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FICHE 2 – Le lobbying : repères, définition, acteurs

Mercredi 16 juin 2010

L’Appel citoyen ETAL (Fiche 7) définit le lobbying comme « l’ensemble des actions d’influence par lesquelles des groupes d’intérêt interfèrent dans les processus d’élaboration, d’application ou d’interprétation des lois, règlements ou normes, et, plus généralement, dans les décisions des pouvoirs publics. Sont qualifiées le plus souvent de lobbying les pressions visant à favoriser des intérêts économiques spécifiques auprès de ces décideurs ».


Si la pratique du lobbying, en tant que mode de pression et d’influence qui s’exerce sur des décideurs politiques, des élu-es, des pouvoirs publics… est ancienne, elle a explosé en Europe à partir des années 1980, avec la libéralisation économique et l’évolution des textes européens et des choix de gouvernance, notamment par la Commission européenne (Fiche 5).

La mondialisation libérale favorise les coalitions entre acteurs de différents secteurs industriels et financiers, dont les conséquences mettent à mal l’intérêt public. En France, cette tendance au lobbying se développe au niveau national et local, encouragé par la réforme des institutions, la décentralisation, la mise en compétition des services publics et des territoires…

A l’origine, le mot lobby désignait en anglais un couloir, un vestibule, puis par extension les couloirs de la Chambre des communes en Grande-Bretagne, où les membres des groupes de pression pouvaient venir discuter avec les parlementaires, enfin le terme finit par désigner les groupes de pression eux-mêmes qui cherchent à influencer les lois, les réglementations, l’établissement des normes, les décisions afin de favoriser leurs propres intérêts économiques ou financiers. On parle aussi de groupes d’intérêt, groupes de pression, groupes d’influence.

Les lobbies mettent en place ou ont recours à des structures qui effectuent du lobbying : clubs de réflexion, cabinets de lobbying, de relations publiques et de conseils, avocats, associations ou fondations.

Le lobbying fait partie d’un ensemble que les lobbyistes appellent souvent « relations publiques », intégrant divers modes d’influence : relations publiques institutionnelles, relations presse, communication interne et externe (dont la communication de crise - par exemple quand une entreprise est mise en cause par des ONG), le sponsoring, la création d’évènements, voire la publicité…

Le lobbying est un mode d’action discret et souvent indirect, par opposition aux manifestations de masse, notamment syndicales ou associatives, qui mobilisent un grand nombre de personnes et dont les positions et les enjeux sont clairement et publiquement exprimés et revendiqués.


Exemple
• Les missions d’une société de lobbying

INTEREL : Conseil auprès d’entreprises ou d’organisations dans leurs relations avec les pouvoirs publics : institutions internationales et communautaires, administration française, gouvernement, Parlement, collectivités locales.

Surveillance de l’évolution législative et réglementaire, au plan sectoriel (ex : chimie, agro-alimentaire, médicament...) ou transversal (politique fiscale, sociale, environnementale) : analyse de ces évolutions et de leurs conséquences.

Elaboration et mise en oeuvre de stratégies de lobbying adaptées, visant soit un objectif précis (modification d’une réglementation, adoption d’un amendement, autorisation d’un produit...) soit la création d’un environnement favorable pour l’entreprise (dans le cadre d’implantations, de restructurations, du développement de nouvelles technologies, de nouveaux produits...).

Coordination des différents aspects de la stratégie : constitution et animation d’associations ad hoc ; coordination des actions de relations presse/relations publiques ; relations avec les organismes professionnels et syndicaux ; etc...

Références : Multinationales dans les secteurs de l’aéronautique, de l’agro-alimentaire, des biotechnologies, de la chimie, de l’électronique, de l’énergie, de la grande distribution, des loisirs, du textile, de la santé, automobile, banque, consommation, informatique, nouvelles technologies, transports, télécoms. (Liste des clients non communiquée pour des raisons de confidentialité)

Source : association française des conseils en lobbying
www.afcl.net/societes/interel-1-43.htm.


Citations & points de vue
• Lobbying et corruption, un tabou ?

« Quant à la définition du lobbying, je retiendrai celle que j’ai obtenue en off par le lobbyiste d’une multinationale et mis en exergue de mon livre : "Le lobbying, pour mon cabinet, c’est plier les pouvoirs publics aux intérêts de nos clients, essentiellement des industriels et des financiers. Par quel moyen ? N’importe quel moyen, à commencer par le fric et le pouvoir. Ce sont nos résultats qui fidélisent notre clientèle, pas les moyens". Le lobbying sans la corruption n’est rien, c’est cela le tabou qu’il faut dévoiler. Les associations n’ont pas les moyens de corrompre. En revanche, à moins de garantir leur indépendance, elles peuvent se laisser corrompre, ne serait qu’en cédant au chantage à l’emploi, lorsque leur bailleur menace de leur couper les fonds. Nommer « lobbying » les relations des citoyens avec leurs élus est un glissement sémantique qui permet de faire oublier que cette profession appelle un encadrement spécifique et d’une grande vigueur. »

Source : Roger Lenglet, philosophe, journaliste


Exemple
• Un puissant lobbying climatique

D’après certaines informations, Monsanto a dépensé 2 094 000 dollars pour ses activités de lobbying au cours du premier quart de l’année 2009, y compris pour faire pression sur la proposition de projet de loi climatique américain. Au cours du second quart de l’année 2009, l’entreprise a déboursé 2 080 000 dollars. Monsanto a déclaré que six lobbyistes de l’entreprise travaillaient sur le projet de loi relatif au climat.

Source : Prix de la sirène en colère : www.angrymermaid.org/fr/monsanto.


Citations & points de vue
• Le lobbying entre dans le champ politique

« Le lobbying est non seulement devenu un instrument complexe d’un poids économique considérable (marché en soi, qui développe sa clientèle et diversifie ses produits, avec des opérateurs que l’on forme dans les filières dédiées d’universités prestigieuses), mais il a acquis sa dynamique propre : il intervient directement dans l’espace démocratique par des coalitions dont l’objectif est d’influer sur le modèle politique et économique global ».

Claude Layalle, ATTAC


Exemple
• L’impact des puissantes coalitions de lobbies en Europe

Business Europe représente plus de quarante confédérations industrielles dans 34 pays européens est l’un des lobbies les plus influents, qui s’est créé en 1958 à la suite de la signature du Traité de Rome.

Europabio regroupe l’essentiel de l’industrie du médicament, des pétroliers, des multinationales de la chimie et de l’agroalimentaire investissant dans les biotechnologies. En 1998, elle a fait adopter la directive 98/44 autorisant le brevetage du vivant.

Créée dans les années 80, l’Europea Round Table of Industrialists (ERT), est un forum informel d’une cinquantaine de dirigeants des principales entreprises multinationales des pays du Conseil de l’Europe : brasseurs de bière, firmes pharmaceutiques, agroalimentaire, alcooliers, producteurs de gaz médicaux, financiers, opérateurs de téléphonie, fabricants d’armes, du pétrole, du bitume….

A Bruxelles, ERT et Business Europe se sont employée à affaiblir le programme REACH (Registration, Evaluation and Autorization of Chemicals) qui vise à évaluer la toxicité des substances chimiques dans notre environnement. Ils s’efforcent aussi de freiner la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.


Historiquement, ce sont les lobbyistes cigarettiers américains qui, dès les années 1920, fondent les méthodes modernes de l’activité d’influence. La stratégie consiste non seulement à viser les décideurs politiques et économiques mais aussi l’opinion publique de manière à créer les consensus favorables aux intérêts du ou des clients. L’un deux, Edward Bernays, n’était autre que le neveu de Sigmund Freud. C’est lui qui a introduit les découvertes de son oncle aux Etats-Unis, appliquant la connaissance des lois de l’inconscient à la « gestion scientifique de l’opinion publique ». Aujourd’hui les clubs de réflexions et autres think tanks au service d’intérêts privés économiques et financiers se multiplient. Aux savoirs issus de la psychanalyse s’ajoutent ceux de la psychologie sociale, de la psychologie expérimentale, de l’anthropologie de l’imaginaire ainsi que des neurosciences cognitives qui, appliquées au marketing et à la communication, ont généré le neuromarketing utilisé pour vendre de l’idéologie autant que des produits de consommation.


Exemple
• Un autre cerveau est-il possible ?

Altermind : une société d’études et de conseil, « productrice d’idées » fondée en 2007 par Mathieu Laine et Anne Méaux.

« AlterMind puise sa force dans l’alliance d’un réseau d’experts et d’institutions partenaires (think tanks et grandes universités) répartis dans une dizaine de pays dans le monde (…). Altermind est capable de réunir des experts aux compétences variées (économistes, juristes, philosophes, sociologues, historiens, physiciens, chimistes, psychiatres, chefs d’orchestres, etc.), de très haut niveau (prix Nobel, professeurs enseignant à Harvard, Wharton, Stanford, Hong-Kong, Shanghai, au MIT, à l’Ecole Normale Supérieure, Polytechnique, HEC, Sciences-Po, la Sorbonne, Dauphine, etc.) (…) Pour chaque client, nous créons et animons un think-tank ad hoc, à durée déterminée, chargé d’apporter des réponses de pointe. Altermind est plus qu’un producteur d’idées (…) nous proposons aux clients qui le souhaitent une approche "full service", comprenant la construction, l’exécution et le suivi d’un plan très professionnel de diffusion des idées produites par nos experts. Face à un déficit de crédibilité des émetteurs d’informations, Altermind répond ainsi à un vrai besoin d’objectivisation du débat public pour permettre à ses clients d’intervenir, dans un deuxième temps, dans un environnement préparé, les idées ayant été étudiées en profondeur et diffusées largement. Nous pouvons atteindre le grand public, les principaux acteurs d’un secteur économique, le monde scientifique, les médias, la blogosphère et le monde politique et institutionnel ».

Source : www.altermind.fr.


Exemple
• Le lobby du papier-carton fait adopter une loi en sa faveur

Le président de la COPACEL, lobby du papier-carton, s’est vanté dans la Tribune d’un lobbying de dix ans réussi pour obtenir la circulation, en dérogation avec le code de la route, de camions d’un poids total en charge de 57 tonnes au lieu de 40 tonnes (mais bientôt 44 T, annoncés dans une interview à France Agricole par le chef de l’Etat le 30/4/10…). Historique : suite à la tempête de 1999, un décret avait ouvert une dérogation jusqu’en 2006 pour le transport des bois ronds tombés. En mars 2006, sur la requête des industriels de la filière forêt-bois, la dérogation était prorogée jusqu’en 2009 par Dominique Bussereau, ministre de l’Agriculture. Celui-ci a expliqué : « Il importait de valoriser la forêt grâce à un transport et à une industrie de première transformation plus compétitifs. Son successeur Michel Barnier a rendu la dérogation permanente dans la loi n°2008-776 du 4 août 2008. Les adhérents de la COPACEL ont économisé 50% sur les frais de transport des bois ronds. Dans le même temps, les spécialistes du ministère de l’Agriculture s’alarment du désengagement de la SNCF du fret bois et de la fermeture de nombreuses gares dédiées à ce transport. Gérard Bontemps, patron de la COPACEL, a ensuite fait savoir qu’il se rendrait à Bruxelles pour défendre l’industrie papetière contre la taxation des émissions de CO2.

Source : Lignes d’ATTAC, mai 2009.


Exemple
• Une nouvelle dérive de l’industrie du lobbying : améliorer l’image de marque de pays peu respectueux des droits humains

Les centaines de sociétés de lobbying à Bruxelles travaillent principalement pour des coalitions de grandes entreprises et d’industries. Mais elles se positionnent maintenant aussi sur le créneau du lobbying pour le compte d’Etats. D’après l’ONG Corporate Europe Observatory, les pays suivants ont recours – très discrètement - à leurs services : Pakistan, Portugal, République serbe de Bosnie, Russie, Ethiopie, Ukraine, Botswana, Bulgarie, Jersey, Kazakhstan, Géorgie, Sri Lanka. En effet, les décisions européennes, notamment en matière d’accès aux marchés, de libre-échange mais aussi de droits humains et d’environnement sont importantes pour les gouvernements nationaux. Les pays qui emploient des lobbyistes sont généralement ceux qui ont besoin d’améliorer leur image de marque et de sortir d’un isolement dû à des pratiques non démocratiques et à des violations des droits humains. Cette dérive montre que des sociétés de lobbying font peu de cas de leurs propres « codes éthiques ».

Source : Lobbying for government in Brussels, a lucrative business still under the radar, CEO ; rapport mai 2010.

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