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Droits humains et genre dans l’exploitation minièreActualisé au 3 janvier 2025 Jeudi 5 septembre 2024, par L’extraction minière a d’abord porté sur les métaux, puis le charbon, le pétrole, le gaz à partir de la révolution industrielle en Occident. Un nouveau "boom minier" alimente les technologies développées dans le cadre des politiques de "transition énergétique ou écologique". Le modèle "extractiviste" classique se double donc d’un "extractivisme vert". |
L’extraction minière de métaux (or, cuivre, fer, pierres précieuses...) est une activité humaine très ancienne, dès la Préhistoire puis l’Antiquité. Elle prend des proportions énormes à partir de la révolution énergétique et industrielle en Occident, alimentée par l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz.
Un nouveau "boom minier" est en cours au niveau mondial, alimenté notamment par les politiques dites de "transition écologique" ou "énergétique" visant à répondre au réchauffement climatique sans renoncer au modèle économique dominant et au consumérisme. Les énergies renouvelables (éoliennes, panneaux solaires) ou stockables (hydrogène vert), la "dématérialisation" et les technologies numériques, l’intelligence artificielle, les batteries pour les véhicules électriques, drones, etc. nécessitent l’accès à des matières premières dites "critiques" (lithium, cuivre, cobalt, mica...), des minerais plus ou moins répandus ou présents dans des "terres rares" (et au fond des océans). Le modèle "extractiviste" classique se double d’un "extractivisme vert".
L’Afrique subsaharienne (notamment Centrale et Australe) est particulièrement concernée par ce boom minier car elle abrite 30 % des "minerais critiques" dans le monde (selon FMI) : colbat (dont les trois-quart de l’extraction mondiale proviennent de la République démocratique du Congo et sont presque entièrement exportés bruts vers la Chine), chrome, platine, manganèse (dont l’Afrique du Sud est le premier producteur), cuivre, titane, Coltan, tantale (notamment au Rwanda)...
Cet "extractivisme" est parfois qualifié de "post colonial", car il entraine, dans les pays les plus pauvres, de nouveaux dommages environnementaux et des atteintes aux droits humains, sans pour autant créer de richesses et d’emplois locaux en nombre, car la valeur ajoutée issue de la transformation des minerais bruts est captée par les pays occidentaux (et les pays émergents ; la Chine contrôle, par exemple, 60% de la production mondiale de lithium). Les entreprises minières paient en général peu d’impôts tandis que l’extraction et les filières commerciales des minerais alimentent également des trafics illégaux, la circulation d’armes, des conflits armés et transfrontaliers (République démocratique du Congo, Soudan...).
On distingue généralement l’exploitation minière artisanale et l’exploitation minière industrielle. L’exploitation artisanale (souvent de l’or), effectuée à 80% de façon informelle, constitue une ressource non négligeable pour des populations pauvres et précarisées, employant environ 45 millions de personnes dans 80 pays, dont 25% à 35% sont des femmes.
L’extractivisme minier a un impact sur les populations dans les territoires où les mines sont implantées et où les "fronts miniers" se développent parfois de façon très rapides, pour ensuite décliner et être abandonnés. Les impacts sont environnementaux, économiques, sociaux, culturels, etc. Ils touchent donc nécessairement aussi les rapports de genre et peuvent aggraver les inégalités entre femmes et hommes ainsi que les violences de genre, comme l’exploitation prostitutionnelle autour des chantiers.
Les femmes représentent environ un tiers de la main-d’œuvre de l’exploitation minière artisanale (dite "l’exploitation minière artisanale et à petite échelle" (EMAPE) dans le monde, qui fournit des minéraux essentiels aux technologies modernes et à la transition énergétique mondiale. En Afrique, on estime à 490 000 le nombre de femmes dans l’emploi minier formel (2020). Dans le secteur informel, 99% des travailleurs sont des femmes. Les creuseurs sont en majorité des hommes tandis que les femmes et les enfants sont employés à l’approvisionnement des chantiers, le transport de l’eau, le concassage, lavage et tamisage des minerais. D’une manière générale, les femmes effectuent les travaux les plus faiblement rémunérés, tandis que les postes d’extraction, de supervision ou la propriété de la mine sont l’apanage des hommes. Leurs faibles moyens les empêchent d’avoir des équipements de protection adéquats (ne serait-ce que des bottes et des gants), d’où des impacts délétères sur la santé. La double charge de travail des femmes (productif et reproductif) limite leurs opportunités de travail rémunérateur. Autour des mines se développent aussi différents services effectués, de vente alimentaire mais aussi domestiques, sexuels.
La pluriactivité est importante, en fonction des saisons agricoles, la mine représentant un complément de revenus, souvent indispensable et facteur d’amélioration des conditions économiques des ménages. D’un autre côté, les régions minières réduisent et éloignent l’accès aux terres agricoles ainsi qu’à l’eau potable dont les femmes dépendent, tout en favorisant la spéculation foncière et la hausse des prix des denrées alimentaires autour des mines. La diminution des ressources en bois et eau, surexploitées et/ou polluées par des produits chimiques d’extraction (notamment les rivières) contraignent les femmes et filles à de plus longues distances pour approvisionner les familles.
La discrimination fondée sur le genre, inscrite dans certaines lois minières, et le mépris de la santé, de la sécurité et de la protection sociale limitent les droits et les opportunités économiques des femmes travaillant dans les mines. Selon la Banque mondiale "Les mauvaises conditions de travail, l’insalubrité et la violence, ainsi que le travail domestique, ont un impact disproportionné sur la santé et les revenus des femmes travaillant dans les mines artisanales et à petite échelle, les reléguant à des rôles mal rémunérés et les exposant à un risque de décès 90 fois supérieur à celui des hommes." Des régulations ont été mise en place mais sont largement inefficaces. [2].
Le secteur des mines à grande échelle, qui emploie environ 21,4 millions de personnes, est masculinisé à 85% (OIT). Les femmes y sont extrêmement minoritaires en particulier dans les postes décisionnaires. [3]
D’une manière générales, les données sexuées restent parcellaires et seraient à développer. Selon le Rapport 2023 du Forum intergouvernemental sur l’exploitation minière, les minéraux, les métaux et le développement durable (IGF), "il n’existe pas d’évaluation systémique suffisante de la participation directe des femmes aux opérations minières par profession, niveau d’éducation et compétences par pays, sans parler de leurs conditions de travail ni de leurs salaires. Ce manque de données cohérentes et détaillées sur l’égalité des genres dans l’emploi minier est encore plus prononcé lorsque l’on recherche des données sur l’emploi indirect le long de la chaîne d’approvisionnement minière".
Différentes structures internationales ou locales traitent des enjeux "femmes, genre et mines". Certaines visant l’égalité de genre et l’entreprenariat féminin dans le secteur minier, la prise en compte de l’égalité femmes-hommes dans les lois et codes miniers, en lien avec des gouvernements et des institutions. D’autres ont une analyse très critique de l’impact du secteur sur les communautés et les femmes et visent à défendre leurs droits, tel WoMin Alliance en Afrique, qui diffuse des outils pédagogiques et d’autonomisation des femmes et des communautés autour du principe de Consentement préalable libre et éclairé et du Droit de dire non. (Cf. références ci-dessous). Les organisations de défense des droits humains pointent que le secteur minier est à l’origine de la majorité des conflits locaux et des atteintes aux défenseur-ses des droits, ainsi que de l’aggravation des violences sexuelles. [4]
Rapport sur la situation du secteur de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, 2023. State of the Artisanal and Small-Scale Mining Sector), En ligne
Le potentiel minier de l’Afrique : Panorama,enjeux et défis, AFD 2024
Alliance for Sustainable Mining
Transition minerals. Campagne et ressources de Global Witness
Bulletin Inter-Réseaux, juin 2024 (ressources sur l’artisanat minier en Afrique de l’Ouest)
Amérique du Nord : Western Mining Action Network
France : association SystExt (Systèmes Extractifs et Environnements) ; Publications "controverses minières"
Women and Mining African Alliance (WoMin)
Women on Mining and Extractives (WoME), Sierra Leone
Site web ressources (ONG, coopérations, recherche) : https://womenandmining.org/
International Women in Mining
Association of Women in Mining in Africa
Women in Mining, South Africa
Women in Mining, Sénégal
A guide to Gender and Mining. Issues, Actors and Initiatives, Women’Right and Mining et GIZ, 2024. Télécharger (anglais, 88 p.)
Le genre et l’exploitation minière artisanale et à petite échelle en Afrique centrale et de l’Est : bénéfices et barrières, ISID, 2017. Télécharger (70 p.)
Les femmes dans l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, au Rwanda, 2017 ; Contexte en Afrique Centrale et de l’Est, Women In/And Mining (WIAMO
Uncovering the Gender Data Gap in Mining Worldwide, International Women in Mining (IWiM) 2024
Genre et gouvernance minière, formation en ligne organisée par Learning for Nature (PNUD), 2022. En ligne
Lignes directrices pour l’intégration du genre dans le secteur minier, (Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs, 2022). Télécharger
Genre et gouvernance minière : Propositions d’orientation à l’attentation des décideurs. Intergovernmental Forum on Mining, IGF, mars 2021 Télécharger (pdf)
Intégrer l’égalité de genre et la fermeture des mines. Actions pour les gouvernements, IGF, 2023 Télécharger (pdf)
L’inégalité de genre est profondément ancrée dans
le secteur minier. Perspective de recherche, Responsible Mining Foundation, 2020. Télécharger (pdf, 11 p.)
Les femmes et la mine du futur, Rapport mondial, IGF (Forum intergouvernemental sur l’exploitation minière, les minéraux, les métaux et le développement durable (IGF), 2023. Télécharger (122 p.)
Les femmes dans l’industrie minière. Parvenir à l’égalité femmes-hommes, OIT, 2021. Télécharger (69 p.)
[1] "Entre 2000 et 2018, l’exploration et l’extraction minière ont causé 78 % des opérations de réduction ou de déclassement d’aires protégées dans le monde" https://reporterre.net/L-extraction-miniere-menace-fortement-la-biodiversite
[2] https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2024/02/05/world-bank-urges-action-for-gender-equality-in-artisanal-and-small-scale-mining
[3] Un exemple, le Sénégal, où les femmes occupent moins de 10% des emplois : https://keurmassaractu.com/mine-les-femmes-occupent-moins-de-10-des-emplois-au-senegal
[4] Quelques exemples : rapport d’Amnesty International "Rechargeons les batteries des droits humains. Classement des procédures de diligence requise en matière de droits humains des principaux constructeurs de véhicules électriques" https://www.amnesty.org/fr/documents/act30/8544/2024/fr/ ; "Le chef des droits de l’Homme de l’ONU dénonce l’exploitation illégale des minerais dans l’Est de la RDC https://news.un.org/fr/story/2024/10/1149526 ; Mines de cobalt : « BMW et Renault doivent protéger les droits humains » : https://reporterre.net/Mines-de-cobalt-BMW-et-Renault-doivent-proteger-les-droits-humains