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Déclaration finale d’Eau, Planète et Peuples : "L’eau n’est pas une marchandise, c’est le bien commun de l’Humanité et du Vivant"Lundi 12 mars 2012 En amont du 6ème Forum Mondial de l’Eau qui s’est tenu du 12 au 17 mars 2012 à Marseille, les journées Eau, Planète et Peuples ont eu lieu les 9 et 10 mars. Co-organisée par France Libertés et le CRID, et en partenariat avec la Coalition Eau et l’Effet Papillon, cette rencontre avait pour objectifs de réunir un maximum d’acteurs de la société civile venus des 4 continents et de réussir à construire ensemble une déclaration commune en faveur de l’eau, bien commun. A l’issue de ces 2 journées d’échanges et de construction, la déclaration finale « L’eau n’est pas une marchandise, c’est le bien commun du vivant » a été rédigée : elle compte 7 principes et 17 propositions pour que l’eau soit un enjeu prioritaire afin de garantir la vie et la dignité humaine. La déclaration est disponible sur le site de France Libertés en 3 langues : français, anglais et espagnol. Afin que ce message de la société civile internationale puisse avancer vers une mise en œuvre effective du droit à l’eau et à l’assainissement et pour qu’il devienne enfin une réalité pour tous, vous pouvez signer la déclaration avant juin afin qu’un maximum de signatures soient portées à Rio+20. |
Peuples de tous pays, nous sommes tous constitués d’eau et dépendant d’elle. Afin de garantir la vie, la dignité humaine, l’évolution de nos civilisations et maintenir l’équilibre précaire des écosystèmes pour les générations futures, nous voulons prendre la responsabilité collective de cet élément naturel, unique, limité et fragile, premier symbole de la vie sur terre.
Réunis à Marseille les 9 et 10 mars 2012 dans le cadre du Forum Alternatif Mondial de l’Eau, lors des Journées citoyennes « Eau, planète et peuples », nous avons mis en commun nos savoirs et nos expériences, nos inquiétudes et nos espoirs, nos propositions et nos luttes, pour faire de l’eau, bien commun vital et non marchand un enjeu prioritaire pour toutes et tous.
Le droit à l’eau potable et l’assainissement pour toutes et tous a été reconnu comme un droit humain par la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies le 28 juillet 2010 mais il n’est ni connu ni effectif. Pour qu’il le devienne et qu’il soit accompagné de l’harmonisation des règles nationales et internationales nécessaire à son application universelle, l’eau ne peut pas être l’affaire des seules autorités politiques, techniques, financières : chaque femme et chaque homme, quelles que soient ses responsabilités, doit participer aux décisions, contribuer à la protection et à l’accès juste pour tous à l’eau, bien commun du vivant.
De tous temps, les peuples se sont appuyés sur leurs traditions pour garantir à tous l’accès à l’eau douce et ont développé une riche diversité de modes de vie. Malheureusement, nous subissons une crise globale qui pour l’eau est caractérisée par la convergence d’une pression sur les écosystèmes du fait d’un modèle de développement polluant et insoutenable qui a brisé les cycles hydriques naturels et du fait de l’accroissement des inégalités, d’une urbanisation subie et d’une très grande pauvreté.
Des acteurs du modèle de développement actuel incluant les institutions financières internationales et les entreprises transnationales surexploitent, surconsomment et polluent l’eau : pratiques productivistes économiques, industrielles ou agricoles, mégaprojets hydroélectriques, exploration et exploitation des gisements de tous les minerais ou des ressources fossiles, accaparements des terres.
Alors que nous commémorons le triste anniversaire de l’accident de Fukushima, l’industrie nucléaire démontre le risque majeur qu’elle représente de pollution radioactive de l’eau et en particulier dans ce cas des écosystèmes marins. Il est impossible d’en évaluer les conséquences à long terme.
Malheureusement, les institutions internationales et certains Etats cherchent à uniformiser les solutions au profit d’un modèle de développement qu’elles veulent unique et incontournable. La volonté et l’engagement politique sont beaucoup trop faible pour promouvoir les investissements publics nécessaires pour espérer changer la donne, atteindre et dépasser tous les objectifs fixés alors que nous approchons du Sommet des Peuples de RIO +20.
Nous constatons un déficit majeur d’organisation participative, transparente et démocratique globale pour l’eau. Ce déficit est doublé d’une absence de contrôle et de réglementation de son utilisation par manque de moyens ou de volonté politique. Trop d’acteurs d’un service public qui doit être accessible à tous, abandonnent leurs prérogatives et leurs responsabilités essentielles en livrant l’eau au marché de tous secteurs d’activités. Des financiers spéculent sur le bien commun, dégageant des profits indus, allant parfois jusqu’à corrompre les acteurs impliqués. La recherche de ce profit imposée par le modèle capitaliste de marché mondialisé interdit le droit effectif et universel à l’eau pour tous, notamment pour les populations les plus pauvres et dans les régions les plus isolées.
Nous devons imaginer de nouveaux modèles de sociétés protecteurs de l’eau bien commun et respectueux des équilibres de la nature faisant la promotion de solutions soutenables et innovantes alliant connaissances anciennes préservées et techniques modernes. La protection et la régénération de l’eau et de la nature pour les générations futures exigent la prise en compte de l’intérêt général et du temps long.
Nous affirmons que l’eau n’est pas une marchandise. De nombreux peuples sur la terre la reconnaissent comme sacrée. C’est un bien commun du vivant !
Nous affirmons le droit à l’eau et à l’assainissement pour tous comme un droit humain fondamental. Chaque Etat porte la responsabilité de garantir l’application de ce droit sur son territoire en toute transparence en lien avec les territoires transfrontaliers.
Nous affirmons que l’information et la participation effective des peuples et des citoyen-ne-s et la consultation publique contraignante concernant l’eau et l’assainissement doivent être obligatoires et effectives. Elles doivent être protégées des intérêts financiers et économiques.
Nous affirmons le droit des peuples aux technologies accessibles, durables, équitables et qui respecte les connaissances traditionnelles et culturelles basées fondées sur des bonnes pratiques de protection de l’eau.
Nous affirmons qu’en raison de leur rôle prépondérant dans l’approvisionnement et la gestion de l’eau, les femmes doivent être associées à toutes les décisions relatives à la gestion des ressources en eau aux niveaux local, national et international.
Nous affirmons que les équilibres nécessaires doivent être promus pour la bonne gestion de l’eau entre les activités humaines et le respect de l’eau, des écosystèmes et de la nature.
Nous affirmons la nécessité de construire de justes transitions énergétiques et des transformations sociales, économiques et politiques de nos sociétés. Nous affirmons la nécessité de changer notre façon de vivre sur la planète.
1.
Nous nous engageons à développer la veille et le contrôle social, le renforcement des
capacités et la protection des acteurs engagés de la société civile visant à la défense et la
promotion du droit à l’eau et à l’assainissement pour garantir l’application effective de la
résolution des Nations Unies pour l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous.
2.
Nous appelons à la mise en place de mécanismes juridiques internationaux indépendants qui
puissent garantir le droit à l’eau et à l’assainissement et soient en capacité de juger les
crimes contre le droit à l’eau.
3. Nous exigeons que le droit à l’eau et à l’assainissement pour tous soit effectivement opposable partout, dans tous les tribunaux ou tout autre mécanisme juridique pertinent.
4.
Nous exigeons la création d’un cadre permettant l’élaboration d’une politique mondiale de
l’eau, le Conseil Mondial de l’Eau n’ayant pas la légitimité pour le faire. Ce cadre devra
interdire la marchandisation et la financiarisation de l’eau.
5.
Nous exigeons que les Etats élaborent et mettent en oeuvre des plans d’actions et mobilisent
toutes les ressources financières publiques nécessaires pour la concrétisation du droit à
l’eau et à l’assainissement incluant la solidarité internationale.
6.
Nous demandons que le coût du service de l’eau pour la vie soit pris en charge par la société
dans le cadre d’une gestion publique et démocratique. En cas de tarification, celle-ci doit être
progressive pour s’adapter à la diversité des usages et pour éviter l’exclusion sociale
d’accès à l’eau et le gaspillage de la ressource.
7.
Nous demandons l’application de technologies préventives appropriées si possible appuyées
sur des connaissances coutumières et traditionnelles, adaptées aux contextes, à coût
abordable et fondées sur des processus naturels d’épuration, plutôt que de faire appel à des
solutions techniques curatives onéreuses.
8.
Toutes les technologies liées à l’eau doivent être d’accès public et libre de droit de propriété
intellectuelle.
9.
Nous appelons les Etats à faire le bilan des 20 ans de la politique internationale de la gestion
de l’eau lors de la conférence de RIO+ 20 afin d’évaluer les impacts à long terme de sa
gestion économique et de mettre en avant la nécessité d’une gestion démocratique et
intégrée.
10.
Nous appelons à soutenir les propositions de reconnaissance de droits de la nature.
11.
Nous exigeons la mise en place d’une gestion intégrée de l’eau, soucieuse de réduire les
impacts des activités humaines sur les écosystèmes, tout en assurant le droit effectif à l’eau
pour tous.
12.
Nous demandons la transparence de l’information quant aux usages de l’eau dans les
industries extractives afin d’éviter les conséquences néfastes de ces pratiques sur l’eau,
l’environnement, la santé et la sécurité publique, le tout incluant un contrôle social. Nous
exigeons des sanctions contre les acteurs responsables de dommages et la mise en place
d’un fond de réhabilitation.
13.
Nous appelons arrêt immédiat et interdiction de l’exploitation des gaz et huiles de schiste.
Cette activité entraîne la destruction programmée de nos écosystèmes et n’est cohérente ni
avec la défense du droit humain à l’eau ni avec nos responsabilités envers les générations
futures.
14.
Nous exigeons l’adoption par les organisations internationales d’un moratoire sur le
financement des grands barrages tant et aussi longtemps qu’elles n’ont pas adopté
concrètement et de façon contraignante les recommandations de la Commission Mondiale
des barrages.
15.
Nous demandons que les solutions locales et soutenables de production d’énergie soient
favorisées.
16.
Nous encourageons les initiatives d’éducation à l’eau formelles et informelles à tous les
niveaux de la société.
17.
Nous demandons de donner la priorité à l’agriculture paysanne et familiale avec de nouveaux
modèles de production agro écologique s’appuyant sur des techniques intelligentes
d’utilisation d’eau, adaptées aux capacités locales, à la protection de l’eau et faisant face aux
changements climatiques.
Parce que des solutions concrètes et participatives existent pour sortir d’un modèle de développement dont le potentiel destructeur est avéré et que le changement est avant tout une question de volonté politique et d’engagement des peuples, nous souhaitons partager les propositions issues de la rencontre « Eau, Planète et Peuples » pour avancer vers une mise en oeuvre effective du droit à l’eau et à l’assainissement dans un souci de démocratie, de respect des écosystèmes et de viabilité.