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Dossier "Pour un monde durable", magazine Biocontact novembre 2010 Quelles énergies durables pour le Sud ?Un article d’Alain GUINEBAULT Vendredi 5 novembre 2010 La place pour les énergies renouvelables dans les pays du Sud pose d’abord la question des enjeux énergétiques pour les populations et de l’adaptation aux nouvelles techniques. Lier accès à l’énergie, développement et environnement dans les pays en voie de développement est justement le défi relevé quotidiennement par le GERES (Groupe énergies renouvelables, environnement et solidarités). |
Les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ne sont-elles pas un luxe lorsque l’on manque de tout ? Les populations ne disposant que de très peu de moyens ne peuvent pas se permettre de gaspiller l’énergie. Or plus elles sont pauvres, moins elles ont accès à une énergie efficace, c’est-à-dire performante et économe. Ainsi, au regard de leur niveau de vie, les ménages les plus modestes ont un budget énergie beaucoup plus élevé que celui des classes aisées. En effet, ils n’ont, par exemple, pas les moyens d’acquérir des équipements performants, qui n’existent d’ailleurs pas partout.
Les équipements de cuisson ou au charbon de bois ont souvent une efficacité énergétique inférieure à 20 %. On retrouve une telle situation aussi bien chez les populations les plus défavorisées des pays riches que chez les populations des pays du Sud. Mais le coût de l’électricité est plus élevé dans les pays en développement que chez nous, près de quatre fois le prix français pour le Mali, par exemple…
Favoriser l’accès aux énergies « modernes » rime-t-il avec écologie ? La cuisson et le chauffage représentent une forte proportion de la consommation totale, souvent près de 90 % dans les pays les plus pauvres. Or cette énergie est généralement tirée de la forêt ou des excréments d’animaux qui représentent 80 % du bilan énergétique. La déforestation est une cause majeure de perte de biodiversité et d’émission de gaz à effet de serre. Brûler des fertilisants comme les bouses de vache prive le sol d’un engrais naturel. La difficulté d’accès à une énergie moderne, renouvelable et efficace a une répercussion directe sur les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. Mais ne nous y trompons pas : le gaz pour cuisiner est souvent d’un coût trop élevé pour la plupart des ménages. Devant les effets catastrophiques de la déforestation, de nombreux gouvernements subventionnent le gaz en bouteille, environ à hauteur de 50 % ; mais il reste cependant une énergie des classes moyennes supérieures et aisées.
Alors, comment peuvent agir les gouvernements face à l’augmentation inéluctable des prix des combustibles fossiles ? En 2008, dans les pays du Sud, de nombreuses familles ont abandonné le gaz et ont recommencé à utiliser le charbon de bois.
La situation n’est évidemment pas la même partout. Dans les campagnes, le bois est une ressource gratuite et immédiatement disponible. On l’utilise donc en priorité. En ville, la cuisson des aliments se fait au charbon de bois ou au gaz. Diminuer les conséquences environnementales de l’une ou de l’autre pratique ne peut pas se faire de la même manière.
Selon cet état de fait, le GERES intervient selon trois axes prioritaires : en premier lieu, son action promeut l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables partout où elles sont pertinentes et où il est possible de les mettre en œuvre à grande échelle.
Ensuite, considérant que l’énergie doit être utilisée comme un puissant moyen de développement, le GERES privilégie en priorité les techniques dont l’objectif tend à améliorer les conditions de vie des populations. Enfin, l’ONG inscrit ses modes d’intervention dans une vision de long terme reposant sur les savoir-faire locaux sans jamais s’y substituer.
Cela étant dit, le champ des technologies de l’énergie est très vaste, trop vaste pour un seul GERES. Cela le conduit à faire des choix : agir sur des priorités oubliées, auprès de populations particulièrement vulnérables, et selon des technologies ne les mettant pas en dépendance de brevets…
Pour de nombreux pays du Sud, la biomasse représente une des seules sources d’énergie disponible. Aussi, et au lieu de substituer cette ressource par des techniques complexes à implanter et difficilement maîtrisables par les populations locales, un premier travail en amont sur l’économie de la biomasse peut être développé afin de répondre plus durablement aux besoins de cuisson. C’est une option pertinente choisie par le GERES.
Dans les zones rurales des pays du Sud, la cuisson des aliments nécessite en moyenne 600 kilos de bois par an et par personne. La consommation journalière s’élève de 6 à 10 kilos par famille, soit 2 à 4 tonnes par an et par foyer. Ce besoin est essentiellement satisfait par l’utilisation de biomasse-énergie, en particulier du bois rarement commercialisé. En Afrique, on estime que 275 millions de tonnes de biomasse partent ainsi en fumée lors de la cuisson des repas journaliers, ce qui représente 360 millions de tonnes équivalent-CO2 émis dans l’atmosphère. Pour les acteurs du développement, l’intervention se situe à la fois sur le plan de l’offre en énergie de cuisson et celui de la demande. L’offre est constituée par la biomasse sous toutes ses formes, résidus agricoles, bois de taille, charbon de bois, briquettes ; tandis que la demande se caractérise par les comportements énergétiques des ménages, les équipements et les niveaux de consommation de l’énergie de cuisson.
Pour exemple, le GERES a développé des foyers améliorés au Cambodge depuis 1997 et s’est engagé depuis 2004 dans un programme de diffusion massive reposant sur un partenariat avec une trentaine d’entreprises artisanales locales et le gouvernement cambodgien pour la labellisation des équipements performants (25 % d’économie d’énergie). Un million de foyers améliorés ont été diffusés depuis 2004 avec un rythme de 300 000 appareils par an. D’autre part, la création de plantations énergétiques permet de renouveler l’offre en biomasse et de satisfaire ainsi les besoins en bois de feu, tout en limitant la pression sur la forêt.
Par manque de moyens financiers, de matériaux disponibles ou de savoir-faire, la qualité des constructions pose souvent problème dans les pays du Sud situés sous des climats continentaux, froids en hiver. En Asie centrale, l’isolation thermique des bâtiments se révèle souvent très insuffisante. Le chauffage entraîne des dépenses importantes ou du temps de collecte de bois selon les cas. De plus, l’énergie de chauffage peut avoir un impact sur l’environnement lorsque la source d’énergie est de type biomasse non renouvelable. Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, et ainsi réduire les besoins en combustibles, est donc un enjeu important pour ces pays. L’architecture bioclimatique s’avère, en ce sens, particulièrement pertinente puisqu’elle permet, en travaillant sur l’orientation du bâtiment, sa conception et son isolation, de réduire les besoins énergétiques de chauffage et la consommation de combustibles de manière très significative. L’architecture bioclimatique apporte également un meilleur confort et une amélioration de la santé des utilisateurs.
Dans cette optique, deux types de bâtiment sont ciblés par le GERES en Asie centrale (Afghanistan, Tadjikistan, Inde du Nord) : les bâtiments publics (secteur tertiaire) et l’habitat domestique. Avec des surcoûts limités à 15 %, on parvient à diviser par deux les consommations de chauffage, à améliorer le confort (il gèle souvent dans les bâtiments) et la santé des populations tout en facilitant la création ou le renforcement d’activités artisanales en hiver à la maison. Le GERES a appliqué les principes de l’architecture bioclimatique à l’agriculture et à l’élevage : serres solaires de maraîchage, poulaillers et bergeries bioclimatiques… Plus de 2 000 bâtiments d’habitation, près de 1 000 serres solaires, plus de 100 celliers communautaires fonctionnent dans ces régions où les conditions de vie sont extrêmes en hiver.