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Comment financer le développement durable et la lutte contre la pauvreté ?

Lundi 10 avril 2017, par Yveline Nicolas

L’Aide publique mondiale au développement découle d’engagements historiques des pays riches à affecter 0,7 % de leur PIB au développement des pays pauvres. L’APD connait de nombreuses fluctuations, en fonction de la situation économique des pays riches, de leurs "doctrines" en matière de coopération ou de commerce international, du contexte international, comme actuellement la crise des réfugié-es. En effet, les pays donateurs tendent maintenant à intégrer dans leur aide les coûts d’accueil des réfugiés, soit selon l’OCDE plus de 10% de l’aide totale des donateurs.


 Repères historiques

La déclaration de la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement en 1992 indiquait que "l’élimination de la pauvreté, condition d’un développement durable pour tous, relève de la responsabilité collective de tous les pays et en particulier des plus riches, en raison de leur responsabilité première dans la dégradation de la planète".

A l’époque du "Sommet de la Terre" de 1992, la Commission des Nations unies pour l’environnement et le développement (CNUED) avait estimé le budget de la mise en oeuvre de l’Agenda 21 adopté à Rio, à 561 milliards de dollars/an, 142 milliards revenant à l’Aide publique au développement (APD) et le reste en ressources propres des pays. De telles sommes n’ont jamais été mises en oeuvre. Plus de 25 ans après, les pays riches sont toujours loin d’avoir tenu leur promesse datant de 1970 à l’Assemblée générale des Nations unies d’affecter 0,7 % de leur PIB (ou RNB - Revenu national brut) à l’aide au développement des pays défavorisés. L’APD mondiale est en effet de l’ordre de 0,3 % du RNB.

Pourtant, la transition vers un développement soutenable impliquerait des investissements de long terme, créateurs d’activités locales et d’emplois : éducation, services de base économes en ressources, efficacité énergétique, habitat bioclimatique, énergies renouvelables, réhabilitation des sols, reboisement, dépollution, prévention et recyclage des déchets, appareils de production tournés vers l’écoconception...

Tandis que les investissements privés directs à l’étranger (IDE) se concentrent dans les pays émergents, l’Aide publique au développement (APD) n’a pas, à ce jour, pu enclencher une dynamique de développement durable, du fait de son faible montant et d’affectations qui ne se sont pas dirigé prioritairement vers des secteurs essentiels, comme l’agriculture vivrière, l’environnement et l’agro-écologie, la lutte contre le dérèglement climatique, la santé, l’éducation, l’égalité femmes-hommes...

L’Aide publique au développement (APD)

L’Aide publique mondiale connait de nombreuses fluctuations, en fonction de la situation économique des pays riches et de leurs "doctrines" en matière de coopération ou de commerce international. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) effectue un suivi de l’APD des 28 pays membres de son Comité d’aide au développement (CAD).

Dernière information : selon l’OCDE, en 2016, l’aide publique au développement a atteint son point le plus élevé : 134,6 milliards d’euros, soit une hausse de 8,9 % par rapport à 2015. Mais environ 2% de cette hausse est due aux dépenses liées crise des réfugiés, essentiellement en Europe. Les pays donateurs peuvent en effet intégrer les coûts d’accueil des réfugié-es dans le calcul de leur APD et donc de conserver des budgets au niveau national. Cela tend à faire diminuer encore les fonds envoyés aux pays les plus pauvres. Selon l’OCDE les Pays les moins avancés ont reçu en 2016 22,6 milliards d’euros d’aide, soit 3,9% de moins par rapport à 2015.
Evolution de l’Aide publique au développement depuis 20 ans

L’APD avait chuté de 60 milliards de dollars en 1992 à 53 milliards en 2000, pour amorcer ensuite une remontée. Elle s’est montée à environ 100 milliards en 2006 (0,33 % du PIB) et 119,8 en 2008. Une nouvelle contraction est intervenue en 2011 et 2012, liée aux politiques d’austérité suite à la crise économique et financière de 2008. En 2012, les apports nets d’aide publique au développement se sont chiffrés à 125.6 milliards de dollars, ce qui représentait 0,29 % de leur revenu national brut cumulé, l’APD ayant reculé de - 4 % en valeur réelle par rapport à 2011.

L’APD a amorcé ensuite une remontée, atteignant son plus haut niveau historique en 2013 : 134,8 milliards de dollars, soit 0,3 % du RNB. Mais l’aide aux pays les plus pauvres continue à diminuer. Ainsi, l’aide bilatérale nette à l’Afrique subsaharienne (26,2 milliards de dollars) a diminué de 4 % en 2013 par rapport à 2012.

Les Conférences internationales sur le financement du développement
Après la Conférence de Monterrey en 2002 et celle de Doha en 2008, la 3ème Conférence internationale pour le financement du développement s’est tenue du 3 au 16 juillet 2015 à Addis-Abeba. Les pays ont une nouvelle fois réaffirmé leur engagement des 0,7 % du produit national brut consacré à l’aide au développement - et de 0,15 à 0,20 % pour les pays les moins avancés - mais sans donner de calendrier pour la réalisation. Analyse du Programme d’action.

L’Aide publique au développement selon les régions

Au niveau mondial

Globalement, l’année 2010 avait marqué un accroissement important de l’APD : 129 milliards de dollars pour les 19 pays "riches" du CAD (Comité d’aide au développement) de l’OCDE, ce qui constituerait une augmentation de 6,5 % par rapport à 2009. Après une contraction en 2011 et 2012, l’APD a atteint de nouveau un niveau record en 2013 : 134,8 milliards de dollars pour les membres du CAD (qui sont maintenant au nombre de 28). En 2014, le chiffre est de 135,2 milliards de dollars. D’après l’OCDE, depuis 2000, l’aide publique au développement a augmenté de 66 %.

Mais le problème réside dans l’affectation de cette aide internationale, qui remplit rarement les engagements pris lors des différentes conférences internationales. D’une part l’Afrique reçoit comparativement moins d’aide, d’autre part les priorités d’affectation ne sont pas respectées. Ainsi, l’ONU avait décidé en septembre 2010 une stratégie globale pour la santé materno-infantile... Or, la part d’APD pour la santé est passée de 12% en 2007 à 10% en 2010. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande que les pays affectent 0,1% du RNB à la santé et à la réalisation des Objectifs du millénaire en la matière. Selon des ONG, ce pourcentage n’a pas dépassé 0,047% en 2010...

Pourtant, selon un rapport de 2010 de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), le nombre de pays très pauvres a doublé ces quarante dernières années et le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a doublé en trente ans. L’un des Objectifs du millénaire (OMD) principaux, réduire la pauvreté dans le monde de 50 % entre 2000 et 2015, n’a pas été atteint. L’objectif se poursuit maintenant dans le cadre des Objectifs de développement durable adoptés par l’ONU en septembre 2015.

L’union européenne

L’union européenne assure 50 % de l’aide mondiale, dont elle est la plus importante contributrice avec environ 50 milliards de dollars / an. L’Union européenne s’est engagée en 2005 à porter l’aide publique au développement à 0,7 % du revenu national brut (RNB) d’ici 2015, avec un objectif collectif de 0,56 % en 2010...

En 2010, L’APD collective des institutions de l’Union européenne et des 28 Etats membres est de 53,8 milliards de dollars (contre 49,3 milliards en 2009). Les 15 Etats à la fois membres du du CAD (Comité d’aide au développement) de l’OCDE et de l’UE atteignent 0,46 % du RNB. Mais certains pays, comme la Suède, le Danemark, le Luxembourg (qui atteignait en 2010, avec 301 millions d’euros d’aide au développement, 1,09 % de son RNB) et les Pays-Bas ont déjà atteint voire dépassé les 0,7 %. Par contre des pays comme l’Allemagne (0,38 %), l’Italie (0,15 %) ou encore l’Autriche (0,32 %) restaient en 2010 à la traîne. (Pour la France, cf. encadré ci-dessous).

Après deux ans de baisse successives, l’APD européenne a repris une tendance positive en 2013, passant à 56,3 milliards d’euros, contre 55,3 milliards d’euros en 2012. Elle s’est maintenue au niveau de 0,43% du revenu national brut (RNB) de l’UE. Le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas (jusqu’en 2016), la Suède respectent l’engagement des pays riches d’affecter 0,7% de leur produit intérieur brut à l’APD. Le Royaume-Uni l’a atteint en 2013. Le Luxembourg et la Suède sont même parvenus à 1% en 2013. Il reste le problème de l’affectation de l’aide. Ainsi la CDC, institution d’investissements économiques de l’aide britannique a été épinglée pour avoir financé des hôtels de luxe et infrastructures immobilières en Afrique, Amérique Latine et Asie.

Mais la crise des réfugié-es modifie la donne : en 2016, l’Allemagne atteint les 0,7%, du fait de l’intégration des sommes dépensées au niveau national pour l’accueil des réfugiés, soit 25% de son APD.

L’APD en France : de fortes fluctuations
Un progrès en 2016 ?  : selon les derniers chiffres de l’OCDE publiés en avril 2017, l’Aide publique de la France a été de 0,38 % de son revenu national brut , soit une légère augmentation par rapport aux 0,37 % de 2015.

Quelle a été l’évolution de l’Aide publique au développement française ? Après une forte diminution en 2007, l’APD française était remontée à environ 7,6 milliards d’euros en 2008, soit 0,39 % du Revenu national brut (RNB). Elle a poursuivi sa remontée et atteint 0,5% du RNB en 2010, respectant presque son engagement européen pour 2010 : affecter 0,51% de son RNB à l’APD. Mais, alors que la France avait défini 14 pays pauvres prioritaires en Afrique, les fonds, souvent sous forme de prêts, vont de plus en plus aux Pays émergents. Du coup les secteurs essentiels de l’eau, de l’agriculture, de la santé restent les parents pauvres de l’aide.
Puis l’APD française a de nouveau opéré une baisse - même si, en volume elle reste un des principaux donateurs (après les Etats-Unis et la Grande Bretagne, ainsi l’Allemagne, depuis 2014).
En 2012, l’APD française se monte ainsi à 0,45 % du RNB (12 millions de dollars). Et en 2013, elle descend à 0,41 du RNB, soit 11,4 milliards de dollars. L’APD française baisse donc de 9,8 % en 2013, alors qu’au même moment, l’aide mondiale augmente de 6,1 % (selon OCDE).
En 2014, l’APD française n’est plus que de 0,36 % du PIB (10,3 milliards de dollars). La France est en dixième position parmi les pays de l’UE et passe en dessous de la moyenne européenne de 0,42 du RNB.

 Quels "Mécanismes innovants" pour l’aide ?

Depuis plusieurs années, des concertations internationales sont lancées sur les mécanismes innovants de financement du développement. En 2006 lors d’une Conférence ministérielle à Paris, une douzaine d’Etats s’étaient engagés à lancer une taxe de solidarité sur le prix des billets d’avion, un groupe de 38 pays devant poursuivre la réflexion sur ces mécanismes. En 2013, 9 pays mettent en oeuvre une telle taxe, appliquée aux vols au départ du pays : France, Cameroun, Chili, RDC, Madagascar, Mali, Maurice, Niger, République de Corée. Le produit de cette taxe de solidarité est reversé à Unitaid (lutte contre le Vih-Sida, tuberculose, paludisme), soit 185,3 millions d’euros en 2012 et plus d’un milliard d’euros en six ans, dont 80 % par la France, ce qui est très peu significatif.

La taxation des transactions financières (ou "taxe Tobin"), soutenue notamment par la France, qui a déjà un dispositif de taxation financière limité et par l’Allemagne, est en discussion au niveau de l’Union européenne. Elle se heurte à l’opposition de plusieurs Etats, dont la Grande Bretagne, qui dispose de la plus importante place financière en Europe. Dans le cadre d’un processus de "coopération renforcé" (possible quand au moins neuf pays européens veulent coopérer sur un sujet), la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Estonie (qui a ensuite quitté les négociations), la Grèce, l’Italie, le Portugal, la Slovaquie et l’Espagne s’étaient entendues en 2013 dans l’objectif de taxer les actions et certains produits dérivés à partir de janvier 2016. Le 5 mai 2014, les ministres des Finances européens ont adopté le projet de taxe européenne sur les transactions financières (TTF), mais de façon limitée en ce qui concerne les produits dérivés, qui sont pourtant les plus spéculatifs - avec un potentiel de recettes estimé à 30 milliards d’euros. La commission européenne proposait de taxer à hauteur 0,1% les échanges d’actions et à hauteur de 0,01% les échanges de produits dérivés.

Les négociations traînent en longueur, et la décision a encore été reportée... à septembre 2016. De toute façon, l’idée de l’affectation d’une telle taxe à la solidarité internationale est encore très loin d’être acquise.

L’impact de la dette, de la corruption, de la prédation des ressources

Des enjeux déterminant, comme ceux de la dette des pays pauvres, de la corruption, des paradis fiscaux, de la prédation des ressources naturelles et de l’accaparement de terre, des modes d’intervention d’entreprises des pays riches à l’étranger... devront impérativement être réglés si l’on veut que les sommes affectées à des politiques de développement durable servent véritablement de leviers sur le long terme.

 Comment agir ?

Une additionnalité entre différents mécanismes est nécessaire.

- Accroître l’APD. Ainsi, les pays de l’Union européennes se sont engagés à respecter la promesse des 0,7 % du PNB d’ici 2015, soit près de cinquante ans après cet engagement au niveau des Nations unies... Mais il faut que cette aide soit réellement utile, déliée d’objectifs commerciaux, militaires et des annulations de dette.
- Orienter cette APD de façon stable vers des dépenses affectées au développement humain : proposition du PNUD d’au moins 20 % des budgets des pays pauvres et 20 % de l’aide des pays riches pour les services de base et vers les Pays les moins avancés (PMA), qui ne reçoivent que 22 % de l’Aide publique au développement.
- Développer les nouveaux mécanismes, comme les échanges dette/nature, le mécanisme de développement propre, la Facilité financière internationale visant à émettre un emprunt obligataire garanti par les Etats ; les instruments spécifiques comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, fonctionnant sur la base d’un partenariat entre les gouvernements, la société civile, le secteur privé…
- Organiser une redistribution des richesses par la fiscalité : taxations des billets d’avion (en vigueur en juillet 2006 en France), des activités polluantes, des revenus du capital et de transactions financières, impôt sur les sociétés…
- Contrôler les mécanismes de corruption et d’évasions vers des paradis fiscaux et judiciaires (plus de 70 paradis fiscauxJ actuellement, dont la moitié en Europe). La somme des capitaux illicites qui disparaissent des pays en développement pour s’abriter dans les pays du Nord est de l’ordre de 800 milliards d’euros/an. La fraude fiscale organisée par des entreprises multinationales via des systèmes de filiales, représenterait 125 milliards d’euros allant chaque année des pays du Sud vers les paradis fiscaux (Oxfam France).
- Soutenir les initiatives de la société civile en matière d’appui au développement : partenariats multi-acteurs, finances solidaires, microcrédit, commerce équitable, épargne des migrant-es…


 Ressources

- "Rebond de l’APD en 2013"
- Répartition géographique des ressources financières allouées aux pays en développement - édition 2014 OCDE
- Statistiques de l’APD sur le site de l’OCDE
- Rapports OCDE annuels sur la coopération pour le développement
- Rapport 2013 sur le développement, OCDE, téléchargeable par chapitres
- Chiffres de l’aide extérieure de l’Union européenne prévues en 2014-2020 (pdf 4 pages)
- http://aidwatch.concordeurope.org/ : suivi de l’APD en Europe par les ONG de CONCORD ; rapport 2013 (en anglais, pdf 56 p.)
- Ressources sur l’APD sur le site de Coordination Sud
- Ressources sur l’APD sur le site du ministère des finances et de l’économie
- Examen de l’APD française par l’OCDE en 2013
- http://www.monde.org/fr
- Rapport sur l’APD, projet de loi de finances 2014, Sénat, novembre 2013
- Chiffres de l’aide françaises et campagne Europe solidaire sur le site d’Oxfam France
- Ressources de l’IDDRI
- Télécharger le Rapport Landau sur les nouvelles contributions financières internationales (pdf 148 p.)
- Plate-forme sur les paradis fiscaux et judiciaires
- Plate-forme Publiez ce que vous payez
- Réseau européen sur la dette et le développement, Un réseau de 55 organisations non-gouvernementales (ONG) de 18 pays européens sur les thèmes de la dette, du financement du développement et de la réduction de la pauvreté.http://www.eurodad.org/index.aspx?&...
- Plate-forme d’information sur la dette
- http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Dossier_complet_Billets_d_avion.pdf
- Article, 7/5/2014 L’aide au développement britannique finance aussi le luxe
- http://www.unitaid.eu/fr
- Texte de la Proposition de la commission européenne sur un système commun de taxe sur les transactions financières, 2011

Le Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale pour 2008 L’agriculture au service du développement, préconisait d’investir davantage dans l’agriculture dans les pays en développement pour pouvoir atteindre l’objectif de réduction de moitié d’ici 2015 la proportion de la population vivant dans une extrême pauvreté et souffrant de la faim. En effet, le secteur agricole et rural ont été négligés depuis 20 ans - sur les conseils de cette même Banque mondiale, il faut le noter. Alors que 75 % de la population pauvre mondiale vit dans les espaces ruraux, seulement 4 % de l’aide publique au développement va à l’agriculture dans les pays en développement. En Afrique subsaharienne les dépenses publiques consacrées à l’agriculture ne représentent que 4 % des dépenses publiques totales et la charge fiscale reste relativement lourde dans ce secteur.
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