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Compte rendu du colloque "Genre, violences et droits de l’enfant. Focus sur l’Europe""

Jeudi 15 janvier 2015


Colloque organisé dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes et du 25ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, par l’Association Adéquations et la Division pour l’Egalité des Genres de l’UNESCO
Le 25 Novembre 2014 au siège de l’UNESCO

Voir aussi : le dossier d’information établi par l’Unesco pour cette occasion, et le Message de la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova

La chair de la guerre
Installation de la plasticienne Yveline Wood dénonçant le viol comme arme de guerre

 Introduction

Dans ses remarques introductives, Mme Gülser Corat, Directrice de la Division pour l’Egalité des Genres, a insisté sur le fait que le thème de la conférence était au centre de la mission et des valeurs de l’UNESCO, notamment depuis que l’égalité des genres est devenue l’une des deux priorités globales de l’UNESCO en 2008. Elle souligné l’importance de s’engager contre les violences faites aux femmes en Europe. Elle a rappelé que de nos jours, la violence de genre affecte une femme sur trois au cours de sa vie et que ce phénomène est toujours répandu dans nos sociétés occidentales : au cours de sa vie, plus d’une femme sur cinq en Europe a été victime de violence physique et/ou sexuelle perpétrée par son ancien ou actuel partenaire. Mme Corat a enfin souligné la nécessité d’adopter une approche sensible au genre afin de mettre en place efficacement la Convention des Droits de l’Enfant.

 Table ronde 1
De la violence domestique et conjugale à la violence institutionnelle : leurs répercussions sur l’enfant

Mme Yveline Nicolas, coordinatrice de l’Association Adéquations, a brièvement présenté le sujet du premier panel et a donné la parole aux intervenant-es.

Présentation de Mme Françoise Brié

En introduction, Mme Françoise Brié, Vice-Présidente de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (France) a présenté une vidéo de 40 secondes montrant les impacts de la violence conjugale sur les enfants [1].

Elle a présenté sa Fédération, rappelant que Solidarité Femmes a mis en place la ligne téléphonique 3919 ouverte depuis janvier 2014, 7 jours par semaine, pour aider les femmes victimes de violences en France.

Afin de souligner l’importance de la violence contre les enfants, elle a expliqué qu’en 2014, 33 enfants sont morts suite à des violences conjugales, et que dans le cadre de ces violences conjugales, 40% des enfants sont victimes de violences directes.

Elle a alors affirmé que dans tous les cas de violence conjugale, les enfants ne devraient pas être considérés seulement comme de simples témoins, y compris celles et ceux qui ne sont pas brutalisé-es physiquement, mais plutôt comme de véritables victimes de violence. Cela justifie de considérer systématiquement l’intérêt supérieur de l’enfant au regard de cette violence directe ou indirecte.

La solution de ce problème est de retirer l’enfant des mains de l’auteur des violences, si cela est possible et justifié.

Françoise Brié a critiqué les dérives de la médiation pénale. Elle a souligné l’importance de mettre l’enfant hors de danger, cela par un éloignement géographique avec l’auteur des violences. Elle a également rappelé la complexité des situations dans lesquelles la mère qui fuit des violences peut être poursuivie pour abandon du domicile conjugal. Elle a ainsi recommandé que la législation évolue vers une meilleure prise en compte et compréhension de ces situations et vers une meilleure protection de la mère et de l’enfant.

Elle a aussi réclamé que les décisions prises par les juges des affaires familiales soient en meilleure harmonie et que les juridictions civiles et pénales soient davantage liées entre elles.

Concernant les améliorations récentes au niveau législatif sur la question des violences conjugales, Françoise Brié a plaidé pour une vigilance accrue concernant la garde partagée par les deux parents, vigilance recommandée par la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence conjugale (Convention d’Istanbul), dans son Article 31 sur la garde, les droits de visite et la sécurité.

Présentation de Mme Emilie Jarrett

Mme Emilie Jarrett, Chargée Politique dans l’Unité de l’Egalité des Genres, Commission Européenne (Belgique), dans son discours d’introduction, a souligné l’importance croissante qu’accorde l’Union européenne à la question de la violence conjugale et de la violence contre les enfants.

Pour ce faire, elle a présenté l’agenda pour les droits de l’enfant adopté en février 2011, qui réaffirme l’engagement de toutes les institutions européennes ainsi que de tous les états membres de l’UE de promouvoir, protéger et garantir les droits de l’enfant dans toutes les politiques européennes pertinentes. Cet agenda se centre sur un nombre de priorités concrètes où l’UE peut apporter une réelle valeur ajoutée, telle que la protection des enfants en situation de vulnérabilité ; et cela correspond à la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant.

Les droits de l’enfant font désormais partie intégrante de la politique des droits fondamentaux de l’UE ; cela par l’élaboration d’une politique basée sur des éléments concrets et par la coopération avec les parties prenantes. Les actions concrètes de l’UE pour les enfants impliquent une justice favorable pour ces derniers, des actions ciblées pour les protéger lorsqu’ils sont vulnérables, et incluent les enfants dans le Service Européen pour l’action extérieure.

La politique européenne en matière d’égalité entre les femmes et les hommes est actuellement présentée dans la Stratégie de la Commission pour l’Égalité entre les femmes et les hommes adoptée en septembre 2010 et qui prend fin en 2015. Cette Stratégie identifie les priorités concernant l’égalité des sexes au niveau européen et définit les actions prévues par la Commission pour les cinq années à venir. La Stratégie comprend six domaines prioritaires (une indépendance économique égale entre les femmes et les hommes ; un même salaire pour un même travail et un travail d’une valeur égale ; l’égalité dans la prise de décision ; la Dignité, l’intégrité et la fin des violences liées au genre ; l’égalité entre les femmes et les hommes dans les actions externes ; et les enjeux transversaux).

En Mars 2010, pour marquer le 15ème anniversaire de la déclaration et du programme d’action de Pékin, adoptés lors de la Conférence internationale sur les femmes organisée par les Nations unies et du 30ème anniversaire de la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Commission Européenne a adopté la Charte des Femmes, dans laquelle elle renouvelle ses engagements en faveur de l’égalité des sexes et du renforcement de la perspective de genre dans chacune de ses politiques.

Emilie Jarrett a expliqué que la Commission européenne a actuellement quatre grandes priorités concernant la question de la violence liée au genre.

La première concerne la collecte de données puisqu’il s’agit du premier pas pour mieux mesurer, comprendre et combattre la violence contre les femmes. A ce sujet, l’enquête à l’échelle de l’UE sur la violence contre les femmes conduite par l’Agence des droits fondamentaux (FRA) en mars 2014 est primordiale. L’Institut Européen pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (EIGE) fournit également des données essentielles sur la violence contre les femmes. Eurostat apporte des données administratives, notamment sur les liens entre les victimes et les auteurs des violences. Mais quoi qu’il en soit, la collecte de données des Etats membres doit être améliorée.

Le second domaine prioritaire est la législation. Des mesures ont été prises afin de lutter contre la diffusion de la pornographie infantile en ligne et le trafic d’êtres humains, pour fournir un minimum de droits pour les victimes et les protéger notamment par les décisions de protections européennes qui stipulent que les victimes de crimes qui bénéficient d’une protection contre leur agresseur dans un Etat membre de l’UE peuvent obtenir la même protection si elles déménagent dans un autre Etat membre.

La troisième priorité est le financement par des projets, des réseaux européens, des échanges de bonnes pratiques et des actions de sensibilisation des Etats membres.

Enfin, la Commission travaille sur l’élimination des mutilations génitales féminines (MGF) en se concentrant sur la connaissance et la prévention de ces pratiques mais également sur les poursuites et les actions extérieures.

En conclusion, Emilie Jarrett a affirmé que l’UE s’est pleinement engagée à éliminer la violence contre les femmes et les enfants par des mesures concrètes pour un réel impact.

Présentation de Mme Jurgita Pečiūrienė

Mme Jurgita Pečiūrienė, experte en Genre à l’Institut Européen pour l’Egalité des Genres (Lituanie), a présenté le travail de l’Institut Européen pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes sur la violence contre les femmes (cela comprend les statistiques et recherches sur le genre, l’analyse des méthodes, les outils et les bonnes pratiques ainsi que les activités de sensibilisation). Elle s’est également arrêtée sur les principaux défis que l’Institut doit affronter.

Sur la question de la violence conjugale, l’Institut Européen pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes fournit des méthodes de collecte, des outils et des bonnes pratiques dans les domaines des programmes de formation, des programmes de soutien aux victimes, et des outils pour les campagnes de sensibilisation. Les résultats de ses recherches concernant le soutien aux victimes montrent que la prestation de ces services varie considérablement (en termes d’approches, de capacités, de qualité et de distribution géographique) d’un pays à l’autre. De plus, il existe peu de données dans les pays européens évaluant l’utilisation et la qualité de ces services spécialisés.

L’Institut Européen pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes a également mis en œuvre une étude sur le coût de la violence liée au genre. Le résultat démontre que généralement, l’impact sur la société et l’économie est élevé.

Mme Pečiūrienė a affirmé que l’Europe a besoin d’une approche basée sur les droits humains concernant le fléau des mutilations sexuelles féminines. Le travail de l’Institut Européen pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes sur ce problème est centré sur la connaissance, la prévention, la protection et les actions extérieures. L’Institut a récemment mené une étude à la fois pour cerner la situation actuelle et les tendances des mutilations génitales féminines dans les 27 Etats Membres de l’Union européenne et la Croatie et aussi pour sélectionner les bonnes pratiques pour combattre ce phénomène.

L’Institut Européen pour l’Egalité entre les femmes et les hommes a développé de nombreux outils de cartographie en ligne ainsi qu’une riche base de données. Par exemple, la carte de l’UE présente les données principales disponibles dans chaque état membre. La base de données sur les statistiques de genre comprend une source centralisée d’informations statistiques et des métadonnées avec des concepts et des méthodes sur l’égalité des genres.

Enfin, l’Institut Européen pour l’Egalité entre les femmes et les hommes fournit une analyse de la législation européenne, telle que la directive 2012/29/UE sur la protection des victimes et formule des recommandations pour la mise en œuvre de législations supplémentaires.

Jurgita Pečiūrienė a expliqué que l’Institut Européen pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes ainsi que les autres structures qui travaillent sur la question de la violence contre les femmes sont confrontés à plusieurs défis. Elle a souligné le manque de ressources disponibles dans tous les pays européens, ce qui est un problème, et a recommandé un travail plus coordonné à ce sujet. En effet, les chiffres sont nécessaires pour mieux soutenir les décideurs politiques et contrôler leur efficacité ainsi que la réponse qu’ils apportent aux violences liées au genre.

Sur ce thème spécifique de la violence contre les femmes, plusieurs défis sont en jeu. Le soutien et les services accusent encore certaines faiblesses et les causes ainsi que les conséquences de ces violences doivent encore être mieux entendues. Des progrès ont été accomplis avec les données européennes comparables, mais des défis persistent : peu d’attention est portée aux normes, aux attitudes et aux stéréotypes.

Dans le contexte de Pékin + 20, elle a donc affirmé qu’il était nécessaire de garantir l’engagement et la mobilisation de ressources par les Etats, d’encourager la collecte de données et d’élargir les perspectives sur la violence liée au genre.

Jurgita Pečiūrienė a conclu sa présentation en donnant un aperçu des événements et des activités à venir. Un nouveau plan de travail stratégique pour 2015-2018 sera bientôt rendu public. En outre, l’Institut Européen pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes lancera des rapports sur la violence liée au genre et sur les sources de données administratives et participera à la campagne du Ruban Blanc.

Dans les années à venir, l’Institut Européen pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes travaillera également sur les thèmes suivants :
- Une étude sur des concepts cartographiques et des méthodologies pour la collecte de données sur les violences liées au genre ;
- Des recommandations pour la production de données ventilées par sexe et des données sensibles à la dimension de genre en réponse à la directive 2012/29/UE sur la protection des victimes ;
- Des rapports par pays contenant des informations qualitatives sur des sources de données administratives concernant la violence liée au genre ;
- Des concertations avec les fournisseurs de données et les experts sur la collecte de données.

Présentation de Mme Heidi Stoeckl

Mme Heidi Stoeckl, chercheure sur les violences de genre à l’Ecole d’Hygiène et de Médecine Tropicale de Londres (Royaume Uni), a fait une présentation sur « La violence conjugale contre les femmes et ses intersections avec la violence contre les enfants : données actuelles et recommandations ».

Elle a rappelé que la violence contre les femmes est encore répandue dans le monde et en Europe en prenant pour exemple les chiffres présentés par l’enquête de la FRA. Elle a précisé que le nombre de femmes victimes de violences dans les pays de l’Europe de l’Est semble bas. Cependant, si cela est le cas, c’est parce que les femmes sont généralement plus réticentes dans cette région à dénoncer la violence, surtout lors d’entretiens individuels.

Concernant la violence contre les femmes, elle a déclaré que les partenaires intimes sont les principaux auteurs de violences sur lesquels il est nécessaire de se concentrer puisqu’à l’échelle mondiale, ils sont les auteurs de 38% d’homicides de femmes.

Mme Stoeckl a ensuite présenté les effets de la violence conjugale sur la santé des femmes, telles que les grossesses précoces, les maladies sexuellement transmissibles, la dépression. Les enfants victimes de maltraitance présentent les mêmes facteurs de risques et le même état de santé préoccupant que les femmes victimes de violences.

Mme Stoeckl a souligné la prévalence de la violence physique durant la grossesse et a expliqué que 90% des auteurs des violences sont le père de l’enfant. Ce type de violence a des conséquences particulièrement graves sur la santé de la mère (les complications durant la grossesse) et sur l’enfant à naître (croissance du fœtus, faible poids à la naissance, avortements et fausses couches, sentiment d’anxiété élevé, sous-vaccination, etc.).

Elle a ensuite énuméré quelques interventions prometteuses.

Aux États-Unis, un programme en collaboration avec des conseillers de médecine prénatale qui détectent les violences et aident les femmes a montré tout l’intérêt de l’implication de ces professionnel-les pour réduire les sévices psychologiques et la dépression.

Le programme MOZAIC, une approche dans le secteur de la santé au Royaume Uni, a permis aux femmes qui dénoncent la violence conjugale de bénéficier de la confidentialité dans leur dossier, d’avoir accès aux services d’un avocat et de recevoir des informations sur les ressources mises à leur disposition pour faire face à leur situation.

Le programme Nurse Family Partnership vise les femmes de statut socio-économique faible, enceintes pour la première fois. L’un de ses objectifs, qu’il réalise avec succès, est de réduire la maltraitance des enfants. Cependant, le programme ne prend pas en charge les femmes victimes de violences conjugales.

Heidi Stoeckl a terminé sa présentation par quelques recommandations et a demandé davantage de recherches sur les interventions et davantage d’évaluations.

Elle a affirmé que la violence conjugale et la maltraitance envers les enfants sont liées et que les interventions dans l’un ou l’autre de ces domaines doivent prendre en considération non seulement les besoins des femmes mais également ceux des enfants.

Elle a signalé des lacunes en matière de recherche, particulièrement dans les recherches longitudinales, sur les effets de la violence conjugale sur les enfants ; mais aussi dans les recherches sur les interventions pour lesquelles elle a préconisé de plus longs suivis que pour celles déjà existantes.

Elle a également conseillé la conception et l’évaluation de modèles d’interventions qui doivent viser, dès le début, à s’attaquer aux violences conjugales et à la maltraitance des enfants.

Présentation de M. Olaf Kapella

M. Olaf Kapella est chercheur principal et Coordinateur de recherche, Institut Autrichien pour les Etudes sur les Familles, Université de Vienne (Autriche).

Pour compléter les interventions des autres intervenant-es, M. Kapella a souligné le problème des enfants victimes de violences au sein de l’école ; problème qui n’est, selon lui, ni suffisamment signalé, ni suffisamment étudié. Il en est de même pour les femmes qui peuvent être victimes non seulement de violences à leur domicile mais également au sein de leur travail. Il a rappelé que la violence liée au genre est un phénomène très complexe qui prend différentes formes – non seulement physique, mais aussi psychologique et sexuelle.

Olaf Kapella a désigné les articles 34, 30, 19 et 17 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant comme étant particulièrement importants pour une analyse de genre.

Il a soulevé la question des enfants qui ne cherchent pas d’aide et qui ne parlent pas des violences dont ils sont les victimes, alors que c’est primordial pour y mettre fin. Selon ses observations, les enfants sont moins enfermés dans « cette loi du silence » et les actes de maltraitance envers les enfants sont moins fréquents dans les pays où le recours à la violence physique « comme méthode éducative » est interdit par la loi, car cela élève le niveau de conscientisation de tous les enfants sur le fait que la violence à leur égard est intolérable.

Face à ces problèmes, il a souligné l’extrême importance de l’éducation sexuelle comme base de prévention et d’éradication de la violence. A cet effet, les gouvernements et les parents devraient communiquer avec les enfants, et cela très tôt, et leur apprendre à quelles personnes ils peuvent faire appel s’ils ont besoin d’aide – enseignants, médecins, travailleurs sociaux. De meilleurs investissements devraient être mis en place afin de former les professionnels à une meilleure écoute pour pouvoir répondre à ces problèmes.

Echange avec la salle

Suite à cette première table ronde, la parole a été donnée au public pour un échange de questions-réponses.

- Une personne du public, qui s’est présentée comme psychologue, a fait deux remarques. Dans un premier temps, elle a fait observer que les professionnels veulent souvent réconcilier les familles et éviter que les parents ne se séparent lorsque ce n’est pas forcément la meilleure option pour l’enfant. Dans un second temps, il a signalé que pour les enseignants et les avocats, il n’est pas aisé d’écouter les enfants victimes de violences avec une approche psychologique.

Les intervenant-es ont largement approuvé ces déclarations et ont rappelé la nécessité de mieux former les professionnel-les afin qu’ils soient capables de faire face à ce genre de situations.

- Bénédicte Fiquet de l’Association Adéquations a demandé à Françoise Brié la signification du terme « syndrome d’aliénation parentale » qu’elle avait mentionné dans sa présentation.

Madame Brié a expliqué qu’il s’agit d’un concept psychologique non vérifié, souvent employé par les auteurs de violences pour expliquer que, lors d’une demande de séparation, l’enfant est sous l’influence de la victime de violences conjugales.

- Une personne du public a demandé comment limiter l’accès des agresseurs au lieu où les victimes de violences trouvent refuge. Cette personne a affirmé que les victimes se trouvent trop souvent dans des situations d’insécurité et que des mesures devraient être prises pour lutter contre cela.

Les intervenant-es ont acquiescé et ont rappelé que, au moins dans les refuges, des règles strictes sont observées afin d’assurer la protection des victimes de violences.

- Une représentante de la Délégation Marocaine auprès de l’UNESCO a fait remarquer que le harcèlement dans les lieux publics représente un problème important et très répandu dans la région arabe. Elle a également souligné l’importance d’éduquer les hommes à la lutte contre les violences faites aux femmes.

- Une représentante de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté a émis le souhait que les recherches se concentrent également sur les raisons et les causes des violences – et pas seulement sur les conséquences et les résultats.

Les intervenant-es ont approuvé cette requête mais ont également expliqué qu’il s’agit d’une question très complexe et que la recherche doit être améliorée.

- La représentante de l’UE auprès de l’UNESCO, Lina Van Der Weyden, a voulu souligner le travail accompli par le Service de l’Action Extérieure de l’UE sur les questions du genre et a affirmé que la Haute Représentante, Frederica Mogherini, a fait de l’égalité des sexes la grande priorité de son mandat. Elle a mentionné l’existence de nouveaux fonds s’élevant à 100 milliards d’euros et consacrés à soutenir l’égalité des sexes et les droits des enfants dans les pays en voie de développement.

- Un étudiant de l’Université d’Evry en Master Droits de l’Homme a posé une question sur la définition et l’ampleur des violences contre les femmes et la manière dont on peut les définir précisément et objectivement d’un point de vue juridique.

Françoise Brié a répondu qu’une distinction doit être faite entre les conflits au sein d’un couple et la violence conjugale, qui elle implique un rapport de domination et une emprise sur la femme. Elle a fait référence aux conventions internationales telles que la Cedef et la Convention d’Istanbul, qui donnent des définitions objectives et universelles d’une telle violence.

- Une personne du public qui s’est présentée comme avocate a dénoncé la violence institutionnelle que les femmes doivent affronter, en plus de la violence conjugale. Elle a affirmé que les femmes sont sujettes à la violence lorsqu’elles rencontrent la police, la police judiciaire et les juges. Elle a également souligné le manque de refuges appropriés pour les refugiées et les femmes victimes de violences.

- Une personne du public a soulevé la question des femmes immigrées victimes de violences conjugales, ce qui a marqué la transition vers la seconde table ronde.

 Table ronde 2
Une analyse de genre des conflits, de la violence, de la protection des réfugié-es et des droits de l’enfant

Mme Jane Freedman, Spécialiste de Programme au sein de la Division pour l’Egalité des Genres à l’UNESCO, a présenté le sujet de la seconde table ronde. Elle a ensuite donné la parole aux intervenant-es.

Présentation de Mme Florence Boreil

Mme Florence Boreil, associée à la protection, UNHCR (France) a d’abord présenté de manière générale la situation des femmes demandeuses d’asile et réfugiées en Europe. Elle a souligné le fait que 50 % des réfugiés sont des enfants, et que les problématiques de genre et de refuge sont très intimement liées, étant donné que les femmes sont particulièrement vulnérables dans des situations de migration et de transit. Elle a affirmé que le UNHCR était très impliqué dans l’aide et la protection des femmes et des enfants migrants.

Elle a fait remarquer qu’en décembre, l’Assemblée nationale examinerait une nouvelle mesure législative concernant le droit d’asile en France. Enfin, elle a mentionné l’importance des directives de la Commission européenne sur le droit d’asile.

Présentation de M. Maxime Forest

La présentation de M. Maxime Forest, Président de la Commission enjeux européens et internationaux, Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (France) s’est centrée sur l’évolution de la pratique des mutilations génitales féminines (MGF) et de son lien avec les problématiques du droit d’asile.

Depuis la fin des années 1980, la France a condamné la pratique des MGF et a entamé une restructuration du système d’asile. A partir de 2005, la jurisprudence s’est de plus en plus centrée sur la question du droit d’asile.

Une étude de 2007-2009 montre que 61 000 femmes vivaient avec une MGF sur le territoire français à cette époque. M. Forest a insisté sur le fait que les femmes peuvent désormais solliciter la protection internationale pour motif de MGF.

En décembre 2012, la décision du Conseil d’Etat français a confirmé que les MGF constituent un motif valable pour obtenir le statut de réfugiée. Cette décision a eu des conséquences directes sur les données françaises de la protection internationale : les femmes représentent désormais 40 % de la population réfugiée, 36 % auparavant – ce qui révèle l’ampleur de la pratique des MGF.

Enfin, en ce qui concerne la réforme du droit d’asile, le Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes promeut la mise en place d’une véritable approche sensible au genre à chaque étape du processus, afin d’assurer que les problématiques spécifiques liées aux femmes et aux enfants soient réellement prises en compte.

Présentation de Mme Madina Jarbussynova

La présentation de Mme Madina Jarbussynova, représentante spéciale de l’OSCE et coordinatrice pour la lutte contre le trafic des personnes, Vienne (Autriche) s’est centrée sur les évolutions récentes du trafic d’enfants et de femmes, le travail réalisé par l’OSCE dans ce domaine, et la formulation de recommandations.

Elle a commencé sa présentation en rappelant que le trafic d’êtres humains est un phénomène globalement très répandu, qui représente la troisième source de revenu illicite (après le narcotrafic et le trafic d’armes) et en soulignant la nature très complexe de ce dernier. Elle a affirmé que l’Organisation Internationale du Travail (OIT) estime à environ 29 millions les victimes du travail forcé et du trafic d’êtres humains : au sein de ce groupe, les femmes et les filles représentent 55 % des victimes (11, 4 millions) et les enfants 26 % (5, 5 millions).

En Europe, 80 % des victimes sont des femmes, alors que le pourcentage d’enfants s’élève à environ 15 % et que la majorité des victimes de trafic identifiées sont destinées à l’exploitation sexuelle, au travail forcé, et à la criminalité forcée.

Mme Jarbussynova a souligné le fait que les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables. Elle a notamment insisté sur la situation de risque dans laquelle les mineurs non-accompagnés et les enfants appartenant à des minorités ethniques – telles que les communautés Roms – se trouvent. De plus, les mineurs non-accompagnés sont souvent détenus ou expulsés sans être officiellement reconnus comme victimes de trafic, et donc sans être traités comme tels, ce qui constitue clairement une violation de leurs droits et les expose au risque de se retrouver de nouveau aux mains des trafiquants dans leur pays d’origine. Les enfants Roms sont également souvent victimes de discriminations lorsqu’il s’agit d’accéder aux services de prévention et de protection.

Mme Jarbussynova a ensuite présenté le travail effectué par l’OSCE sur ces problématiques.

Le Plan d’Action de l’OSCE et son additif adopté en 2013 sont les documents de référence principaux. Tous les engagements de l’OSCE sont basés sur une approche centrée sur les droits de l’Homme, ce qui implique que les droits des victimes devraient être respectés à tous les niveaux. Les engagements se centrent sur « 4 P » : prévention, protection, poursuite et partenariats.

De plus, le bureau de Mme Jarbussynova joue un rôle essentiel dans le maintien d’un engagement politique de haut niveau de la part des Etats participants : en effectuant des visites dans les pays, ce qui constitue un moyen de promouvoir les engagements de l’OSCE, d’établir et de renforcer un dialogue direct et constructif avec les autorités nationales ; en formulant des recommandations aux niveaux politique et opérationnel avec une perspective centrée sur le trafic des femmes et des enfants.

Le Bureau met également en place un certain nombre de projets, à l’instar d’un projet réalisé en Moldavie, qui avait pour but de soutenir l’intégration sociale et professionnelle durable d’enfants privés de soins parentaux et de prévenir le trafic d’êtres humains et l’immigration illégale en partance de Moldavie.

Mme Jarbussynova a ensuite présenté quelques recommandations spécifiques qu’elle estimait pouvoir aider à combattre et à prévenir le trafic de femmes et d’enfants.

Dans le domaine de la prévention : les Etats participants devraient améliorer les opportunités d’éducation pour tous les enfants sans discrimination et indépendamment de leur statut ; améliorer les soins destinés aux enfants et les systèmes de protection des enfants, y compris l’enregistrement des naissances ; développer des mesures de prévention du trafic d’enfants et améliorer l’identification des secteurs dans lesquels le trafic est le plus répandu. Dans le domaine de la protection, les enfants ne devraient jamais être détenus pour des raisons relatives à leur statut ou pour des actes qu’ils ont été amenés à perpétrer dans le cadre de leur exploitation ; ils devraient avoir accès à des services de protection complète, à la justice et aux recours ; les Etats participants devraient fournir un accès sans condition pour les enfants à des refuges qui répondent à leurs besoins.

Enfin, durant les procédures pénales, les Etats participants devraient s’assurer que l’intérêt de l’enfant est toujours respecté, en garantissant leur intimité, et en prenant des mesures destinées à éviter la dissémination d’informations qui pourraient mener à l’identification des enfants.

Mme Jarbussynova a enfin souligné que pour atteindre ces objectifs, la mise en place de partenariats et de travaux de groupes multidisciplinaires entre les pays et au-delà des frontières est essentielle. Elle a terminé sa présentation en affirmant qu’elle espérait une coopération grandissante entre l’OSCE et l’UNESCO dans ce domaine.

Présentation de Mme Maria Giovanna Manieri

Mme Maria Giovanna Manieri, chargée de Programme, Plateforme pour une Coopération Internationale sur les Migrants Sans Papiers (Belgique), a d’abord présenté les activités de son organisation, la Plateforme pour une Coopération Internationale sur les Migrants Sans Papiers (PICUM). PICUM travaille pour que la mobilité humaine soit reconnue comme une réalité, et que les individus puissent jouir de leurs droits humains indépendamment de leur statut de migrants.

Elle a précisé que les migrants sans papiers sont ceux qui résident dans un Etat sans un permis de séjour ou de travail valide ; ils représentent 10 à 15 % des migrants internationaux dans le monde. En Europe, entre 1, 9 et 3, 8 millions de personnes sont des migrants sans papiers.

Mme Manieri a ensuite soulevé la question des enfants, expliquant que les mesures d’exécution (actions de détection, procédures de détention et d’expulsion) peuvent être vécues comme des violences par les enfants. Ces derniers peuvent également être soumis à des actes de violence commis par des agents de l’Etat durant les procédures d’arrestations et d’expulsion, y compris toutes les formes de violences physiques, sexuelles et psychologiques dans les centres de détention. Elle a donné l’exemple d’un bébé et de sa mère en provenance d’Afghanistan détenus dans un centre à Chypre.

Elle a également mis en lumière le lien entre les mécanismes de contrôle des migrations et le manque d’accès aux droits et services sociaux pour les migrants sans papiers – ce qui les rend sujets à la pauvreté et à la perte de leur autonomie, et conduit à les marginaliser encore plus. A titre d’exemple, elle a cité les difficultés rencontrées par les migrants pour avoir accès aux soins médicaux.

De plus, les migrants sans papiers font face à des difficultés d’accès à la justice et à la protection. Dans les Etats membres de l’UE, les migrants sans papiers risquent d’être arrêtés et expulsés s’ils recherchent l’aide de la police. Leur statut irrégulier constitue une barrière importante les empêchant d’accéder au système judiciaire, qu’il s’agisse de violations des droits du travail ou de justice pénale pour des actes de violence. En particulier, les difficultés d’accès à la justice pour les survivants d’actes de violence rend les femmes sans papiers, souvent mères, d’autant plus exposées à la violence et à l’exploitation, et peut les enfermer dans de telles situations. Une conséquence majeure de ce problème est qu’il crée une culture de l’impunité pour les actes commis sur des migrants sans papiers en transit, aux frontières ou dans les pays de destination.

Enfin, les migrants sans papiers n’ont pas accès à des canaux justes et légaux pour rejoindre l’Europe. C’est particulièrement le cas pour les femmes qui veulent rejoindre leur mari, et qui deviennent de plus en plus vulnérables. Mme Maria Manieri a dénoncé les multiples échecs politiques dans ce domaine, en prenant l’exemple de Noemí Álvarez Quillay, une jeune fille Equatorienne qui voulait rejoindre ses parents dans le Bronx et qui a mis fin à ses jours au Mexique car elle n’y parvenait pas.

Echange avec la salle

Après la seconde table ronde, la parole a été donnée au public pour une session de questions et réponses. Malheureusement, étant donné le peu de temps restant pour la conférence, seules quelques courtes questions ont pu être posées.

- Une personne du public, qui s’est présentée comme étant psychologue, a questionné ce qu’elle a appelé l’« approche binaire » souvent utilisée lorsque l’on parle du genre ; elle a souligné qu’il serait intéressant de parler davantage d’un troisième sexe ou de personnes trans-genre. Les intervenant-es ont majoritairement approuvé cette remarque et ont rappelé que l’égalité de genre est très intimement liée aux problématiques et les droits des LGBT.

- Une autre personne du public a parlé des problématiques liées à la stérilisation forcée, qui selon elle devaient être traitées, ainsi que les MGF.

- Enfin, une personne du public a déclaré qu’elle espérait une harmonisation des statistiques à l’échelle européenne ; les intervenant-es ont approuvé cette remarque et ont d’ailleurs souligné que le plus grand défi de la recherche était actuellement ce processus d’harmonisation.

 Projection du documentaire “Le dos de la veuve” de la réalisatrice Camerounaise Mary-Noël Niba

La conférence de la matinée a été suivie, dans l’après-midi, par la projection du documentaire “Le dos de la veuve”, qui présentait la tradition camerounaise de succession et avait pour objectif de susciter un débat sur ses conséquences sur les vies des femmes au Cameroun.

La projection a été suivie d’un échange entre le public et la réalisatrice du documentaire, Mary-Noël Niba.

Une personne du public a demandé pourquoi la réalisatrice avait choisi de produire ce documentaire. Elle a répondu qu’elle voulait avoir une réflexion sur la question de la tradition dans son pays. Elle a mentionné une « quête de vérité » et sa volonté de faire parler les victimes de cette tradition.

Plusieurs personnes dans la salle ont évoqué des traditions similaires existant dans d’autres pays d’Afrique (comme le Burkina Faso) et leurs conséquences néfastes sur les femmes.

De nombreuses personnes, en particulier des femmes, ont félicité la réalisatrice pour son documentaire et ont souligné sa valeur pédagogique pour les générations actuelles et futures.

Notes

[1« Cache-cache » : la violence conjugale tue aussi les enfants, November 2014, https://www.youtube.com/watch?v=fxznevRIFhg.

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