Accueil > Environnement > Ecosystèmes Biodiversité > L’économie des écosystèmes et de la biodiversité |
Une étude lancée par l’Union européenne L’économie des écosystèmes et de la biodiversitéLa biodiversité est aussi une richesse économique. Lundi 22 septembre 2008 La richesse économique globale que représente la biodiversité, et parallèlement, le coût économique lié à la perte de la biodiversité et à la dégradation des écosystèmes, sont des domaines de recherche assez récents. L’Union européenne a décidé en mars 2007 de lancer une étude sur ce sujet, en tant que signataire de la Convention sur la diversité biologique (CDB), dont l’objectif est de réduire de façon significative la perte de biodiversité d’ici à 2010. Un premier rapport d’étape est paru en septembre 2008, dont nous reproduisons ici le résumé. |
La nature offre à la société humaine un large éventail de bienfaits tels que la nourriture, les fibres, l’eau potable, des sols sains, la fixation du carbone et bien d’autres encore. Notre bien-être a beau dépendre entièrement du flux ininterrompu de ces « services rendus par les écosystèmes », ces derniers n’en constituent pas moins en grande partie des biens publics, dépourvus de marchés et de prix, et sont par conséquent rarement pris en considération par nos instruments de mesure économiques. De ce fait, la biodiversité décline, nos écosystèmes ne cessent de se dégrader et nous en subissons les conséquences.
En s’inspirant des idées développées dans l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM), notre initiative, intitulée l’Économie des écosystèmes et de la biodiversité (EEB), vise à promouvoir une meilleure compréhension de la véritable valeur économique des services fournis par les écosystèmes, ainsi qu’à offrir des outils économiques tenant dûment compte de cette valeur. Nous espérons que les résultats de nos travaux permettront de mettre en place de meilleures politiques pour protéger la biodiversité et atteindre les objectifs fixés par la Convention sur la diversité biologique.
L’EEB est composée de deux phases et ce rapport d’étape résume les résultats de la Phase I. Il montre l’importance primordiale que revêtent les écosystèmes et la biodiversité, et met en lumière les menaces qui pèsent sur le bien-être de l’humanité si rien n’est fait pour mettre un terme aux pertes et aux dégâts observés actuellement. La Phase II ira plus loin et montrera comment utiliser ces connaissances pour concevoir les politiques et les outils adéquats.
La planète a déjà enregistré de lourdes pertes en matière de biodiversité. La pression qui s’exerce actuellement sur le prix des produits de base et des denrées alimentaires reflète les conséquences de cette perte pour la société. La disparition d’espèces et la dégradation des écosystèmes étant inextricablement liées au bien-être de l’humanité, il convient d’agir de toute urgence pour remédier à cette situation. Bien entendu, la croissance économique et la conversion des écosystèmes naturels pour la production agricole ne vont pas pour autant prendre fin. Nous ne pouvons ni ne devons entraver les aspirations légitimes des pays et des individus au développement économique. Il est toutefois essentiel de veiller à ce que ce développement tienne bien compte de la valeur réelle des écosystèmes naturels. Ceci est primordial pour la gestion de l’économie comme pour celle de l’environnement.
Dans les chapitres 1 et 2 du présent rapport, nous décrivons comment, si nous n’adoptons pas les politiques idoines, l’actuel déclin de la biodiversité et la perte qui en découle en termes de services rendus par les écosystèmes, vont se poursuivre et dans certains cas même s’accélérer. Certains écosystèmes sont susceptibles de souffrir de dommages irréparables. Les recherches portant sur le coût de l’inaction nous montrent qu’en suivant un scénario inchangé, nous devrons subir de graves conséquences d’ici à 2050 :
une diminution de 11 % des zones naturelles restantes en 2000 est à craindre, principalement en raison de la conversion de ces terres à l’agriculture, de l’expansion des infrastructures et du changement climatique ;
près de 40 % des terres actuellement exploitées par des formes d’agriculture peu intensive pourraient être converties en terres d’agriculture intensive, ce qui entraînerait des pertes supplémentaires de biodiversité ;
jusqu’à 60 % des récifs coralliens risquent de disparaître dès 2030 des suites de la pêche, de la pollution, des maladies, de l’invasion d’espèces exogènes et du blanchiment des coraux provoqué par le changement climatique.
Les tendances observées actuellement sur la terre et dans les océans montrent les graves dangers que représente la perte de biodiversité pour la santé et le bien-être de l’humanité. Le changement climatique ne fait qu’exacerber ce problème. Et, une fois de plus, comme pour le changement climatique, ce sont les pauvres de la planète qui sont les plus menacés par une dégradation continue de la biodiversité. En effet, ce sont eux qui dépendent le plus des services fournis par les écosystèmes, services qui sont sous-estimés par des analyses économiques erronées et des politiques mal avisées.
L’objectif ultime de nos travaux est de fournir aux responsables politiques les outils dont ils ont besoin pour intégrer la valeur réelle des services rendus par les écosystèmes dans leur prise de décisions. C’est ainsi qu’au chapitre 3, puisque l’économie des écosystèmes est encore une discipline naissante, nous décrivons les principaux défi s posés par l’élaboration et la mise en oeuvre de méthodes appropriées. Il existe en particulier des choix éthiques à opérer entre les générations actuelles et les générations futures, ainsi qu’entre des peuples de différentes régions du monde qui connaissent différents stades de développement. Les objectifs du Millénaire pour le développement ne pourront jamais être atteints si l’on ne tient pas compte de ces aspects.
Certaines politiques prometteuses sont déjà à l’essai. Au chapitre 4, nous décrivons plusieurs de ces politiques qui fonctionnent déjà dans certains pays et qui pourraient être renforcées davantage et/ou appliquées ailleurs. Ces exemples, bien que tirés de domaines différents, nous livrent un message commun pour développer l’économie des écosystèmes et de la biodiversité :
repenser les subventions d’aujourd’hui pour refléter les
priorités de demain ;
récompenser les services actuellement ignorés que rendent les écosystèmes et s’assurer que le coût que représentent les dommages causés à ces derniers soit bien pris en compte, en créant de nouveaux marchés et en encourageant le recours à des politiques adaptées ;
partager les bénéfi ces tirés de la conservation ;
mesurer le rapport coûts/avantages des services offerts par les écosystèmes.
L’approche économique qui sera développée dans la Phase II reposera sur une analyse spatiale et s’appuiera sur nos connaissances du fonctionnement des écosystèmes et des services qu’ils apportent. Nous examinerons également la capacité des écosystèmes et des services qui leur sont associés à répondre à certaines politiques. Il sera essentiel de tenir compte des questions d’éthique et d’équité, ainsi que des risques et incertitudes inhérents aux processus naturels et au comportement humain.
La plupart des bienfaits que nous procurent les écosystèmes sont des biens publics auxquels aucun prix n’est attaché. Il existe différentes approches pour résoudre ce problème. Nous pouvons notamment adopter des politiques qui récompensent la préservation de ces biens publics, ou nous pouvons encourager des « marchés de conformité », qui attribuent une valeur marchande à la fourniture ou à l’utilisation de ces services.
Le paiement des services rendus par les écosystèmes (PSE) en est un exemple. De tels dispositifs peuvent en effet créer une demande permettant de corriger les déséquilibres qui nuisent à la biodiversité et empêchent le développement durable.
La Phase II examinera le bien-fondé d’investir dans les PSE, mais aussi dans d’autres instruments nouveaux et novateurs. Il se crée déjà de nouveaux marchés qui soutiennent et rémunèrent la biodiversité et les services rendus par les écosystèmes. Pour réussir, ces nouveaux marchés ont besoin d’une infrastructure institutionnelle, d’incitations, de financements et de mécanismes de gouvernance appropriés. En d’autres termes, d’investissements et de ressources. Dans le passé, l’État était souvent considéré comme le seul responsable de la gestion des écosystèmes. Aujourd’hui, il est clair que les marchés ont aussi leur rôle à jouer et ce, le plus souvent, sans avoir à puiser dans les fonds publics.
Dans cette optique, il est essentiel de créer un outil de mesure économique qui permette mieux que le PIB d’évaluer la performance des économies. Les systèmes de comptabilité nationale doivent inclure davantage de paramètres afin de mesurer les importants bienfaits qu’offrent à l’humanité les écosystèmes et la biodiversité. En tenant compte de ces bénéfices, ces systèmes aideront les responsables politiques à adopter les bonnes mesures et à concevoir les mécanismes financiers adéquats en vue de la conservation des écosystèmes et de la biodiversité.
Les pays, les entreprises et les individus doivent comprendre le coût réel que représente l’utilisation du capital naturel de la planète, ainsi que les conséquences que les actions et les politiques, individuelles ou collectives, peuvent avoir sur la résilience et la viabilité des écosystèmes naturels. Nous sommes convaincus que des politiques qui reflètent mieux la vraie valeur de la biodiversité et des écosystèmes naturels seront mieux à même de contribuer au développement durable en assurant la pérennité des biens et des services rendus par les écosystèmes, en particulier concernant la nourriture et l’eau, de façon transparente et socialement équitable.
Non seulement cette approche contribuera à protéger la biodiversité, les écosystèmes et les services qui leur sont associés, mais elle permettra aussi d’améliorer les conditions de vie de notre génération ainsi que des générations futures.
Afin d’atteindre ces objectifs ambitieux, il nous faudra puiser dans le savoir, les compétences et le talent des pays, des organismes internationaux, des chercheurs, des entreprises et de la société civile du monde entier. Nous souhaitons vivement coopérer avec tous ces acteurs de façon ouverte, souple et constructive afin de pouvoir observer des progrès substantiels dès 2009 et 2010.