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Guide « Pour la mise en oeuvre de la CIDE à partir de l’approche de genre »

Articles 37 & 40. Protection contre la torture et administration de la justice des mineur-es

Mercredi 19 août 2015


Les États parties veillent à ce qu’aucun-e enfant ne soit soumis-e à la torture ou à des peines dégradantes. Ils fixent un âge minimum de responsabilité pénale sachant que le recours à l’emprisonnement d’un-e enfant doit n’être qu’une mesure de dernier ressort, d’une durée aussi brève que possible et qu’il ne peut pas y avoir de condamnation à la peine capitale ou à l’emprisonnement à vie pour une infraction commise avant l’âge de dix-huit ans. Aucun-e enfant ne peut être privé-e de liberté de façon illégale ou arbitraire. Tout-e enfant suspecté-e, accusé-e ou emprisonné-e a le droit de garder le contact avec sa famille, de bénéficier d’une assistance juridique et d’un traitement digne facilitant sa réintégration. L’enfant privé-e de liberté doit être séparé-e des adultes (sauf si c’est contraire à son intérêt supérieur).


Peu de systèmes judiciaires répondent totalement aux normes internationales pour mineur-es.

Dans certains pays, l’arbitraire, la brutalité de la police et des conditions de détentions inhumaines sont monnaie courante. Selon une estimation très approximative, plus d’un million d’enfants seraient incarcéré-es, dont une majorité qui n’a pas été condamnée [1].

Certaines législations fixent un âge de responsabilité pénale (âge à partir duquel l’enfant rend compte de ses actes devant la loi) très bas. Il est de 7 ans à Singapour et en Suisse [2], de 8 ans au Botswana [3]... La loi peut aussi discriminer selon le sexe. En Iran par exemple, l’âge de la majorité pénale (âge à partir duquel l’enfant est traité-e en adulte) correspond à celui de la puberté fixé par le code civil, à savoir 9 ans pour les filles et 15 ans pour les garçons [4].

Comme pour la population adulte, la population des enfants ayant maille à partir avec la justice est massivement masculine et les filles inculpées le sont généralement pour des actes moins graves que les garçons. Aux Etats-Unis, en 2010, les filles représentaient 13 % des enfants détenu-es, elles étaient 5% au Sénégal en 2009 et 8 % en Australie en 2008 [5]. Les normes du genre induisent en effet davantage d’actes violents chez les garçons que chez les filles et « défier la loi » peut être perçu comme une preuve de virilité. Parfois aussi, comme le montre une étude en Grande-Bretagne, la justice est plus clémente envers les filles qu’envers les garçons [6].

Les filles, en revanche, courent davantage le risque d’être détenues pour outrage à la morale ou avoir tenté d’échapper au contrôle social. En Afghanistan, la plupart des filles emprisonnées ont été arrêtées pour « crimes moraux », beaucoup fuyant un mariage forcé ou des violences domestiques [7]. En Somalie, en 2008, Aisha Ibrahim Duhulow a été lapidée à 13 ans pour cause d’adultère, alors qu’elle avait été violée [8]. S’il n’existe pas de données globales sur les filles privées de liberté pour avoir recouru à une IVG, on sait que la criminalisation de l’avortement conduit des milliers de jeunes filles à prendre des risques considérables qui mettent leur vie en danger : avortement pratiqué sans garanties sanitaires, peur de se rendre à l’hôpital en cas de complications, etc. En Équateur, en 2011, plus de 4300 filles de 10 à 19 ans seraient mortes des suites d’un avortement clandestin [9].

Image extraite de No Burqas Behind Bars, un documentaire réalisé par Nima Sarvestani et Maryam Ebrahimi.
La plupart des adolescentes et des femmes détenues dans cette prison afghane
ont été condamnées pour crimes moraux. © Nima Film Sweden.

Par ailleurs, en raison même de leur petit nombre, les filles détenues sont davantage susceptibles de vivre des situations violant leurs droits que les garçons, car si dans le monde entier les prisons ou quartiers pénitenciers réservées aux femmes restent minoritaires, les lieux réservés aux mineures, sont quant à eux quasi-inexistants. Dans certains cas, les filles sont emprisonnées avec des garçons, voire des hommes, sur-exposées aux violences sexuelles – y compris de la part des agents de l’État -, sans aménagement et fournitures répondant à leurs besoins spécifiques en matière d’hygiène et de santé génésique. En Ouganda, dans le centre de réhabilitation national de Kampiringisa, il est courant qu’une à deux jeunes filles soient entourées de 20 à 30 garçons [10]. Quant à l’incarcération des mineures dans un quartier de femmes, comme cela se fait le plus fréquemment, elle ne permet pas de répondre à leurs droits en terme de séparation d’avec les adultes ou d’accès à l’éducation, aux formations professionnelles et aux loisirs. Le manque de lieux appropriés aux filles détenues et les inégalités de traitement entres délinquantes et délinquants qui en découlent s’observent dans toutes les régions du monde. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants le déplorait encore récemment pour l’Europe [11], ainsi que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour la France [12].

Prêter aux filles une attention particulière

« Les filles ne représentant qu’un petit groupe dans le système de justice pour mineurs et passant donc souvent inaperçues, une attention particulière doit être prêtée à leurs besoins particuliers, par exemple un passé de maltraitance ou des besoins spéciaux en matière de santé »

Observation générale n° 10 du Comité des droits de l’enfant, 2007 [13].


La question de la privation de liberté des enfants pose aussi celle des femmes incarcérées. S’il n’existe pas de règles internationales stipulant si et jusqu’à quel âge les enfants peuvent demeurer auprès de leur mère détenue, de nombreux pays ont légiféré en la matière. L’âge maximal est généralement fixé autour de deux ans (en France, il est de 18 mois) mais il peut aller jusqu’à 12 ans, comme au Mexique [14]. Là encore, y compris dans les pays les plus développés, les conditions en lieux de détention sont rarement réunies pour offrir aux enfants un environnement propre à leur épanouissement. Ainsi dans un avis de 2013 relatif aux jeunes enfants en prison et à leurs mères détenues en France, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté souligne l’absence de séparation systématique entre les quartiers mère-enfant et l’ensemble du lieu de détention, une promiscuité difficile à éviter dans les cours de promenade, des cours dédiées aux enfants faiblement équipées, des cellules parfois très exigües, la difficulté d’acheter ce qui est nécessaire à l’enfant, ce dernier n’étant pas à la charge de l’administration pénitentiaire, etc. « La détention des mères avec leurs enfants, affirme-t-il, n’est qu’un palliatif visant à concilier l’inconciliable : la présence d’un-e enfant auprès de sa mère et le caractère insupportable de la présence d’un jeune enfant en prison » [15].

Privilégier l’intérêt supérieur de l’enfant

« Les peines non privatives de liberté doivent être privilégiées, lorsque cela est possible et indiqué, pour les femmes enceintes et les femmes ayant des enfants à charge, des peines privatives de liberté étant envisagées en cas d’infraction grave ou violente ou lorsque la femme représente encore un danger et après la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ou des enfants (...) »

Extrait de la règle 64 des règles des Nations unies concernant le traitement des femmes détenues et les mesures non privatives de liberté pour les femmes délinquantes, 2010 [16].

Image extraite de No Burqas Behind Bars, un documentaire réalisé par Nima Sarvestani et Maryam Ebrahimi. Des enfants grandissent auprès de leur mère détenue dans cette prison de femmes afghane.
© Nima Film Sweden
 [17]

Ressources

Ensemble de règles minima des Nations unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 40/33 du 29 novembre 1985 : >>>>

Women in detention : a guide to gender-sensitive monitoring (Les femmes en détention : un guide pour la mis en œuvre de l’égalité des sexes) publication de Penal Reform International (PRI) and et de l’Association pour la Prévention de la Torture (APT) (en anglais, espagnol, géorgien et russe) : >>>>

Stoning : Legal or Practised in 16 Countries and Showing No Signs of Abating (Lapidation : légale ou pratiquée dans 16 pays et ne montrant aucun signe de ralentissement). Rapport de WLUML soumis au Secrétaire General des Nations unis sur la question de la peine de mort dans le cadre de la 27ème session du Comité des droits de l’homme, 2014 (en anglais) : >>>>



Cet article est extrait du Guide « Pour la mise en oeuvre de la Convention internationale des Droits de l’enfant à partir de l’approche de genre », réalisé par Adéquations en 2014. Présentation du Guide, accès au sommaire interactif et téléchargement du document : ici. Vue d’ensemble de la rubrique Projet Convention Internationale des Droits de l’Enfant : ici.

Notes

[1Progrès pour les enfants. Rapport de l’UNICEF, 2009 : >>>>.

[2La responsabilité pénale des mineurs, note de synthèse du Sénat : >>>>.

[3Campagne de CRIN contre les sentences inhumaines sur des enfants. Rapports en anglais : >>>>.

[4Campagne de CRIN contre les sentences inhumaines sur des enfants. Rapports en anglais : >>>>.

[5Neglected needs : Girls in the criminal justice system (Les besoins négligés des filles au sein du système de justice pénale) publication de Penal Reform International et du Groupe interinstitutions sur la justice pour mineurs présentant les problèmes spécifiques des filles confrontées au système de justice pénale et formulant des recommandations (en anglais) : >>>>.

[6Ibidem

[7I had to run away, The Imprisonment of Women and Girls for “Moral Crimes” in Afghanistan (J’ai du m’enfuir. Des femmes et des filles emprisonnées pour ‘crimes moraux’ en Afghanistan). Rapport de HRW, 2012 : >>>>, et Observations finales du Comité des droits de l’enfant sur l’Afghanistan, 2011 : >>>>.

[8Communiqué de presse d’Amnesty International : >>>>.

[9Rape Victims as Criminals, Illegal Abortion after Rape in Ecuador (Les victimes de viol comme criminelles, l’avortement illégal après un viol en Équateur). Rapport d’HRW, 2013 (en anglais) : >>>>.

[10Juvenil detention in Ouganda, Marianne Moore, 2010 (en anglais) : >>>>.

[11Norme du CPT, Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou des traitements inhumains ou dégradants, 2013 : >>>>.

[12Rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, 2013 : >>>>.

[13Extrait de l’Observation générale n° 10 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs (2007) : >>>>.

[14Les femmes dans les lieux de détention, article de Julie Ashdown et Mel James, 2010 : >>>>.

[15Avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatif aux jeunes enfants en prison et à leurs mères détenues. Publication au JO du 3 septembre 2013 : >>>>.

[16Ensemble des règles des Nations unies concernant le traitement des femmes détenues et les mesures non privatives de liberté pour les femmes délinquantes (dites Règles de Bangkok) adopté par l’Assemblée générale dans la cadre de sa résolution 65/229, du 6 octobre 2010 : >>>>.

[17Site du film No Burqas Behinds Bars : >>>>.

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