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Témoignage de Julien

Mercredi 14 septembre 2016

Julien est un ancien client de la prostitution, aujourd’hui engagé au Mouvement du Nid. Dans ces extraits d’un témoignage recueilli par Claudine Legardinier pour le magazine Prostitution et Société (numéro 155), il insiste sur le jeu de dupe et la violence que constitue une relation sexuelle tarifiée, déplore le manque d’éducation à la sexualité ...


Mots-clés : Ex client de la prostitution • ignorance de la sexualité féminine • prise de conscience

On ignorait ce qu’était la sexualité

«  J’ai un passé de marin. Je suis resté dans la Marine de 1975 à 1981 : une trentaine d’escales, une quinzaine de rencontres avec des personnes prostituées. (…)

A l’époque, pour un certain nombre de mes collègues comme pour moi, le niveau de connaissance de la sexualité féminine était voisin de zéro. On se laissait séduire par ces femmes. Elles étaient très fortes, très belles, et nous très naïfs. On oubliait que c’était des prostituées. On était vite rappelés à l’ordre : un quart d’heure, c’est tant. On se faisait piéger. Tout cela parce qu’on n’avait pas été éduqués. On ignorait ce qu’était la sexualité. (...)

Le monde de la prostitution est un monde clos qui enferme les prostituées mais aussi, d’une certaine façon, les clients qui y entrent. À l’intérieur, tout semble normal. Il faut vraiment une certaine volonté pour réaliser la réalité des situations qui y sont vécues. (…)

À Bombay, j’ai eu un choc terrible en passant dans un quartier où les femmes étaient dans des box avec des grilles, la rue des femmes en cages. Elles étaient prostituées pour la clientèle locale et pouvaient faire cent passes par jour. (...) Petit à petit, j’ai cessé "d’y aller", de consommer ces corps vides. Je ne me souviens pas d’un moment de rupture brutale mais d’une suite de prises de conscience. (…) Et puis les femmes ont toujours représenté pour moi un univers passionnant. J’ai voulu comprendre leur sexualité et je suis tombé sur le rapport Hite en 1977 [1]. Cette lecture m’a fait prendre conscience de l’importance du désir dans la sexualité.

Dans les années 90, j’ai rejoint Aide et Action, une ONG qui se consacre à l’éducation des enfants à travers le monde. J’ai rencontré des associations féministes, j’ai réfléchi au fait que la question des enfants était liée à celle de la condition des femmes. (…)

Je ne porte pas mon aventure dans la marine comme un fardeau. Je n’ai pas honte. Je veux juste témoigner du fait qu’à cette époque, rien ne nous dissuadait de devenir clients et que l’éducation ou la loi aurait pu nous éviter cette expérience désolante. Personne ne nous avait expliqué que notre désir, sans réciprocité, pouvait faire du mal. (…)

Cette ignorance, je la vois comme le résultat du fait que le plaisir a été monopolisé depuis des millénaires par le regard masculin (…). En réalité, beaucoup d’hommes sont mal avec ça. On n’est pas machiste de naissance. Le plaisir de sa partenaire est important pour l’épanouissement d’un homme.  »

Notes

[1Le rapport Hite, Une nouvelle interprétation de la sexualité féminine. Shere Hite, Paris, Laffont, 1977. (3000 femmes de 14 à 78 ans s’expriment sur leur vie sexuelle).

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