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Lettre d’Alter EU au président de la CE concernant les conflits d’intérêtsMardi 8 décembre 2009 |
Monsieur le Président,
Nous vous écrivons en réponse à la révision que vous prévoyez du code de conduite de la Commission "Political guidelines for the next Commission” [1]. Nous estimons qu’un tel examen est rendu nécessaire depuis longtemps, du fait que l’actuel code de conduite est clairement insuffisant, comme l’indique l’étude du Parlement européen de mai 2009 Le Code de conduite des commissaires – améliorer son efficacité et son efficience. [2]
Du point de vue d’Alter EU, les problèmes les plus urgents sont les suivants :
L’absence d’une définition claire de ce qui constitue un conflit d’intérêt.
L’absence de clarté des règles concernant l’acceptation des cadeaux, y compris l’hospitalité et d’autres avantages.
Des garde-fous insuffisants contre les conflits d’intérêts suscités par des commissaires prenant des fonctions dans le secteur privé : une période d’interdiction d’au moins deux ans et des critères clairs pour évaluer les conflits d’intérêts sont nécessaires.
Une application plus stricte de la transparence par les commissaires, afin de permettre au public d’évaluer les conflits d’intérêts potentiels : les declarations financières doivent être exhaustives et réactualisées au moins tous les ans.
Evaluer et prévenir les conflits d’intérêt ne relève pas seulement de la Commission elle-même, il est nécessaire d’organiser un contrôle également par un organisme public indépendant.
Nous estimons qu’un processus d’examen ouvert et inclusif est souhaitable et nécessaire pour assurer la confiance dans le code de la Commission. Ce processus devrait intégrer des consultations avec les parties-prenantes engagées dans la promotion de niveaux élevés d’éthique et de redevabilité démocratique dans l’administration publique. ALTER-UE est disposé à participer à un tel processus.
Nous supposons que la révision du Code de conduite prendra plusieurs mois, et nous voudrions faire part de nos préoccupations quant à des décisions importantes qui seront prises dans un proche avenir sur la base de l’actuel code de conduite. Il y a cinq ans, la dernière fois qu’une équipe de commissaires a été remplacée, la procédure d’approbation pour les fonctions post-commission a été inadéquate. La période d’une année d’attente, introduite après le scandale Bangemann en 1999 n’a pas été respectée au moins dans un cas. En outre, l’habituelle vérification par un comité d’éthique ad hoc a été contournée lorsque le projet du commissaire à la santé et aux consommateurs Pavel Telicka de créer une agence de lobbying à but lucratif a été approuvé. [3] Nous pensons que cette décision a été prise sans examen suffisant des possibles conflits d’intérêts, et crée un précédent très préoccupant, qui ne doit être répété dans aucune circonstance.
Nous souhaitons vous demander d’indiquer quelle sera votre approche concernant des candidatures de commissaires actuels, en ce qui concerne l’approbation de leurs futurs plans de carrière. Des rumeurs font état de plusieurs commissaires actuels envisageant d’exercer un travail de lobbyistes pour de grandes entreprises. Nous aimerions savoir ce que vous avez l’intention de faire à court terme pour garantir qu’il n’y aura pas de cas de conflit d’intérêts qui compromettraient la confiance du public dans les institutions européennes.
Pour traiter les conflits d’intérêt de manière adéquate, les questions d’emplois publics doivent être considérées à la fois en amont et en aval. Nous sommes conscients que les candidats au poste de commissaires passeront par des audiences d’approbation au Parlement européen, mais nous souhaitons également rappeler l’accord-cadre de mai 2005, qui mentionne que « le Président de la Commission sera pleinement responsable de l’identification d’un conflit d’intérêt qui empêcherait un membre de la Commission d’exercer ses fonctions”. [4]
Selon le traité de l’Union européenne, les membres de la Commission seront « dans l’intérêt général, complètement indépendants dans l’exercice de leurs fonctions" ; "leur indépendance devra être au-delà de tout doute » [5]]. Comme mentionné précédemment, nous pensons qu’une définition plus précise des conflits d’intérêt est nécessaire, et devrait intégrer des dispositions garantissant que des lobbyistes à but lucratif ne puissent pas prendre des fonctions dans la nouvelle Commission. Nous serions heureux d’une déclaration indiquant la façon dont vous allez garantir l’indépendance complète et l’absence de conflits d’intérêts des nouveaux commissaires.
Enfin, il nous semble qu’une révision en profondeur des règles de conflits d’intérêt pour le personnel de la Commission européenne (qui comportent en grande partie les mêmes faiblesses que le Code de conduite pour les commissaires) est également nécessaire. [6] En particulier, les règles actuelles (figurant dans le Règlement du personnel) concernant l’embauche du personnel de la Commission dans le secteur privé manquent de garanties contre les conflits d’intérêt. Au lieu de l’approche actuelle au cas par cas, une définition claire de ce qui constitue un conflit d’intérêt et la mise en place d’une période d’interdiction effective sont nécessaires. De nouvelles règles plus claires sur l’acceptation de dons et de l’hospitalité sont également nécessaires. [7]
Nous sommes encouragés de voir que vous avez pris cette initiative et nous attendons avec impatience votre réponse sur les questions que nous avons soulevées.
Veuillez recevoir, Monsieur le president, nos meilleures salutations
Pour le Comité de pilotage d’ALTER-EU
Paul de Clerck (Friends of the Earth Europe)
William Dinan (Spinwatch)
Marc Gruber (European Federation of Journalists)
Ulrich Müller (LobbyControl)
Yveline Nicolas (Adequations)
Jorgo Riss (Greenpeace European Unit)
Erik Wesselius (Corporate Europe Observatory)
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[2] “The Code of Conduct for Commissioners - improving effectiveness and efficiency” http://www.europarl.europa.eu/document/activities/cont/200907/20090728ATT59122/20090728ATT59122EN.pdf
[3] En Novembre 2004, la Commission a approuvé la demande de M. Telicka pour devenir un consultant lobbyste pour le compte d’autrui sur la base du fait qu’il ne possédait pas son propre portefeuille dans la Commission Prodi (Telicka partageait un portefeuille avec le commissaire Byrne). Les règles en vigueur se réfèrent au mot « portefeuille », mais cette interprétation est évidemment beaucoup trop étroite, vu que de nombreux conflits d’intérêt étaient imaginables, même si, formellement, Telicka n’avait pas son portefeuille propre et exclusif. Telicka a travaillé en tandem avec Byrne avec un rôle très important sur les questions de santé et de protection des consommateurs et il était partie intégrante du collège des commissaires. Dans le mémorandum explicitant la décision de la Commission, il est affirmé à tort que le poste envisagé n’était pas lié au contenu de son portefeuille. Telicka a promis, « sur la période de temps nécessaire" de ne pas exercer de lobbying sur les questions liées à la santé et la protection des consommateurs, mais cela est très vague et un telle promesse n’est clairement pas suffisante pour prévenir les conflits d’intérêt. Avec son conseil BXL Consulting (créé quelques semaines après avoir quitté la Commission), Telicka a fait du lobbying pour de grandes sociétés comme Microsoft (à partir de 2005).
Sources :
Communication de M. le Président, "Application du Code de conduite des commissaires : activités après la cessation des fonctions », SEC (2004) 1456
Lettre du Commissaire Telicka au président de la Commission Prodi 9 Novembre 2004
[4] Framework agreement on EP-Commission relations, 26 May 2005. http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?objRefId=96173&language=EN
[5] Treaty establishing the European Community, Section 3, Article 213(1)] [article 213(2)
[6] Entre 2005 et 2008, 273 fonctionnaires de la Commission ont demandé des autorisation "post-emploi", seuls trois ont été refusées. 30 ont été accordés sous condition. Si l’on regarde de plus près certains des cas on voit que les conditions imposées sont trop faibles pour prévenir efficacement les conflits d’intérêts et que la Commission n’a pas d’approche cohérente concernant les cas de pantoufflage. En plus de ces départs définitifs, un nombre beaucoup plus important de fonctionnaires de la Commission font usage de la possibilité d’un départ sabbatique pendant un temps illimité, se réservant le droit de revenir ultérieurement à un emploi à la Commission. En 2007, 381 fonctionnaires de la Commission ont annoncé prendre un congé sabbatique, 40% d’entre eux sont allés au secteur privé. Telicka a promis « pour la période de temps nécessaire" de ne pas exercer de lobbying sur les questions liées à la santé et la protection des consommateurs, mais cela est très vague et cette promesse n’est clairement pas suffisante pour prévenir les conflits d’intérêt. Avec son conseil BXL Consulting (créé en quelques semaines après avoir quitté la Commission), Telicka a exercé du lobbying pour les grandes sociétés comme Microsoft (à partir de 2005).
Sources :
Communication de M. le Président, "Application du Code de conduite des commissaires : activités après la cessation des fonctions », SEC (2004) 1456
Lettre du Commissaire à Telicka président de la Commission Prodi 9 Novembre 2004
[7] Dans un cas récent du Médiateur européen (1341/2008/MHZ), la Commission a accepté que, dans ce cas spécifique, « il aurait été préférable de ne pas avoir autorisé les fonctionnaires en question d’accepter l’hospitalité en question ». La Commission a également confirmé qu’elle mettait à jour ses dispositions internes relatives à l’acceptation de cadeaux et de l’hospitalité. http://www.ombudsman.europa.eu/press/release.faces/en/4362/html.bookmark