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Interview : les violences sexuelles comme arme de guerre

août 2009

Les femmes sont de plus en plus victimes des conflits armés. Or, une vraie volonté politique pourrait changer la donne. Yveline Nicolas* analyse l’évolution de ces violences faites aux femmes et nous donne un éclairage sur les mesures prises pour lutter contre ces atteintes.
Interview paru dans "Faim et Développement Magazine" N°241 / juin-Juillet 2009


Les violences spécifiques subies par les femmes pendant les conflits armés empirent-elles ?

Les violences envers les femmes pendant les conflits armés ont toujours existé. Depuis longtemps les viols sont assimilés au pillage, le corps des femmes - perçu comme partie du territoire conquis - est alors considéré comme un butin de guerre. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les viols commis par les Russes entrant en Allemagne et les Américains en France restent encore tabous, comme ceux commis par les Français pendant la guerre d’Algérie. L’invasion de la Chine par l’armée japonaise en 1937 marque un tournant, puisque les femmes, qu’on appellera « les femmes de réconfort » sont alors soumises à un véritable esclavage sexuel, une pratique qui tend à se répandre aujourd’hui dans les conflits. Plus récemment, les violences « sexo-spécifiques » sont devenues une véritable tactique de guerre. Au Rwanda , violer les femmes visait aussi à propager le Sida chez l’ennemi. En Bosnie, les grossesses forcées participaient de l’épuration ethnique. Actuellement en République Démocratiques du Congo, les viols s’accompagnent de tortures et de meurtres. Les ravages sont tels que des associations parlent de « gynocide ». Aujourd’hui 80% des victimes des conflits armés sont des civils dont une majorité de femmes et d’enfants.

Les textes internationaux et européens visant les femmes en temps de conflits armés ont-ils un impact ?

Il existe de nombreux textes. A commencer par ceux des tribunaux internationaux (Yougoslavie, Rwanda, Sierra Léone) et ceux de la Cour Pénale Internationale, qui désignent les violences sexuelles comme « arme de guerre », « arme de génocide » ou « crime contre l’humanité » et dont les condamnations font jurisprudence. Le premier impact de ces textes est donc la reconnaissance des mesures contre l’impunité : la possibilité de juger et de condamner. Soulignons aussi deux résolutions de l’ONU. La résolution 1325 adoptée en octobre 2000 affirme la nécessité d’intégrer les femmes dans les processus de prévention des conflits, de désarmement, de reconstruction et de maintien de la paix. La résolution 1820 adoptée en juin 2008 qui considère, quant à elle, les violences sexuelles comme une arme de guerre, menaçant la paix et la sécurité mondiale. Elle autorise donc l’intervention du Conseil de Sécurité des Nations unies via le recours à la force, de la création d’un tribunal ad hoc ou encore des sanctions ciblées. Elle précise en outre que ces violences sexuelles ne peuvent être amnistiées. Ces résolutions trop jeunes pour avoir produits de réels effets représentent néanmoins des outils de plaidoyer précieux dont les ONG devraient se saisir.

De quelles marges de manoeuvre disposent l’Union Européenne et ses membres pour agir ?

C’est une question de volonté politique. Ils peuvent user de pressions diplomatiques à l’encontre des pays qui tolèrent ces crimes et conditionner l’aide au respect du droit international. Ils peuvent également mettre en pratique leurs engagements pour une plus grande parité au sein de forces d’interposition. Au niveau de l’ONU, conformément à l’esprit de la résolution 1325, un contingent de 500 femmes casques bleus – des policières - a été envoyé au Libéria en 2007. Il est clair que les femmes victimes de violences sexuelles demanderont de l’aide plus facilement à une autre femme qu’à un homme. Pendant la période de reconstruction, il faudrait aussi que l’aide des bailleurs européens transite davantage par les associations locales de femmes qui travaillent à la prise en charge sanitaire des victimes et à faire valoir leurs droits. Enfin les gouvernements européens pourraient accorder plus facilement le statut de réfugiée aux femmes victimes de violences « sexospécifiques »


Propos recueillis par Bénédicte Fiquet

*Auteure du rapport de la présidence française de l’Union européenne sur les femmes et les conflits armés, Yveline Nicolas est aussi coordinatrice de l’association « Adéquations ».

- Faim et développement magazine est une revue du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD)

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