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Dossier "Pour un monde durable", magazine Biocontact novembre 2010

En route... vers les transports durables ?

Un article de Stephen KERCKHOVE

Mercredi 3 novembre 2010

La question des transports se pose avec une acuité particulière depuis la crise qui a frappé, au second semestre 2008, ce secteur industriel. Faute d’avoir anticipé et pris en compte les contraintes écologiques et climatiques, le petit monde de l’automobile en particulier et des transports en général a ainsi connu de profondes secousses. Seront-elles suffisantes pour modifier la donne ? Les réponses apportées par les industriels seront-elles à la hauteur des enjeux posés ?


Un seul chiffre permet d’illustrer la dérive d’un secteur : celui de son impact carbone. Depuis 1990, le secteur des transports a accru ses émissions de gaz à effet de serre de 26 % pour représenter 23 % des émissions totales hexagonales. Avec la hausse inéluctable du prix des matières pétrolières, le modèle sur lequel repose ce type de mobilité est appelé, à moyen terme, à disparaître.

Pourtant, rien (ou si peu) ne semble venir s’opposer à une mobilité qui confine trop souvent au « bougisme ». La logique actuelle repose sur le « toujours plus » : « toujours plus loin », « toujours plus vite », « toujours plus fréquemment ».

Face à cette dérive qui nous conduit insensiblement dans le mur écologique, deux options sont disponibles : une option technologique qui passerait par le développement d’alternatives dites « moins polluantes » ; une option plus radicale qui tenterait de répondre politiquement à un problème d’ordre politique, option qui réinterrogerait non seulement la question des transports tels qu’ils se sont développés jusqu’à présent mais aussi l’urbanisme, l’habitat, le tourisme, le type de commerce, de loisirs et de travail…

 Des choix… pas très clairs

Cette dualité entre une vision technicienne et une posture politique n’a pas fait l’objet de choix très clairs durant le Grenelle de l’environnement en octobre 2007. Même si, au travers de discours enflammés, le ministre de l’Ecologie s’est prononcé pour un « changement de paradigme » en matière de mobilité, l’application concrète et les lois adoptées au nom de ce Grenelle ont totalement infirmé les propos ministériels.

Et pour cause. En plaçant le Grenelle de l’environnement sous le signe de la « croissance verte », façon malhabile de recycler le concept vieillissant de « développement durable », le ministre de l’Ecologie s’est contenté d’adapter un système en rupture profonde avec les grands équilibres écologiques.

Tant en matière d’infrastructures de transport qu’en matière de carburants permettant de réduire théoriquement les émissions de CO2, les orientations définies durant le Grenelle laissent la porte ouverte à toutes les interprétations.

C’est ainsi qu’au nom du désormais fameux « changement de paradigme », la construction de nouvelles autoroutes, routes et contournements fut appelée à disparaître… « sauf intérêt local, problèmes de sécurité ou de congestion ». Certains acteurs du Grenelle ont préféré se réjouir à l’annonce de ce « moratoire », en occultant les exemptions nombreuses dans lesquelles se sont engouffrés, depuis, tous les lobbies du BTP ainsi que nombre d’élus locaux, trop souvent intoxiqués au bitume.

Trois années après cette grande fête de l’écologie médiatique autrement appelée « Grenelle de l’environnement », c’est désormais aux projets autoroutiers d’être à la fête. La loi Grenelle 1, en son article 1, impose à l’Etat de publier un Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) dans lequel sont référencés tous les projets autoroutiers que l’Etat souhaiterait soutenir. Pas moins de 19 projets sont inscrits au SNIT, représentant 879 kilomètres de nouvelles autoroutes pour un coût évalué à plus de 12 milliards d’euros. A ces 879 kilomètres, il faut ajouter 213 kilomètres d’autoroutes qui semblent faire l’objet d’un choix définitif du Gouvernement et qui ont donc été exclus de l’avant-projet de SNIT, portant le nombre de kilomètres d’autoroutes labellisées « Grenelle » à 1 092… soit une augmentation du réseau autoroutier français de plus de 10 %. Jamais, depuis les années 1960, la France n’avait autant projeté de construire de voies autoroutières.

Parallèlement à cette folie des grandeurs infrastructurelle, le ministre de l’Ecologie a également déclaré d’utilité publique un projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes à quelques encablures de Nantes. Alors que Nantes dispose d’un aéroport, que le nombre de mouvements (décollages et atterrissages) stagne depuis l’an 2000, le ministre justifie cet aéroport au nom d’une explosion du trafic aérien d’ici à 2050…

 44 tonnes !

Mais cette « petite » entorse à l’esprit du Grenelle ne s’arrête malheureusement pas en si bon chemin. Quelques jours avant l’adoption de la loi dite Grenelle 2 par les députés en mai 2010, le chef de l’Etat a cédé aux lobbies agricoles et agroalimentaires en autorisant la circulation des camions de 44 tonnes sur les routes hexagonales. Résultat : la productivité du transport routier pourrait être accrue de 10 %, créant une fois encore une concurrence non libre et faussée avec le fret ferroviaire, qui ne bénéficie pas d’aides et exemptions déguisées. Cette décision d’autoriser la circulation des 44-tonnes induit une dégradation des routes empruntées qui conduira les départements, selon certaines évaluations, à devoir provisionner environ 500 millions d’euros chaque année. Une fois encore, le transport routier va externaliser les coûts directs et indirects.

La mise en œuvre de la taxe poids lourds, dont l’objectif était justement d’internaliser certains coûts liés à l’activité du fret routier, a, dans un grand mouvement d’audace politique, été repoussée au second semestre 2012, soit après les élections présidentielles. La rupture écologique déclamée sur tous les tons attendra donc peut-être cette date pour être traduite en actes. En attendant, la part modale du ferroviaire et du fluvial, au lieu d’augmenter, a diminué pour ne représenter que 12 % [1] en 2009, alors qu’elle était de 14 % en 2006.

Mais par-delà cette logique, manifestement sans fin, d’accumulation d’infrastructures de transport censées répondre à une demande croissante de mobilité (alors que c’est justement l’inverse !), l’Etat a incité les constructeurs automobiles et les pétroliers à réduire les émissions de CO2 des véhicules commercialisés. Ce fut ainsi l’objectif affiché des agrocarburants dont un rapport de l’Ademe reconnaît que leur bilan carbone (une fois pris en compte le changement d’affectation des sols) est finalement négatif. Ce fut également l’objectif de la voiture électrique qui, à cause de sa trop faible autonomie, ne peut rivaliser avec le bon vieux moteur thermique.

 Une autre mobilité est possible

Dans les faits, la seule question qui mérite d’être posée est la suivante : sommes-nous prêts à réduire notre propension au bouger pour bouger ? D’ici à 2050, certains experts du FMI nous prédisent un doublement du parc automobile ! A l’aune des contraintes climatiques et énergétiques, c’est tout bonnement un non-sens absolu. La moitié des déplacements motorisés font moins de 3 kilomètres. Il est donc possible de réduire significativement certains de ces déplacements. Mais il faut avoir l’honnêteté et le courage d’assumer politiquement le fait que le tourisme compulsif qui amène des millions d’individus à prendre l’avion pour un week-end aux Baléares est une espèce en voie de disparition.

Un certain monde prend fin. L’illusion d’une mobilité infinie, entretenue par certains « écoprédateurs », n’est qu’une fuite en avant. Notre mode de vie est-il négociable ? La réponse est, de gré ou de force : oui ! Si nous ne la gérons pas politiquement, le déterminisme environnemental s’imposera sur le registre darwinien. Espérons qu’à l’approche de la crise systémique, nous saurons faire preuve d’une certaine maturité politique.

Le tour de force des écoprédateurs est d’avoir su nous faire croire que nous enfermer dans une bulle métallique climatisée, bloqué des heures durant dans des embouteillages toxiques, communiquant à l’aide de prothèse téléphonique en s’alimentant de produits insipides, était source de progrès.

C’est aux écologistes d’inverser la charge de la preuve. Posséder une voiture nous rend-il plus heureux ? Plus libre ? Plus efficace ? Aller chercher sa baguette de pain à pied, conduire ses enfants à l’école à vélo, redécouvrir les joies d’une agriculture de qualité, de saison et de proximité au travers d’une Amap sont très loin d’être une contrainte pour qui ose ouvrir les yeux. Une autre mobilité est possible. De ce constat doit naître un « changement de paradigme ». Non pas en mots… mais en actes !


Stéphen KERCKHOVE
Délégué général d’Agir pour l’environnement et auteur de l’ouvrage Grenelle de l’environnement : l’histoire d’un échec, paru aux éditions Yves Michel (octobre 2010).


AGIR POUR L’ENVIRONNEMENT
Agir pour l’environnement est une ONG nationale qui mène des campagnes de mobilisation citoyenne. Chaque campagne fait l’objet de l’édition de documents pédagogiques associés à des cartes-pétitions qu’un réseau de 13 000 signataires envoie à certains décideurs politiques et économiques. L’association a ainsi abordé récemment la question des pesticides, des autoroutes, de l’EPR, de la protection des abeilles ou encore des antennes-relais de téléphonie mobile.
Agir pour l’environnement, 2, rue du Nord, 75018 Paris
Tél. : 01.40.31.02.37 Site : www.agirpourlenvironnement.org.


Le dernier livre de l’auteur :
Grenelle de l’environnement : l’histoire d’un échec
Bilan du Grenelle 2 de l’environnement, qui a tenu la France en haleine pendant trois ans. Les débats de ce Grenelle, souvent contesté, viennent de prendre fin ; aujourd’hui sonne l’heure d’un état des lieux. Que reste-il du Grenelle ? Et à moyen et long termes ? Comment le monde associatif sort-il de trois années d’intenses négociations ? Les crises économiques sont-elles seules responsables de l’échec du Grenelle ? Alors, le Grenelle : échec ou rupture ? Stop ou encore ?
Ed. Yves Michel, octobre 2010, 10 euros.

Autres lectures :
Pétrole Apocalypse, Yves Cochet, éd. Fayard.
Tout voiture, no future, Denis Baupin, éd. de l’Archipel.


Le réseau Stop-Autoroutes

Face à l’adoption programmée d’un Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), qui fait la part belle à une relance massive du programme autoroutier hexagonal, le Réseau Stop-Autoroutes, constitué de quinze associations locales et nationales, a vocation à s’opposer aux multiples projets routiers et autoroutiers actuellement décidés en catimini par le ministère de l’Ecologie.
L’Etat français s’apprête en effet à valider un projet de SNIT dans lequel sont inscrits 879 km de nouvelles voies autoroutières, soit une augmentation d’environ 10 % du réseau autoroutier français auxquels il faut ajouter les routes et autoroutes décidées depuis les tables rondes du Grenelle tenues en octobre 2007.
L’impact des nouvelles voies rapides et autoroutières en matière de consommation d’espace et d’énergie, de rejets de CO2 et de métaux lourds, le tout en engendrant nuisances sonores, fragmentation des milieux et déménagement du territoire n’est plus à démontrer. En projetant d’étendre la pieuvre autoroutière de plus de 10 %, le Réseau Stop-Autoroutes constate avec amertume la césure existant entre les « engagements » du Grenelle et la réalité que les associations locales vivent jour après jour sur le terrain.
Le Réseau Stop-Autoroutes demande à être reçu au plus vite par le ministre de l’Ecologie et interpelle vivement les élus locaux qui continuent à réclamer du béton et du goudron.

Les associations fondatrices du Réseau Stop-Autoroutes : Agir pour l’environnement, le Réseau Action Climat France, Greenpeace, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, les Amis de la Terre ainsi que plusieurs associations locales.

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