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Emma Jung : Animus et Anima

Lundi 7 août 2017, par Anna Griève


Anna Griève propose un commentaire du livre d’Emma Jung "Animus et Anima", tiré d’une conférence donnée au Club Psychologique de Zurich en 1931 et qui vient d’être réédité avec une nouvelle traduction aux Editions La Fontaine de Pierre.

Le livre d’Emma Jung, Animus et Anima, attire d’abord par la promesse contenue dans son titre : la promesse d’accorder à l’animus autant d’attention qu’à l’anima. En effet, si Jung évoque souvent l’animus et le place sur le même plan que l’anima, lui reconnaissant une égale importance et une fonction non pas identique mais analogue de mise en relation avec l’inconscient, il ne lui consacre que rarement un développement de quelque longueur, alors que les pages qu’il consacre à l’anima sont très nombreuses et d’une grande richesse. L’étude d’Emma Jung a le grand mérite de rassembler et d’ordonner en une présentation globale de l’animus les éléments épars dans l’œuvre de Jung.

Dans l’introduction de l’ouvrage, Emma Jung marque le caractère commun à l’animus et l’anima : ces deux archétypes se distinguent des autres en ce qu’ils « font partie de la personnalité tout en prenant racine dans l’inconscient collectif ». Ce sont, écrit-elle, des « complexes fonctionnels », on pourrait dire des « personnalités intérieures, dont le comportement compense la personnalité extérieure, leurs attributs étant précisément ceux qui manquent à cette personnalité tournée vers le dehors, consciente et manifeste ». Attributs masculins chez la femme (besoin d’action, exigence de différenciation, volonté de comprendre), attributs féminins chez l’homme (proximité avec la nature, intérêt porté aux perceptions, recherche de la relation personnelle), qui tout en étant « toujours présents, ne trouvent pas leur place chez les êtres tournés vers l’extérieur, car ils gênent leur adaptation sociale ou l’image qu’ils se font d’eux-mêmes », (ce que l’on pourrait aujourd’hui appeler « le genre »). Ces archétypes constituent donc un lien à l’inconscient et peuvent devenir une passerelle entre conscient et inconscient.

Emma Jung annonce d’emblée qu’elle se limitera à cet aspect contra-sexuel, seul intégrable, de l’animus, et qu’elle n’abordera pas le processus spirituel dont l’animus peut devenir le porteur. En fait, si elle présente bien, dans le premier chapitre (Manifestations de l’animus) des exemples d’intégration de l’animus et les effets très perturbateurs et destructeurs d’une identification à ou d’une possession par l’animus, elle ne s’en tient pas vraiment (et ne peut pas s’en tenir) à la limite qu’elle s’est fixée. En effet, dès qu’elle en vient à la projection de l’animus sur un homme réel, elle se trouve amenée, après avoir parlé des aspects positifs de la projection, à parler aussi de ses aspects négatifs et donc à aborder le thème du retrait de la projection : ce qui implique nécessairement la rencontre et la confrontation avec l’animus comme image intérieure numineuse. Sa présentation de l’animus se meut donc en réalité, dès le premier chapitre et plus encore dans le deuxième (La représentation de l’animus dans les images de l’inconscient), sur le seuil de l’aventure spirituelle, qu’elle finit par franchir lorsqu’elle relate (à grands traits il est vrai), le processus d’individuation de la femme qui a rêvé « d’un monstre à tête d’oiseau ». Il s’agit alors de l’établissement d’une relation avec une image intérieure non intégrable.

La deuxième partie de l’ouvrage a pour titre : L’anima représentée par les divinités de la nature. Ainsi, alors que dans la partie consacrée à l’animus, Emma Jung n’aborde que dans le deuxième chapitre la représentation de celui-ci dans les images de l’inconscient, elle procède ici tout autrement et s’engage d’entrée de jeu dans une sorte de revue de certaines images de l’anima inconsciente. Ceci sans doute en raison de l’extrême fréquence et richesse, dans les mythes et les contes, le folklore, la littérature et les rêves, de ces figures d’anima liées à la nature, particulièrement à l’eau, source de la vie, mais aussi à la forêt et à l’arbre. Cependant, cette différence dans l’approche n’occulte pas la distinction entre l’aspect contra-sexuel de l’archétype et son aspect spirituel, qui demeure la structure, non formelle mais fondamentale, de cette présentation de l’anima.

Les figures féminines intimement liées à la nature, nymphes et jeunes filles cygnes, ondines et fées, « transmettent à la conscience de l’homme les émotions qui naissent dans l’inconscient » et peuvent ainsi éveiller chez lui, s’il s’ouvre à elles, l’intuition de nouvelles potentialités. Elles jouent alors le rôle d’inspiratrice, comme c’est aussi le cas, à un niveau plus subtil, dans l’amour courtois (Dame Aventiure !) et dans la « conception d’une idée », la « gestation d’une œuvre ». Mais elles ont une influence très négative sur l’homme qui se laisse flatter et bercer par elles.

Leur appartenance à la nature leur confère des pouvoirs magiques, en particulier la capacité de prédire l’avenir, non sans une ambiguïté parfois dangereuse . Ainsi Velléda, la prophétesse germanique, qui habitait au bord d’une rivière. D’ailleurs, dans l’Antiquité, la Pythie de Delphes rendait ses oracles là où le serpent Python, fils de la terre, avait rendu les siens, et la Sibylle de Cumes rendait ses oracles dans une grotte.

Le trait le plus marquant des nymphes, jeunes filles cygnes, ondines et de beaucoup de fées est leur recherche d’un lien personnel à l’homme, qui a donné lieu à d’innombrables récits. Emma Jung en raconte plusieurs et remarque qu’ils finissent presque toujours mal. Soit que la figure d’anima, par la fascination qu’elle exerce sur l’homme, l’entraîne avec elle dans le royaume de l’inconscient, soit que, dans un désir d’accéder à la conscience et au monde humain, elle l’épouse, mais en posant des interdits dont la violation, volontaire ou non, entraîne la séparation à plus ou moins long terme. Echec auquel concourent tant la profonde inconscience de l’homme, qui, subjugué, accepte sans réfléchir les conditions du mariage et se laisse combler de toutes les façons, que la versatilité de la figure d’anima, qui voudrait à la fois participer à la vie consciente et rester dans inconscient.

Deux des histoires racontées par Emma Jung « finissent bien ». Dans le conte indien d’Urvashi et Pururavas, celui-ci n’accepte pas la séparation qui suit sa transgression involontaire et cherche Urvashi dans le monde entier, jusqu’à ce qu’il soit finalement accepté dans son monde à elle, ce qui signifie que la difficulté retombe dans l’inconscient. Comme cependant l’enfant né de leur union reste chez les humains, la difficulté n’a pas disparu sans laisser de trace dans la psyché, qui pourra donc s’y confronter à nouveau. Ce n’est cependant pas exactement une bonne fin. En revanche, le conte tchèque Libussa signifie un immense progrès de conscience : quand la nymphe, qui habite un chêne, veut récompenser l’homme qui lui a rendu un grand service, il refuse le choix qu’elle lui offre : gloire et honneurs, ou richesse, ou chance en amour, et demande à prendre près d’elle « des leçons de sagesse ». Elle lui enseigne donc « les secrets de la nature », l’essence des choses, et il se transforme peu à peu en penseur et en sage, en même temps que « les formes évanescentes de la nymphe semblent prendre davantage d’épaisseur et de consistance » et qu’elle devient une jeune fille pleine d’amour pour lui. Comme on le voit, c’est l’orientation du désir de l’homme qui change le cours habituel de telles histoires et opère une double transformation, l’image intérieure s’incarnant alors en l’homme.

C’est, écrit Emma Jung, l’archétype de la Grande Mère qui se reflète dans toutes ces images mythiques, lesquelles vivent projetées sur des femmes réelles et ne sont encore que potentiellement des figures de l’anima dans toute sa grandeur et sa sagesse. Celle-ci n’émerge comme telle, c’est-à-dire comme « sophia », que là où elle est accueillie chez l’homme par le désir de cette sophia, donc par un désir de conscience. Elle apparaît alors dans les rêves sous l’apparence de « l’étrangère », de « l’inconnue », de la « femme voilée », ou « d’une personne qui n’est pas véritablement humaine et ressemble aux personnages féminins des contes et légendes ». C’est elle qui guide l’homme dans l’aventure spirituelle.

Emma Jung nous offre avec cet ouvrage un riche panorama de l’animus et de l’anima, que chacun peut « animer » par les exemples concrets que lui fournit son expérience, et compléter par les récits d’individuation dans l’œuvre de Jung.

Informations pratiques

Emma Jung : Animus et Anima

Livre en format poche (11 x 18 cm.)
Traduction française de Michel Bacchetta
Editions La Fontaine de Pierre, 2017
ISBN 9782902707690
176 pages, 10 €

- Editions La Fontaine de Pierre

Présentation du livre par l’éditeur

Les recherches de C.G. Jung ont mis en évidence l’existence d’images ou de figures caractéristiques qui émergent en tout temps et en tout lieu, rappelle Emma Jung dans son introduction : le héros, le monstre, le magicien, la sorcière, l’enfant, etc. Jung nomme ces figures des « images primordiales ou archétypes », car ce sont des représentations tout à fait universelles et intemporelles.

« Parmi ces archétypes, dit-elle, il en est surtout deux auxquels on accorde une importance particulière, car ils font partie de la personnalité tout en prenant racine dans l’inconscient collectif ; ils forment une sorte de lien ou de passerelle entre le personnel et l’impersonnel, entre le conscient et l’inconscient. Jung a nommé ces deux figures — l’une masculine et l’autre féminine — l’animus et l’anima. » L’animus est la composante masculine de l’inconscient de la femme, et l’anima la composante féminine de l’inconscient de l’homme.

À l’aide de contes et de légendes, grâce aussi à son propre vécu de femme, à son expérience d’analyste, l’auteure entre dans les subtilités de la relation entre l’homme et la femme ; et elle montre que cette relation dépend aussi du lien qui se crée, à l’intérieur de soi, entre le masculin et le féminin. Sous la plume d’Emma Jung, la rencontre avec l’animus (pour une femme) et avec l’anima (pour un homme) semble être un processus naturel.

Présentation d’Emma Jung

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