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Agriculture et alimentation, en crise ?

Jeudi 10 mars 2016, par Yveline Nicolas

Malgré la Loi d’avenir pour l’agriculture, les agriculteurs français sont confrontés à une crise, particulièrement dans le secteur du lait et de la viande.


La « Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt » adoptée en octobre 2014 est censée permettre « la mise en œuvre concrète de l’agro-écologie dans l’objectif d’une performance à la fois économique, environnementale et sociale de nos exploitations agricoles ». Le gouvernement se félicite que 81 % des mesures prévues ont déjà été prises début 2016, comme la création de 250 « Groupements d’intérêt économique et environnemental », collectifs d’agriculteurs s’engageant dans l’agro-écologie, qui bénéficient de majorations dans l’attribution des aides publiques.

Cela n’empêche pas le monde agricole français d’être en crise, avec des épisodes plus ou moins violents, comme au Salon de l’agriculture – dont la mascotte était « Cerise », d’une ancienne race aquitaine, et très peu représentative des vaches sélectionnées depuis trente ans pour leur productivité. De plus en plus de paysans et paysannes n’arrivent plus à vivre de leur travail, d’autant que la grande distribution s’est constituée en oligopole de quatre grands acheteurs (ITM-groupe Casino, Carrefour-Cora, Auchan-Système U et Leclerc). La fin des quotas laitiers a entraîné une augmentation de la production, dont l’exportation devient fortement dépendante d’un contexte extérieur incertain (embargo en Russie, contraction du marché en Chine). La Politique agricole commune, tout en continuant à subventionner les exploitations les plus grosses, diminue sa protection du marché européen et ses mécanismes de régulation, poussant à une libéralisation accrue des échanges, qui va permettre notamment la pénétration de produits des Etats-Unis de faible qualité. L’agriculture est dans une fuite en avant d’industrialisation massive, cause à la fois de nourriture toxique, de maltraitance animale – comme l’ont montré les récentes vidéos tournées dans des abattoirs - et de détresse sociale : avec un suicide tous les deux jours, les agricultaurs sont la catégorie sociale la plus touchée en France.

La concentration de la chaine agro-alimentaire va de pair avec une alimentation industrielle coûteuse en émissions de gaz à effet de serre et déséquilibrée par excès de sucre rapide et de produits animaux qui pourraient être remplacés par des légumineuses et des céréales.

D’où l’urgence d’encourager l’agriculture biologique (et paysanne) - d’autant que de nombreuses conversions d’élevages laitiers et de fermes céréalières ont montré leur meilleure résistance à la baisse des prix. Selon l’Agence Bio, les cultures certifiées bio en France atteignaient fin 2015 plus de 1,3 millions d’hectares, en hausse de 17,3% par rapport à 2014. Mais, même si la France est le troisième producteur bio européen (derrière l’Espagne et l’Italie et avant l’Allemagne), cela ne représente toujours que 5% de notre surface agricole utile (SAU). La loi Grenelle de l’Environnement de 2009 avait fixé un objectif de 20% des surfaces françaises en bio en 2020. Pourtant l’année dernière, le ministère de l’agriculture annonçait une diminution de 25 % de ses aides au maintien des fermes en agriculture biologique, puis reculait face aux protestations de la filière. Ce manque de vision à long terme rend difficile une politique agricole et alimentaire cohérente.

En Europe : concentration et difficultés pour les jeunes

D’après l’étude Eurostat de 2015, plus de 4 millions d’exploitations européennes ont disparu entre 2003 et 2013, au profit d’une concentration car la superficie des terres agricoles n’a pas varié.La France compte pour environ 16% des surfaces agricoles de l’Union européenne. De grandes disparités existent quant à la taille moyenne des exploitations : en 2013, elle est de 133 hectares en République tchèque, 93,6 hectares au Royaume Uni, 58,7 en France et en Allemagne, 6,8 en Grèce et 3,6 hectares en Roumanie. Une agriculture capitaliste se développe, avec l’achat de milliers d’hectares par des entreprises qui investissent notamment en Europe de l’Est. Mauvais signe pour l’avenir : les jeunes sont minoritaires. Les moins de 35 ans ne gèrent que 6 % des 10,8 millions d’exploitations européennes. 31 % sont gérées par des personnes d’au moins 65 ans et 25 % par des agriculteurs entre 55 et 65 ans.

Ressources

• Loi d’avenir : >>>>
• Les GIEE reconnus dans chaque région : >>>>
• Statistiques agricoles européennes : >>>>
• Agence bio : >>>>
• Loi Grenelle : >>>>

Annexe

LOI n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt

(extrait) « OBJECTIFS DE LA POLITIQUE EN FAVEUR DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION ET DE LA PÊCHE MARITIME »

« Art. L. 1.-I.-La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités :
« 1° Dans le cadre de la politique de l’alimentation définie par le Gouvernement, d’assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l’emploi, la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique ;
« 2° De développer des filières de production et de transformation alliant performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, capables de relever le double défi de la compétitivité et de la transition écologique, dans un contexte de compétition internationale ;
« 3° De soutenir le revenu, de développer l’emploi et d’améliorer la qualité de vie des agriculteurs et des salariés ainsi que de préserver le caractère familial de l’agriculture et l’autonomie et la responsabilité individuelle de l’exploitant ;
« 4° De soutenir la recherche, l’innovation et le développement, en particulier des filières de produits biosourcés et de la chimie végétale ;
« 5° De contribuer à la protection de la santé publique et de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses ;
« 6° De développer la valeur ajoutée dans chacune des filières agricoles et alimentaires et de renforcer la capacité exportatrice de la France ;
« 7° De rechercher l’équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée ;
« 8° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région ;
« 9° D’encourager l’ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits et le développement des productions sous signes d’identification de la qualité et de l’origine ;
« 10° De promouvoir l’information des consommateurs quant aux lieux et modes de production et de transformation des produits agricoles et agro-alimentaires ;
« 11° De promouvoir la conversion et le développement de l’agriculture et des filières biologiques, au sens de l’article L. 641-13 ;
« 12° De concourir à la transition énergétique, en contribuant aux économies d’énergie, au développement des énergies renouvelables et à l’indépendance énergétique de la nation, notamment par la valorisation optimale et durable des sous-produits d’origine agricole et agroalimentaire dansune perspective d’économie circulaire ;
« 13° De concourir à l’aide alimentaire ;
« 14° De répondre à l’accroissement démographique, en rééquilibrant les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale fondé sur le respect du principe de souveraineté alimentaire permettant un développement durable et équitable, en luttant contre la faim dans le monde et en soutenant l’émergence et la consolidation de l’autonomie alimentairedans le monde ;
« 15° De contribuer à l’organisation collective des acteurs ;
« 16° De développer des dispositifs de prévention et de gestion des risques ;
« 17° De protéger et de valoriser les terres agricoles.

« La politique d’aménagement rural définie à l’article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités.

« II.-Les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire.

« Ces systèmesprivilégient l’autonomie des exploitations agricoles etl’amélioration de leur compétitivité, en maintenant ou en augmentant la rentabilité économique, en améliorant la valeur ajoutée des productions et en réduisant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l’utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l’air, en maintenant leurcapacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils contribuent à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique.

« L’Etat encourage le recours par les agriculteurs à des pratiques et à des systèmes de cultures innovants dans une démarche agroécologique. A ce titre, il soutient les acteurs professionnels dans le développement des solutions de biocontrôle et veille à ce que les processus d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché de ces produits soient accélérés.

« L’Etat facilite les interactions entre sciences sociales et sciences agronomiques pour faciliter la production, le transfert et la mutualisation de connaissances, y compris sur les matériels agricoles, nécessaires à la transition vers des modèles agroécologiques, en s’appuyant notamment sur les réseaux associatifs ou coopératifs.

« III.-L’Etat veille, notamment par la mise en œuvre de ses missions régaliennes, à la sécurité sanitaire de l’alimentation.

« Le programme national pour l’alimentation détermine les objectifs de la politique de l’alimentation mentionnée au 1° du I du présent article, en prenant en compte notamment la justice sociale, l’éducation alimentaire de la jeunesse et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour assurer l’ancrage territorial de cette politique, il précise les modalités permettantd’associer les collectivités territoriales à la réalisation de ces objectifs. Il propose des catégories d’actions dans les domaines de l’éducation et de l’information pour promouvoir l’équilibre et la diversité alimentaires, les produits locaux et de saison ainsi que la qualité nutritionnelle et organoleptique de l’offre alimentaire, dans le respect des orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique.

« Le programme national pour l’alimentation encourage le développement des circuits courts et de la proximité géographique entre producteurs agricoles, transformateurs et consommateurs. Il prévoit notamment des actions à mettre en œuvre pour l’approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, notamment issus de l’agriculture biologique.

« Les actions répondant aux objectifs du programme national pour l’alimentation et aux objectifs des plans régionaux de l’agriculture durable, définis à l’article L. 111-2-1 du présent code, peuvent prendre la forme de projets alimentaires territoriaux. Ces derniers visent à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs et à développer l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation.

« Le Conseil national de l’alimentation participe à l’élaboration du programme national pour l’alimentation, notamment par l’analyse des attentes de la société et par l’organisation de débats publics, et contribue au suivi de sa mise en œuvre. Des débats sont également organisés, dans chaque région, par le conseil économique, social et environnemental régional, mentionné à l’article L. 4134-1 du code général des collectivités territoriales.

« IV.-La politique d’installation et de transmission en agriculture a pour objectifs :
« 1° De contribuer au renouvellement des générations en agriculture ;
« 2° De favoriser la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial et hors cadre familial ;
« 3° De promouvoir la diversité des systèmes de production sur les territoires, en particulier ceux générateurs d’emplois et de valeur ajoutée et ceux permettant de combiner performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, notamment ceux relevant de l’agro-écologie ;
« 4° De maintenir sur l’ensemble des territoires un nombre d’exploitants agricoles permettant de répondre aux enjeux d’accessibilité, d’entretien des paysages, de biodiversité et de gestion foncière ;
« 5° D’accompagner l’ensemble des projets d’installation ;
« 6° D’encourager des formes d’installation progressive permettant d’accéder aux responsabilités de chef d’exploitation tout en développant un projet d’exploitation, et de favoriser l’individualisation des parcours professionnels.

« Dans le cadre de cette politique, l’Etat facilite l’accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Il assure la formation aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de l’aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, de façon adaptée aux évolutions économiques, sociales, environnementales et sanitaires ainsi qu’au développement des territoires.

« V.-La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tientcompte des spécificités des outre-mer ainsi que de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ces territoires. Elle a pour objectif de favoriser le développement des productions agricoles d’outre-mer, en soutenant leuraccès aux marchés, la recherche et l’innovation, l’organisation et la modernisation de l’agriculture par la structuration en filières organisées compétitives et durables, l’emploi, la satisfaction de la demande alimentaire locale par des productions locales, le développement des énergies renouvelables, des démarches de qualité particulières et de l’agriculture familiale, ainsi que de répondre aux spécificités de ces territoires en matière de santé des animaux et des végétaux.

« VI.-La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tientcompte des spécificités des territoires de montagne, en application de l’article 8 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Elle reconnaît la contribution positive des exploitations agricoles à l’entretien de l’espace et à la préservation des milieux naturels montagnards, notamment en termes de biodiversité. Elle concourt au maintien de l’activité agricole en montagne, en pérennisant les dispositifs de soutien spécifiques qui lui sont accordés pour lutter contre l’envahissement par la friche de l’espace pastoral et pour la préserver des préjudices causés par les grands prédateurs.

« VII-La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tientcompte des spécificités des zones humides, en application de l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

« Art. L. 2.-La politique des pêches maritimes, de l’aquaculture et des activités halioalimentaires définie à l’article L. 911-2 du présent code concourt à la politique de l’alimentation et au développement des régions littorales, en favorisant la compétitivité de la filière et la mise sur le marché de produits de qualité, dans le cadre d’une exploitation durable de la ressource. »

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