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Dossier "Pour un monde durable", magazine Biocontact novembre 2010 Développement durable : de quoi parle-t-on ?Un article d’Yveline NICOLAS Mardi 2 novembre 2010 Le concept de développement durable est diffusé depuis le rapport des Nations unies paru en 1987 : Notre avenir à tous, dit « rapport Brundtland ». Puis la conférence internationale de Rio en 1992 sur l’environnement et le développement, ou sommet de la Terre, lui a donné un grand retentissement, en en faisant un mot d’ordre et un programme, du niveau global au niveau local, du niveau collectif au niveau individuel. |
D’après le rapport Brundtland, le développement durable est un « mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs ». On omet souvent l’affirmation qui suit cette citation, à savoir « la priorité accordée aux besoins essentiels des plus démunis ». Le processus du développement durable prend en compte l’interaction permanente et complexe des différentes dimensions du développement, aux niveaux local et global, à court et à long terme : le progrès social et les droits humains, les équilibres écologiques, l’efficacité économique, la diversité culturelle. A priori, il s’inscrit donc en faux par rapport à l’injonction de la croissance économique, même « verte », car la croissance est quantitative tandis que le développement humain est avant tout qualitatif, valorisant l’être plutôt que l’avoir.
L’Agenda 21, adopté par les Etats à la conférence de Rio, constitue un programme de développement durable fondé sur un ensemble de vingt-sept principes tels que la responsabilité, la participation, la précaution… Ainsi, le principe de participation vise à mettre en œuvre des processus d’information transparente et pluraliste, de consultation, de débat public, de gestion des conflits, en intégrant tous les acteurs concernés à tous les niveaux de décision. Le Grenelle de l’environnement se proposait de s’inscrire dans une telle démarche. (Cf. chronique). Le principe de précaution implique que, « en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ».
La solidarité doit être mise en œuvre à la fois dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, entre les générations présentes et futures : ainsi, les choix du présent doivent être effectués en tenant compte des besoins des générations à venir, de leur droit à vivre dans un environnement sain. Dans l’espace : entre le Nord et le Sud, entre régions pauvres et régions riches, entre milieu urbain et rural…
La solidarité et la coopération internationales sont essentielles car les pays industrialisés sont historiquement les premiers responsables de la dégradation de l’environnement global et du déséquilibre climatique dont les conséquences touchent particulièrement les pays les plus défavorisés, qui n’ont pas les moyens de s’y adapter.
Les acteurs du développement durable sont constitués des instances de régulation publique (Nations unies et organismes multilatéraux, Etats et sous-ensembles régionaux, comme l’Union européenne) et des organisations des sociétés civiles. L’Agenda 21 identifie neuf acteurs majeurs de la société civile, dont les initiatives doivent être prises en compte et s’articuler avec celles des Etats et des institutions internationales : les ONG, les salariés et syndicats, les collectivités territoriales, les entreprises et industries, les communautés scientifiques et techniques, les enfants et les jeunes, les femmes, les paysans, les peuples et communautés autochtones.
Si certains acteurs peuvent surprendre, il faut se rappeler leur importance, par exemple en matière de préservation de la biodiversité (les peuples d’Amazonie), de sécurité alimentaire (les paysans), en ce qui concerne l’avenir (les enfants, majoritaires dans certains pays du Sud), ou le fait qu’une composante transversale à tous les autres groupes d’acteurs ait, presque partout dans le monde, des statuts, des droits ou des revenus moindres (les femmes), ce qui constitue un frein au développement durable. (Cf. chronique en page 6).
Depuis le sommet mondial du développement durable en 2002, la culture et la diversité culturelle sont intégrées comme une quatrième composante du développement durable (avec l’environnement, l’économie, le social), comme en témoigne la convention internationale de la diversité culturelle adoptée en 2005. La démocratie et la participation constituent en effet un levier transversal du développement durable.
La notion d’éducation relative à l’environnement (ErE) se déploie depuis les années soixante-dix. L’ErE définit l’environnement de façon globale et transversale et vise à la transformation individuelle et collective. Puis on s’oriente progressivement en direction d’une éducation vers un développement durable (EDD). L’Education nationale l’intègre dans les programmes à partir de 2004 : « Eduquer à l’environnement pour un développement durable, c’est aborder les problématiques environnementales en intégrant les facteurs sociaux, économiques et culturels. Le développement durable qui s’inscrit dans un objectif de gestion raisonnée de la planète propose une approche systémique, conduite à toutes les échelles spatiales et temporelles ». La Décennie des Nations unies pour l’éducation en vue du développement durable (2005-2014, DEDD), coordonnée par l’Unesco, vise à « intégrer les principes, les valeurs et les pratiques du développement durable dans tous les aspects de l’éducation et de l’apprentissage. Cet effort éducatif encouragera les changements de comportements afin de créer un avenir plus viable du point de vue de l’intégrité de l’environnement, de la viabilité économique et d’une société juste pour les générations présentes et futures ».
Ces démarches sont portées par des réseaux tels que Ecole et Nature, Graine et le réseau francophone des acteurs de l’éducation à l’environnement Planet’Ere… Témoignant de l’évolution en cours, le Collectif des associations d’éducation à l’environnement s’est transformé en Collectif français pour l’éducation à l’environnement vers un développement durable (CFEEDD).
Se qualifiant tantôt de soutenable, de conviviale, d’équitable, la décroissance affirme que le développement durable est une contradiction dans les termes : une croissance infinie est impossible dans un monde fini, dont les ressources s’épuisent à cause de notre mode de production et de consommation gaspilleur. Le développement durable constituerait une tentative rhétorique et consensuelle pour sauver l’idéologie occidentale du développement et de la croissance économique, insérant toute activité humaine dans une dynamique marchande (exemple : le marché du carbone, de la biodiversité, les « permis à polluer »…).
Comme le développement durable, la décroissance est issue des débats écologistes des années soixante-dix sur le mode de développement techniciste, polluant, reposant sur l’addiction au pétrole et la prédation des ressources non renouvelables. Le Club de Rome, Ivan Illich, André Gorz, François Partant, Jacques Ellul, l’économiste Nicholas Georgescu-Roegen, comme Pierre Rabhi actuellement, montraient que la croissance se heurte à des limites écologiques et humaines.
Le développement durable est-il un moyen de régulation pour préserver l’intérêt général ou un avatar du capitalisme financier qui cherche à se maintenir face à des crises de plus en plus aiguës ? Il est mis à toutes les sauces. Concept souple, le développement durable finit par tout englober et à s’adapter à des intérêts d’acteurs parfois tout à fait divergents.
Le mot durable, pris dans le sens de qui dure, tend à renforcer cette ambiguïté… Ainsi, les milieux économiques parleront de croissance durable dans le sens de croissance appelée à se poursuivre tandis que pour d’autres acteurs la croissance durable est celle qui n’induit aucun déséquilibre en matière de ressources naturelles et même sociales et culturelles. Traduite en français par durable, l’expression anglaise sustainable development avait un sens plus complexe, celui de développement soutenable, supportable par les équilibres écologiques et sociaux, c’est-à-dire viable.
Quoi qu’il en soit, le développement durable a produit, vulgarisé ou mis en discussion des notions importantes, comme celle de l’empreinte écologique, de la dette écologique, des biens publics mondiaux, de la responsabilité sociétale des entreprises… Concrètement, il a aussi produit des méthodologies et des indicateurs, ainsi que de nombreuses recherches, sur le climat, les écosystèmes, la ville durable, les écoquartiers…
LIRE
Le Développement durable, dir. Catherine Aubertin, Franck-Dominique Vivien, La Documentation française. Le Développement durable, les termes du débat, dir. M.-C. Smouts, Armand Colin. Pour une planète verte, adaptation française coordonnée par Véronique Herbold et Laure Chémery, Nathan. Convient aux enfants dès 10 ans. Géopolitique du changement climatique, François Gemenne, IDDRI, Armand Colin. Ne soyons pas des écologistes benêts, Aurélien Bernier, Michel Marchad, Mille et une nuits. La Décroissance ou le progrès ? Croissance, décroissance, développement durable, Christian Comeliau, Seuil. Pour une politique de décroissance, collectif, dir. Baptiste Mylondo, Golias. Revues : La Revue durable, L’Ecologiste. |