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Conférence environnementale. Intervention de Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement internationalJeudi 27 novembre 2014 Laurent Fabius est intervenu lors de la table ronde « Mobilisation nationale vers la COP 21 sur les enjeux du climat et de la biodiversité » (Paris, le 27 novembre 2014). |
Ce que je voudrais faire si vous en êtes d’accord, c’est vous expliquer où on en est. Nous avons commencé à préparer il y a plus d’un an déjà ces réunions appelées « comité de pilotage » (COPIL) qui réunit, à peu près tous les mois, au Quai d’Orsay les ministres directement compétents, un certain nombre de scientifiques, des parlementaires, pour qu’on tire tous dans la même direction. Ce ne sont pas des réunions qui font l’objet de publicité mais ça permet de préparer le travail.
Je m’appuie évidemment beaucoup sur Laurence Tubiana qui est directement à mes côtés. Parfois la question a été posée : mais pourquoi ce n’est pas Mme Ségolène Royal qui s’occupe de ce sujet ? Madame Ségolène Royal a un rôle tout à fait important et va représenter la position de la France. En l’occurrence, la présidence de la COP 21 c’est un autre rôle. Il ne s’agit pas de défendre la position de la France, le rôle de la présidence c’est d’essayer d’impulser, de faire aller les choses, de préparer et de rassembler. Et le représentant de la France a un rôle d’aiguillon, c’est un peu différent. Et en plus comme il s’agit d’obtenir un accord, il n’est pas totalement illogique qu’on ait mobilisé la diplomatie française qui, normalement, doit professionnellement être capable de faciliter les accords.
Quelques mots d’abord sur le calendrier jusqu’à la COP 21. Je ne vais pas vous énumérer toutes les occasions que nous aurons en France et dans le vaste monde de traiter ces sujets, mais je vais essayer de jeter des coups de projecteurs sur les aspects principaux. D’abord d’ici quelques jours, nous avons la COP 20 à Lima. Lima, c’est très important en soi et c’est très important pour la COP 21, parce que tout le travail qui aura été fait à Lima n’aura pas à être fait à Paris. Et je n’étais pas à Copenhague mais si j’ai bien compris, il y a beaucoup de raisons qui expliquent que Copenhague n’ait pas été le succès que l’on pouvait attendre ou espérer. L’une des raisons - et François Hollande y a fait allusion ce matin - c’est que c’était une illusion totale de croire que les problèmes pouvaient être réglés à la fin par les grands leaders de ce monde lors d’une nuit de travail. Cela ne marche pas ainsi.
Il faut en tirer les leçons et être assez besogneux, assez laborieux et s’y prendre très longtemps à l’avance. Évidemment, l’impulsion politique est tout à fait décisive, mais il ne faut pas croire que des miracles se font à la fin parce que ce n’est pas comme ça que cela fonctionne. D’autant que nous aurons 20.000 délégués et ce n’est pas en sortant un papier au dernier moment qu’on va faire adhérer tout le monde. Lima est très étape très importante en soi pour préparer l’année prochaine.
Les Péruviens travaillent bien, on est en lien étroit avec eux. Je pense que parmi les mérites qu’aura Lima, d’après ce que m’a dit mon collègue péruvien c’est qu’on va avoir une position unie de l’Amérique centrale, de l’Amérique du Sud, ce qui pèse. J’espère qu’on va pouvoir arriver à des ébauches de textes, avancer le plus possible. C’est aussi parce qu’il y avait l’échéance de Lima que sur le Fonds vert les choses ont avancé. Et c’est aussi parce qu’il y avait Lima que les Américains et les Chinois se sont mis d’accords. Vous avez bien compris quel était l’intérêt qu’y trouvent les Chinois et les Américains dans cet accord. D’ailleurs, il faut le reconnaitre, ils nous ont tenus au courant et c’était quand même un signe de confiance considérable parce que ce n’était pas quelque chose qui était sur la place publique.
Les Chinois sont pris à la gorge par ces affaires au sens à la fois politique, psychologique et physique et les Américains, le président Obama en l’occurrence puisque le Sénat lui oppose les problèmes de compétitivité, a trouvé astucieux de passer un accord avec les Chinois parce que cela neutralise plus ou moins l’objection qui va lui être faite : « si vous avancez, on ne sera pas compétitif, et c’est les Chinois qui vont tout ramasser ». Et cela a permis, je l’ai vu vraiment concrètement, de lever toute une série de blocages parce qu’à partir du moment où les Chinois et les Américains se mettent d’accords, c’est très difficile à l’Australie et au Canada de s’opposer à cet accord.
À Lima, nous espérons nous mettre d’accord sur une première ébauche de texte pour Paris 2015 et décider de la nature des objectifs nationaux qui devront être présentés par les uns et par les autres, bien avant Paris, - comme convenu à Varsovie -, soit avant la fin du premier trimestre.
Après Lima, alors il y aura un marathon diplomatique considérable. L’idée est que tout le monde soit dans le coup. Au niveau des gouvernements, il y aura des occasions de discussions multiples parce que les problèmes sont compliqués et il va falloir que chacun fasse des efforts. Mais si on ne donne pas à chaque pays, l’occasion de s’exprimer et de faire valoir ses positions, on n’a aucune chance que cela fonctionne.
L’idée que nous avons, c’est de faire trois ou quatre sessions informelles dans l’année de négociations et trois sessions de négociations formelles du groupe de travail sur la plateforme de Durban (ADP). Ce sont des gros morceaux, mais c’est une des conclusions que j’ai tirée de mes entretiens. D’ailleurs nous allons faire venir, en janvier je crois, les principaux négociateurs mondiaux des conférences précédentes pour essayer, d’abord, de les mettre dans le coup et puis de comprendre un peu pourquoi cela a ou non marché. Je crois qu’il y a aussi un climat à créer.
Nous aurons au moins six sessions, les unes informelles, les autres formelles pour nous pencher là-dessus. Nous avons, si possible avant le 31 mars 2015, l’échéance des contributions nationales, c’est-à-dire leur offre d’entrée de négociations, évidemment essentielle si on veut bien préparer les choses. Nous avons déjà des indications pour l’Union européenne, pour les États-Unis, pour la Chine, qui représentent 50 % des émissions, mais d’abord il faut que tout cela soit bien harmonisé. Et d’autre part il faut que les grands émetteurs autres suivent.
Vous avez vu que le Japon va connaître des élections au mois de décembre. J’ai eu des entretiens avec le Premier ministre du Japon. Ils ont donné l’autorisation pour rouvrir deux centrales nucléaires. En France, vous avez des sentiments différents sur le nucléaire, mais l’un des énormes problèmes du Japon, c’est que par honnêteté, il avait été obligé de remettre en cause sa propre contribution. En fermant les centrales il était difficile voire impossible de diminuer les émissions. On peut le critiquer du point de vue nucléaire, mais ils ont l’intention de repartir en rouvrant un certain nombre de centrales, ce qui devrait leur permettre d’être bien davantage dans les clous que ce qui aurait été le cas sinon, ils importeraient, du charbon, du gaz et du pétrole. Je pense que du point de vue du Japon, nous aurons une contribution satisfaisante.
En Indonésie, le nouveau président est assez ouvert sur cette question et je vais m’y rendre au mois de février. Évidemment le président de la République, le Premier ministre et moi-même feront le tour de tous les pays, c’est la raison pour laquelle la diplomatie est utile. S’agissant des pays du Golfe,- qui ne sont pas les plus actifs d’habitude -, vous savez que la France a quand même une relation privilégiée avec eux, - qu’on peut contester -, et je pense qu’on va arriver à un certain nombre de choses.
Alors il reste les pays importants, qui posent soit des interrogations, soit des problèmes. Le Canada où il y a une grande différence d’approche entre le Premier ministre, M. Harper et les Premier ministres des provinces, dont certains sont extrêmement allants. C’est le cas pour l’Ontario et pour le Québec. Nous allons donc nous appuyer sur les provinces.
D’autre part, l’Australie. On l’a vu au G20 de Brisbane, qu’il y a quand même une évolution, puisque l’élection des conservateurs par rapport aux travaillistes s’est faite sur cette question du climat. Le Premier ministre est très hostile à cette question, mais lors de la réunion du G20, il était obligé de bouger. Et le communiqué final fait mention d’un succès obligatoire à Paris. De plus, après le G20, nous sommes allés en voyage officiel en Australie, avec François Hollande, et nous avons discuté de ces sujets. Je ne pense pas qu’ils ne prendront pas de front l’échec de la conférence.
Et puis deux inconnues au moins. L’Inde l’actuel Premier ministre, Narendra Modi qui lorsqu’il était à la tête du Gujarat était très engagé dans ce domaine. Maintenant, je ne saurais pas encore me prononcer. M. Rajendra Pachauri, le président du GIEC, a l’air assez optimiste, mais je suis un plus prudent que lui. En tout cas un gros travail va être fait sur l’Inde par nous, par les Allemands, par les Américains, car c’est quelque chose qu’il faut faire ensemble. Il y a une stratégie indienne, nous nous y rendrons plusieurs fois et nous avons invité le Premier ministre Modi.
Et puis il y a un point d’interrogation sur le Brésil, parce que le Brésil selon les époques a été très en pointe ou au contraire très réticent, le nouveau ministre n’est pas encore désigné. Il y aura un gros travail à faire aussi sur le Brésil. Mais de ce point de vue-là, le fait que l’Amérique du Sud soit unie est positif. Le Mexique - le ministre mexicain des affaires étrangères était là hier - sera à fond pour une réussite, tout comme le Pérou, la Colombie, le Chili et les petits pays.
À partir du 31 mars, il y aura une évaluation des contributions nationales, pour savoir si elles suffisantes, si elles sont à la hauteur et faire pression sur ceux qui n’auront pas encore donné leurs contributions. Après va s’ouvrir entre mars et septembre l’époque de toute une série de conférences que ce soit sur le plan strictement économique, sur le plan scientifique. Il va y avoir des travaux sur l’Arctique, il va y avoir les sessions habituelles - FMI, Banques mondiales - où ces sujets vont être traités. Il y a un calendrier considérable avec l’implication des collectivités locales, que ce soit au niveau des communes ou des régions, toute une série d’initiatives d’organismes non gouvernementaux, une série de fêtes, de manifestations, il y a ce que veut faire Al Gore, etc..
Après on va arriver au mois de septembre, et là il y a plusieurs choses. Il va y avoir tous les travaux au niveau mondial sur les objectifs de développement. Il va falloir voir exactement comment tout ça s’entrechoque, positivement si possible. En 2014, l’Assemblée générale des Nations unies, a été très positive et le travail qu’a fait Ban ki-Moon a été extrêmement utile, à la fois pour mobiliser l’opinion notamment américaine et pour mobiliser les entreprises. Là, je ne crois pas qu’il souhaite recommencer sur le même thème, mais enfin quand tous les pays sont rassemblés, on ne peut pas éviter le sujet. Et on va s’acheminer ensuite vers la conférence proprement dite et entre-temps les questions de financement vont être traitées. Je pense qu’il va falloir les traiter plusieurs fois au niveau mondial, vraisemblablement au printemps et si ce n’est pas suffisant, ce qui est probable, les faire revenir à l’automne parce qu’à mon avis, au premier coup ça ne marchera pas. Voilà un petit peu le calendrier qu’on a en tête d’une façon vraiment itérative.
Après l’objectif est la façon dont on pourrait essayer de bâtir Paris 2015. Dans notre esprit, on va voir si cela correspond à l’esprit général, il y aurait non pas un document mais au fond quatre piliers, et ce ne serait pas seulement l’accord de Paris, mais une espèce « d’alliance de Paris pour le climat ».
Le premier pilier, qui est évidemment l’essentiel, c’est l’accord juridiquement contraignant incluant l’objectif global et,- ce qui est au moins aussi important -, avec les mécanismes de vérification et de suivi. D’ailleurs c’est une des choses que nous disent un certain nombre de pays réticents : « vous nous dites, que l’on n’en fait pas assez, mais tel pays a affiché tel objectif et puis derrière il n’y a rien ». Je pense qu’à la fois par honnêteté intellectuelle et par efficacité, il faut vraiment qu’on se mette d’accord sur un mécanisme de vérification et de suivi.
Alors c’est très compliqué parce qu’il faut à la fois que ce soit contraignant, mais que ce soit aussi rédigé de telle sorte que le Sénat américain ne nous le repousse pas. Ainsi avec le pilier numéro un, il faut qu’on ait quelque chose qui soit contraignant et différencié. De ce point de vue-là, on ne l’a pas suffisamment remarqué, mais l’accord entre la Chine et les États-Unis est tout à fait décisif parce qu’il tranche la question théorique de la différenciation. Jusqu’à présent les Américains et d’autres disaient « no way », on ne veut pas s’engager. Mais là quand vous regardez dans le détail les engagements pris, ils ne sont pas uniformes, et dans la discussion avec les Américains, la question de la différenciation ne revient plus depuis. Je ne dis pas que ça ne reviendra pas, mais enfin c’est quand même une énorme évolution.
Deuxième élément, obtenir des objectifs nationaux dont il faudra voir si on arrive ou pas - à mon avis on n’y arrivera pas, mais enfin ce n’est pas une raison pour ne pas essayer -, à les inclure dans l’accord juridiquement contraignant. Il faut quand même que les pays disent : voilà à l’horizon X, à l’horizon X plus 1, à l’horizon X plus 10 voilà ce à quoi je m’engage. Et il faut que ce soit homogène du point de vue méthodologique, parce que sinon on arrive à rien. Ce sera compliqué parce qu’évidemment quand on est dans les discussions générales, cela peut passer, mais lorsqu’un pays doit dire « voilà à l’horizon X ce à quoi je m’engage », c’est plus compliqué mais je pense que c’est le deuxième pilier vers lequel il faut travailler très fortement.
Troisième élément le paquet financier et technologique. Si on ne mobilise pas les financements, rien n’est faisable, mais pas seulement les financements, les technologies aussi. C’est quelque chose qui me frappe beaucoup, quand on parle avec des gens et des gouvernements ils vous disent pourquoi pas mais nous n’avons pas les technologies et elles ne sont pas accessibles. Cela m’a frappé lors d’une réunion très positive que nous avons faite avec l’alliance des petites îles (Aosis) en Nouvelle Calédonie, avec la communauté du Pacifique, il y a quelques jours. Profitant du fait que nous étions en Australie, on a fait un petit tour en Nouvelle Calédonie et il y avait là les représentants de Kiribati, de Vanuatu, des Iles Samoa.... Des gens vraiment très intelligents et très engagés, et qui ont dit : « là, ce que vous êtes en train de faire, c’est pour nous un tourment ». Alors je pense que pour ces pays, à la fois pour des raisons intrinsèques parce qu’ils sont menacés encore plus que les autres dans leur existence, et pour leur opinion, c’est quelque chose qui est très sensible, il faut que nous ayons des dispositions spéciales pour les Aosis. Et ce sur quoi on s’est mis plus ou moins d’accord, ce serait les choses suivantes. Ils savent bien que ce n’est pas en mettant une muraille qu’on va arrêter l’élévation du niveau des océans. Ils savent que leur sort est lié à terme aux mesures générales qui sont prises. Mais ils sont sensibles ou ils seront sensibles à deux ou trois séries de mesures qu’on pourra prendre, qui les concernent directement. Premièrement ils demandent qu’ils aient accès au Fonds vert, mais aussi que l’on mette à leur disposition des experts, parce qu’ils ne savent même pas quoi demander parce qu’ils n’ont pas l’expertise. C’est tout à fait à notre portée et il va falloir s’occuper de cela en liaison avec les gens qui animent le Fonds vert.
Deuxièmement, ils souhaitent qu’il y ait un dispositif mondial pour les prévenir des catastrophes qui peuvent arriver, parce qu’ils disent : écoutez, là c’est la double peine. Cela nous arrive dessus et on n’est pas au courant alors qu’il existe des instruments qui permettraient de nous avertir. C’est un travail qui va devoir être fait avec des réseaux mondiaux et c’est tout à fait légitime. Et le troisième élément qu’ils demandent c’est la mise à disposition des technologies pour les énergies renouvelables. Parce qu’un certain nombre d’entre eux se donnent l’objectif de 100 % d’énergies renouvelables.
Aussi il faut un paquet financier et technologique pour accompagner les pays en développement dans leur transition énergétique, et ce sera sûrement la même chose pour les pays africains avec lesquels de nombreuses réunions sont prévues.
Le quatrième pilier innovant, c’est celui qui va inclure des engagements des acteurs non gouvernementaux, c’est-à-dire les communes, les régions, les entreprises, les organismes financiers, etc. Et je pense que c’est l’ensemble de tout cela - avec des dimensions juridiques différentes - qui peut permettre de se dire qu’il y a vraiment un changement, une évolution vers un autre mode de développement, vers une économie décarbonée. Et ce ne sera pas simplement, si on va dans le sens que nous souhaitons, un document « legally binding » mais ce sera quelque chose qui sera vraiment une approche d’ensemble.
Bien sûr toutes ces questions seront examinées dans une série de réunions plus vastes : le G7 à Lübeck l’année prochaine et le G20 en Turquie, le Forum des économies majeures et on envisage aussi une autre conférence.
Je vais essayer de dire maintenant à quoi pourrait ressembler l’objectif du quatrième, pilier que nous voudrions promouvoir à Paris dans le cadre de ce qu’on appelle « l’agenda des solutions ». « Agenda des solutions » plutôt « qu’agenda positif » parce que ça laisse entendre que le reste serait négatif. Idéalement, ce que nous souhaiterions, c’est que le plus grand nombre d’acteurs possibles - régions, villes, entreprises, acteurs financiers - s’engagent sur des objectifs chiffrés, similaires ou en tout cas analogues, à ceux que vont prendre les États. Parce que vous savez mieux que moi que finalement, les États n’ont une responsabilité que partielle, même si souvent, ils essaient de se défausser par rapport à cette responsabilité partielle.
Il y a des choses extrêmement concrètes que les villes peuvent faire : le verdissement de la commande publique, des engagements sur zéro déchet, une flotte de transports publics 100 % électriques, etc... De même, des fonds de pension commencent à s’engager à verdir leur portefeuille, voire à ne plus financer des projets intensifs en carbone. Des entreprises et des régions d’ailleurs s’engagent à appliquer un prix du carbone, s’accordent sur un certain nombre d’objectifs chiffrés de réduction des émissions, se donnent un objectif de zéro déforestation nette, je pense qu’il faut vraiment que nous poussions en ce sens.
Alors je termine en disant que nous, nous sommes vraiment à votre disposition, à la fois sur les plans national et international et beaucoup d’entre vous qui sont ici présents, font partie d’organisations internationales. Nous souhaitons que si vous partagez ces objectifs, vous nous aidiez par vos connexions internationales. Et l’expérience a montré que quand des organisations comme les vôtres se mettent en mouvement, c’est quand même extrêmement efficace et c’est vraiment ce que nous vous demandons et ce que je vous demande. Et la contrepartie c’est qu’on soit à l’écoute de ce que vous pouvez apporter, demander, proposer, critiquer. Pour cela nous devrons ménager des rendez-vous avant la COP 21.
Et puis au sein même de la COP 21, nous avons souhaité que les choses soient bâties d’une manière telle que vous puissiez dire ce que vous avez à dire, vous impliquer etc.
Ce sont certes les gouvernements qui ont voix au chapitre, mais ils sont liés aux sociétés dont ils font partie, et je pense qu’il y a une opinion publique mondiale - en particulier dans les pays dont les gouvernements sont réticents - à mobiliser et ça évidemment, vous êtes les mieux placés pour le faire. Il y a plusieurs initiatives qui peuvent être envisagées en ce sens mais là vraiment, c’est à vous de dire ce qui vous parait le mieux.
Des réunions périodiques ont lieu entre les sociétés civiles et les ministres qui interviennent dans la COP. Nous avons commencé à expérimenter cela et c’est une bonne chose. Le dispositif permanent d’interaction avec la société civile doit être satisfaisant ; il doit être organisé en parallèle des sessions de négociations officielles et des réunions informelles de l’an prochain autour de thèmes précis. Ce qui est décisif, ce sont évidemment les résultats mais c’est aussi, pour conduire à ces résultats, la méthode et l’image que cela donne. L’opinion mondiale va avoir le regard tourné vers nous tous, et comme il se trouve que c’est en France, c’est une certaine image de la France que nous donnerons, avec une notion de créativité qui doit être importante.
Voilà quelques mots que je voulais vous dire, j’ai conscience que ce n’était pas exactement le sujet qui m’était imparti, mais mieux vaut dire des choses peut-être intéressantes sur un sujet qui n’est pas prévu. Je suis complètement investi dans cette affaire, cela m’intéresse énormément, et puis je trouve que c’est un défi magnifique pour le pays et pour notre diplomatie puisque cela va être la plus grande conférence diplomatique jamais organisée en France.
L’enjeu est considérable. Toutes nos équipes sont très mobilisées. Vous allez voir que les ambassadeurs vont devenir des spécialistes du CO2 ! Laurence Tubiana fait un travail remarquable, Annick Girardin s’en occupe également beaucoup. Il y a une équipe qui a été rassemblée et on travaille très bien avec Ségolène Royal et avec les autres ministres.
Merci beaucoup pour tous ceux qui ont posé des questions. Je vais essayer de répondre à quelques-unes puis Laurence Tubiana - avec qui je travaille avec plaisir et qui est beaucoup plus compétente que moi - complètera.
(Sur l’accord Chine - États-Unis) - C’est accord est très positif et nous discutons vraiment de manière très amicale avec les Chinois, parce que nous voyons la difficulté considérable qui est la leur. De plus, nous ne pensons pas qu’il y a un double langage. Mettez-vous un instant à la place des autorités chinoises, ce n’est pas seulement un problème politique majeur. Ce sont aussi des problèmes sociaux et économiques majeurs. Il suffit d’aller à Pékin et de voir la pollution et les nombreuses personnes qui ne veulent plus travailler. J’ai toujours cette image lors de l’inauguration du futur lycée français : j’étais sur la tribune officielle avec le maire de Pékin et face à nous, les élèves portaient tous un masque.
Certes les Chinois n’ont pas encore donné leur contribution, mais les contacts que nous avons avec eux nous permettent d’être optimistes. C’est pour cela que c’était intéressant qu’ils bougent avec Américains. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire et s’il y a un mouvement, nous allons encourager d’autres pays à aller dans le même sens. Les Chinois peuvent encore bouger dans le bon sens.
Aux États-Unis, cela va être rude et ce que vous avez dit est tout à fait juste. Il reste quand même aux États-Unis un climato-scepticisme considérable, et qui est politico-religieux d’ailleurs. Le président Obama, qui n’a pas emporté que des succès et qui est vraiment convaincu comme John Kerry, voudrait marquer son empreinte dans ce domaine. Seulement évidemment il faut qu’il passe, compte tenu de ce qu’est la législation et la Constitution américaine américaines, par des voies très étroites. Mais je pense que nous devons pouvoir essayer d’obtenir mieux.
Nous essayons évidemment que tous les secteurs de la société et des sociétés aillent dans le bon sens. Ce que vous avez dit, Madame, sur les syndicats est juste. La société civile comprend les syndicats et il faut écouter ce qu’ils ont à dire. Mais je voulais parler de l’aspect financier et on s’aperçoit que cette cause est non seulement une cause juste, mais que d’un point de vue économique la croissance verte est une des deux occasions de croissance pour le futur. Si vous liez les technologies de l’information et la communication avec la croissance verte, ce sont les secteurs porteurs de croissance.
Aussi, il faut que nous arrivions à bouger en ce sens, à convaincre toute une série d’organismes économico-financiers, que non seulement c’est souhaitable mais aussi que cela peut être profitable. J’espère que ce mot n’est pas tabou. Et, compte tenu de mon lourd passé dans ce domaine, je compte utiliser des spécialistes de la finance pour expliquer aux financiers qu’il faut s’investir dans ce domaine. J’ai été ministre de l’économie et des finances, je sais bien comment ça fonctionne. Si on veut que non seulement le gouvernement - ce n’est déjà pas facile à obtenir - mais aussi les grandes agences internationales et les grands fonds soient favorables aux obligations vertes, alors il y a des initiatives à prendre au niveau mondial.
(Sur le paquet européen) - Sur le paquet européen, nous souhaitons qu’il soit amélioré même si le résultat n’a pas été facile à obtenir. Je me rappelle que juste avant la réunion de Bruxelles nous avons reçu le nouveau Premier ministre polonais et je n’étais pas sûr de ce que cela donnerait. Finalement avec les uns et les autres, nous sommes arrivés à faire bouger les choses. Mais si on peut aller plus loin il faut que les instances européennes jouent chacune son rôle.
Par ailleurs, je n’ai pas besoin de vous forcer la main, ce n’est pas parce que l’accord doit être applicable à partir de 2020 qu’il faut oublier 2015-2020, parce que ça c’est quand même un point difficile. Il y a du travail à faire sur le moyen terme, car comme disait Keynes : à long terme, nous serons tous morts.
(Différentes actions à mener) - Tout ce qui pourra être fait en ce sens est positif, mais évidemment on ne va pas pouvoir faire uniquement des réunions en France. D’ailleurs, ce n’est pas la France qui va être la plus difficile à convaincre, aussi il faut vraiment que vous vous déployiez à l’étranger, soit directement soit par les mouvements dont vous faites partie. Il faut faire des actions qui mettent en avant la biodiversité notamment.
(Prix du carbone) - Sur l’affichage du prix du carbone, c’est quelque chose qu’on n’arrivera pas - je le crains - à obtenir dans le cadre des engagements juridiquement contraignants. Alors il y a pas mal d’entreprises et de régions qui le comprennent parfaitement et l’applique. Je vais demander à certaines régions pilotes d’aller expliquer leur position pendant la conférence. Ce ne sont pas des petites régions, mais des régions comme la Californie, ou d’autres en Chine et au Canada. Les gens ont parfois du mal aussi à comprendre le concept, mais je pense qu’il faut saisir l’occasion de la conférence de Paris pour le climat pour faire avancer cette idée.
(Relations avec l’Afrique) - Je me reproche de ne pas avoir cité beaucoup l’Afrique dans mon discours, parce qu’on va travailler évidemment très étroitement avec l’Afrique. Au Sommet de l’Élysée, qui avait lieu en décembre de l’an dernier, nous avions pris l’engagement de faire une contribution commune avec l’Afrique. À l’époque c’était Pascal Canfin qui travaillait à mes côtés. Et dans le cadre de la francophonie nous allons demander au futur exécutif de la francophonie,- nous ne savons pas encore qui va être désigné -, d’engager vraiment l’espace francophone et singulièrement l’Afrique dans cette question de la lutte contre le dérèglement climatique
Source : http://basedoc.diplomatie.gouv.fr