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Témoignage de Benoit KermorgantLundi 12 septembre 2016 Benoit Kermorgant est sociologue, chargé de prévention contre les conduites sexistes, les violences sexuelles et les risques prostitutionnels à la délégation des Hauts-de-Seine du Mouvement du Nid. Dans une perspective d’intersectionnalité, il croise ici questions de genre, orientation sexuelle et classes sociales. |
Mots-clés : Intersectionnalité • genre • sentiment de choisir • notion du consentement mutuel
« Les jeunes qui reproduisent l’idéologie la plus patriarcale - idéologie qui prétend entre autres que les femmes doivent être mises à disposition des hommes - se rencontrent autant dans les banlieues défavorisées que dans les quartiers bourgeois. C’est dans les collèges et lycées de l’entre-deux, ceux qui réunissent classes moyennes et classes populaires, que l’on observe les relations les plus progressistes entre filles et garçons.
Souvent, dans les milieux précarisés, le virilisme n’est pas qu’idéologique. Beaucoup de jeunes sont confrontés très tôt à la violence physique et psychologique. Pour s’en sortir, je dirais presque pour "survivre", le modèle du dur, pour les garçons comme pour les filles, apparaît comme le plus protecteur si on ne veut pas être pris comme cible. Dans ce contexte, devenir un homme, ou une femme, est vécu par les jeunes comme une urgence et l’adolescence perçue comme une faiblesse, un truc quasi ringard de fils à papa timoré.
Dans mes interventions, je rencontre aussi des jeunes garçons plutôt sensibles au modèle de l’égalité femmes-hommes mais qui ont le sentiment que "ce n’est pas fait pour eux", qu’en raison de leur milieu ils auront peu de marge de manœuvre pour l’appliquer. C’est le cas de certains garçons de milieux très bourgeois, d’autres vivants en zone rurale ou issus de l’immigration. Ailleurs, la plupart des jeunes sont persuadés d’avoir librement choisi leur identité personnelle. Et ceux qui demeurent dans le système traditionnel s’estiment souvent subversifs, car ils croient que les valeurs progressistes sont devenues l’idéologie dominante.
Or pour reprendre le concept de performativité de Judith Butler, toute identité sexuelle, quelle qu’elle soit, se réalise par l’adoption, l’affichage, la répétition de certains comportements, valeurs et normes identifiées comme étant celles d’un groupe en particulier. Ainsi dans les milieux de la marge, gay, queer, transgenre, ou encore chez les "geek", les contraintes qui pèsent sur les jeunes pour être reconnu par le groupe de pairs sont aussi très fortes. D’où la pertinence de distinguer genre et orientation sexuelle. Ainsi tous les garçons de sexualité homosexuelle ne se reconnaissent pas dans l’identité gay.
Si la grande majorité des jeunes se prononcent en faveur de l’égalité femmes-hommes, c’est dans le domaine des relations amoureuses et sexuelles que garçons comme filles peinent le plus à la penser. La notion de consentement par exemple reste très floue pour la plupart d’entre eux. Il faut dire que dans l’esprit de beaucoup, la pornographie est pensée à tort comme une entrée en matière d’éducation à la sexualité. »