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Régulation du lobbying : Intervention de Patrick Beaudouin à l’Assemblée nationale le 12 mai 2009

Mercredi 13 mai 2009

Les députés UMP Patrick Beaudouin et Arlette Grosskost sont, depuis 2006, à l’initiative d’une proposition de résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale pour prendre en compte le lobbying en établissant notamment un registre, et coprésident un groupe d’étude sur ce thème. L’amendement déposé par P. Beaudoin le 12 mai 2009 et cosigné par une cinquantaine de député-es a finalement été retiré, car "il semble plus opportun d’inscrire l’encadrement du lobbying" dans une décision du bureau de l’Assemblée que dans le règlement. Le député a demandé un "engagement du Bureau sur la mise en oeuvre et sur le calendrier de cette réglementation".


Proposition de résolution
tenant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale

Intervention de M. Patrick Beaudouin
Député du Val de Marne

Mercredi 12 mai 2009


Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de résolution tire les conséquences de la révision constitutionnelle de l’été dernier, qui accroît le droit d’initiative des parlementaires et renforce leur mission de contrôle et d’évaluation.

Cela signifie qu’à l’avenir, nous serons davantage encore sollicités par les représentants d’intérêts divers. Cela signifie, aussi, que nous devrons nous montrer davantage à l’écoute de la société civile. Or, influence et information sont les deux facettes du lobbying. C’est en effet ce sujet jusqu’ici négligé que je souhaite évoquer ce soir, et ce, aussi, pour revaloriser le travail de notre assemblée.

Le lobbying peut être une courroie de transmission entre la société civile et les décideurs politiques. Il peut également être un moyen, pour le parlementaire confronté à des sujets de plus en plus techniques, d’avoir accès à l’information fiable et vérifiée dont il a besoin pour éclairer sa décision, qu’il prend ensuite au nom de l’intérêt général. Mais nous savons aussi que les groupes d’intérêt n’ont pas naturellement vocation à être des auxiliaires désintéressés de la démocratie. C’est pourquoi il est nécessaire de les encadrer.

En janvier 2006, le président du groupe UMP, devenu, depuis, président de l’Assemblée nationale, se disait « frappé par le jeu des lobbies et des groupes de pression » et plaidait pour la mise en place de règles « de transparence et d’éthique ». Ces propos faisaient suite à l’intrusion de représentants de la société Virgin, alors propriété du groupe Lagardère, venus faire la démonstration d’une plate-forme de téléchargement dans une salle voisine de l’hémicycle pendant le débat sur la loi DADVSI.

Choqué, comme beaucoup, par cette démarche, j’avais déposé avec Arlette Grosskost, au nom de qui je m’exprime également aujourd’hui, une proposition de résolution, cosignée par une centaine de députés, de tous bords politiques, « tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale pour établir des règles de transparence concernant les groupes d’intérêt ». Nous avons ensuite, par une initiative personnelle, créé un groupe de travail, intitulé « Lobbying et démocratie », qui a permis de clarifier les différentes problématiques liées à l’activité des groupes d’intérêt.

La législature en cours a vu les initiatives se multiplier. Une délégation spéciale du bureau chargée de la question des groupes d’intérêt, présidée par Marc Le Fur, a vu le jour en décembre 2007, grâce à la détermination affichée du nouveau président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer. Notre collègue Jean-Paul Charié a rendu public un rapport sur le lobbying, au nom de la commission des affaires économiques. Depuis l’an dernier, Arlette Grosskost et moi-même co-présidons un groupe d’études qui mène une réflexion sur l’activité des groupes d’intérêt auprès des autres pouvoirs publics de notre pays, qui sont aussi, et parfois même davantage que le Parlement, la cible des lobbyistes.

Il ressort de ces travaux qu’il est nécessaire d’encadrer le lobbying. Au Parlement, un questionnaire adressé à l’ensemble des députés et sénateurs avait révélé, en 2007, l’omniprésence des groupes d’intérêt et le souhait, partagé par tous les élus – de gauche, du centre ou de droite – d’une réglementation. Le président du Sénat vient d’ailleurs d’annoncer la création d’un groupe de travail pour encadrer l’activité de ces groupes dans la Haute Assemblée.

Les lobbyistes eux-mêmes appellent de leurs voeux une réglementation. Ils sont rejoints par des associations ou des ONG luttant contre la corruption et pour la transparence. L’OCDE encourage les initiatives en ce sens. Le Service central de prévention de la corruption, placé auprès du garde des Sceaux, a souligné la pertinence de nos propositions et plaidé pour une régulation du lobbying.

Surtout, l’encadrement du lobbying est un devoir à l’égard de nos concitoyens. À intervalles réguliers, l’Assemblée nationale est accusée d’être un lieu, non pas de débat entre les représentants de la Nation, mais de confrontation des lobbies par élus interposés. Je pense, par exemple, au récent projet de loi sur les OGM, où chaque camp a été accusé d’être à la solde de groupes de pression. L’absence de règles provoque la suspicion et alimente l’antiparlementarisme. Ce n’est plus acceptable.

C’est pourquoi il est nécessaire de parvenir à des solutions réalistes et équilibrées. Nous pensons, avec Arlette Grosskost, que trois grands principes doivent être respectés : transparence, éthique et pluralisme.

Transparence d’abord. La délivrance de laissez-passer accréditifs aux lobbyistes – qui ne donneraient naturellement accès qu’à un périmètre limité – devrait ainsi être subordonnée à l’inscription sur un registre mis à la disposition du public, à l’image de ce qui se pratique au Québec, en Allemagne ou au Parlement européen. Les intérêts que défendent nos interlocuteurs doivent être clairement identifiés. De même, leurs positions et leurs expertises pourraient gagner à être exposées et rendues publiques dans une banque de données accessible à tous.

Éthique ensuite. Le respect d’un code de bonne conduite est une condition indispensable à l’installation d’une relation de confiance entre les élus et ceux qui leur apportent de l’information. De nombreux acteurs de la profession ont, du reste, montré la voie en mettant en place des chartes de déontologie.

Pluralisme, enfin. Nous devons donner à tous la possibilité de se faire entendre, sans privilégier tel ou tel interlocuteur, ni accorder de passe-droits. Entreprises, syndicats, groupements professionnels, ONG, associations : tout le monde fait du lobbying. Mais tous ne disposent pas des mêmes moyens de se faire entendre. Je pense notamment à ces grandes entreprises qui bénéficient curieusement d’un badge permettant à leurs représentants de circuler librement à l’Assemblée. Je pense aux groupes d’études, aux colloques, aux voyages d’études, parfois dénoncés comme les chevaux de Troie des groupes d’intérêt. Il est donc essentiel de s’assurer que chacun bénéficie d’un accès non discriminatoire et équitable aux parlementaires.

C’est en application de ces principes que, sur le modèle de ce qui se pratique depuis quinze ans au Parlement européen, nous avons soumis à nos collègues un amendement visant à mettre en place un registre et un code de bonne conduite. Près de soixante-dix d’entre eux ont souhaité s’associer à ce premier – et essentiel – pas, et nous les en remercions.

Toutefois, il semble plus opportun d’inscrire l’encadrement du lobbying dans l’Instruction générale du Bureau, procédure qui devrait, d’ailleurs, être aussi celle du Sénat. Plus d’amendement, donc.

Néanmoins, nous avons tenu, avec Arlette Grosskost, à venir évoquer cette question lors du débat sur le Règlement ici, dans l’hémicycle. Et je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir nous préciser la réflexion du Bureau en ce sens et l’engagement de ce dernier sur la mise en oeuvre et sur le calendrier de cette réglementation intérieure, qui contribuera à améliorer le fonctionnement de notre assemblée et à revaloriser les élus auprès de nos concitoyens.

Mes chers collègues, « le meilleur désinfectant, ce sont les rayons du soleil ».

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