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Genre, climat, santé : articuler les politiques

Dimanche 12 novembre 2017, par Yveline Nicolas

Les problèmes de santé et les coûts sanitaires liés aux dérèglements climatiques sont de plus en plus documentés et ont été abordés à partir notamment de la COP23. Ces enjeux comportent également une composante de genre, que ce soit aux Suds ou au Nord.


2016 avait été l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis les relevés de températures réalisés à partir de 1880, avec une hausse de 1° C par rapport à l’époque préindustrielle. Les chiffres pour le premier semestre 2017 reflètent également les épisodes caniculaires. Les dérèglements climatiques ont un impact sur la santé et il devient urgent de sensibiliser sur ces enjeux et d’adapter les politiques publiques nationales, qui doivent tenir compte des nouveaux risques : épisodes extrêmes (tempêtes, cyclones…), sécheresses et inondations, stress thermique des populations, extension de maladies à transmission vectorielle, pollutions accrues de l’air et de l’eau, salinisation des nappes phréatiques en raison de la hausse du niveau des océans, etc. Les pays les plus pauvres soulignent qu’ils auront du mal à faire face à ces nouveaux coûts, qui vont fragiliser des systèmes de santé qui ont déjà du mal à se mettre en place. Dans la plupart des pays du monde, les politiques d’austérité débouchent sur des coupes budgétaires dans les services de santé et sociaux, ce qui entre en contradiction avec les nouveaux risques et impératifs de se préparer et s’adapter aux changements climatiques.

L’Organisation mondiale de la santé, qui avait tenu en 2016 sa deuxième Conférence internationale sur la santé et le climat, dénombre 12,6 millions de mort-es par an dus à la pollution de l’environnement, dont la moitié liée à la pollution atmosphérique. Un rapport publié le 30 octobre 2017 dans la revue scientifique The Lancet analyse, à partir de 40 indicateurs qui serviront à une revue annuelle, les effets des canicules, pollutions, prolifération d’insectes vecteurs d’épidémie, baisse de productivité agricole cause de malnutrition, etc. L’étude rappelle ainsi que la pollution au charbon a causé plus de 800 000 morts prématurées en 2015 en Asie et qu’entre 2000 et 2016, le nombre de personnes affectées par les vagues de chaleur a augmenté d’environ 125 millions, atteignant 175 millions de personnes en 2015.

Le focus sur les effets directs et spectaculaires des catastrophes climatiques dans les pays du Sud ne doit pas occulter les impacts indirects des modes de production et de consommation non durables qui ont été promus pendant des décennies par les pays riches. Ceux-ci sont à la fois générateurs d’émissions de gaz à effet de serre et de dégradation de la santé environnementale : dissémination de pesticides et de perturbateurs endocriniens par l’agriculture et l’alimentation industrielles, pollutions aux particules fines des transports, pollution sonore et visuelle liée à une urbanisation qui est, de plus, sur-consommatrice d’énergie et de matériaux, etc.

Femmes et hommes peuvent être affectés de façon différente par tous ces facteurs, en raison de leurs rôles sociaux spécifiques et des inégalités d’accès aux ressources et aux processus décisionnels. Partout dans le monde, les femmes, notamment les migrantes, sont fortement représentées parmi les couches sociales les plus précarisées ou victimes de discriminations et donc vulnérables aux perturbations environnementales. Partout elles assument gratuitement une surcharge de travail domestique et de soins aux enfants et aux proches, qui s’alourdit dans le contexte des maladies chroniques (allergies, asthme qui touchent de plus en plus d’enfants au Nord, paludisme au Sud), des épidémies, des canicules, des conflits, mais aussi d’aménagement des territoires mal conçu et de carences des services publics (inégalités foncières, constructions précaires sur le littoral, insuffisance des transports publics, de la gestion des déchets, de l’eau et de l’assainissement…).

Au Sud, les femmes et filles paient un lourd tribut à la raréfaction de l’eau douce, du bois, des terres cultivables, aux violences et trafics qui s’aggravent lors de catastrophes climatiques et des conflits armés très souvent liés à la compétition sur des ressources et minéraux. Les régions les plus pauvres, dont les habitant-es (particulièrement les femmes) émettent de très faibles quantités de gaz à effet de serre sont aussi les plus touchées : au Sahel la fréquence des orages extrêmes a triplé durant les trente cinq dernières années, causant des inondations qui aggravent l’érosion. Les catastrophes « naturelles » liées au climat causent en moyenne de 60.000 mort-es par an, essentiellement dans les pays pauvres et les femmes connaissent un taux de surmortalité cinq fois supérieur à celui des hommes. Le stress et la pression psychologique lors des épisodes climatiques extrêmes combinés avec la responsabilité d’avoir à sauver et prendre en charge les enfants et les personnes âgées ne sont pas sans rappeler les situations de guerre. L’augmentation des violences de genre, y compris domestiques, dans les semaines et les mois qui suivent les catastrophes climatiques est documentée.

Dans les pays "riches", les femmes, particulièrement les cheffes de famille monoparentales, les migrantes et les réfugiées et demandeuses d’asile, les femmes âgées seules, sont nombreuses à connaître la précarité énergétique, des logements insalubres, l’isolement en milieu rural, faute de moyens et de transports adaptés, l’insécurité liée à des modes d’urbanisme et d’aménagement du territoire qui ne prennent pas en compte leurs besoins, leurs parcours ou leurs temps de vie. Les fillettes sont spécifiquement impactées par les perturbateurs endocriniens disséminés dans l’environnement (induisant par exemple des pubertés précoces) et les femmes par les cancers du sein liés à des facteurs environnementaux, tandis que les femmes enceintes sont vectrices de contaminants chimiques dus à la pollution à l’intérieur des appartements, aux cosmétiques et aux aliments. Beaucoup reste à faire pour former le personnel soignant à une nouvelle approche éco-systémique de la santé.

Les plans nationaux d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques, articulés aux stratégies pour la biodiversité, la lutte contre la désertification, l’agro-écologie, la ville durable, etc. gagneraient donc à prendre en compte de façon transversale à la fois une approche de genre et une approche de santé environnementale au sens large du terme. Par ailleurs, la transition écologique et énergétique peut offrir de nombreuses opportunités dans le domaine des emplois verts, des nouvelles formations pour intégrer le climat dans d’anciens métiers, mais aussi en termes de participation à la gouvernance locale, à la définition des budgets, de développement de l’économie solidaire, de l’agriculture biologique – domaines où partout dans le monde les femmes et leurs associations prennent de nombreuses initiatives.

Ressources

- Organisation mondiale de la santé : politiques climat et santé
- Appel de réseaux de femmes sur les enjeux santé et climat ; Livre blanc paru en novembre 2017 et téléchargement des éditions du Livre blanc jusqu’en 2019

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