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La paix, condition du développement durable… et vice versaRéactualisé juin 2013 Lundi 3 juin 2013 « La guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le développement durable » (principe 24 de Rio). |
Le traité sur le commerce international des armes dites classiques ou conventionnelles était en discussion depuis sept ans. Il a tardé à aboutir, du fait de l’obstruction de certains pays (ainsi les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, l’Egypte, l’Indonésie lors des négociations de juillet 2012).
Les Nations unies ont adopté ce traité le 2 avril 2013 (Résolution A/67/L.58) ; il constitue un premier cadre international contraignant. Le texte, qui n’a pas pu être adopté par consensus lors de la Conférence finale de négociations du 18 au 28 mars 2013, a été ensuite voté par l’Assemblée générale par une large majorité : 155 voix pour, trois contre (Syrie, Corée du Nord, Iran), vingt deux absentions (pays exportateurs - comme Russie, Chine - ou importateurs - Inde qui est le principal acheteur actuellement, Indonésie, Egypte) et 13 Etats n’ayant pas voté. Une partie des abstentionnistes considère le traité trop à l’avantage des pays exportateurs et n’intégrant pas l’interdiction absolue de transférer des armes vers des acteurs non étatiques.
Selon le traité, chaque pays devra désormais évaluer, avant toute transaction, si les armes vendues risquent d’être utilisées pour contourner un embargo international, commettre un génocide ou des « violations graves » des droits humains, ou être détournées au profit de terroristes ou de criminels. Ce traité couvre une gamme importante d’armement, pour un marché estimé à 80 à 100 milliards de dollars par an.
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Les dépenses d’armement étaient de 1630 milliards de dollars en 2010 - soit 2,6 % du Produit national brut mondial représentant de l’ordre de 236 dollars par habitant-e (42,8 % de ces chiffres pour les seuls Etats-Unis, premier budget militaire mondial). La période 1998-2010 a été marquée par une augmentation continue et forte des dépenses, avec une moyenne de 4,5 % par an entre 2001 et 2009. Par contre en 2011, elles se sont "stabilisées" à 1740 milliards de dollars (1320 milliards d’euros), en raison de la crise économique.
De son côté, l’Aide publique au développement pour les pays pauvres ne se monte qu’à environ 120 milliards de dollars et, de plus, tend à inclure des budgets liés à la sécurité. Il suffirait pourtant d’un cinquième environ des dépenses d’armements pour résoudre la majeure partie des problèmes de pauvreté dans le monde.
Les armes exportées par les pays membres du conseil sécurité des Nations unies contribuent à alimenter les conflits régionaux, la répression des régimes totalitaires sur leur population et les actions terroristes. Les armes légères de petit calibre (ALPC) (révolver, fusil, lance-grenade, missile portatif) causent 500 000 victimes par an. Douze milliards de balles sont produites chaque année, ce qui fait près de deux balles par habitant... Chaque minute dans le monde une personne est tuée dans le cadre d’un conflit armé. L’Afrique est très touchée la dissémination des armes et cela a un fort impact sur le mal développement.
Les risques de guerres civiles ou inter-étatiques ont baissé au cours des 25 dernières années, les morts de civil-es ont diminué des trois-quart par rapport aux années 80. Mais les modes de conflits et de violences se sont modifiés : actuellement, plus de 1,5 milliards de personnes vivent "dans un Etat fragile ou touché par un conflit ou dans un Etat affichant un taux de violence criminelle très élevé". (Banque mondiale, Rapport sur le développement 2011). Sur les huit millions d’armes à feu produites chaque année, on estime qu’environ un million sont "perdues ou volées" (Oxfam).
Le commerce des armes alimente également la corruption et les pots de vins : la moitié des transactions liées à la corruption dans le monde, selon le département américain du commerce, soit 20 milliards de dollars...
Un mode de développement basé sur l’exploitation de ressources non renouvelables, où 20 % de la population concentre 80 % des richesses, entraîne inévitablement une grande instabilité et une violence larvée. Au moment où le pic de production de pétrole est atteint, l’énergie devient l’axe géopolitique majeur, de même que l’accès à l’eau potable et la compétition entre les agrocarburants et la production alimentaire. Les conflits autour de l’accaparement des terres en sont une illustration.
L’exploitation des ressources naturelles a joué un rôle dans un quart des 50 derniers conflits, tuant plus de 50 millions de personnes dans les années 90. Ainsi, en République démocratique du Congo, la guerre est alimentée par l’exploitation des minerais et pierres précieuses par les belligérants, dont certains concédaient des mines à des entreprises étrangères et des institutions financières. Ce processus contribue à mettre en péril la biodiversité, les structures économiques et a entraîne de nombreuses violations des droits humains, dont le travail forcé de femmes et d’enfants. L’ONU observe que les conflits impliquant des ressources naturelles ont deux fois plus de chances de se reproduire.
Par ailleurs, différents trafics d’animaux ou de produits issus des animaux en provenance d’Afrique et destinés aux consommateurs européens et asiatiques notamment, alimentent les achats d’armements. Ainsi l’ivoire qui transite via l’Afrique de l’Ouest ou centrale sert à l’achat d’armes pour les conflits régionaux (Darfour au Soudan, République centrafricaine...)
Les guerres « modernes » hypothèquent le capital naturel et humain à long terrme : pollutions (uranium appauvri, substances chimiques...), atteintes à la santé, érosion, dispersion de mines antipersonnels (65 millions dans les sols de 56 pays, qui tuent ou mutilent jusqu’à 20 000 personnes chaque année), destruction des écosystèmes et de la faune sauvage…
Face à la catastrophe écologique et humaine de la guerre du Vietnam dans les années 70 (près de 18 % des surfaces forestières auraient été aspergés de produits toxiques par les Etats-Unis, et les conséquences sur l’environnement et la santé se font encore sentir trente ans après), une convention internationale avait été adoptée en 1976 portant sur "l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles". Mais cette convention est imprécise dans sa définition de ces techniques et celles des "dommages"" [1] . En 1992 elle est modifiée pour inclure l’utilisation d’herbicides. 48 Etats en sont actuellement signataires. Documentation sur cette convention
En ce qui concerne les mines antipersonnels, une Convention sur "l’Interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction" a été signée a Ottawa en 1997 et mise en œuvre deux ans plus tard. Elle a été signée par 159 pays (2011), mais pas par les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Par ailleurs une Convention sur les armes à sous-munitions interdit l’usage, la production, le stockage et le transfert des bombes à sous-munitions et obligeant les Etats à dépolluer les zones contaminées dans les dix ans de l’adhésion, à détruire les stocks de cette arme dans les huit ans ainsi qu’à fournir une assistance significative aux survivants, à leurs familles et à leurs communautés, a été ouverte à signature en 2008 et est légalement contraignante pour les Etats parties depuis août 2010.
Une Journée internationale de la prévention et de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre et de conflit armé a été instituée en 2001 ; elle a lieu le 6 novembre.
Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) est à l’initiative d’un programme d’appui au nettoyage environnemental post-conflit. Les opérations de maintien de la paix elles-mêmes et le stationnement de troupes sont amenées à consommer de ressources rares (eau, énergie, bois pour construire les camps, déchets). Le PNUE cite l’exemple de la Mission des Nations unies au Soudan (UNMIS), qui "a investi 5 millions de dollars pour rendre plus vertes les opérations de ses 10.000 soldats dans 25 bases. Soutenue par le gouvernement suédois, cette initiative vise à réduire la consommation d’eau de 30%, celle d’énergie de 25% et les déchets de 60%". L’Onu étudie la création de "casques verts", qui interviendraient dans les conflits liés au changement climatique et à la raréfaction des ressources naturelles. (Cf. rapport ci-dessous).
Tentative de réguler démocratiquement des intérêts souvent divergents, le développement durable est une démarche de négociation et de paix. La préservation des biens communs mondiaux nécessite la coopération. C’est ce qui est mis oeuvre, par exemple, dans les mécanismes de gestion commune des ressources en eau autour des bassins versants ou les initiatives visant à transformer des zones frontalières contestées en lieux "neutres" de biodiversité.
Un rapport "Environnement, ressources naturelles et opérations de maintien de la paix" est paru en mai 2012. Le PNUE estime que depuis 1948 25 % des opérations de maintien de la paix (soit 17 opérations) ont eu lieu dans des zones où les ressources naturelles ont joué un rôle important. Depuis 2005, tous les accords de paix conclus incluent des dispositions sur les ressources naturelles (contre seulement 54 % des accords entre 1989 et 2004)
Dix guerres civiles, au Cambodge, en Côte d’Ivoire, au Libéria, au Congo (RDC) auraient été financés par les revenus issus de l’exploitation des ressources naturelles : pétrole, diamants, minéraux... Par ailleurs, d’après le PNUE "les ressources naturelles peuvent offrir des possibilités d’emploi d’urgence et la mise en place de moyens de subsistance durables pour les anciens combattants" : 50 % à 80 % des anciens combattants se réinsèrent dans l’agriculture vivrière. "Les ressources naturelles peuvent fournir une arène pour le dialogue et la confiance entre des communautés divisées, ainsi qu’une plate-forme pour la coopération entre les communautés et les niveaux émergents de gouvernements locaux et le gouvernement national. Toutefois, si les décisions dans l’allocation, la propriété et l’accès aux ressources naturelles sont mal gérées, elles créent de nouvelles sources de tensions et de conflits".
Le rapport "Environnement, ressources naturelles et conflits" de février 2009 soulignait l’importance de la prise en compte de l’environnement et des ressources naturelles dans les plans de prévention des conflits ou de réhabilitation post-conflits. En effet "les ressources naturelles peuvent contribuer à une reprise du conflit, et au financement d’une insurrection prolongée. Pas moins de 18 conflits violents ont été alimentés par l’exploitation des ressources naturelles depuis 1990, tandis qu’au moins 40% de tous les conflits à l’intérieur d’un territoire, au cours des 60 dernières années, ont eu un lien avec les ressources naturelles." Le rapport estime "probable que les conflits liés aux ressources naturelles s’intensifient dans les décennies à venir. De nouveaux conflits pourraient également être générés par les conséquences possibles du changement climatique pour l’accès à l’eau et la sécurité alimentaire, par exemple."
Télécharger le rapport From Conflict to Peacebuilding (en Anglais, pdf, 1,5 Mo)
Cette industrie ne cesse de se développer. Entre 2000 et 2009, les dépenses militaires ont ainsi augmenté de 49 % (SIPRI).
Principales régions par ordre d’importance : Amérique du Nord (les Etats-Unis comptant pour 43 % des dépenses mondiales), Union européenne (27 % des dépenses mondiales, dûes en particulier à la France, numéro 3 mondial), Asie (les dépenses de la Chine étant en forte augmentation ces dernières années)
Pays (2009) : Etats-Unis (661 milliards de dollars), Chine (100 milliards) France (64 milliards), Grande Bretagne (58,3), Russie (53,3), Japon (51), Allemagne (45,6).
L’inde a dépensé 36,3 milliards de dollars en 2009.
75 % des dépenses mondiales sont effectuées par dix Etats.
Les entreprises américaines de l’armement réalisent 60 % des ventes mondiales, et la concurrence est rude entre les Etat-Unis et l’Europe, notamment la France, pour le marché des pays émergents.
Malgré la crise économique, les dépenses américaines augmentent : 719 milliards sont prévus pour 2010. Par contre, les dépenses européennes devraient baisser.
Le commerce des armes "conventionnelles : les exportations d’armes conventionnelles constituent un marché d’environ 57 milliards d’euros (70 milliards de dollars), alimenté essentiellement par les Etats-Unis, la France, la Chine, la Grande Bretagne et la Russie.
GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité)
SIPRI (Stockholm International Peace Research institute) ; rapport sur les dépenses militaires mars 2013 (en anglais)
En France, les ONG Amnesty International, CCFD et Oxfam font campagne contre les ventes d’armements, en lien avec la coalition international Control Arms. C’est le plaidoyer des organisations de la société civile au niveau international qui a poussé les Nations unies à organiser, en juillet 2012, des négociations sur un traité international. Après l’échec de 2012, un traité a enfin été adopté en avril 2013.
http://www.oxfam.org/fr/armes
Documentation et campagne du CCFD
http://www.controlarms.org/fr
Campagne et rapports d’Amnesty International
Une campagne internationale pour interdire les mines (ICBL) a été lancée en 1992 par Handicap International, Human Rights Watch, Medico International, Mines Advisory Group, Physicians for Human Rights and Vietnam Veterans of America Foundation. Elle a notamment abouti à une Convention internationale en 1997.
Site web de ICBL
Coalition internationale contre les armes à sous-munitions
Observatoires des armements : ce centre d’expertise et d’information indépendant a pour objectif d’étayer les travaux de la société civile sur les questions de défense et de sécurité, dans la perspective d’une démilitarisation progressive.
Nations unies : Bureau du désarmement
Glossaire sur les armes classiques (définitions)
Centre de ressource en ligne du PNUE par pays sur "environnement et post conflit"
Rapport d’Oxfam "Les milliards manquants de l’Afrique, les flux d’armes internationaux et le coût des conflits" 2007 ; Rapport 2012 "Priver les guerres de leurs munitions
Pourquoi il faut inclure les munitions dans le Traité sur le commerce des armes
Rapport du CCFD "Le développement piégé, les transferts d’armes et le développement au Tchad, 2005-2010" (cf. page plus haut dans "campagnes")
Armes de terreur, Débarrasser le monde des armes nucléaires, biologiques et chimiques ; Rapport de la Commission sur les armes de destruction massive ; L’Harmattan, 2010. Téléchargeable pdf 226 p. sur le site de la commission
Les guerres du climat ; Pourquoi on tue au XXIème siècle, Harald Welzer, Gallimard, 2008
L’Etat de la planète 2005, redéfinir la sécurité mondiale, World Watch Institut
Mondialiser la paix, Arielle Denis, Ed La Dispute
Armes légères, destructions massives, Co-éditions Observatoire des transferts d’armements / Grip / Éditions Complexe, 2004
Sur les chemins de la non violence, Études de philosophie morale et politique
Bernard Quelquejeu ; Vrin, 2010
Entrer dans l’âge de la non-violence, préface de Stéphane Hessel, Jean-Marie Muller Gordes ; Le Relié, 2011
Désobéir, le petit manuel, Xavier RENOU ; Le passager clandestin, 2012
Revue trimestrielle : Alternatives non violentes
Le Baromètre de la protection des civils" OXFAM, 2008
« Ce "Baromètre de la protection des civils", premier du genre, a été conçu comme un outil pour apprécier dans quelle mesure les moyens politiques, diplomatiques, économiques ou médiatiques (parmi d’autres) ont été utilisés de manière équilibrée, équitable et efficace dans les situations de conflit en faveur d’améliorations de long terme. Dix pays où les conflits font rage et dans lesquels Oxfam International travaille ont été isolés en tant qu’études de cas. Ils ont été analysés à travers le prisme des différents critères de ce baromètre, notamment : déplacement, mortalité, vulnérabilité, aide internationale, présence militaire internationale, diplomatie française et internationale, ainsi que traitement médiatique. »
Télécharger le rapport Baromètre de la protection des civils (pdf, 55 pages, 5,5 Mo)
Consulter notre rubrique sur l’éducation à la paix et à la non-violence
Consulter notre rubrique sur Femmes et conflits armés
[1] La convention interdit les modifications de l’environnement ayant des effets étendus, durables ou graves par des manipulations délibérées de processus naturels et interdit de modifier la dynamique, la composition ou la structure de la Terre, y compris son atmosphère ou l’espace extraatmosphérique, dans l’intention de causer des destructions, des dommages ou des préjudices à tout autre État partie. Le terme « étendus » concerne des effets qui couvrent plusieurs centaines de kilomètres carrés et « durables » s’entend d’effets qui durent plusieurs mois ou une saison. Le terme « graves » concerne des dommages ou bouleversements graves de la vie humaine ou des ressources économiques ou naturelles. Il s’agit notamment d’actes délibérés visant à provoquer des tremblements de terre ou des raz-de-marée, à bouleverser l’équilibre écologique d’une région, à entraîner des changements météorologiques ou climatiques, ou à modifier les courants océaniques".