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Cycle de séminaire "La démocratie à l’épreuve du lobbying ?"

La chanson du lobbyiste

Séminaire du 19 janvier 2011 "Lobbying, conflits d’intérêt, expertise : quels pouvoirs, quels contre-pouvoirs ?"

Jeudi 20 janvier 2011

Cette chanson écrite par Aline READ (RAGSTER SFR.FR), du Centre d’Information sur l’Environnement et d’Action pour la Santé, a été chantée lors du séminaire ETAL du 19 janvier 2011... Nous reproduisons ici, avec l’aimable autorisation de l’auteure, le texte de la chanson ainsi que son analyse des enjeux citoyens liés notamment à la protection des "lanceurs d’alertes".


Le lobbyiste

NB : on peut chanter ce texte sur l’air de Jacques Dutronc : « l’Opportuniste »


J’achète les politiques,
J’influe sur les scientifiques,
Je manipule le grand public,
Moi mon métier c’est « Lobbyiste ».

Il y en a qui protestent
Contre mon petit buizness
Je n’vois pas trop c’qui les inquiète,
Je n’fais que retourner les vestes,
Je retourne les vestes,
Toujours / de mon côté.

J’ai un doctorat scientifique
En gestion d’opinion publique
Et mon Master en stratégie
D’influence économique.

Il y en a qui s’inquiètent
De l’avenir de la planète,
Pour rassurer tous ces perplexes,
J’imprime de jolies plaquettes,
Où je me paie leur tête
Sur / papier glacé.

C’est grâce à moi qu’les OGM
Sont certifiés sans problèmes,
Et qu’ les nanotechnologies,
On n’en parle pas, c’est si petit...

S’il y en a qui regrettent
Le réchauffement de la planète,
Allègrement, je sors ma r’cette :
Arguments sans queue ni tête,
Présentés sous casquette
De lé /gitimité.

J’suis formé à brouiller les pistes,
A r’peindre en vert pour le public,
Je trouve des noms écologiques
Pour couvrir l’industrie chimique.

Bien sûr y en a qui sont honnêtes,
Mais les enjeux sont gigantesques
Comment voulez-vous qu’ils protestent
C’est moi qui finance la recherche,
Qui financ’ leurs recherches,
A l’u /niversité.

Avec les pôles technologiques,
Les industries pharmaceutiques,
Les fabricants d’agro-toxiques,
On paie des carrières politiques.

J’les invite à des fêtes,
Leur fait tout voir par ma lorgnette
Comment voulez-vous qu’y m’ rejettent
Moi qui leur paie des séminaires
Et leur file l’argumentaire
A lire / à l’Assemblée.

Je campe dans les couloirs,
Les antichambres du pouvoir,
Là je réfute les vrais savoirs
Et j’leur distille ce qu’ils doivent croire.

Vous me direz : et ceux qui restent ?
Tous les corrects, tous les modestes ?
Ils ont droit à ma bot’ secrète,
Sur eux je fais ma p’tite enquête
Et discrédite les plus honnêtes
Histoire / de les calmer.

Retrouver du service public,
Des pratiqu’ déontologiques,
De la propreté scientifique,
Ça va être dur, c’est moi qu’ai l’fric.

Alors, le seul moyen qui reste
Aux citoyens de la planète,
C’est d’prendr’en main la survie de la terre
En se payant de vrais experts
Ceux qui n’ sont pas « dans les affaires »
Et disent / la Vérité.


Sources : ETAL, Adequations, Sciences citoyennes, AITEC, ANTICOR, Inf’OGM, MDRGF, Alter-EU, Pharmacritique. IPNS.



A l’heure actuelle, les scientifiques ont un énorme pouvoir : celui d’agir au niveau mondial, sur la santé des humains et sur l’environnement.

Nanotechnologies, OGM... quantité de techniques récentes, modifient nos aliments, l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, les produits que nous utilisons.

Cela va très vite. Par exemple, en dix ans, on est passé du brevet sur une bactérie, au brevet sur le végétal, puis sur l’huître, sur les mammifères, pour en arriver aujourd’hui à breveter n’importe quelle matière biologique, n’importe quel gène, du moment qu’on l’isole et qu’on le rend utilisable pour la technique.

L’innocuité des produits issus de ces nouvelles technologies est censée être prouvée avant lancement.

On imagine que ces évaluations sont effectuées par un service public vigilant ; ou par des chercheurs indépendants, au-dessus de tout soupçon, agissant pour le bien commun, exerçant leur droit de controverse, soumettant leurs résultats aux contre-examens de leurs pairs...

Dans la majeure partie des cas, il n’en est rien.

Ce qu’il faut savoir

Un Principe de Précaution, « avant toute chose, ne pas nuire » avait été ajouté à la Constitution, pour garantir la société de toute dérive techno-scientiste, dangereuse pour la santé, l’environnement, l’économie....

Beaucoup ignorent qu’à ce jour, ce "principe de précaution" n’est toujours pas transcrit dans les textes de loi et les décrets qui régissent la sécurité du consommateur.

Les dépositaires de brevets sont exemptés de responsabilité, au nom des « risques de développement »...

Ce sont les firmes qui exploitent et commercialisent les brevets, qui sont « responsables ». Mais souvent, ces firmes sont des multinationales puissantes, tout à fait capables de faire durer indéfiniment un procès, s’il s’avère rentable de maintenir la vente d’un produit dangereux pour la santé

Ces firmes financent plus de 95 % de la recherche.

En outre, ce sont elles qui choisissent et financent les "évaluateurs" de leurs produits. Ce processus est criminel : car ces "évaluations" sont les seuls éléments servant à l’EFSA (Agence européenne de Sécurité alimentaire) pour autoriser des produits destinés aux consommateurs européens.

Lorsque, indignés, des chercheurs honnêtes, exercent leur droit de controverse, émettent des doutes, refont les analyses fournies par ces firmes et s’inquiètent de certains procédés, ils deviennent la cible de campagnes de dénigrement très violentes de la part des lobbies.

Les lobbies, ces groupes de pression, payés par les firmes, sont devenus beaucoup plus puissants que les Etats. Ils manipulent les politiques, le grand public et utilisent des chercheurs à leur solde, dans le but de discréditer les partisans de la « transparence scientifique ».

Il y a quelques années, c’était le chercheur Christian Velot qui se trouvait attaqué, le lanceur d’alerte Jacques Poirier qui était licencié... Aujourd’hui, c’est le professeur Gilles-Eric Seralini, spécialiste de l’action des pesticides et des OGM sur la santé, qui doit défendre son droit d’expression, contre la toute récente « Association française des biotechnologies végétales », parrainée par Claude Allègre, Axel Kahn et présidée par Marc Fellous. Ces derniers ont multiplié les attaques contre leur collègue trop vigilant, qui vient de remettre en cause l’évaluation de trois maïs « OGM » que la firme Monsanto, destinait à l’alimentation humaine et animale en Europe.

Il faut savoir qu’en France, les « lanceurs d’alerte » ne bénéficient pas de la protection légale qui existe dans d’autres pays : pour que soit respecté le droit à la controverse scientifique c’est donc aux tribunaux, que le professeur Seralini a dû avoir recours (Tribunal de Grande Instance de Paris, 23 novembre 2010).

L’enjeu est important : c’est du droit d’expression des chercheurs dont il s’agit.

Comme le fait remarquer l’association Sciences Citoyennes, qui agit pour une recherche désintéressée garantissant la sécurité sanitaire et environnementale « si certaines voies de recherche sont systématiquement écartées, si on ne peut explorer sereinement toutes les possibilités, comment prendre les bonnes décisions pour la nation ? »

L’analyse du journaliste Roger Lenglet est pertinente : d’après lui, ayant évincé les instances politiques, les lobbies peuvent s’employer à instrumentaliser l’expertise. Ils ont ainsi le champ totalement libre pour faire accepter « leurs » normes.

La recherche devrait prendre en compte l’intérêt général et non l’intérêt économique de quelques uns.

Mais pour l’instant, le service public est affaibli et tous les leviers de commande sont aux mains du marché. Le seul tribunal international puissant est celui de l’OMC (l’Organisation Mondiale du Commerce).

La probité de la recherche est la condition de notre survie. Afin de garantir leur santé, les citoyens vont-ils devoir financer, eux-mêmes, des laboratoires d’expertise indépendants, afin de contrôler systématiquement les "expertises" des multinationales ?

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