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Articles et points de vue sur genre et développement

Genre et développement durable, approches systémiques indissociables

Yveline Nicolas, coordinatrice d’Adéquations

Jeudi 21 janvier 2016


Les objectifs et les méthodes du genre et du développement durable sont intrinsèquement liés, questionnant la cohérence des politiques publiques et témoignant de l’importance d’un soutien aux initiatives des femmes.

La perspective de genre et celle du développement durable offrent de nombreuses convergences. Elles proposent une réflexion interdisciplinaire et systémique, analysant les relations et les impacts croisés entre les différentes composantes du développement humain  : le social, l’économie, la culture et l’environnement. L’approche de genre et celle du développement durable (dans son sens originel de « développement soutenable », c’està- dire viable, « supportable » par la planète) sont incompatibles avec une optique économiciste ou techniciste trop étroite. Les deux concepts et leurs expérimentations concrètes – car genre et développement durable s’appréhendent d’abord par les pratiques qu’ils génèrent – contribuent à faire évoluer la notion classique de développement, par exemple en préférant aux indicateurs de croissance des indicateurs* sensibles au genre, au « bienêtre  », à l’environnement, à l’utilité et à la rentabilité sociales. La question de la gouvernance est elle aussi au coeur des deux approches : démocratie, participation, empowerment* individuel et collectif, transformation de mécanismes institutionnels (intégration du genre dans les procédures budgétaires, fiscalité écologique…). Genre et développement durable interrogent les notions de « progrès », de résistance au changement, de positionnement des « parties prenantes », des acteurs et actrices.

Les liens qu’entretiennent genre et développement durable sont particulièrement observables en matière d’approche locale et d’articulation des échelles de territoires. Comment en effet envisager des plans de développement locaux, des agendas 21, des plans climat énergie, sans démarches de participation, diagnostics socio-économiques, indicateurs qualitatifs qui, pour refléter la complexité des relations sociales, doivent intégrer et concerner à égalité les femmes et les hommes ? Les deux approches nécessitent de relier le « développement local » aux multiples facteurs d’influence agissant aux niveaux meso et macro. En particulier, les femmes sont toujours concernées d’une façon ou d’une autre par des contraintes – ou des atouts – liés à des institutions, des normes coutumières ou religieuses, des caractéristiques du marché du travail ainsi que par des opportunités liées à des politiques plus globales (stratégies genre nationales, plans d’action pour transcrire des engagements internationaux sur les droits des femmes).

Partout dans le monde, et cela est flagrant dans les pays du programme Genre et économie, la division traditionnelle du travail place les femmes en première ligne en ce qui concerne la gestion des ressources naturelles, les déséquilibres environnementaux, les solutions à imaginer sans cesse, à transférer, à adapter.

Ainsi, les artisanes du Niger, utilisant la matière première locale ou sous-régionale, fabriquent des objets qui remplacent avantageusement ceux en plastique qui polluent l’Afrique, tout en préservant des savoir-faire et une diversité culturelle. Les restauratrices de rue au Burkina Faso nourrissent à des prix compétitifs les consommateurs et consommatrices des villes avec des produits locaux. Les femmes des coopératives de beurre de karité, de savon, de cosmétiques naturels concourent à conserver une ressource précieuse – malgré des relations de genre traditionnellement inéquitables dans ces filières de production, de transformation et de commercialisation. D’une manière générale, les expériences menées dans le programme Genre et économie ont montré la pertinence de s’appuyer sur des pratiques organisationnelles – coopératives, groupements, réseaux d’épargne – qui prennent en compte à la fois les aspects économiques, sociaux et environnementaux du développement. C’est le cas notamment pour le développement de l’agriculture agroécologique au Sénégal ou la conservation des produits locaux à potentiel nutritif comme les tomates.

Au moment où dans les pays riches, on (re)découvre l’importance des « circuits courts » et de la « relocalisation de l’économie », où en France une loi est votée sur l’économie sociale et solidaire, les initiatives des femmes du Sud montrent tout leur intérêt. Longtemps jugées marginales – et de ce fait réservées aux femmes – elles n’ont jamais bénéficié de soutiens tels que ceux apportés aux cultures d’exportation ou aux grandes infrastructures. Ces dynamiques partout à l’oeuvre constituent pourtant un potentiel énorme face aux chocs des crises économiques et écologiques. Elles constituent aussi une contribution à la réflexion et au nécessaire débat public sur le « droit au développement » et sur la nature de ce développement. Par exemple, certains obstacles à la rentabilité d’activités économiques de femmes ouest-africaines sont directement liés à des politiques mises en oeuvre dans d’autres régions du monde : exportations agricoles, extractivisme, exploitation de terres pour les agrocarburants, pêche intensive, spéculation sur les matières premières et les biens alimentaires, importation de ressources humaines de care

L’approche de genre questionne donc la cohérence des politiques et constitue un apport à l’élaboration de stratégies de développement durable au niveau national et international.

Encore faut-il que l’approche du développement local et durable, notamment dans le contexte de la décentralisation, de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique, de l’énergie durable, de la préservation de la ressource en eau, en biodiversité prenne en compte les réalités des rapports sociaux entre femmes et hommes. Et que des institutions ou des associations qui tirent la sonnette d’alarme sur la dégradation des ressources « naturelles » prennent conscience de la trop fréquente utilisation des femmes comme une ressource ! « Inépuisable », renouvelable et non monétarisée, cette « ressource énergétique » remplace là où elle fait défaut l’énergie motrice : corvée de bois et d’eau, transport à pied sur de longues distances, pilage des céréales, transformation alimentaire… Le travail gratuit des femmes et des filles se substitue aux carences des services publics (santé, éducation…). La pauvreté des femmes en temps est une dimension du (mal) développement dont il est impératif de tenir compte. Épuisement de la nature, épuisement des femmes, conflits liés aux ressources naturelles et augmentation des violences fondées sur le genre proviennent d’un mode de développement insoutenable.

Les institutions de développement font de la préservation de l’environnement un axe majeur. Ainsi 50 % des engagements de l’AFD doivent concourir à la lutte contre le changement climatique, le cadre d’intervention sécurité alimentaire met l’accent sur l’agriculture familiale et l’institution a adopté un Cadre d’intervention transversale (CIT) sur le genre. Pour atteindre ces objectifs, les décloisonnements sont plus que jamais pertinents. Les Nations unies ont adopté en septembre 2015 de nouveaux objectifs universels de développement durable (ODD) : espérons que l’approche de genre sera pris en compte de façon transversale dans la mise en oeuvre et les indicateurs, en cours de définition.

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