Site de l’Association Adéquations
Développement humain durable - Transition écologique - Egalité femmes-hommes - Diversité culturelle - Solidarité internationale

Jeudi 25 avril 2024

Intranet

Accueil > Nos projets & actions en cours > Egalité femmes-hommes & genre > Archives de dossiers d’actualité sur (...) > Polémique sur l’enseignement du genre (...) > Les interventions en faveur du genre


Polémique sur l’enseignement du genre dans les manuels scolaires

Les interventions en faveur du genre

Mardi 6 septembre 2011


SOMMAIRE DU DOSSIER
- Le point de vue d’Adéquations
- Les programmes scolaires incriminés
- Les réactions de refus
- Les interventions en faveur du genre

 Point de vue et pétition de l’IEC

L’"Institut Emilie du Châtelet pour le développement et la diffusion des recherches sur les femmes, le sexe et le genre", a pris l’initiative d’une lettre ouverte « Enseigner le genre : contre une censure archaïque », en réaction aux associations familiales catholiques et à Christine Boutin qui s’opposent à l’enseignement du "genre" dans les classes de lycée.

Cette lettre, parue dans LeMonde.fr le 14 juin 2011, est aussi devenue une pétition que chacun peut signer sur le site de l’IEC.


Dans une lettre ouverte du 31 mai adressée au ministre de l’éducation nationale, Christine Boutin brandit la menace "des scrutins qui s’annoncent". C’est pour exiger de Luc Chatel le retrait puis la correction des manuels de sciences de la vie et de la terre des classes de Première L et ES qui viennent d’être publiés conformément aux nouveaux programmes : elle leur reproche en effet d’offrir "un enseignement directement et explicitement inspiré de la théorie du genre".

De quoi s’agit-il au juste ? Un des objets d’étude au programme est intitulé : "Devenir homme ou femme." Selon le Bulletin officiel du 30 septembre 2010, "ce thème vise à fournir à l’élève des connaissances scientifiques clairement établies, qui ne laissent de place ni aux informations erronées sur le fonctionnement de son corps ni aux préjugés. Ce sera également l’occasion d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée".

Christine Boutin s’indigne qu’on enseigne le "genre" : "Comment ce qui n’est qu’une théorie, qu’un courant de pensée, peut-il faire partie d’un programme de sciences ? Comment peut-on présenter dans un manuel, qui se veut scientifique, une idéologie qui consiste à nier la réalité : l’altérité sexuelle de l’homme et la femme ? [… ] Je ne peux accepter que nous trompions [les adolescents] en leur présentant comme une explication scientifique ce qui relève d’un parti-pris idéologique."

Pourtant, il n’appartient nullement aux politiques de juger de la scientificité des objets, des méthodes ou des théories. Seule la communauté savante peut évaluer les travaux de ses pairs : le champ scientifique, par ses contrôles, en garantit la rigueur. Si nous restons silencieux aujourd’hui, nous dira-t-on demain que l’évolution n’est qu’une idéologie ? A quand les pressions pour imposer l’enseignement du créationnisme, au nom de la liberté de conscience ?

Pour nous, membres de l’Institut Emilie du Châtelet qui vise au développement et à la diffusion des recherches sur les femmes, le sexe et le genre, une telle censure politique serait inacceptable – et d’autant plus que l’ancienne ministre justifie sa demande d’interdiction "au nom du respect de la liberté de conscience." Pour nous, universitaires et chercheur-e-s, une telle ingérence religieuse dans l’enseignement serait insupportable – et d’autant plus que la présidente du Parti chrétien-démocrate invoque sans rire "la neutralité des valeurs républicaines". Or sa lettre au ministre ne fait que relayer celle du lobby des Associations familiales catholiques.

Le site de L’Evangile de la vie, qui défend la vie "depuis sa conception", rapporte dès le 20 mai la naissance de cette campagne : "Avertie la semaine dernière par le lycée Saint-Joseph de Draguignan (Dominicaines du Saint-Esprit) qui venait de recevoir les tout nouveaux manuels […], la commission bioéthique en lien avec l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon a pu mesurer la gravité des changements opérés par le ministère de l’Éducation nationale par rapport aux précédents programmes."

En réalité, la présidente du Parti chrétien-démocrate se fait la porte-parole du Vatican, qui ne cesse de marteler son opposition aux études de genre – depuis la conférence des Nations unies sur les femmes de Pékin en 1995 jusqu’aux dernières interventions de Benoît XVI, en passant par la "Lettre aux évêques sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Eglise" de celui qui n’était encore en 2004 que le Cardinal Ratzinger.

On aurait tort de croire que nous ne faisons que défendre ici notre pré carré de chercheur-e-s et d’enseignant-e-s. La vigilance s’impose aujourd’hui à chacune et à chacun. Le responsable de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon ne s’en cache pas : "Si l’on regarde de l’autre côté des Pyrénées, on s’aperçoit que des dizaines de milliers de familles catholiques avec le soutien appuyé de la Conférence épiscopale espagnole et le concours de juristes compétents se sont d’ores et déjà organisées pour contester les cours obligatoires sur le gender du gouvernement Zapatero, voire retirer leurs enfants en posant un acte d’objection de conscience. Allons-nous devoir en arriver là en France ?". La menace qui pèse sur la laïcité est claire.

Nous, chercheur-e-s et universitaires engagé-e-s dans des travaux sur les femmes, le sexe et le genre, spécialistes d’anthropologie biologique et culturelle, de neurologie et de génétique, de médecine et d’épidémiologie, de psychologie et de psychanalyse, de droit et de science politique, de démographie, d’histoire et de géographie, de sociologie, de sciences de l’éducation et d’économie, de philosophie et d’histoire des sciences, d’arts du spectacle et de cinéma, de littérature et de linguistique, et d’autres domaines encore, nous élevons avec force contre des conceptions anti-scientifiques qui s’autorisent du "bon sens" pour imposer leur ordre rétrograde.

Interroger les "préjugés" et les "stéréotypes" pour les remettre en cause, c’est précisément le point de départ de la démarche scientifique. C’est encore plus nécessaire lorsqu’il s’agit des différences entre les sexes, qui sont toujours présentées comme naturelles pour justifier les inégalités : la "réalité" selon la droite religieuse, c’est en réalité une hiérarchie entre les sexes dont nos travaux, issus de disciplines multiples, convergent tous pour contester qu’elle soit produite par la nature. La science rejoint ici le féminisme : on ne naît pas femme, ni homme d’ailleurs, on le devient. Bref, en démocratie, l’anatomie ne doit plus être un destin.

Florence Rochefort,
présidente de l’Institut Emilie du Châtelet (IEC),
et les membres de l’IEC

Avec le soutien, notamment, d’associations et de revues scientifiques spécialisées dans ce domaine :
- Associations : AFFDU Association française des femmes diplômées des universités, ANEF Association nationale des études féministes, Archives du féminisme, EFIGIES Association-Réseau de travail et d’échanges entre doctorant-e-s en Études Féministes, Genre et Sexualités, MNÉMOSYNE pour le développement de l’histoire des femmes et du genre, Fédération de recherche sur le genre RING, SIEFAR société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime.
- Revues :Cahiers du genre ; Clio. Histoire Femmes et Sociétés ; Genre et Histoire ; Genre, sexualité & société.

Les autres institutions et personnes qui souhaitent manifester leur soutien, qu’elles appartiennent au monde scientifique ou pas, liées aux questions de genre ou pas, peuvent le faire en ligne.

  Pourquoi cacher le genre, Monsieur le ministre ?

Après la demande des députés et sénateurs de réécrire les manuels de SVT des classes de 1ère, un groupe de chercheurs en sciences sociales adresse cette lettre ouverte indignée au ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre de l’Education nationale, nous, chercheuses et chercheurs, sociologues, anthropologues, historiens, démographes, vous faisons part de notre indignation devant les revendications formulées le 30 août dernier par un groupe de députés à propos des enseignements relatifs aux questions de genre en lycée, suivis lundi 12 septembre par 113 sénateurs.

La lettre que vous ont adressée 80 députés UMP le mardi 30 août 2011 demande en effet le retrait des manuels scolaires de toute allusion à la construction sociale du masculin et du féminin en termes de genre. Ils enjoignent même les services du ministère de mieux contrôler le contenu des manuels scolaires dont disposent les lycéens en classe de 1ère des séries économique et sociale et littéraire. En réalité, les manuels scolaires ne font ici qu’appliquer strictement le programme d’enseignement que vous avez vous-même validé en votre qualité de ministre de l’Education nationale et qui sont énoncées dans le Bulletin officiel de l’Education nationale. Ainsi l’un des objectifs de ce programme est précisément de « différencier, à partir de la confrontation de données biologiques et de représentations sociales, ce qui relève :
- de l’identité sexuelle, des rôles en tant qu’individus sexués et de leurs stéréotypes dans la société qui relèvent de l’espace social ;
- de l’orientation sexuelle qui relève de l’intimité des personnes. » (Bulletin officiel spécial n° 9 du 30 septembre 2010)

Nous apprenons par ailleurs que vous soutenez, monsieur le ministre, l’initiative de créer une mission d’information parlementaire sur les programmes des manuels scolaires. Si une telle mission devait voir le jour, nous souhaitons qu’elle recueille sur des sujets aussi sérieux l’expertise des scientifiques qui travaillent depuis des années sur le genre. De notre point de vue, les programmes doivent aller plus loin encore et aborder ces points dans toutes les filières générales, techniques et professionnelles.

Les 80 députés s’appuient sur une conception bien partiale de la science : d’un côté, les sciences bio-génétiques, les seules scientifiquement légitimes, d’un autre, la « théorie du genre » qui relèveraient d’un « discours extra-scientifique ». Aucun scientifique sérieux ne songerait aujourd’hui à faire reposer le caractère féminin ou masculin sur les seules données biologiques. D’ailleurs, les rédacteurs de la lettre du 30 août ne trouvent à s’appuyer que sur l’extrait d’un éditorial paru le 30 mai 2011 dans l’hebdomadaire France Catholique sous la plume du journaliste Gérard Leclerc. L’argument scientifique des 80 députés est bien faible. Cette conception de la science s’appuie sur une hiérarchisation dogmatique des savoirs qui les oppose les uns aux autres alors qu’en vérité ils éclairent de différents points de vue et de manière complémentaire les différents aspects de la vie humaine. Nous rappelons par ailleurs que le genre constitue l’un des axes de recherche majeurs de l’Institut des sciences humaines et sociales (CNRS) et qu’il fait partie intégrante de nombreux travaux en sciences de la vie. L’existence de l’Institut Emilie du Châtelet consacré aux recherches sur le genre est une bonne illustration de la complémentarité disciplinaire : sciences de la nature et sciences humaines et sociales y sont représentées. La recherche française ne saurait tenir sa place au niveau international sans développement des études sur le genre.

Reléguant les savoirs sur la construction sociale des sexes au rang des « théories fumeuses », les 80 députés ignorent tout un champ de la science, celui de la sociologie, de l’anthropologie, de l’histoire, de la psychologie et de la démographie, qui, depuis les premiers temps de ces disciplines, ont montré comment, dans notre société et dans toutes celles qui ont été étudiées, la dimension physiologique ne suffit pas à faire une femme ou un homme. Opposer ainsi les domaines du savoir scientifique, c’est faire fi de la manière dont dialoguent les sciences et se construisent les savoirs.

En plus de remettre en cause les enseignements des connaissances relatives au genre, les 80 députés voudraient que l’éducation à la sexualité se consacre « à des questions de santé publique et à des problématiques concernant les relations entre garçons et filles ». Un tel propos illustre l’ignorance des « 80 » : c’est précisément l’un des objectifs des recherches sur le genre que d’étudier ces problématiques. Mais ce n’est pas le seul. S’y ajoutent deux dimensions distinctes issues des études sur le genre : d’une part le volet instruction (c’est-à-dire de diffusion du savoir) et d’autre part le volet éducation (c’est-à-dire information sur la sexualité). La sexualité n’a par ailleurs jamais concerné uniquement les relations entre personnes de sexe différent. Et puisqu’il s’agit d’un fait établi, quelles raisons, autres qu’idéologiques, justifieraient qu’on l’évacue de l’éducation sur la sexualité ? Il est grand temps au contraire que l’information sur la sexualité tienne enfin compte de la diversité des sexualités et contribue ainsi, dans la lignée des efforts déjà entrepris, à dédramatiser l’expérience vécue de sexualités autres que strictement hétérosexuelles. Prendre en compte le fait que la sexualité n’a pas pour seule fin la reproduction mais aussi la recherche des plaisirs, dire aux jeunes scolarisés qu’être une femme ou un homme ne conduit pas nécessairement à une seule forme de sexualité remplit bien une mission de santé publique puisque cela permet de battre en brèche les préjugés, de lutter contre les discriminations sexistes et homophobes et de favoriser un mieux-être.

Armelle Andro, Nathalie Bajos, Maks Banens, Pascale Barthélémy, Capucine Boidin, Michel Bozon, Sylvie Chaperon, Natacha Chetcuti, Isabelle Clair, Jérôme Courduriès, Sylvie Cromer, Virginie Descoutures, Marie Digoix, Eric Fassin, Agnès Fine, Jeanne Fine, Luca Greco, Christelle Hamel, Laurence Hérault, Azadeh Kian, Christiane Klapisch, Isabelle Lacoue-Labarthe, Rose-Marie Lagrave, Claudine Leduc, Didier Lett, Catherine Marry, Agnès Martial, David Michels, Catherine Monnot, Sylvie Mouysset, Wilfried Rault, Florence Rochefort, Rebecca Rogers, François Rouquet, Violaine Sebillotte Cuchet, Françoise Thébaud, Eleni Varikas, Fabrice Virgili, Danièle Voldman, Michelle Zancarini-Fournel.
- Sur blogs.mediapart.fr

 Défendons les étude de genre à l’école

"En février 2005, la loi imposant d’enseigner "les apports positifs de la colonisation" montrait déjà les dangers de l’intervention partisane dans les programmes. Hier comme aujourd’hui, ces politiques font bien la leçon à l’école. Demain, ils pourraient s’en prendre à la recherche - par exemple en matière d’immigration.
Notre inquiétude ne porte donc pas seulement sur le genre, ou sur les sciences de la vie et de la Terre. Quel que soit notre domaine d’enseignement ou de recherche, il nous importe de rappeler ce qui devrait toujours être une évidence : ce n’est pas aux politiques d’imposer leur vérité au savoir.
Contre une droite populaire qui veut faire du Lyssenko à l’envers, en substituant à la biologie prolétarienne du stalinisme, qui niait l’hérédité, un biologisme national, qui naturalise au contraire la différence des sexes, nous revendiquons l’autonomie de la vie intellectuelle. Nous refusons d’inféoder la raison au pouvoir politique. Contre un savoir partisan, nous prenons le parti du savoir".
- Tribune dans Le Monde, signé de Eric Fassin, sociologue, professeur agrégé à l’ENS ; Geneviève Fraisse, philosophe, directrice de recherche au CNRS ; Françoise Héritier, anthropologue, professeure au Collège de France ; Axel Kahn, généticien, président de l’université Paris-Descartes ; Gérard Noiriel, historien, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; Christine Petit, biologiste, professeure au Collège de France ; Louis-Georges Tin, littérature française, maître de conférences à l’université d’Orléans ; Catherine Vidal, neurobiologiste, membre du conseil scientifique de l’Institut Emilie du Châtelet

 "Genre : état des lieux"

« Genre : état des lieux »
"L’expression « études sur le genre » (on parle aussi, indifféremment, d’« études genre » ou d’« études de genre ») s’est diffusée au cours des dernières années en France pour désigner un champ de recherche qui s’est autonomisé dans le monde académique depuis une quarantaine d’années, et qui prend pour objet les rapports sociaux entre les sexes. La première réaction que m’inspirent les discours des contempteurs du genre, c’est qu’il est faux de laisser penser qu’il existerait une théorie du genre. Ce label utilisé par les adversaires des recherches sur le genre laisse entendre qu’il existerait un corpus idéologique homogène et doté d’une stratégie politique déterminée. Or le champ des études sur le genre traverse de multiples disciplines, inclut des sous-champs de recherche variés et renvoie à des options méthodologiques et théoriques multiples. Il est traversé par des tensions, qui se traduisent parfois par de vives controverses, et il est en constante reconfiguration. Ce qui relie entre elles les études sur le genre, c’est avant tout un objet de recherche commun" (...)
"Pour répondre aux accusations de non-scientificité brandies par les adversaires des études sur le genre, on peut puiser dans des travaux d’épistémologie critique, féministes notamment : ces travaux ont dénoncé l’épistémologie scientiste, fondée sur l’idée que les sujets de la connaissance sont capables de s’abstraire du contexte social dans lequel ils s’inscrivent et des rapports de pouvoir dans lesquels ils sont pris. Ils ont montré à quel point la science « normale » est imprégnée de préjugés de genre et contribue à reproduire l’ordre social inégalitaire. La recherche « féministe » n’est donc pas moins objective que la recherche mainstream : elle explicite ses présupposés politiques au lieu de les masquer".
Entretien avec Laure Bereni sociologue et co-auteure d’une « introduction aux Gender Studies » sur http://www.laviedesidees.fr, 5 octobre 2011

 Qui a peur des études de genre… et de la biologie ?

Entretien avec Thierry Hoquet, maître de conférences au département de philosophie à l’université Paris Ouest Nanterre.

"On a l’impression que les signataires de cette lettre font preuve d’une horrible mauvaise foi : par exemple, quand certains se disent choqués du fait que les mots « homme » et « masculin », ou « femme » et « féminin » ne sont pas synonymes. Mais quoi, ils veulent que toutes les femmes soient douces et aient l’instinct maternel ? Que tous les hommes soient des guerriers poilus ? Comment peut-on faire semblant de croire que « masculin » et « féminin » ne sont pas des termes qui n’ont pas grand-chose à voir avec la biologie, mais qui sont des représentations culturelles ?
J’ajouterais qu’ils semblent avoir peur qu’on enseigne aux élèves l’ouverture d’esprit et la diversité du monde dans lequel ils vivent". (...)
(...) L’enseignement de la biologie ne contient que très peu d’histoire et philosophie des sciences, et en général, pas du tout d’épistémologie, surtout pas féministe. Ce faisant, les sciences biologiques sont dans l’illusion en pensant qu’elles sont à l’abri des représentations qui travaillent la société dans laquelle les théories et les expériences sont formulées".
- Sur le blog http://feministesentousgenres.blogs.nouvelobs.com/ ; 7 septembre 2011

 Le point de vue d’Eric Fassin, sociologue

(...) « Le genre, au départ, c’est la construction sociale du sexe biologique. La différence des sexes n’est pas une donnée de nature immuable ; elle n’existe que dans l’histoire. Ce que c’est qu’être un homme, ou une femme, ne peut donc être abstrait du contexte social. Le sexe est indissociable des normes sexuelles, qui, par définition, ne sont pas naturelles. Or, si les normes sont susceptibles de changer, cela veut dire qu’elles sont un enjeu politique. Ce sont les conséquences politiques de cette perspective qui mobilisent aujourd’hui les conservateurs.

(Question) Les associations catholiques ont parlé de "théorie du gender" ou "théorie du genre", les députés ont évoqué une "théorie du genre sexuel". La presse a largement repris le terme de "théorie du genre". Peut-on réellement parler de "théorie" ?

Les attaques sont d’abord fondées sur l’ignorance (qu’atteste l’expression "genre sexuel") mais elles sont animées par un parti-pris évidemment politique. En fait, le genre est un concept, d’une part, et un champ d’études, d’autre part. Parler de théorie, c’est suggérer : "ce n’est qu’une théorie", autrement dit, "ce n’est pas prouvé". Or ce n’est pas une théorie, qu’il faudrait prouver, c’est plutôt un paradigme qui définit notre manière de regarder. Mais l’usage polémique du mot théorie est très inquiétant : on songe à la manière dont, aux États-Unis, les créationnistes insistent sur le fait que l’évolution ne serait qu’une théorie (...) »

Eric Fassin : « Les députés confondent genre et sexualité », interview réalisée par Marie Kirschen le jeudi 1er septembre 2011 pour le magazine Tétu : >>>>>
- "Genre et SVT : les deux sexes de la droite", autre article de Eric Fassin
"L’offensive politique contre des manuels de Sciences de la vie et de la terre (SVT), accusés d’introduire le loup (social) du genre dans la bergerie (naturelle) de la biologie, marquerait-il un tournant dans l’histoire des relations entre la droite française et le sexe ?"

 Des catholiques disent oui aux analyses de genre dans les manuels scolaires

(...) « Le Bulletin officiel du 30 septembre 2010 invite à interroger les "préjugés" et les "stéréotypes", ce qui est la base de toute démarche scientifique. Les manuels scolaires s’en font l’écho, plus ou moins habilement peut-être, mais leur orientation est juste : remettre en question ce qui est souvent présenté comme un destin biologique et qui se solde par l’enfermement des personnes dans les rôles hiérarchisés attribués aux deux sexes (...) Il est nécessaire que les jeunes comprennent l’origine des discriminations et des injustices entre les sexes. Enseigner une anthropologie "naturelle" immuable est une imposture et disqualifier les théories du genre en les faisant passer pour une idéologie de l’indifférenciation est une malhonnêteté. Celles-ci ne nient pas les différences biologiques des sexes mais les interprétations qui y furent attachées en d’autres temps et les conséquences injustes qui en demeurent (...) »

Communiqué de L’association Femmes et Hommes Égalité, Droits et Libertés dans les Églises et la Société (FHEDLES), 16 juin 2011 : >>>>>

 penser-le-genre-catholique.over-blog.com

Un excellent blog d’inspiration catholique http://penser-le-genre-catholique.over-blog.com/ donne de nombreux éclairages très intéressants sur le genre et analyse "la querelle autour du nouveau programme de biologie de 1ère", montrant en particulier à quel point les informations (critiques sur le genre) "se sont transmises par copier-coller sans confrontation directe aux sources (les manuels de biologie incriminés, les textes de Judith Butler) ni de véritable contre-expertise" : >>>>> `

 « Enseigner le genre dans les cours de SVT est une avancée formidable »

« La rentrée est dans quelques jours… La polémique suscitée par Christine Boutin en juin dernier est relancée par 80 députés UMP. En cause ? Les manuels de SVT (sciences et vie de la Terre) prévus cette année pour les classes de première L et ES abordant la théorie du genre. Le retrait pur est simple de ces ouvrages « sulfureux » a été demandé à Luc Chatel, ministre de l’Education nationale.
Des professionnels, des associations, des syndicats, des politiques s’indignent.
Florence Rochefort, chercheuse au CNRS, est la présidente de l’Institut Emilie-du-Châtelet (IEC), à l’origine de la pétition « Enseigner le genre : contre une censure archaïque ». Elle a répondu à nos questions
(...) »

Interview publiée sur le site egalites-infos.fr le 1er septembre 2011 : >>>>>

 Les "gender studies" pour les nuls

« Faut-il enseigner les théories du genre à l’école ? Non ! tonnent en cœur 80 députés UMP. Ces derniers réclament le retrait des références à « l’identité sexuelle » des individus - expliquée tant par l’environnement socio-culturel que par la biologie - dans les nouveaux manuels de SVT. Cette polémique révèle le rapport ambivalent que la France entretient à l’égard des gender studies, champ d’étude né aux Etats-Unis, toujours soupçonné de s’inscrire dans une démarche militante, féministe, homo et transsexuelle. En réalité, les théories du genre ne constituent ni une idéologie, ni une cause, mais un domaine de recherche pluridisciplinaire dont on peut retracer la genèse, les développements, les références et les enjeux (...) »

Un dossier de Sandrine Teixido sur le site scienceshumaines.com : >>>>>

 Dans la presse...

- Manuels de sciences : « c’est une polémique créée de toutes pièces »
« Interview. Pour Richard Descoings, directeur de Sciences Po Paris, la polémique sur l’enseignement de la théorie du genre en SVT est "contraire à l’esprit même de la recherche scientifique" ».
Libération, vendredi 2 septembre 2011

- « Il existe un ordre sexué dans la société »
« (...) Contrairement aux présentations caricaturales de nos détracteurs, nous ne nous intéressons pas uniquement aux questions de construction identitaire de la personne, de préférence sexuelle, d’homosexualité, de bisexualité ou de transsexualité - même si ces sujets ont leur place. Le fait d’introduire, dans les manuels de sciences de la vie et de la Terre, des enseignements sur le genre ne revient pas à faire rentrer à l’école un "parti pris" militant ou un mouvement, comme certains semblent le croire. Les "gender studies" ne sont pas une opinion ou une idéologie, mais un domaine de recherche. Qui plus est, l’objet des théories du genre n’est pas de prôner une société où tous les individus seraient ressemblants. Personne ne nie qu’il existe une différence biologique entre une fille et un garçon. Ce qu’il faut déconstruire, ce sont les stéréotypes du masculin et du féminin et les inégalités construites socialement - "un garçon, ça ne pleure pas, ça ne débarrasse pas la table, ça peut éventuellement taper sur les filles" (...) »
→ Interview de l’économiste Françoise Milewski, qui coordonne à la rentrée, à Sciences Po, un programme spécifiquement dédié aux gender studies. L’Express, 30 août 2011.

- Genre, sexe, orientation sexuelle, les députés UMP confondent tout
« (...) Les députés se targuent d’être du côté de la science, a contrario de ce qu’ils appellent la "théorie du genre sexuel", rejetée comme "théorie philosophique et sociologique".
A croire, d’une part, qu’il n’y aurait de rationnel que du scientifique, au sens des sciences de la nature, et d’autre part, que le « scientifique » ne pourrait pas être habité par des présupposés philosophiques, et même idéologiques.
Pourtant, réduire l’identité de sexe à sa dimension biologique n’a rien de scientifique au sens où le présupposent ces députés, c’est-à-dire d’attesté et d’irréfutable, mais est au contraire, sinon philosophique (la démarche philosophique a ses réquisits auxquels ne répondent pas ces députés), du moins idéologique
(...) »
→ Une tribune signée David Simard, philosophe et psycho-sexologue, Rue89 le 31 août 2011

- Offensive traditionaliste contre l’éducation au genre
« A l’approche de la rentrée, les opposants au questionnement de l’identité sexuelle au lycée reprennent du poil de la bête. Ce n’est pas un enjeu scientifique qu’on retrouve derrière ces attaques, mais un traditionalisme forcené et des relents d’homophobie (...) »
→ Arnaud Bihel, lesnouvellesnews.fr, 31 août 2011

- Mauvais genre
"Ainsi, nos aptitudes, nos émotions, nos valeurs seraient inscrites dans des structures mentales construites très tôt et quasi immuables. Or les recherches des deux dernières décennies ont montré… le contraire : le cerveau, qu’il soit féminin ou masculin, est « plastique » ; il produit en permanence, y compris à l’âge adulte, de nouveaux circuits de neurones en fonction de l’apprentissage et de l’expérience vécue, rappelle Catherine Vidal, neurobiologiste à l’Institut Pasteur. Rien n’est à jamais figé ni programmé à la naissance. « A la naissance seulement 10 % de nos 100 milliards de neurones sont connectés entre eux. Les 90 % de connexions restantes vont se construire progressivement au gré des influences de la famille, de l’éducation, de la culture, de la société », précise la neurobiologiste. (...)
Ce tableau des connaissances en neurobiologie va dans le même sens que les recherches en sciences humaines et sociales, qui ont bien démontré que nos identités sexuées se construisent aussi en relation avec la société. Loin d’être une idéologie abstraite, le concept de genre repose sur des résultats en biologie, psychologie, sociologie, philosophie, anthropologie, et en histoire".
→ Jean-Jacques Perrier, http://www.vivagora.fr, 3 octobre 2011

L’identité sexuelle, le manuel Hachette le dit bien, dépend non seulement du sexe biologique, mais aussi de la perception qu’en a l’individu. Or un bébé ne sait pas à quel sexe il appartient avant l’âge de deux ans, même s’il distingue plus tôt le

- Différents point de vue dans blogs.mediapart.fr/

 Associations, syndicats et partis politiques

« Ce n’est pas au Parlement de rédiger les manuels scolaires »
"Les députés SRC membres de la Commission des Affaires culturelles et de l’ Éducation viennent d’apprendre la constitution d’un groupe de travail sur le contenu et les modalités d’élaboration des manuels scolaires. _ Ils tiennent à exprimer leur totale désapprobation tant sur les conditions de la mise en place de ce groupe de travail qui n’a fait l’objet d’aucune consultation préalable, que sur son objet même. En effet, il n’appartient pas aux parlementaires et plus largement au pouvoir politique d’élaborer le contenu des manuels scolaires, des instances légitimes existant pour cela.
Plus largement il s’agit de transférer à l’Assemblée nationale une polémique dérisoire sur la question du genre à des fins purement politiciennes et sous la pression des députés UMP de la Droite populaire. Le groupe SRC ne participera pas à cette manipulation et à l’utilisation de l’institution parlementaire d’une manière aussi partisane. C’est la raison pour laquelle ses députés ne participeront pas à ce groupe de travail". 25 octobre 2011

« Programme de SVT en première : l’UNSA Éducation opposée à la censure des manuels scolaires »
« (...) L’UNSA Éducation rappelle fermement que, dans une république laïque qui ne connaît que des citoyens, libres et égaux devant la Loi, ce n’est pas au nom d’une vérité révélée, d’une supposée transcendance que s’élaborent les programmes d’enseignement, notamment en matière scientifique. Les programmes scolaires visent à former des citoyens responsables, éclairés, tolérants. Les appels répétés contre les programmes de sciences de première, les relais qu’ils trouvent dans la représentation nationale montrent hélas ! que, comme lors de la création du PACS, ce qu’il faut appeler "les vieux démons de l’ordre moral" sévissent encore (...) »
→ Communiqué du syndicat UNSA-éducation, le 25 juillet 2011

- Non à la censure des manuels scolaires par les députés UMP
« Plusieurs députés UMP, à l’initiative des membres de la droite populaire Richard Maillé et Christian Vanneste, ont adressé une lettre au Ministre de l’Education nationale afin de demander le retrait des manuels scolaires de première abordant la théorie du genre.
Cette tentative de députés est inacceptable sur la forme comme sur le fond.
Sur la forme, il n’appartient pas au pouvoir politique de déterminer le contenu des manuels, mais aux autorités scientifiques qui en sont chargées.
Sur le fond, la droite montre une nouvelle fois sa vision totalement rétrograde des identités de genre. Cette volonté acharnée de masquer le caractère construit, culturel, social du genre féminin et masculin, de nier la diversité des identités sexuelles ne fait que révéler le refus de la droite des libertés individuelles et notamment sexuelles ou encore une vision archaïque de la place des femmes dans la société
(...) »
→ Communiqué du Parti Socialiste, le 31 août 2011

- Théorie du genre, homoparentalité : ces ultimes sursauts réactionnaires.Par Caroline De Haas, chargée des droits des femmes dans l’équipe de campagne de Martine Aubry
"En déconstruisant la soi-disant complémentarité des sexes pour construire celle des êtres, on cesse de mettre les femmes et les hommes sur des niveaux différents. Depuis des millénaires, cette différenciation permanente entre le masculin et le féminin, entre les hommes et les femmes, a toujours servi à l’oppression de ces dernières. Ne nions pas les différences entre les êtres, mais devenons indifférents aux différences : nous ferons ainsi un grand pas en avant vers l’égalité".

- Bientôt un Ministère de l’Identité… Sexuelle ? Communiqué du Planning Familial
En cette rentrée scolaire 2011, l’UMP mène une bataille hors d’âge contre la présentation de la théorie du genre dans les manuels scolaires.
"Devenir femme ou homme… quelles conséquences ? Votre garçon de 8 ans vous perturbe en réclamant une dînette pour Noël. Ophélie, 15 ans, se fait traiter de pute parce qu’on sait qu’elle a eu 3 petits copains dans l’année, alors que Kévin, qui a le même âge, est admiré pour les mêmes raisons. Valérie inquiète ses parents en choisissant un Bac pro mécanique. Tom, 19 ans, fait une tentative de suicide en prenant conscience de son attirance homosexuelle. Jean-Luc suscite l’incompréhension parce qu’il s’arrête de travailler pour s’occuper de ses enfants.
Dans la vraie vie, on le voit, le genre agit. Le concept de genre permet de rendre visible les attentes, les usages, les obligations et les interdits liés au sexe. Il s’est imposé comme un référent incontournable dans les sciences humaines et sociales. C’est aussi un outil pour comprendre et combattre les inégalités, les discriminations et les violences liées à la naturalisation de la différence des sexes.
Pour obtenir le retrait de manuels de SVT, 80 députés de l’UMP détournent la théorie du genre. Ils la réduisent à une idéologie et font un amalgame entre identité sexuelle et orientation sexuelle, présentant encore l’homosexualité comme un péril pour la société. Le Planning Familial ne veut pas d’un Ministère qui définirait et dicterait les bonnes manières d’être un homme, une femme, ou de vivre sa sexualité. Intervenant de terrain en éducation à la sexualité, Le Planning Familial se félicite de l’entrée du concept de genre dans ces manuels, qui contribuera à faire avancer l’égalité entre femmes et hommes, inscrite dans l’article 1 du préambule de notre Constitution.".

- Pour la droite catholique, la théorie du genre se limite à : « duos habet et bene pendentes » ; Le point de vue de l’Union des familles laiques
"Il est intéressant que les élèves en SVT comprennent que tout n’est pas inné, que nous avons aussi des caractères acquis, fruits de notre histoire, de notre environnement, de notre psychisme et de nos choix, qu’il n’y a pas de normes, et qu’il n’y a aucune raison pour hiérarchiser d’un point de vue moral les différentes identités sexuelles.
Non le genre, la sexualité, les rôles dans la société ne sont pas déterminés totalement par la biologie, ce n’est pas aussi simple que d’avoir duos habet et bene pendentes (« il en a deux, et bien pendantes » est une phrase rituelle concernant le moment de la vérification que le futur pape est bien un homme)

 Quand un artiste s’en mêle, ou la défense du genre par l’entonnoir...

Un entonnoir géant installé à Perpignan
Le Figaro, avec AFP, le 8 septembre 2011

« Le plus grand entonnoir du monde, de 3 m de hauteur sur 3 m de diamètre, a été érigé aujourd’hui dans le centre de Perpignan par l’artiste Marc-André 2 Figueres pour représenter "le genre", au moment-même où une polémique s’instaure sur l’identité sexuelle dans les manuels scolaires.

"Il s’agit de montrer à travers cet objet la dualité intégrée du masculin et du féminin, puisqu’il est masculin dans son extérieur et qu’il contient sa féminité", a expliqué Marc-André 2 Figueres en soulignant que l’entonnoir est ainsi "doublement sexué" (...) »


SOMMAIRE DU DOSSIER
- Le point de vue d’Adéquations
- Les programmes scolaires incriminés
- Les réactions de refus
- Les interventions en faveur du genre

Haut de page