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Mercredi 24 avril 2024

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Présentation succincte de onze notions-clés de la pensée de Jung

2008, par Anna Griève


Plusieurs notions clés de la pensée de Jung apparaissent tout au long des ouvrages d’Anna Griève. Il a semblé utile d’en préciser ici le sens.
Ces notions clés se retrouvent notamment dans le récent ouvrage publié par Anna Griève : Les Trois corbeaux, ou la science du mal dans les contes merveilleux, Editions Imago, février 2010.

 5) Compensation

Dans les définitions 10 (Compensation) et 30 (Inconscient) du chapitre XI des Types psychologiques, Jung écrit qu’« entre le processus conscient et le processus inconscient il existe un rapport de compensation » (pages 448 et 449). Il définit la compensation comme "une équilibration fonctionnelle, une sorte d’autorégulation de tout l’appareil psychique", qui corrige ainsi, ou tente de corriger "l’exclusivisme de l’attitude générale dû aux fonctions conscientes" (pages 417 et 418). Mais cette correction est loin de réussir dans tous les cas : "La fonction compensatrice de l’inconscient se manifeste d’autant plus clairement que l’attitude consciente est plus unilatérale. La pathologie en donne de nombreux exemples" (page 449). En effet si, "à l’état normal, la compensation est inconsciente", c’est-à-dire si "elle régularise inconsciemment l’attitude consciente", il en va tout autrement "dans la névrose", car alors "le contraste entre le conscient et l’inconscient est si violent que la compensation en est troublée. Aussi la thérapeutique analytique cherche-t-elle à rendre conscients les contenus inconscients pour rétablir ainsi la compensation" (pages 418 et 419).

 6) Archétypes de l’anima et de l’animus

L’anima est une image innée de la femme chez l’homme, l’animus une image innée de l’homme chez la femme. Dans le choix de textes de Jung publié sous le titre L’Ame et la vie (Buchet-Chastel, 1963), l’image innée de la femme chez l’homme est présentée comme "un conglomérat héréditaire inconscient … de toutes les expériences de la lignée ancestrale au sujet de l’être féminin, résidu de toutes les impressions fournies par la femme, système d’adaptation psychique hérité" (page 154). Il en va évidemment de même, mutadis mutandis, de l’animus.

Comme pour l’archétype du Soi, Jung souligne à maintes reprises que l’anima et l’animus ne sont pas des "notions métaphysiques", mais des "données empiriques que l’on parvient, au prix de grandes difficultés, il est vrai, à exprimer en langage rationnel et abstrait" (Dialectique du moi et de l’inconscient, page 229). "L’idée d’anima, écrit-il dans Les Racines de la conscience, est une pure notion d’expérience qui n’a d’autre but que de donner un nom à un groupe de phénomènes apparentés ou analogues", il ne s’agit en rien "d’une invention théorique ou – pis encore – d’une pure mythologie" (page 65). S’élevant contre toute interprétation en quelque sorte idéologique de ce qu’il entend par "anima", il insiste quelques pages plus loin : "Cette expression veut caractériser quelque chose qui ne saurait être confondu avec aucune notion chrétienne et dogmatique de l’âme, ni avec aucune des idées philosophiques de l’âme élaborées jusqu’à présent".

Les images de l’anima et de l’animus changent de "porteurs" et donc évoluent de l’enfance à la maturité : "La mère est la première à porter l’image de l’anima, qui lui confère un caractère fascinant aux yeux de son fils. Cette image est ensuite transférée, via la sœur et autres figures semblables, à la femme aimée" (Psychologie et alchimie, page 97, note 27). La plupart du temps, lorsque Jung parle de l’anima, il s’agit de l’image de la femme comme amante-épouse, clairement différenciée de celle de la mère, c’est-à-dire de l’archétype maternel. "Dans la psyché masculine", l’archétype de l’anima "est toujours d’abord contaminé par l’image de la mère" (Les Racines de la conscience, page 98). Dans la psyché féminine l’animus, inversement, est contaminé par l’image du père.

L’animus et l’anima ont une fonction de compensation (voir définition précédente) : "L’anima compense le conscient masculin. Chez la femme … l’élément de compensation revêt un caractère masculin, et c’est pourquoi je l’ai appelé l’animus (Dialectique du moi et de l’inconscient, page 214). Contenus inconscients d’une grande puissance énergétique, l’animus et l’anima sont des complexes dont le degré d’autonomie varie avec la distance qui sépare le conscient et l’inconscient. Si cette distance est très grande, le conscient est, selon ce qui est compensé, soit entièrement fasciné par une figure d’anima ou d’animus ressentie comme merveilleuse, sublime etc…, soit au contraire effrayé par une figure d’anima ou d’animus ressentie comme mauvaise, perverse, moralement inférieure. La fonction compensatrice de l’animus ou de l’anima étant alors "troublée" (voir définition précédente), un travail de prise de conscience de leurs contenus devient nécessaire. Si ces contenus « ne sont pas intégrés et "réalisés" par le sujet, il s’ensuit une activité négative … de l’anima et de l’animus. De là résultent des anomalies psychiques … dont la gravité peut aller à tous les degrés … quelque chose d’inconnu s’est approprié une part plus ou moins considérable de la psyché. Ce quelque chose d’inconnu impose imperturbablement son existence, au premier abord nocive et repoussante, contre … les plus grands efforts de bonne volonté, de compréhension, d’énergie et de raison, démontrant ainsi la puissance des plans inconscients de l’être en face du conscient : on ne saurait trouver de meilleure expression que le mot "possession" » (Dialectique du moi et de l’inconscient, pages 264 et 265).

La confrontation avec les figures intérieures qui personnifient l’anima ou l’animus permet l’intégration de leurs contenus. Ce travail de confrontation attire l’attention sur les différences entre anima et animus. "On serait peut-être tenté de supposer que l’animus, sur le mode de l’anima, se personnifie sous les traits d’un homme" (Dialectique du moi et de l’inconscient, page 218). Mais il n’en est rien : "Si, chez l’homme, l’anima apparaît sous les traits d’une femme, d’une personne, chez la femme l’animus s’exprime et apparaît sous les traits d’une pluralité" (Ibid.). D’autre part, "alors que l’anima est la source d’humeurs et de caprices, l’animus, lui, est la source d’opinions … acerbes et magistrales" (page 217). Jung interprète ces différences comme des compensations de l’attitude et de l’existence conscientes, les femmes, davantage tournées vers la famille, accordant le plus grand intérêt et la plus grande importance aux "interrelations personnelles" dont les "nuances infinies … échappent en général à l’homme", alors que ceux-ci, davantage tournés vers le monde extérieur, accordent intérêt et importance avant tout aux "données ou rapports objectifs" (pages 217 et 227).

"Avec l’archétype de l’anima, écrit Jung, nous entrons dans le domaine des dieux. Tout ce qui touche à l’anima est numineux" (c’est-à-dire doté d’une puissance énergétique sans commune mesure avec les forces du conscient) (Les Racines de la conscience, page 42). Tout ce qui touche à l’animus est également numineux, c’est pourquoi la confrontation avec les figures intérieures de l’anima ou de l’animus est un travail très exigeant. Si, la relation à la conscience s’établissant, leurs contenus sont intégrés, alors l’emprise de ces figures sur la psyché disparaît. L’anima ou l’animus devient alors une "simple fonction de relation" avec le monde intérieur (Dialectique du moi et de l’inconscient, page 265), "une manière de passerelle qui mène à l’inconscient" (page 229). Jung parle d’une "fonction inspiratrice" (page 223) tant chez la femme que chez l’homme : "L’homme laisse sourdre son œuvre, telle une créature dans sa totalité à partir de son monde intérieur féminin", où l’anima le guide, mais l’animus est aussi "un être créateur, une matrice, … dans le sens qu’il crée quelque chose que l’on pourrait appeler un Logos spermatikos – un Verbe fécondant" (pages 225 et 226).

La confrontation avec les figures de l’anima ou de l’animus est en fait une initiation progressive à l’expérience du Soi, et leur emprise sur la psyché disparaît lorsqu’elles sont vécues et se révèlent comme porteuses du Soi, c’est-à-dire lorsque s’établit la relation entre la conscience et l’archétype du Soi. Dans la deuxième partie de Psychologie et alchimie, Jung décrit un tel processus d’initiation.

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