appuyée dans le cadre d’une formation au rôle d’élue, elle est devenue conseillère rurale en 2010. Dans le cadre du programme Genre et économie, elle a été initiée à l’analyse genrée d’un budget, ce qui lui a permis de plaider en faveur de l’inscription d’une ligne budgétaire dédiée aux projets des groupements de femmes dans le PDC (Plan de développement communal).


Mots clés : formation au rôle des élu-es, développement, politique, besoins spécifiques des femmes, parité

«  Enda Pronat avait constaté qu’il y avait très peu de femmes dans les conseils ruraux. En partenariat avec le bureau de la coopération suisse, l’association a rassemblé plusieurs femmes pour nous former pendant trois mois à la bonne gouvernance et à la manière de communiquer pour faire campagne. Depuis, je sais communiquer quelque soit le milieu où je dois intervenir. J’ai appris à préparer mon message pour qu’il passe bien auprès de la base, à choisir des mots clefs autour d’un canevas bien précis. Cette formation m’a aussi donné le courage d’aller me battre, d’oser m’adresser aux décideurs et aux membres de la société civile qu’ils soient hommes ou femmes. Après les élections, nous avons sollicité Enda Pronat pour que tous les élus de notre Conseil Rural bénéficient de la formation sur la bonne gouvernance.

De la politique au développement

Avant ce qui m’intéressait, c’était travailler pour le développement. Etre élue, je n’y pensais pas, ce n’était pas pour moi. Mais depuis que je suis conseillère rurale, je suis très engagée parce que je vois que le développement et la politique vont ensemble. Ça me permet de faire remonter les problèmes de la base auprès des autres conseillers et du président du conseil rural, et de rapporter à la base ce qui vient d’en haut.

Notre rôle n’est pas facile. Et c’est encore plus difficile si tu n’as pas de moyens personnels. Il faut des moyens personnels pour aider les gens parce que les moyens alloués au conseil ne sont pas suffisants pour régler les problèmes qu’il est supposé régler. Certains conseillers ont du matériel agricole par exemple, qu’ils peuvent prêter pour les labours. Mais moi, je n’ai pas ces moyens là. Quand je veux aider les femmes à labourer leur champ, je dois réclamer au président. Et puis, comme conseillère, on te considère comme une grande dame et tu es sans cesse invitée à des cérémonies. Tu ne peux pas te défiler… Du coup, il faut que je me débrouille pour amener de l’argent là-bas… Ces cérémonies te font perdre beaucoup de temps aussi.

Une meilleure compréhension des besoins des femmes

En tant que conseillère, mon rôle n’est pas de régler uniquement les problèmes des femmes – je travaille pour les femmes comme pour les hommes - mais il est vrai que, nous les conseillères sommes plus attentives aux problèmes spécifiques des femmes que les conseillers. Quelques exemples : il y a des maternités dans certains villages qui sont bien équipées mais qui n’ont pas de clôture. Les hommes, ce n’est pas qu’ils s’en fichent, mais tout simplement ils n’y font pas attention, ils ne le voient pas. Tandis que nous en tant que femmes, nous savons que les femmes ont besoin d’intimité au sein de la maternité et qu’une clôture est nécessaire. C’est la même chose pour l’absence de blocs sanitaires dans certaines écoles. Ça ne gêne pas les conseillers, parce qu’en tant qu’homme ils se débrouillent debout dans un coin. Une femme, elle, a besoin de se cacher. La question de l’allègement des travaux domestiques, ce n’est pas non plus une question qui les intéresse parce que ces travaux ne reposent pas sur eux. C’est pourquoi finalement les élues finissent par se concentrer sur les problèmes spécifiques des femmes.

Une ligne budgétaire spécifique

Une de nos batailles a été de faire inscrire une ligne budgétaire dédiée à des subventions pour les groupements de femmes dans le PDC (Plan de développement communal). Dans le cadre du FSP, nous avions été renforcées pour analyser le budget et comprendre en quoi il profitait ou non aux femmes. Or à part une ligne consacrée à la « quinzaine de la femme » - qui est un événement auquel on n’accorde peu d’importance chez nous - les femmes ne bénéficiaient pas de fonds spécifique. Il y avait une ligne de subvention pour la jeunesse et le sport, une autre pour la subvention des enseignants ou encore pour la subvention au chef du village, mais rien pour les femmes. Il a fallu insister pour obtenir cette ligne budgétaire. En 2010, elle nous a été refusée. En 2011, nous avions invité des femmes non conseillères pour assister aux débats et faire le poids même sans prendre la parole. Finalement, il a fallu remettre ça l’année suivante pour que le conseil rural vote la ligne budgétaire « subventions pour les groupements de femmes ».

Depuis 2010, les listes aux élections du Conseil Rural doivent être paritaires. Notre prochain combat sera pour que les femmes candidates en 2014 ne figurent pas en bas des listes. Sinon, à quoi servira la parité ?

Maintenant que nous sommes sorties, nous sommes bien déterminées à ne plus rester derrière. Aux prochaines élections, nous allons nous battre pour que ce soit une femme qui soit la présidente du Conseil Rural  ».

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