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Nos terres, notre avenir : Lutte contre la désertification, COP 16

Actualisé au 13 décembre 2024

Samedi 19 octobre 2024, par Yveline Nicolas

Plus d’un milliard de personnes vivent dans des zones dégradées et menacées par la sécheresse. La seizième session de la Conférence des Parties (COP16) à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification s’est tenue du 2 au 13 décembre 2024 à Riyad, en Arabie Saoudite.



 Bilan de la COP16 sur la désertification

Si la seizième Conférence des Parties (COP16) à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) a attiré un peu plus l’attention, du fait que se tenaient cette fin d’année les trois Conventions environnementale "de Rio" (Climat, Biodiversité, Désertification), elle n’a débouché sur aucun accord sur un nouveau cadre mondial ou un protocole sur la lutte contre la désertification. Plus de 20 000 personnes, dont 3 500 issus de la société civile, y ont participé. La participation du secteur des entreprises a été plus forte que d’habitude.

L’hypothèse d’un protocole mondial contraignant, demandé notamment par le groupe des pays africains mais refusé par le groupe des pays occidentaux (et le groupe des pays d’Amérique Latine), au motif que la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification suffit et que la sécheresse est par ailleurs un enjeu transversal des négociations climat environnement, n’a pas abouti.

Le futur régime mondial de gestion de la sécheresse est donc officiellement reporté aux décisions de la COP17, prévue en 2026 en Mongolie.

Parmi les quelques acquis figure la création d’un organe spécifique pour représenter les peuples autochtones et pour les communautés locales. Des mentions ont été faite sur : l’importance du droit foncier ; celle du lien entre migration et dégradation des terres ; la priorité à "la restauration des terres et à la résilience face à la sécheresse dans les politiques nationales et la coopération internationale, en tant que stratégie essentielle pour la sécurité alimentaire et l’adaptation au changement climatique" ; la nécessité "d’accorder une attention particulière à toutes les formes de discrimination subies par les femmes et les filles lors de la conception et de la mise en œuvre de politiques et de programmes liés à la dégradation des terres et à la sécheresse".

Le rapport de la CNULCD « La menace mondiale des terres qui s’assèchent : Tendances régionales et mondiales de l’aridité et projections futures » indique que "77,6 % des terres de la planète ont connu des conditions plus sèches depuis les années 1990, par rapport aux 30 années précédentes. Pendant cette même période, les zones arides — des régions caractérisées par de faibles précipitations — se sont étendues d’environ 4,3 millions de km², soit une superficie presque un tiers plus grande que celle de l’Inde, le 7ᵉ plus grand pays du monde. Les zones arides couvrent désormais 40,6 % de toutes les terres de la planète, à l’exception de l’Antarctique".

L’enjeu central de la désertification reste le modèle agricole, puisque selon la Convention, "l’agriculture est responsable de 23 % des émissions de gaz à effet de serre, 80 % de la déforestation et 70 % de l’utilisation de l’eau douce".

- Déclarations et documents issus de la COP16
- Communiqué de bilan de l’ONU

 Introduction : la Convention pour la lutte contre la désertification

La notion de "désertification" fait l’objet de débats et de différentes définitions. Le processus en cours de désertification dû aux activités humaines ne doit pas être confondu avec l’existence des déserts, qui sont des écosystèmes spécifiques. Selon l’ONU, entre 2015 et 2019, 100 millions d’hectares de terres saines et productives, dont la formation nécessite des centaines d’années, ont été dégradées chaque année par les activités humaines. 40% des terres de la planète sont actuellement dégradées [1], entrainant une perte de la productivité parfois irréversible.Trois personnes sur quatre dans le monde devraient être confrontées à une pénurie d’eau d’ici à 2050. Un rapport coordonné par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) indique que les cours d’eau ont atteint en 2023 un niveau de sécheresse sans précédent depuis plus de trois décennies, annonçant "des perturbations inquiétantes des ressources en eau, alors que la demande ne cesse d’augmenter". [2]

Réchauffement climatique, érosion de la biodiversité et désertification entrent en interaction. Les sécheresses en sont un exemple, elles ont augmenté de près de 30 % depuis 2000, sous l’effet à la fois du réchauffement climatique et de l’érosion des sols. La dégradation des terres en zone sèche est indissociable de la crise climatique (le CO2 n’est plus stocké dans les sols) et de la perte de biodiversité. Si l ’Afrique est le continent le plus touché, la désertification ne concerne pas que les pays pauvres ou "désertiques" : le Sud de l’Europe (Espagne, Italie...), l’Australie, les Etats-Unis, etc. sont également directement touchés. Au moins 170 pays dans le monde sont concernés par la dégradation des terres et/ou la sécheresse.

En 2024, la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), moins connue que les deux autres conventions internationales issues du Sommet de la Terre en 1992 (climat, diversité biologique) fête son trentième anniversaire. (2024 est aussi l’année de la COP16 sur la Biodiversité et de la COP29 sur le climat).

La Convention des Nations unies sur la Lutte contre la désertification (CNULCD) donne la définition suivante : « la dégradation désigne des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines. » [3]

Les 169 pays parties à la CNULCD qui se déclarent affectés par la désertification élaborent des Plans d’action nationaux (des indicateurs d’évaluation et de suivi ont été définis) et des objectifs volontaires pour restaurer les terres dégradées. La France ne s’est pas déclarée "affectée par la désertification" selon les termes de la Convention, mais les impacts très forts des changements climatiques, dont l’aridification de certains sols, pourraient l’amener à reconsidérer sa position à l’avenir.

Le Cadre stratégique 2018-2030 de la Convention comporte cinq objectifs stratégiques (OS) :
- OS 1 : Améliorer l’état des écosystèmes touchés, lutter contre la désertification et la dégradation des terres, promouvoir une gestion durable des terres et faciliter la neutralité en matière de dégradation des terres.
- OS 2 : Améliorer les conditions de vie des populations touchées.
- OS 3 : Atténuer les effets de la sécheresse, s’y adapter et les gérer afin de renforcer la résilience des populations et des écosystèmes vulnérables.
- OS 4 : Améliorer l’environnement dans le monde par une mise en œuvre efficace de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification.
- OS 5 : Mobiliser des ressources financières et non financières substantielles et supplémentaires pour appuyer la mise en œuvre de la Convention en nouant des partenariats efficaces aux niveaux mondial et national.

La "neutralité en matière de dégradation des terres" est un objectif central de la Convention. Il s’agit de préserver la base de ressources terrestres en assurant l’absence de perte nette de terres saines et productives par une combinaison de mesures qui évitent, réduisent et inversent cette dégradation. La neutralité a été adoptée comme cible de l’objectif de développement durable n° 15 (cible 15.3, restaurer 1,5 milliard d’hectares de terres dégradées d’ici 2030). Il s’agit également d’un moyen pour atteindre l’ODD 1 (lutte contre la pauvreté), l’ODD 2 (faim zéro), 6 (eau et assainissement, 15 (vie terrestre), 13 (climat). L’Objectif de développement durable "Vie terrestre" vise à protéger et restaurer les écosystèmes terrestres, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, stopper et d’inverser la dégradation des sols et enrayer la perte de biodiversité.

Une "Décennie des Nations unies pour les déserts et la lutte contre la désertification" (2010-2020) visait à prévenir, inverser les processus de dégradation des sols et restaurer les écosystèmes. La Journée mondiale contre la désertification et la sécheresse a lieu chaque année le 17 juin.

Lancée lors de la COP27 climat, l’Alliance Internationale pour la résilience face à la sécheresse, coprésidée par l’Espagne et le Sénégal rassemble 35 Etats et 28 organisations internationales (comme la Commission du climat pour la région du Sahel (CCRS), la Commission centraméricaine pour le climat et l’environnement (CCAD), l’Institut international de gestion de l’eau (IWMI), etc.)

 La COP 16 du 2 au 13 décembre 2024

La 16e conférence des Parties de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) se tient du 2 au 13 décembre 2024 à Riyad, en Arabie saoudite

Selon l’ONU, la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) est "une convention axée sur les personnes, où la société civile et les peuples autochtones, les agriculteurs et les scientifiques, les femmes et les jeunes, les autorités locales et le secteur privé peuvent s’unir pour soutenir une gestion durable des terres".

Lors de la COP16 de la CNULCD), les Etats devraient décider des actions collectives pour  :
- Accélérer la remise en état des terres dégradées d’ici 2030,
- Renforcer la préparation, la réaction et la résilience face à la sécheresse,
- Veiller à ce que les terres continuent d’apporter des solutions en matière de climat et de biodiversité,
- Renforcer la résilience face à la recrudescence de tempêtes de sable et de poussière,
- Développer la production alimentaire en respect avec la nature,
- Renforcer les droits fonciers des femmes pour faire progresser la restauration des terres,
- Promouvoir l’engagement de la jeunesse, y compris en matière d’emplois jeune décents basés sur la terre.

La mise en oeuvre du cadre stratégique 2018-2030 de la CNULCD visant à atteindre la "neutralité de la dégradation des terres" (NDT) d’ici 2030 doit être évalué, sur la base de trois indicateurs : la productivité primaire, la couverture des sols, le stock de CO2 dans les sols. Les Etats signataires de la convention produisent un rapport de suivi tous les quatre ans. Le concept de neutralité en matière de dégradation des terres de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification figure également dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (les ODD).

A l’agenda de la COP16 figure la question des systèmes agricoles et alimentaires, indissociable du maintien de sols productifs. Fait positif, l’agroécologie est de plus en plus mentionnée dans les textes comme une solution pour la résilience et la durabilité.

A l’occasion de la COP16 désertification, le « One Water Summit », co-organisé par la France, le Kazakhstan et la Banque mondiale, en partenariat avec l’Arabie saoudite le 3 décembre, souhaite préparer la conférence des Nations unies sur l’eau en 2026. La Coalition Eau déplore qu’un enjeu aussi vital soit traité aussi rapidement et sans réelle participation des associations de la société civile, au moment où 2,2 milliards de personnes restent privées d’accès à l’eau potable et 3,4 milliards d’accès à l’assainissement. [4]

Les questions de genre figurent aux discussions des COP Désertification. Un Plan d’action genre accompagne la mise en œuvre du cadre stratégique 2018-2030. (Cf. ci-dessous)

 Femmes, genre et désertification

Dans les pays pauvres, la désertification aggrave la situation de précarité des paysan-nes et la surcharge de travail des femmes et les filles, d’autant qu’elles subissent des violences et des discriminations sur leurs droits fonciers (au niveau mondial, elles constituent moins de 20% des propriétaires de terres). Or une grande partie d’entre elles aux Suds et notamment en Afrique vivent d’activités agricoles, pastorales et forestières et sont particulièrement dépendantes des ressources naturelles (eau, bois énergie, plantes, etc.).

Mais les femmes sont également vectrices du changement, porteuses de connaissances spécifiques et jouent un rôle central dans l’utilisation et l’entretien des ressources en terres.

C’est pourquoi la Convention sur la désertification reconnaît l’importance des femmes dans la mise en œuvre de la CNULCD, identifiant trois domaines stratégiques de leur engagement : (i) la sensibilisation et la participation à la conception et à la mise en œuvre des programmes ; (ii) les processus de prise de décision que les hommes et les femmes adoptent au niveau local dans la gouvernance du développement, la mise en œuvre et l’examen des programmes d’action régionaux et nationaux (PAR et PAN) ; (iii) le renforcement des capacités, l’éducation et la sensibilisation du public, en particulier au niveau local grâce au soutien d’organisations locales.

Les enjeux de genre sont à l’agenda depuis 1998, à commencer par la demande d’une représentation équitable des femmes et des hommes dans les processus de la Convention. Puis à partir de 2011, les Etats parties à la Convention ont convenu d’un cadre politique pour la promotion du genre, et demandé l’intégration des questions d’égalités entre les sexes dans tous les travaux de la Convention et à tous les niveaux.

Un Plan d’action genre a été adopté en septembre 2017 pour accompagner la mise en œuvre du cadre stratégique 2018-2030 de la Convention Désertification. Télécharger en français

Un travail est en cours à la CNULCD, en partenariat avec le réseau international World Overview of Conservation Approaches and Technologies (WOCAT), sur les méthodologies et pratiques sensibles au genre de gestion soutenable des terres (Sustainable Land Management).

Publié par la CNULCD et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à l’occasion de la Journée internationale des femmes rurales (15 octobre, thème 2024 "Femmes rurales cultivant de bons aliments pour tous"), un rapport "Solutions dirigées par des femmes pour la résilience face à la sécheresse"appelle à une meilleure reconnaissance et à un soutien accru aux efforts menés par les femmes pour protéger les communautés vulnérables des effets dévastateurs de la sécheresse. Il souligne que les droits fonciers des femmes sont essentiels à la sécurité alimentaire.

 Ressources documentaires

- Document de présentation de la COP16 sur la Lutte contre la déserfication, ONU Télécharger
- Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification
- Rubrique CNULCD de la COP 16
- [Site web de la présidence COP 16 Ryad https://www.unccdcop16.org/]
- Cadre stratégique CNULCD 2018-2030. Télécharger
- Suivi de l’évaluation à mi-parcours du Cadre stratégique de la Convention (2018-2030), ONU juillet 2024 Télécharger
- Décennie des Nations unies pour les déserts et la lutte contre la désertification
- Alliance Internationale pour la résilience face à la sécheresse. Site web
- Comité scientifique français de la désertification (CSFD)

Ressources documentaires genre et désertification

- Enjeux de genre à la CNULCD
- Plan d’action genre CNULCD. Télécharger en français ; Télécharger en anglais
- Actualités et bonnes pratiques genre et désertification
- Processus Gender-responsive Sustainable Land Management, WOCAT et UNCCD. Questionnaire sur les Technologies GDT Sensible au Genre En différentes langues

Notes

[1soit 5,2 milliards d’hectares sur 13 milliards.

[3La définition de ces zones bioclimatiques est basée sur la valeur du rapport entre le total annuel des précipitations (P) et la valeur annuelle de l’évapotranspiration potentielle (ETP). Le programme des Nations unies pour l’Environnement définit les zones sèches ayant des valeurs comprises entre 0,05 < P/ETP < 0,65. Les zones hyper-arides (P/ETP < 0,05) considérées comme désertiques ne sont pas prises en compte.

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