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Présidence française de l’Union européenne : priorités des organisations du groupe PAC 2013 pour le bilan de santé de la PACVendredi 12 septembre 2008 Les animateurs du Groupe PAC 2013 ont remis le 11 septembre 2008 cette synthèse des priorités pour le bilan de santé de la PAC à Michel Barnier, Ministre de l’agriculture et de la pêche, lors d’une réunion de dialogue qu’il a organisée avec les ONG. |
En février 2008, les organisations du groupe PAC 2013 ont dégagé une position commune suite à la communication sur le bilan de santé de la PAC publiée par la Commission européenne en novembre 2007. Dans ce cadre, nous avons proposé des pistes d’amélioration qui préfigureraient les évolutions prévisibles de la PAC après 2013.
Dans le présent exercice, nous adressons nos priorités dans le cadre du bilan de santé de la PAC, afin de commenter de manière synthétique les propositions législatives publiées le 20 mai 2008 par la Commission européenne.
Sans attendre l’horizon de 2013, nous souhaitons qu’au delà du simple toilettage technique, le bilan de santé jette les bases d’une politique agricole qui intègre mieux les objectifs de souveraineté alimentaire, de protection de l’environnement et de la biodiversité, de lutte contre le changement climatique, et de développement rural.
C’est dans cet esprit constructif que nous adressons les recommandations suivantes à la Présidence française de l’Union européenne.
L’absence de légitimité des paiements historiques est clairement dénoncée dans l’opinion publique. La hausse des prix des céréales et le niveau record des revenus des producteurs de grandes cultures dans les régions spécialisées ces derniers mois, renforcent l’urgence d’une vraie politique de soutien des revenus basée sur l’équité et une redistribution effective, afin d’apporter des solutions aux filières et aux catégories de producteurs les moins soutenues et qui traversent des difficultés.
Les propositions actuelles de la Commission plafonnent les possibilités d’harmonisation à 50% des paiements découplés (articles 47 et 48), ce qui signifie que 50% resteraient toujours calculés sur les références historiques 2000-2002, un niveau en deçà de l’objectif initial de transparence et de meilleure justification des paiements directs d’ici 2013.
Nous demandons à la Présidence de ne pas limiter les possibilités d’harmonisation du paiement unique sur base régionale, pour inciter les Etats membres à sortir rapidement des références historiques qui constituent les reliques d’une PAC injuste et inéquitable.
La Présidence doit faire reconnaître la nécessité d’un système de conditionnalité plus efficace au regard des enjeux environnementaux, comprenant des exigences plus précises et plus cohérentes d’un point de vue agronomique, notamment au sein des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE).
Concernant les contaminations d’origine agricole des eaux superficielles ou souterraines, des stratégies de réduction des apports d’intrants doivent être intégrées dans les BCAE, leur non respect impliquant une réduction des aides. Les règles définies au titre de la directive sur la réduction des pollutions d’origine agricole mériteraient d’être complétées au vu des contaminations persistantes ou croissantes constatées dans les eaux superficielles et souterraines (nitrates et pesticides). Ainsi l’obligation de zones tampons le long des rivières, avec des conditions d’entretien adéquates pour la biodiversité (y compris la biodiversité cultivée et l’agriculture biologique comme éléments de compensation écologique), ne doit pas être remise en cause, mais ne saurait être considérée comme un substitut aux obligations des agriculteurs de réduire leurs apports d’intrants dans les zones d’excédent.
Dans les bassins versants où sont constatés des déficit structurels de ressources en eau en application de la DCE ou des réglementations nationales, les pouvoirs publics doivent mettre en place des réglementations de restriction d’usage qui viseront en particulier une maîtrise de volumes prélevés par les irrigations. Le non-respect par les irrigants de ces mesures peut entraîner une réduction des aides directes au titre de la PAC.
Nous attirons l’attention de la Présidence sur le fait que l’obligation de maintien des prairies permanentes devrait s’imposer au niveau local et non plus au niveau national, car les statistiques moyennes par Etat membre peuvent masquer un recul important de leurs surfaces au niveau régional (Italie par exemple).
Les propositions de la Commission visant à intégrer de nouveaux domaines environnementaux, ainsi que les éléments fixes du paysage doivent par conséquent être soutenues dans le bilan de santé (article 6).
Les objectifs de transparence et de légitimité des aides dans l’opinion plaident pour l’introduction de paiements maximum. En ce sens, la Présidence devrait reconnaître le bien-fondé des propositions initiales de la Commission, en faveur d’un vrai plafonnement par tranche d’aides (réduction de 10% au dessus de 100 000 €, 25% au dessus de 200 000 € et 45% au dessus de 300 000 €).
En revanche, l’introduction d’un seuil minimum de paiement en dehors duquel il ne serait plus possible de bénéficier des aides, doit être refusée (article 30), puisqu’elle pénaliserait les exploitations de petite dimension notamment dans les Etats membres d’Europe centrale et orientale et ceux de la Méditerranée. Néanmoins, des propositions alternatives visant à réduire le coût administratif des faibles paiements méritent d’être explorées par la Présidence (par exemple, paiement forfaitaire, versé ou non tous les deux ans...).
L’article 68 doit être réécrit de façon à dissocier les cibles environnementales des cibles assurancielles, ces dernières devant figurer dans les articles 69 et 70, et non dans l’article 68.
Les Etats membres devraient pouvoir prélever jusqu’à 15% des plafonds nationaux pour accorder des paiements supplémentaires prioritairement en faveur des types d’agriculture importants pour la protection de l’environnement et pour la qualité des produits, en particulier l’agriculture biologique qui doit être explicitement citée comme un moyen permettant d’y contribuer efficacement.
Des paiements spécifiques au titre de l’article 68 doivent pouvoir également cibler des types et des systèmes de production dont le découplage des aides porterait préjudice. C’est notamment le cas des ovins et caprins, des systèmes herbagers, et des protéagineux et fourrages séchés d’autre part.
Enfin, nous considérons que 50% des sommes récupérées via l’article 68 devraient être orientées sur le développement des types d’agriculture favorables la protection de l’environnement, ce qui suppose de supprimer le sous-plafond de 2,5% pour cette aide spécifique.
Nous attirons l’attention de la Présidence sur la nécessité de compenser la suppression du gel des terres, par une obligation environnementale assurant la protection de la biodiversité et d’autres bénéfices environnementaux, avec la mise en place de surfaces de compensation écologique (10%), avec des conditions d’entretien adéquates. La prise en compte de la biodiversité cultivée et le mode de production biologique devraient être considérés comme éléments de compensation écologique.
La sécurité alimentaire et la stabilité des prix requièrent une politique de maîtrise de l’offre qui, dans sa panoplie d’instruments, inclut notamment le gel des terres, les stocks stratégiques et les quotas de production. Même si le recours à l’intervention est peu probable dans le secteur des céréales dans les toutes prochaines années, le mécanisme doit être préservé même à taux zéro, et être conservé pour les autres céréales fourragères.
Il est stratégique pour l’UE de maintenir le principe et les capacités d’un stockage public, et non privé, pour prévenir toute nouvelle dérive spéculative sur le marché des céréales en cas de forte hausse des prix. Il est fortement souhaitable que le stockage public puisse évoluer vers un mécanisme de stockage de sécurité qui pourrait être utilisé pour lisser les volumes mis en marché afin d’équilibrer sécurité alimentaire et stabilité des prix.
Enfin la stabilité des prix à l’intérieur de l’UE requiert en outre un certain niveau de protection à l’importation, notamment vis-à-vis des céréales, des huiles et des plantes riches en protéines dont les modes de production ne seraient pas, -de surcroît, durables sur le plan écologique, énergétique et social dans les pays exportateurs.
Par devoir de cohérence, et afin de ne pas pénaliser certains marchés domestiques dans les pays tiers, l’UE doit rappeler son engagement de mettre fin aux restitutions aux exportations dans tous les secteurs, notamment le sucre, les céréales et oléo-protéagineux, la viande bovine, les produits laitiers et la viande de porc.
Même si le recours à ces mécanismes a diminué ces dernières années, l’UE se doit d’envoyer un signal positif en direction des Pays du Sud, en excluant définitivement de sa boîte à outils, les subventions aux exportations qui sont source de dumping.
Le système des quotas a fait preuve de son efficacité, il a permis en France, notamment de maintenir la production laitière sur l’ensemble du territoire. Il permet également de fixer un cadre contractuel stable entre amont et aval, dans la mesure où les volumes n’ont pas à faire l’objet de négociations entre les opérateurs.
Le rythme d’augmentation des quotas doit absolument s’inscrire dans une logique de maîtrise des volumes en fonction du marché et non dans une logique de sortie progressive du système comme l’envisage la Commission.
En effet, l’abandon des quotas laitiers risque à terme de rendre les prix plus volatiles et instables, et de faire disparaître la production et la transformation laitière des zones les moins compétitives et des régions de montagne, provoquant une concentration des outils de production au niveau national comme au niveau européen. Ces répercussions socioterritoriales ne pourront pas être intégralement compensées par les mesures prévues au titre de l’article 68 ou du développement rural, étant données leurs faibles dotations financières.
Nous encourageons la Présidence à soutenir la proposition de la Commission en faveur d’une hausse graduelle de la modulation obligatoire de 2% par an, pour parvenir à 13% en 2013, afin de renforcer la politique de développement rural (article 7).
D’autre part, nous soulignons l’importance de qualifier cette modulation pour éviter un saupoudrage aveugle sur les programmes de développement rural, et préciser les mesures que les fonds dégagés devraient cibler en priorité. En ce sens il nous semble indispensable que le produit de la modulation obligatoire soit destiné en priorité à des actions de protection des ressources naturelles et de la biodiversité, à travers les mesures agroenvironnementales de l’axe 2 du FEADER.
Nous proposons également que le taux de cofinancement du 2ème pilier tienne compte de l’importance des enjeux environnementaux et sociaux. Non seulement l’UE devrait se fixer des objectifs chiffrés en matière de développement des modes de production favorables à l’environnement, à la biodiversité et créateurs d’emplois dans les territoires ruraux, -dont l’agriculture biologique, mais elle devrait instituer une règle de cofinancement 80/20 pour en permettre un développement harmonisé sur tout le territoire européen.
Nous rappelons à la Présidence le besoin de cohérence entre le bilan de santé de la PAC, et les engagements pris par les Etats-membres d’enrayer le déclin de la biodiversité pour 2010, et d’obtenir un bon état écologique des eaux pour 2015.
L’UE ne peut ignorer les problèmes de concurrence sur les terres cultivables, entre productions alimentaires, productions destinées aux bétails et productions énergétiques, qui demeurent pourtant le défi central des prochaines années.
Au vu des différents rapports d’institutions internationales et d’organisations de la société civile quant à l’impact des importations en provenance des pays du Sud (déforestation, exclusion des communautés locales...) et les conséquences dramatiques sur l’accès à l’alimentation, l’objectif d’incorporation de l’UE de 10% d’énergie renouvelable dans les transports d’ici 2020 doit être supprimé en l’état, ainsi que tout autre objectif chiffré ou à caractère obligatoire. En effet, cet objectif a été proposé par la Commission européenne sous la condition qu’il puisse être atteint de façon durable. Or les critères de durabilité tels que proposés dans la directive ne présente aujourd’hui aucune garantie.
Ainsi très logiquement, l’aide aux cultures énergétiques (ACE) créé par la réforme de 2003 n’a plus aucune justification économique, elle doit par conséquent être supprimée comme le propose d’ailleurs la Commission.
Enfin, le bilan de santé de la PAC doit être cohérent avec les engagements de l’UE sur le paquet climat-énergie en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre : il doit tracer une feuille de route avec une obligation de résultats, pour réduire la vulnérabilité des systèmes de production face à l’augmentation des prix du pétrole, renforcer l’autonomie énergétique des fermes, ainsi que reconnaître les agro-systèmes qui séquestrent le carbone dans les sols en reconstituant l’humus.
Ci dessous, en téléchargement :
Le texte du présent article
Un document de position (et d’étape) du Groupe PAC 2013, novembre 2008.