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Lobbying, conflits d’intérêt, expertise indépendante mis en débat par le réseau citoyen ETALJeudi 20 janvier 2011 COMMUNIQUE. "Le lobbying des milieux d’affaires, les conflits d’intérêt, le manque d’indépendance de l’expertise scientifique s’exercent au détriment de l’intérêt général et pervertissent la démocratie. Il est urgent d’organiser des contre-pouvoirs" ont martelé des responsables associatifs et politiques s’exprimant à l’occasion d’un séminaire organisé au Sénat à l’initiative d’organisations membres du réseau citoyen ETAL. ETAL (pour l’Encadrement et la transparence des activités de lobbying) appelle à des règles strictes pour encadrer le lobbying, prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts. |
Lobbying, conflits d’intérêt, expertise : quels pouvoirs, quels contre-pouvoirs ?" : c’était l’objet d’un séminaire organisé à l’initiative d’organisations membres du réseau citoyen ETAL mercredi 19 Janvier 2011 au Sénat. Yveline NICOLAS, coordinatrice d’Adéquations [1], a rappelé que ce séminaire concluait un cycle de trois rencontres "La démocratie à l’épreuve du lobbying", fondé sur la conviction que l’adhésion aux pratiques de lobbying n’est pas une évolution naturelle des "démocraties avancées" mais bien une fabrication culturelle, issue de choix de développement économique et de modes de gestion des affaires publiques qui peuvent et doivent être questionnés. Ces travaux feront l’objet d’une publication en 2011.
Dans un contexte où la question des conflits d’intérêts et du lobbying s’affirme sur la scène de l’actualité politique (Cf. entre autres l’affaire Wœrth et le scandale du Médiator), plus d’une centaine de participants se sont déplacés - élus, militants, chercheurs, journalistes, étudiants – pour dessiner les contours de ce qui pourrait réintroduire l’intérêt général comme impératif et garantir le respect de la pluralité dans la prise de décision publique.)
La sénatrice verte, Marie Christine BLANDIN, auteure d’un rapport sur
la gestion des pandémies "H1N1, et si c’était à refaire ?" [2] a ouvert
les débats en témoignant de la diversité des formes qu’emprunte le
lobbying : invitations dans les restaurants les plus prestigieux, prise en
charge de colloques internationaux, assistants parlementaires pilotés par
un groupe d’intérêt, etc. Selon la sénatrice, la transparence n’est pas
une affaire de personnes, seuls des mécanismes prévus à cet effet
pourront garantir l’indépendance de la décision publique. Son groupe est
sur le point de présenter une loi allant dans ce sens.
Yiorgos VASSALOS, chercheur à l’Observatoire de l’Europe Industrielle
(Corporate Europe Observatory)[3], organisation membre du groupe de
pilotage de l’Alliance pour la Transparence du Lobbying et la Régulation
Déontologique dans l’Union Européenne (ALTER-EU)[4] a rappellé que 50% de
l’ensemble de la législation adoptée par les Etats au niveau national et
80% de la législation économique ont pour point de départ Bruxelles. La
coordination actuellement proposée des politiques économiques et
budgétaires des Etats membres accentuera le poids des 20 000 lobbyistes
qui œuvrent à Bruxelles et dont les principaux travaillent en étroite
collaboration avec la Commission européenne. Celle-ci devrait urgemment
mettre fin au mandat des 200 lobbyistes financiers qui la conseillent en
tant qu’"experts indépendants". L’objectif d’Alter Eu est un registre des
lobbyistes obligatoire avant la fin du mandat du Parlement et de la
Commission en 2014.
En matière de conflit d’intérêts, Alter EU demande une période de trois ans de mise à l’écart et d’interdiction générale du lobbying pour tous les ex- Commissaires, ainsi qu’une définition claire des conflits d’intérêt.
Selon Gustave MASSIAH, membre du conseil scientifique d’ATTAC [5] et
du Conseil International du Forum social mondial, les démocraties sont
d’autant plus exposées aux lobbies, donc à la corruption, que le pouvoir
politique est aujourd’hui subordonné au pouvoir économique, lui-même
subordonné au pouvoir financier. On ne peut répondre au lobbying par le
lobbying, estime le militant – c’est la lutte du pot de terre contre le
pot de fer – pas plus qu’on ne peut convaincre les décideurs par la
raison. Il faut modifier les rapports de force par la mobilisation des
opinions publiques et des mouvements sociaux, notamment au Sud. Gustave
MASSIAH cite la plateforme contre les paradis fiscaux[6] ou celle pour
la Responsabilité sociale des entreprises (RSE)[7] qui commencent à se
faire entendre auprès des élus et des instances multilatérales.
Jacques TESTART[8], agronome et biologiste, membre de la Fondation
Sciences Citoyennes (FSC)[9] a dénoncé le harcèlement subi par les
lanceurs d’alerte. Chercheur-es, salarié-es d’une entreprise, ou simple
citoyen-nes, ces personnes qui diffusent de bonne foi une information
concernant la santé publique ou l’environnement risquent la diffamation,
la placardisation, le licenciement, des demandes exorbitantes de dommages
et intérêts (poursuite-baîllon) etc.
Pour démocratiser la recherche et l’innovation, la FSC a présenté lors du séminaire sa proposition de loi pour la déontologie de l’expertise et la protection des lanceurs d’alerte[10].
Roland DESBORDES, président de la CRIIRAD[11], s’est arrêté sur
l’industrie du nucléaire dont la structuration tant au niveau
international (avec l’Agence internationale de l’énergie atomique)
qu’européen (Euratom) ou français (groupe AREVA, dont l’Etat est
actionnaire pour près de 90 %) repose sur un conflit d’intérêt majeur. A
chaque niveau, une seule et même entité cumule en effet les missions
d’exploitation, de promotion, d’encadrement et d’expertise. Le physicien a
engagé les associations à se méfier des dispositifs de consultation
publique qui visent à donner un vernis de "pluralité" à des décisions
prises dans les faits bien en amont.
Philosophe et journaliste, Roger LENGLET[12] a dressé le tableau d’une
presse malade qui ne se donne plus les moyens financiers et le courage
politique de soutenir les journalistes d’investigation. Le contexte actuel
est en outre aux pressions policières et judiciaires (garde à vue, mise en
examen, remise en cause de la confidentialité des sources) qui tendent à
intimider toute la profession. L’investigation repose aujourd’hui
essentiellement sur quelques journalistes indépendants qui publient des
livres et sur des citoyens engagés (chercheurs, associatifs, victimes
etc…).
Jean Luc TOULY a clos les débats. Membre d’Anticor[13], responsable
eau à la Fondation France Libertés[14], conseiller municipal de Wissous
dans le 91 et conseiller régional d’Ile-de-France Europe Ecologie, cet
ancien délégué syndical chez Veolia Eau, a confirmé que les pressions et
les conflits d’intérêts s’exercent aussi au niveau des élus locaux, avec
par exemple les enjeux financiers énormes en matière de gestion de l’eau.
De nombreuses autres interventions ont également permis de croiser les
éclairages.
Julien ADDA, délégué général de la FNAB[15] a présenté le nouveau label privé "Bio Cohérence"[16], un instrument "garde fou" participatif, collectif et indépendant des logiques dominantes. Hélène BALAZARD, doctorante, à communiqué sur le "London Citizens"[17], un mouvement de citoyens organisés en contre-pouvoir pour faire rendre des comptes aux décideurs économiques et politiques.
Véronique GALLAIS d’Action Consommation[18] a témoigné de l’initiative du Collectif des associations citoyennes[19] qui s’organise pour promouvoir le travail des associations contribuant au bien commun. Elle a également contesté le glissement vers le tout marchand lié à la directive européenne sur les services et à son interprétation abusive par une circulaire du gouvernement français qui considère que la majorité des activités exercées par les associations peuvent être assimilées à des activités économiques.
Séverine TESSIER, porte-parole d’Anticor[13] a adressé dans une communication des propositions pour diminuer le lobbying à l’Assemblée nationale, telles que limiter l’ouverture aux auditions relatives aux projets de lois faites par les rapporteurs des commissions à ceux qui en font la demande, avec publicité obligatoire, afin de garantir une égalité de traitement pour tous les acteurs. Une formation aux enjeux éthiques devrait être obligatoire pour les élus. Anticor appelle à une interdiction du lobbying dans le domaine de la santé.
Enfin à l’occasion d’un intermède musical, tous les participants ont été invités à entonner a chanson satirique "Le lobbyiste", créée sur mesure par Aline READ, du Centre d’information sur l’Environnement [20].
[Plus d’informations, et les premiers compte-rendus des interventions sur :
http://www.adequations.org/spip.php?rubrique337] ]
[1] Revue de presse d’Adéquations en ligne sur le lobbying et les conflits
d’intérêts : http://www.adequations.org/spip.php?article791 ] ; article "Le lobbying au niveau local"
[2] http://www.senat.fr/notice-rapport/2009/r09-651-notice.html
Voir aussi le site de Mme BLANDIN : http://www.mariechristineblandin.fr/
[3] http://www.corporateeurope.org/
[4] http://www.alter-eu.org/fr/
[5] http://www.france.attac.org/
[6] http://www.argentsale.org/
[7] http://www.forumcitoyenpourlarse.org/
[8] http://jacques.testart.free.fr/
[9] http://www.sciencescitoyennes.org/
[10] http://www.sciencescitoyennes.org/spip.php?article1882
[11] http://www.criirad.org/
[12] Voir une interview de Roger LENGLET sur le site d’Adéquations
[13] http://anticor.org/
[14] http://www.france-libertes.org/
[15] http://www.repasbio.org/fnab/
[16] http://www.biocoherence.fr/
[17] http://www.citizensuk.org/
[18] http://www.actionconsommation.org/publication/
[19] http://www.associations-citoyennes.net/blog/
[20] http://environnement-infos.org/
CONTACT :
Yveline NICOLAS, 06 68 88 42 05
Bénédicte Fiquet, 06 77 71 87 89
contact adequations.org
Adéquations
Secrétariat réseau ETAL
C/o Maison des associations 206 Quai Valmy 75010 Paris
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