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Recommandations genre et développement

2008

Ces recommandations et propositions sont issues de la journée "Osons le genre" organisée le 12 décembre 2006 par la commission genre de Coordination Sud, dont Adéquations est membre.


Les points de vue et les expériences concrètes apportés par les intervenant-es et les discussions avec les participant-es ont suscité de nombreuses propositions et recommandations.

Sur le plan global, les participant-es ont particulièrement insisté sur le fait que l’approche genre doit garder sa dimension liée aux droits humains et à l’objectif politique d’une société plus juste, et qu’il faut se prémunir de son détournement en instrument technique au service de la seule croissance économique. La bonne articulation entre les moyens affectés aux projets spécifiques d’appui aux femmes - qui doivent être maintenus -, et les moyens dégagés pour le « mainstreaming » du genre, est essentielle.

Une formation liée à l’action et une pédagogie permanente du genre sont nécessaires, puisque cette notion est sujette à contresens, comme le souligne par exemple la confusion fréquente entre « femmes » et « genre ». D’où l’importance de mieux appréhender la question des rôles masculins socialement construits et celle de l’évolution des masculinités, notamment dans les contextes de paupérisation ou de conflits. Les participant-es s’accordent sur le fait que la démarche de genre et les transformations sociales, culturelles, politiques qu’elle implique, nécessitent du temps et des moyens matériels et humains que les institutions de développement, ONG et bailleurs doivent renforcer.

 Pour une pédagogie du genre

Mieux communiquer pour mieux faire comprendre le concept de « genre »

Compte-tenu des contresens et des interprétations parfois approximatives de la notion de genre, il apparaît nécessaire de toujours rappeler ce dont on parle. Par exemple, les médias expriment le plus souvent la question de l’égalité en termes de parité, de mixité. Les démarches visant l’égalité des chances (ainsi, les actions de « discrimination positive », qui donnent plus de chance aux femmes d’accéder à des postes de responsabilité) ne constituent pas forcément des politiques de genre, qui supposent des transformations des rapports de pouvoir et de l’organisation des rôles sociaux, et de partage du temps entre femmes et hommes. Il faut donc amplifier le travail pédagogique et rappeler que le genre implique une exigence de transformation sociale, de droits fondamentaux, d’accès au pouvoir des femmes.

Clarifier la différence entre « femmes » et « genre » tout en restant pragmatique

Le paradoxe est que, d’une part, on répète que « genre » n’égale pas « femmes » et que genre n’égale pas sexe biologique. En même temps, on parle surtout des femmes, parce qu’à l’évidence, ce groupe social est majoritairement l’objet de discriminations. Il reste qu’il faut rappeler, en préalable à toute discussion, que le genre concerne autant les hommes que les femmes. Exemple : si des aménagements pour concilier vie familiale et vie professionnelle ne sont dirigés que vers les femmes et pas vers les hommes, cela ne constitue pas une politique de genre. Il convient en même temps de rester pragmatique, et l’on est amené, dans la pratique, à utiliser tous les termes possibles selon la compréhension que peut en avoir l’interlocuteur : égalité des genres, égalité femmes/hommes, égalité des sexes, renforcement du pouvoir d’action des femmes, stratégie participative, meilleur équilibre des rapports sociaux de sexe, etc.

  Recommandations concernant la mise en œuvre du genre

Adapter les moyens aux décisions politiques

Les organisations qui affichent leur engagement pour le genre ne le concrétisent pas souvent par les moyens matériels et humains correspondants. Ainsi, le MAE a récemment mis en place des outils : points focaux, plate-forme Genre et développement, soutien au réseau Genre en Action, malgré un contexte de fortes restrictions budgétaires. C’est un point positif, même si les ressources financières restent largement en deçà des besoins, mais comment faire sans ressources humaines additionnelles au sein de ces institutions ? Aucun poste à temps plein n’est consacré au genre au MAE ou à l’AFD. Les points focaux avaient déjà des charges de travail à 100% quand ils ont reçu cette responsabilité supplémentaire. Dans ce contexte, comment le genre peut-il devenir une préoccupation intégrée transversalement et un des critères de sélection des projets, comment établir et renseigner des indicateurs sérieux ? La question est exactement la même au niveau des ONG et des collectivités territoriales.

Placer le genre au bon niveau de responsabilité et former les responsables genre

Si le point focal genre n’est pas situé, dans la direction stratégique, à un niveau décisionnel, les meilleures intentions ne se traduiront pas forcément en volonté politique. Exemple : le Maroc a institué des points focaux genre dans ses administrations, ses ministères… le plus souvent des femmes, mais la majorité ne sont pas formé-es, exercent cette responsabilité en plus de leur travail, et quand une formation est faite, il manque un accompagnement sur le long terme. Des organismes du système des Nations unies ont le même problème : leurs délégations gèrent sur le terrain des programmes d’éducation et de santé censés intégrer l’approche genre, mais dans la pratique aucun responsable n’est réellement investi de cette fonction.

Intégrer d’emblée besoins pratiques et intérêts stratégiques

Beaucoup de projets ont pour objectif de régler des problèmes immédiats, des besoins urgents (santé, eau potable, éducation, habitat…). Mais il faut bien comprendre la différence entre besoins pratiques et intérêts stratégiques (cf. p . x), et articuler ces deux aspects, dès la conception et la planification du projet, car une fois l’action lancée, les objectifs stratégiques ne seront que très difficilement pris en compte en cours de route.

Articuler aux formations la question de « genre et leadership »

Les formateurs-trices en genre se rendent souvent compte que la formation n’a pas suffi : les femmes n’ont pas pu, dans la pratique, exercer un leadership, développer la confiance en elles, du fait qu’en raison de leur statut souvent défavorisé, et de leur moindre accès à l’éducation et à l’information, etc. Il faut donc articuler la formation en genre à la formation à la prise de responsabilités des femmes, à l’exercice du pouvoir et de la prise de décision, et sensibiliser les hommes à cette question.

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Tenir compte de la durée nécessaire à la prise de conscience

L’égalité entre femmes et hommes est un objectif à long terme, dans la mesure où elle met en jeu des processus de transformation personnelle, culturelle, sociale et politique, de prises de conscience, qui s’étirent sur plusieurs générations. Les stratégies, projets et programmes ont souvent des durées limitées, mais ils doivent s’efforcer d’intégrer des moyens de formation et de renforcement des capacités, des relais locaux et nationaux pour favoriser les processus à long terme.

Articuler la prise en compte du genre avec d’autres « mainstreaming »

Le genre fait partie des critères de certaines organisations, mais il est souvent réduit dans les projets à un petit paragraphe, au même titre que d’autres approches dont les bailleurs demandent aussi l’intégration transversale : protection de l’environnement, prise en compte du VIH-sida, du handicap, etc. Comment garder le cap de l’objectif principal d’un projet tout en intégrant une multiplicité de facteurs ? L’exemple d’une recherche-action sur un projet d’infrastructure routière à Madagascar intégrant genre, prévention du sida, environnement, montre que dans ces différents domaines, on peut trouver des points d’entrée permettant de renforcer la cohérence et l’efficacité globale de l’action.

 Garder une vigilance, intégrer le genre dans le plaidoyer pour les droits humains

Maintenir un regard critique sur le décalage entre les discours et les pratiques

Au Sud comme au Nord, beaucoup d’institutions et d’ONG disent intégrer le genre, mais dans la pratique, il s’agit fréquemment d’un affichage sans contenu effectif et durable, susceptible à tout moment d’être remis en cause par des restrictions budgétaires ou des changements de personnels. Si de nouveaux acteurs importants comme les pouvoirs publics et ONG françaises se « mettent enfin au genre », ils doivent éviter de tels écueils et se montrer exemplaires, pour avoir un effet d’entraînement sur l’ensemble des acteurs et des partenaires.

Se prémunir du risque d’instrumentalisation de l’approche genre

Ainsi, un récent rapport de la Banque mondiale est fortement critiqué par des acteurs-trices du mouvement « genre et développement », car il tend à considérer les femmes comme des instruments économiques, sans référence à leurs droits, à leur travail gratuit, à leur rôle de reproduction de la société. N’y a-t-il pas des risques de régression par rapport aux acquis de Pékin ? De fait, le travail et les rôles sociaux des femmes peuvent être utilisés pour accroître l’efficacité de programmes, la productivité. Par exemple, le microcrédit part souvent du principe que les femmes remboursent mieux les prêts, qu’elles affectent leur revenu au bien-être de la famille, etc. Mais ont-elles la liberté d’utiliser les ressources obtenues, ne risquent-elle pas de s’endetter encore plus et de rester à la marge tout en assumant toujours plus de charges et de responsabilités ?

Revenir aux fondamentaux du genre : une question de droits humains

La Déclaration universelle des droits de l’Homme proclame l’égalité des femmes et des hommes. Des conventions internationales et des plans d’action de conférences ont été formulés par les Nations unies et signées par les Etats. C’est bien la question de l’égalité, de la dignité humaine, des droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels, qui est en jeu, et pas un simple objectif d’efficacité technique. Les acteurs de la coopération et de la solidarité internationale doivent se former à ces dispositifs juridiques et les intégrer dans leurs actions d’éducation et de plaidoyer.

Intégrer le genre dans l’action de plaidoyer

Les ONG françaises et, en particulier la commission Genre de Coordination SUD, devront, comme d’autres ONG européennes et du Sud, se saisir de la question du genre et de l’égalité femmes-hommes dans leur plaidoyer, et apporter un point de vue qui peut diverger de celui d’institutions dont elles critiquent souvent l’approche (comme les institutions financières internationales). Elles ont un rôle à jouer pour que l’Union européenne et ses Etats membres soient cohérents, dans des espaces comme la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce, avec leurs engagements en matière de droits humains.

Importance de l’adéquation entre les objectifs de genre et les messages véhiculés par les organisations

Dans un souci de crédibilité et d’efficacité, les associations et institutions de développement doivent être vigilantes à propos de la cohérence entre leurs annonces et affichages de stratégies en matière de genre, et les pratiques et les messages qu’elles véhiculent elles-mêmes dans leurs initiatives d’éducation, de sensibilisation, de communication et de plaidoyer. L’égalité entre femmes et hommes ne peut être un domaine extérieur aux organisations elles-mêmes, ce qui suppose qu’elles travaillent aussi sur elles-mêmes, en interne. L’exemple est donné des délégations de partenaires du Sud venant en Europe pour des actions de sensibilisation et de plaidoyer, et qui gagneraient à être plus paritaires… De même, la question de l’égalité des femmes et des hommes dans l’accès aux responsabilités, et celle de l’exercice de la parentalité doivent faire partie intégrante des politiques de genre des organisations.

Intérêt essentiel de nouer des alliances et des partenariats

Pour atteindre un objectif aussi complexe et transversal que l’égalité entre femmes et hommes, toutes les compétences, les moyens et les énergies sont à mobiliser. Le partenariat entre ONG et mouvements sociaux, syndicats et organisations de la société civile du Sud et du Nord est un acquis important, notamment en matière de communication d’informations, de données statistiques, d’adaptation aux contextes et langages culturels, d’initiatives de sensibilisation et de plaidoyer en commun. Les actions et campagnes conduits entre alliés du Nord et du Sud, nécessitent une co-construction, un respect mutuel d’autant plus grand que la question des rapports sociaux entre femmes et hommes touche à l’intime des cultures.

 Intégrer le genre aussi dans les situations de crise et l’action humanitaire

Les situations de crise ont des impacts différents sur les femmes et les hommes

Exemple des pays de l’Est : au moment de la crise politique et économique entraînée par la chute du mur, ce sont les femmes qui ont perdu le plus rapidement leur emploi. De par leur position sociale, les femmes sont beaucoup plus vulnérables. En situation de guerre, elles sont en première ligne, les violences envers les femmes et les fillettes deviennent paroxystiques. Mais dans un contexte de crise, on pare au plus pressé, la question de l’égalité paraît secondaire, on considère qu’elle sera traitée après. Or, l’analyse de genre est un des facteurs qui peut contribuer à trouver de meilleures solutions aux crises, elle doit faire partie de la façon dont on réagit à la crise. Des outils existent, et le recul dont on dispose démontre la pertinence de l’intégration de l’approche genre dans la gestion des crises humanitaires.

La crise, outil possible de changements politiques et sociaux

Les crises peuvent aussi offrir des ouvertures. Les violences amènent des réactions politiques. D’où des progrès en matière de participation des femmes dans la vie politique en République Démocratique du Congo et au Rwanda. Le viol a été reconnu comme crime de guerre mais aussi le viol domestique comme crime contre les femmes. La période de crise déstabilise, remet en cause les stéréotypes, les structures sociales. Elle peut constituer une possibilité de reconstruction de structures plus égalitaires. Les enjeux de pouvoir se révèlent d’autant plus dans les moments de crise. Il serait intéressant de mieux analyser comment se comportent les organisations, les ONG : la crise doit être un moment de vigilance accrue à la question du rapport femmes-hommes.

Approche genre et processus de paix

Il est essentiel de prendre en compte les rôles et situations des femmes et des hommes dans les processus post-crise et les processus de paix. Les femmes sont à la fois victimes d’exactions, enrôlées dans des forces combattantes, mais elles peuvent aussi jouer un rôle spécifique dans la négociation et la reconstruction. Les organisations doivent donc renforcer leur plaidoyer pour l’application de la résolution des Nations unies sur la participation politique des femmes dans les processus de retour à la paix. Cf. p. l’exemple du Rwanda, qui souligne le fait que la culture de paix, de résolution des conflits est à mettre en œuvre de façon continue, en dehors des situations de crise, et que la prise en compte, dès l’enfance, de l’égalité entre femmes et hommes dans les processus d’éducation, joue un rôle déterminant dans la prévention de la violence.

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