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Dossier "Pour un monde durable", magazine Biocontact novembre 2010 Les emplois « verts », mythe ou réalité ?Un article de Jean-Philippe TEBOUL Mercredi 3 novembre 2010 On ne compte plus les articles sur le sujet. Selon l’étude du Boston Consulting Group, la croissance verte devrait créer 600 000 emplois en France d’ici à 2020. La Commission européenne table, pour la même période, sur plus de 2,8 millions d’emploi au sein de l’Union. Qu’en est-il dans la réalité ? |
L’adoption de la loi Grenelle 2 le 12 juillet 2010 intègre de nouvelles obligations et opportunités économiques pour les entreprises. D’autant plus que nombre des lois en question sont accompagnées d’un dispositif financier (sanction ou encouragement financier).
Plusieurs secteurs vont être particulièrement concernés :
bâtiments et urbanisme : amélioration des performances énergétiques (isolation des bâtiments, par exemple) ;
transport : développement des transports collectifs et alternatifs ;
gouvernance : de réels bilans sociaux et environnementaux devront être réalisés dès le 1er janvier 2012 par toutes les entreprises de plus de 500 salariés, les informations en question devront être auditées et vérifiées ;
énergie et climat : développement des énergies renouvelables, schémas régionaux éoliens et climat-air-énergie.
Au-delà des effets médiatiques, des éléments très concrets vont encourager les investissements et recrutements dans les années à venir.
La consommation « responsable » progresse en France avec une croissance de… 91 % du chiffre d’affaires par exemple pour les produits labellisés NF Environnement et Ecolabel européen entre 2007 et 2008 (sources : Agence Bio, Ademe et Afnor 2010).
De plus, en 2009, 2,3 % de l’ensemble des marchés publics (plus de 50 milliards d’achats annuels) étaient soumis à la clause environnementale et 1,5 % à la clause sociale. Cette demande de qualité environnementale est en progression de 50 % par rapport à l’année précédente.
Le secteur est stimulé par des « investissements socialement responsables » (ISR), des placements individuels ou collectifs dans des entreprises engagées dans une bonne pratique sociale, éthique et environnementale. Les investisseurs demandent à des agences spécialisées (dites de « notation extrafinancière ») de classer les entreprises sur les critères qu’ils auront définis.
En France, le volume global de l’ISR a franchi en 2009 la barre des 50 milliards d’euros (70 % d’augmentation par rapport à 2008) et constitue une forte motivation d’amélioration pour les entreprises concernées.
Entreprises, associations et administrations, aucun recruteur ne recherche aujourd’hui, ou ne va rechercher demain, un expert généraliste « en développement durable ».
Aussi, la première étape indispensable pour toute personne souhaitant travailler dans ce domaine est-elle souvent dans la définition d’un projet professionnel précis.
Certains postes vont être recherchés aujourd’hui ; pour d’autres, il faudra attendre.
L’année 2009 a vu l’arrivée d’un phénomène, renforcé en 2010 : une grande baisse des besoins en juniors généralistes, au profil particulièrement flou, compensée par la recherche (parfois fortement concurrentielle) de profils experts ou de spécialistes « autoformés ».
Les besoins en spécialistes de la mobilité durable – ou transports durables – (des profils reposant souvent sur un métier d’origine en urbanisme) ont récemment connu une croissance importante (du fait notamment d’une dizaine d’appels d’offres publics par mois sur le sujet depuis début 2010). A l’opposé, le secteur de l’écoconception (intégration d’efforts environnementaux dans l’ensemble des chaînes de production), bien qu’il soit promis à un brillant avenir, engendre un nombre modéré d’offres d’emploi.
Les formations à réaliser sont fonction de chacune de ces spécialisations.
Ce métier consiste en la réalisation de bilans carbone de structure ou d’événement. Deux données résument la très difficile situation de cette profession. En 2009, 2 000 bilans carbone ont été réalisés, pour… 4 000 consultants accrédités et formés par l’Ademe.
Si on ajoute le fait que, parmi les 1 200 cabinets et bureaux d’étude présents sur ce marché, seuls ceux intégrant de vrais services commerciaux remportent la part du lion dans les appels d’offres publics et privés, la situation du consultant ayant misé uniquement sur la formation bilan carbone pour s’installer en indépendant ou se faire embaucher est souvent particulièrement difficile.
La rareté des spécialistes en développement durable bouleverse souvent la très française hiérarchie des diplômes. Ce poste est une exception à la règle du fait de la forte présence des grands cabinets d’audit, disposant de département d’audit développement durable de 30 à 90 collaborateurs.
Les recruteurs recherchent avant tout des personnes maîtrisant les techniques d’audit. L’application au domaine environnemental étant souvent gérée en interne ou par des formations courtes (dispensées notamment par l’Afnor).
Ce métier repose souvent sur une compétence de gestion de parties prenantes. Il s’agit en effet, dans le cadre de projets d’installation d’énergies renouvelables, de coordonner les actions du client avec celle des fournisseurs.
La frontière avec les responsabilités du poste commercial est souvent difficile à isoler : en effet, on demande régulièrement au chef de projet une part importante de travail commercial.
Si des profils techniques sont parfois privilégiés, ce sont avant tout des compétences de vente qui sont recherchées.
La seconde caractéristique est en lien avec la première. Les postes de salariés représentent à peine 50 % des offres d’emploi. Bien que des rémunérations, primes comprises, de 60 000 à 70 000 euros annuels soient parfois annoncées, dans les faits il est trop tôt pour savoir quels seront les montants réels.
Le photovoltaïque représente, pour le premier semestre 2010, le secteur dominant. Une remontée des autres sources d’énergie n’est pas à exclure du fait des encouragements du Grenelle 2, des retards de la France, des engagements de l’Etat français et surtout des enjeux de croissance verte pour les pays de l’OCDE. La loi de finances budgétaires a cependant porté un coup aux niches fiscales concernées.
Selon le second baromètre sur l’état de la filière photovoltaïque en janvier dernier [1], le secteur compte aujourd’hui 4 500 personnes et devrait atteindre 15 000 personnes en 2012. Les enquêteurs ayant eu l’excellente – et trop rare – idée d’établir cette estimation sur une étude détaillée des marchés, cette estimation semble fiable.
Beaucoup de personnes visent aujourd’hui un poste… qui ne sera pas recherché avant un an ou deux.
Les postes marketing – stratégiques comme opérationnels –, reposant sur l’étude des « plus » sociaux et environnementaux, qui motiveront l’acte d’achat de certains produits, sont appelés à se développer. Mais, dans tout domaine d’activité, une condition doit absolument être remplie pour permettre le développement des postes marketing : l’harmonisation des référents.
La publication de la norme ISO 26000 à la fin de l’année 2010 est susceptible de permettre ce changement. Auquel cas, les postes commenceront à se développer en 2012.
Si le développement durable est destiné à devenir l’un des premiers vecteurs d’emplois des années 2010, seuls certains profils correspondant à des marchés bien identifiés seront réellement recherchés.
Pour déterminer lesquels, il suffit de se demander en quoi un secteur est économiquement concerné par le développement durable. Trois exemples parmi de nombreux autres :
une entreprise du BTP sera surtout intéressée par la demande croissante des collectivités locales en matière d’amélioration de la qualité environnementale des bâtiments à faire construire ;
un acteur du secteur financier cherchera des profils axés sur la gestion de l’investissement socialement responsable ;
un acteur de l’industrie automobile développera pour sa part des compétences en mobilité durable.
L’observation fine et prospective des « trois marchés » (demande des clients, demande des investisseurs et cadre législatif national et international) reste de ce fait le meilleur ami des chercheurs d’emploi du domaine, que ce soit pour l’existence de postes à court ou moyen terme ou les profils recherchés.
[1] Baromètre réalisé par le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers