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Claude LAYALLE, d’ATTAC

Le texte de l’intervention de Claude LAYALLE, d’ATTAC France, lors de la conférence de presse du 9 octobre 2008.

Vendredi 10 octobre 2008


 1 Une vieille affaire

Le lobbying est né avec le pouvoir : L’histoire en garde la trace dans toutes les cours de rois ou d’empereurs du monde. Il en a été ainsi dans toutes les sociétés humaines depuis la plus haute antiquité.

 2 Le lobbying est fonction de son environnement

La démocratie amène une multiplication des centres de pouvoir et des lobbies qui les parasitent (au sens étymologique du terme).

Au développement des groupes industriels et financiers s’associent des formes de lobbying de plus en plus organisées et puissantes.

A la complexité des organisations politiques et sociales répond la structuration des lobbies en contre-pouvoirs et l’élaboration de stratégies d’entrisme dans les circuits de décision professionnalisées.

Ainsi, la proportion de lobbyistes juristes et de cabinets spécialisés formés à la navigation dans la jungle des réglementations est-elle en constante augmentation, aux USA comme dans l’UE.

Le développement du néo-libéralisme a fait du lobbying un véritable instrument politique aux mains des multinationales et au service d’une idéologie de pouvoir.

 3 Le lobbying aux USA

II s’est développé sous le 1er amendement de la constitution étasunienne qui garantit la liberté d’expression du citoyen.

La doxa libérale considère que l’intérêt général n’est que la somme des intérêts individuels. Chacun doit pouvoir s’exprimer devant les pouvoirs publics : d’où l’inclusion de la fonction de lobbying dans la loi fédérale, dans le « lobbying disclosure act » comme dans le « Foreign Agents Registration Act », ce dernier relatif aux lobbies d’origine étrangère.

Quelques chiffres

Le nombre de lobbyistes enregistrés auprès du gouvernement fédéral a doublé entre 2000 et 2005. Ils doivent être autour de 35 000, juste à Washington DC et il y en a aussi dans chaque Etat. Les lobbies étasuniens ont dépensé plus de 2 milliards de dollars en 2004 pour influencer Washington, et c’est un métier juteux : On embauche un bon lobbyiste à 300 000 dollars par an.

C’est une activité qui se mesure en termes de rentabilité : HP a dépensé en 2004 près de 8 000 dollars pour faire passer au Congrès une législation spéciale lui économisant des millions de dollars d’impôts pour 14,5 milliards de dollars de profits rapatriés de ses filiales à l’étranger.

Une partie de cet argent qui circule alimente périodiquement les caisses électorales des candidats qui s’affrontent tous les 4 ans.

 4 Les lobbies en Europe

Les lobbies européens se sont développés à partir de 1958 avec la création des associations professionnelles européennes : l’UNICE (aujourd’hui Eurobusiness) pour l’industrie et de COPA et COGECA (aujourd’hui fusionnés) pour l’agriculture, amorçant suite au traité de Rome un mouvement qui a suivi le rythme de l’intégration européenne : Le nombre de lobbyistes à Bruxelles a explosé dès 1987 avec la signature de l’acte unique européen et un an plus tard du traité de Maastricht. Il a fait un nouveau bond avec l’élargissement à 27 de la communauté.

Cet état de fait de l’influence croissante des lobbies n’est pas fortuite : Une étude du parlement européen publiée l’an dernier indique notamment : (citation traduite) « en réalité, cette ouverture nouvelle [dans les années 90] a été la reconnaissance par les institutions de l’UE qu’elles n’avaient plus les ressources pour traiter l’élargissement de la législation sans la participation active d’experts techniques ».

On ne peut ignorer que la commission, traducteurs exclus, emploie moins de personnel que la ville de Paris, et qu’il y a à Bruxelles plus de lobbyistes que de fonctionnaires européens.

Le rapport indique ensuite : « Significativement, ce ne sont pas seulement les multinationales qui ont été attirées vers Bruxelles par ce constat sur les compétences et moyens limités de la commission : dès 1992 on pouvait estimer que plus de 3 000 lobbyistes et experts [] étaient actifs à Bruxelles ».

Ce développement du lobbying est aussi un substitut à l’absence de lien démocratique entre l’appareil Bruxellois et les populations des pays qui en dépendent. Ce seul lien de communication avec la société civile est biaisé par le fait que n’y sont représentés très majoritairement que des intérêts privés par ailleurs transnationaux. Il y aurait 10% de lobbies « associatifs » ne défendant pas des intérêts privés mais parmi eux un nombre indéterminé de Fondations directement ou indirectement financés par les entreprises. On a vu ces dernières années se développer du lobbying individualisé, entreprise par entreprise, au côté des groupements corporatistes ou parfois en concurrence en leur sein. Les lobbies européens ou étrangers opérant en Europe ne sont encadrés par aucun texte législatif. Depuis juin 2007 un registre d’inscription volontaire est ouvert au parlement européen mais peu s’inscrivent.

Il y a bien eu, en 2006, une tentative pour développer un peu de transparence dans l’univers opaque du lobbying, à l’initiative du commissaire Siim Kallas, en introduisant quelques règles consensuelles dans l’accès aux forums et comités mais l’opération « transparence initiative », d’après certains observateurs a simplement rendus plus difficiles les accès pour les moins organisés, et renforcé une concurrence déjà très vive entre lobbyistes pour atteindre leurs cibles.

 5 Le partenariat transatlantique

Deux mots d’un lobby très particulier, « inventé » en 1995 par Léon Brittan, Commissaire Européen de la commission Jacques Santer et Ron Brown, Secrétaire d’Etat au Commerce US sous Clinton.

Il s’agit du TABD, animé par une quarantaine de CEOs de multinationales européennes et étasuniennes qui, depuis 1995 a reçu pour mission officielle de faciliter le dialogue commercial entre les USA et la communauté européenne.

En 2003, le TABD a inscrit dans son programme l’exigence d’un marché transatlantique totalement libre et sans barrières.

En 2007, au sommet de Washington, USA et UE ont décidé la création du TEC (Transatlantic Economie Council), organisme inter-gouvernemental chargé de la mission d’harmoniser les législations pour un marché transatlantique libre et non faussé sur les capitaux, les IDE, les biens et les services. Le TABD est associé à ses travaux et à la préparation de tous les sommets transatlantiques.

Cette association public-privé : TEC-TABD engage l’avenir du commerce international à la hauteur des 2/3 des échanges mondiaux. Devant ce multi-marché dérégulé en devenir, la directive Bolkestein n’est qu’une aimable plaisanterie.

 6 Les lobbies en France

La France entre dirigisme colbertien et décentralisation est pleine de niches de pouvoir, donc naturellement de lobbies. Les grands secteurs dans lesquels les pouvoirs publics sont encore fortement engagés : éducation, santé, télécommunication, poste, etc. ..., sont le siège d’un intense lobbying, accompagnant et renforçant une politique de dérégulation et de privatisations obstinément libérale. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : Les restrictions budgétaires, entre autres, conduisent les élus et les cadres de l’administration à confier le travail de préparation des dossiers et d’analyse des impacts économiques, sociaux, environnementaux, territoriaux aux entreprises.

Les lobbyistes spécialisés sont rarement indépendants des entreprises et sont souvent payés par elles.

Exemple de la santé : L’industrie pharmaceutique exerce son influence sur les cabinets médicaux et sur l’administration tandis que 5 ou 6 ordres professionnels créés à la libération (pharmaciens, médecins, sages-femmes, dentistes, etc. ..) défendent les intérêts de la santé libérale. Les groupes financiers, derrière les cliniques et hôpitaux privés pratiquent avec l’administration une cogestion public-privé d’un tel niveau d’intégration qu’il est difficile de parler encore de lobbying : Le projet de loi HPST dans lequel les directeurs d’hôpital seront désormais des « patrons » et les Agences Régionales de santé (ARS) seront dirigées par un « préfet » nommé par le conseil des ministres ne laisse plus aucune illusion sur cette transformation du service public en Service d’Intérêt général pour le profit d’abord.

Parfois, les conditions de ce lobbying transparaissent dans les travaux législatifs : Je n’insisterai pas sur les conditions de discussion et de vote de la loi OGM, dans laquelle certains députés ont (je cite LCI) « déploré l’ampleur des pressions qui frisaient parfois la tentative d’intimidation ».

Deux mots du « pantouflage » : bien que des plus réglementé, le pantouflage est une spécialité française bien connue. L’interdiction pour un fonctionnaire de pantoufler est facilement contournable et d’ailleurs ne s’applique qu’aux fonctionnaires : l’exemple tout à fait récent d’un ministre employé à temps partiel dans un cabinet d’affaire nous l’a rappelé.

Sans enregistrement systématique des lobbyistes, il est impossible de savoir combien d’anciens parlementaires hantent encore les couloirs des assemblées ou leur buvette au titre de lobbyistes de causes qu’ils connaissent bien pour avoir eu à en connaître comme élus.

 7 A l’école du lobbying

Voici une page de publicité qui pourrait servir de conclusion à cette intervention en soulignant l’urgence de mettre le lobbying sous contrôle :


Bienvenue à l’Institut Supérieur Européen du Lobbying

L’Université Marc Bloch de Strasbourg vous invite à venir suivre une formation de lobbying de niveau Bac+ 5
La direction pédagogique est assurée par des professionnels directement liés au monde du lobbying (cabinet de lobbying, agences de communication, élus, associations professionnelles, ONG, etc.) et par des universitaires.


Stages de formation professionnelle au lobbying :

Inscription immédiate et vous pourrez participer à des stages bloqués de 2 semaines à Strasbourg ou à Bruxelles ou encore chez vous par télé-formation.

C’est authentique et c’est sur http://www.institut-lobbying.com


Claude Layalle
ATTAC France
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