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La budgétisation sensible au genre, définition, modalités, acteurs

Samedi 18 août 2012, par Yveline Nicolas


 Qu’est-ce que la budgétisation sensible au genre ?

Partout dans le monde, des inégalités entre femmes et hommes persistent dans tous les domaines : représentation politique et accès au pouvoir décisionnel, vie économique et emplois, accès à l’éducation, la formation et aux facteurs de production, etc. (consulter les chiffes et données des inégalités) L’égalité des femmes et des hommes est une condition d’un développement humain durable. Les pouvoirs publics sont engagés par des textes internationaux traduits en engagements nationaux ou locaux à réaliser cet engagement.

La budgétisation sensible au genre (BSG) [1] (ou "budgétisation en termes de genre", "budget genré"... On parle aussi d’Initiatives budgétaires sensibles au genre IBSG...) articule l’approche de genre (en vue de l’égalité des femmes et des hommes) et les processus de budgétisation. La BSG est une composante essentielle de l’approche intégrée de l’égalité femmes-hommes ("Gender mainstreaming"). [2]

Dans la mesure où le budget est un des principaux outils techniques d’une politique, d’une stratégie, d’un projet, etc. cette articulation avec le genre est déterminante pour passer de l’égalité des droits "de fait" à l’égalité réellement mise en œuvre. Car un budget n’est jamais « neutre » : il reflète des choix politiques, sociaux, économiques, écologiques… Les orientations budgétaires ont des impacts sur les différentes composantes de la population et sur les inégalités comme les progrès sociaux, économiques, culturels. La BSG, comme l’approche intégrée du genre, sont transversales : elles concernent tous les domaines des politiques (et pas seulement la santé, l’éducation, le social… mais aussi l’économie, l’énergie, les transports, les technologies…) et tous les acteurs (services de l’Etat, administrations mais aussi entreprises, associations...). La BSG attire l’attention sur le fait que l’égalité femmes-hommes n’est pas une question sociale, mineure, mais une composante des politiques macroéconomiques et du modèle de développement humain dans son ensemble.

« La budgétisation sensible au genre est une application de l’intégration de la dimension de genre dans le processus budgétaire. Cela signifie une évaluation des budgets basée sur la dimension de genre, en incorporant une perspective de genre à tous les niveaux du processus budgétaire et en restructurant les recettes et les dépenses dans le but de promouvoir l’égalité des genres. » (Conseil de l’Europe, 2005

La budgétisation sensible au genre ne consiste évidemment pas en des budgets qui seraient séparés pour les femmes et les hommes, mais dans le fait d’effectuer une analyse « sexospécifique » des budgets. La BSG analyse l’impact des allocations budgétaires sur la situation des femmes et des hommes, des filles et des garçons : est-ce que ces budgets prennent en compte la situation spécifique des femmes et des hommes (par exemple : taux de chômage et de pauvreté respectif, niveau des retraites, orientation des jeunes vers des métiers, violences sexospécifiques, exercice différencié de la parentalité...)  ? Les budgets sont-ils susceptibles de diminuer les inégalités ? de les augmenter ? Qui sont les bénéficiaires des politiques ? (quel est le nombre d’hommes et de femmes touchés, et donc le budget allant aux hommes et aux femmes ?) Faut-il mettre en place et dans quels secteurs des actions spécifiques ou "correctrices" (tels que budgets spécifiquement dédiés aux femmes et à leur autonomisation ou budgets dédiés aux hommes. Par exemple pour prévenir et lutter contre les violences domestiques : création de centres d’hébergement pour les femmes ; campagnes de sensibilisation s’adressant aux hommes...) ?

En matière de BSG, le financement d’actions spécifiques se combine à celui des actions transversales, reflétant la "double stratégie" adoptée à la Conférence internationale de Pékin : intégration transversale du genre dans toutes les politiques + mise en oeuvre d’actions spécifiques visant à corriger les inégalités existantes.

Il faut distinguer l’analyse d’un budget au regard du genre (étape nécessaire de diagnostic et de mise en lumière de l’impact d’un budget sur les femmes et les hommes), et la formulation d’un budget intégrant le genre, qui est un "passage à l’action".

La BSG s’applique aux différents aspects des budgets publics :
- la collecte des recettes : impôts directs et indirects, redevances payées par les usagers des services publics, ventes de biens publics, subventions au titre de l’aide au développement (pour les pays en développement) ;
- la ventilation des dépenses par des programmes publics, le service de la dette…
- la "macroéconomie budgétaire" : comment le budget impacte et oriente le modèle économique global, par exemple en matière d’emploi, de fiscalité, de maîtrise de l’inflation…
- les processus décisionnels budgétaires : modes de formulation du budget et d’établissement des recettes et des dépenses prévisionnelles ; examen et adoption du budget par les instances comme le Parlement (Loi de finances) ; exécution du budget ; audit budgétaire pour vérifier la conformité de l’exécution avec la programmation et la « performance » de l’Etat.

 La BSG, facteur de performance et de transparence

La BSG est importante et utile à plusieurs titres :

- Elle est un outil technique aidant les Etats et autres acteurs publics à concrétiser et mesurer leurs engagements internationaux, européens, nationaux, locaux, en matière d’égalité femmes-hommes
- Elle permet une meilleure efficacité et transparence dans l’utilisation des fonds publics : la façon dont les budgets sont construits, mis en œuvre, évalué est en effet déterminante sur les résultats des politiques menées
- Elle apporte de nombreuses informations utiles au suivi et à l’évaluation de l’évolution des rapports sociaux de sexe, car sa mise en oeuvre nécessite un diagnostic initial de la situation des inégalités femmes-hommes
- Elle s’inscrit dans un travail en partenariat, en réseau et des échanges de pratiques avec d’autres acteurs (participation des associations, syndicats, entreprises...) et les institutions au niveau international (agences des Nations unies, concertation européenne)...
- Elle renforce les compétences des élu-es, des ministères, services publics, fonctionnaires et agent-es chargés de l’élaboration ou de l’exécution des budgets...

La BSG nécessite le développement d’un appareil d’analyse des données (enquêtes, statistiques, données administratives, recensements…) ventilées par sexe et sensible au genre, et la création d’indicateurs de genre. (Consulter notre fiche pédagogique sur les indicateurs de genre)

La BSG est un processus qui s’inscrit dans une logique de démocratie, de bonne gouvernance et d’amélioration continue. Elle s’inscrit plus globalement dans une analyse des objectifs et impacts des politiques macro économique. Elle doit s’articuler également avec une analyse sensible à d’autres catégories sociales (âges, origines culturelles, situation de handicap…) et donne des outils techniques pour transposer et approfondir ces articulations.

 Qui est concerné par la budgétisation sensible au genre ?

La BSG correspond à des engagements internationaux. Consulter ces engagements

Le fait d’intégrer une approche d’égalité femmes-hommes dans l’élaboration, la mise en oeuvre, l’évaluation des processus budgétaires peut s’appliquer à tous les acteurs économiques et sociaux : les institutions publiques et leurs politiques (Nations unies, Union européenne, Etats nationaux, collectivités territoriales...), mais aussi les acteurs non étatiques : organisations de la société civile, ONG de solidarité internationales et humanitaires, les acteurs économiques et sociaux (entreprises, syndicats)...

Exemples de pratiques

Au niveau international

Les Nations unies (ONU Femmes) soutiennent depuis 1997 des programmes d’appui à la budgétisation sensible au genre, en partenariat notamment avec la commission européenne, le secrétariat du Commonwealth, l’Institut international de recherche sur le développement (IDRI). Une cinquantaine de pays sont concernés. ONU Femmes a lancé en 2001 un site web ressources sur la budgétisation sensible au genre.

De même, le Conseil de l’Europe, l’OCDE, l’Organisation internationale de la Francophonie... sont investis dans des soutiens de pratiques de BSG. Le Conseil de l’Europe a initié en 1998 un projet de sensibilisation à l’approche transversale du genre en Europe, mettant l’accent sur la BSG à partir de 2001. L’ex République yougoslave de Macédoine et l’Arménie font partie d’un projet pilote de BSG, avec l’appui de l’Unifem. Il s’agit de former les hauts fonctionnaires à l’intégration du genre dans les budgets par des formations théoriques et pratiques, après une réunion de préparation visant à dresser un état des lieux et définir une cible avec les ministères en charge de l’Egalité et les ministères des Finances. Un conférence de restitution devrait avoir lieu en 2013.
Le Conseil de l’Europe a présenté son manuel "L’égalité dans les budgets, pour une mise en oeuvre pratique" lors d’une conférence à Athène en 2009.

Les parlementaires sont directement intéressés à la BSG, étant donné leur rôle dans l’élaboration et le vote du budget. Le réseau des Femmes parlementaires de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie et l’Union parlementaire internationale ont travaillé sur la BSG.

- Sites web et documents en téléchargement dans notre article sur les ressources en matière de BSG

Au niveau des Etats

La France a mis en place des "Documents de politique transversale", annexés à ses documents budgétaires. Un DTP concerne l’égalité femmes-hommes. Il comporte "une présentation de la politique transversale, la liste des programmes qui y contribuent, et la présentation de la manière dont ceux-ci participent, aux travers de différents dispositifs, à cette politique transversale, et la mettent en oeuvre ; une présentation qui expose la stratégie globale d’amélioration des performances de la politique transversale, suivie de la présentation par axe stratégique des objectifs et indicateurs de performance retenus et des valeurs associées ; s’agissant des politiques transversales territorialisées (Outre-mer, Ville), les indicateurs du document de politique transversale sont adaptés de sorte à présenter les données relatives au seul territoire considéré ; une présentation des principales dépenses fiscales concourant à la politique transversale ; une table de correspondance des objectifs permettant de se référer aux différents projets annuels de performances pour des compléments d’information ; une présentation détaillée de l’effort financier consacré par l’État à la politique transversale pour l’année à venir (PLF 2012), l’année en cours (LFI 2011) et l’année précédente (exécution 2010)"

En août 2012, le gouvernement a présenté ses nouvelles initiatives :
- La circulaire "relative à la prise en compte dans la préparation des textes législatifs et réglementaires de leur impact en termes d’égalité entre les femmes et les hommes" qui rend obligatoire la prise en compte systématique dans les travaux d’évaluation préalable des projets de loi de "la dimension des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes".
- La circulaire sur "la mise en œuvre de la politique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes", qui rappelle l’obligation légale "de nommer, à partir de 2013, au moins 20 % de personnes de chaque sexe dans dans l’encadrement supérieur de la fonction publique. Le taux doit atteindre 30 % en 2015 et à 40 % au moins à compter de 2018.
- Consulter notre article à ce sujet et télécharger le DPT 2011
- Lire en ligne les deux circulaires

La Belgique a adopté la Loi du 12 janvier 2007 « visant au contrôle de l’application des résolutions de la Conférence mondiale sur les femmes, réunie à Pékin en septembre 1995 et intégrant la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales » (dite « Loi Gender Mainstreaming ») qui établit la mise en œuvre d’une stratégie transversale d’intégration de la dimension de genre (article 2.1) dans l’ensemble des politiques, mesures, préparations de budgets et actions. » Chaque ministre est responsable de l’élaboration d’indicateurs de genre et veille à ce que les statistiques produites, recueillies et commandées par les administrations fédérales soient ventilées par sexe (article 4). Pour chaque projet d’acte législatif et règlementaire, le ministre compétent établit un rapport d’évaluation de l’impact de ce projet sur la situation respective des femmes et des hommes, appelé « gender test » (évaluation ex ante des politiques publiques prenant en compte l’éventualité d’un impact différenciel selon le sexe). Ce rapport d’évaluation, obligatoire, permet d’analyser (a priori) l’impact possible de la mesure envisagée sur la situation respective des femmes et des hommes (article 3.2). La loi prévoit l’intégration de la dimension de genre dans la préparation du budget (gender budgeting). Une « note de genre » précise les crédits affectés aux actions visant à réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes dans chaque département et service de l’Etat (prise en compte de la dimension de genre dans la procédure budgétaire, articles 2.1 et 2.2). Cela signifie que le budget est élaboré sur la base d’une analyse comparative préalable selon le sexe". Afin de garantir son application, la loi met en place un groupe interdépartemental de coordination, composé de personnes désignées au sein de la cellule stratégique de chaque ministre et au sein de chaque administration publique fédérale.

Une série de séminaires de formation des acteurs concernés a été organisé en 2008. Un ‘Manuel pour la mise en œuvre du gender budgeting au sein de l’administration fédérale belge’ a été élaboré, ainsi qu’un manuel spécifique pour les fonctionnaires passant des marchés publics.
Par ailleurs la Politique scientifique fédérale, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes et la Direction générale Statistique et Information économique ont animé le projet "Belgian Gender and Income Analysis" (BGIA), qui a produit une analyse de genre des données disponibles en matière de revenus et des indicateurs relatifs au genre et aux revenus effectué par le Département d’économie Appliquée de l’Université Libre de Bruxelles (DULBEA).
- Site web et documents en téléchargement dans notre article sur les ressources en matière de BSG

La Finlande dispose d’une procédure budgétaire depuis 2006 dans les règlements du ministère des Finances applicables aux plans d’action et à la planification budgétaire de l’ensemble des ministères. Un "Manuel d’appui à l’action en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les ministères finlandais" (2009) aide les services de l’Etat et les autorités locales à prendre en compte l’égalité de façon transversale et dans les bugets. Il rappelle que les "ministères sont tenus de prendre en considération la dimension de genre lors de la rédaction des lois et des propositions budgetaires, ainsi que dans la mise en œuvre des projets et programmes. Selon le Plan d’action pour l’égalité hommes-femmes pour la période 2008-2011, chaque ministère doit avoir un groupe de travail opérationnel sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce groupe a pour objectif d’engager des travaux afin de promouvoir systématiquement l’égalité entre les femmes et les hommes et d’intégrer une perspective de genre dans toutes les activités ministérielles, aussi bien en termes de contenus que dans les processus clés".

Notes

[1en anglais gender-responsive budgeting

[2Le "genre" est un concept sociologique désignant les "rapports sociaux de sexe", et de façon concrète, l’analyse des différences entre statuts et rôle sociaux des hommes et des femmes, déterminées par l’économie, la culture, les institutions, la société en général. Les "relations de genre" varient selon le lieux et l’époque. (La notion de "sexe" s’applique, elle, à la différence biologique entre les femmes et les hommes). Appliquées aux politiques publiques, l’approche de genre a pour objectif de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes en prenant en compte les différences et la hiérarchisation socialement construite. On parle aussi en France "d’approche intégrée de l’égalité" pour traduire le "gender mainstreaming", qui vise à prendre en compte l’objectif de réduction des inégalités entre femmes et hommes dans toutes les politiques, de façon transversale, en analysant en amont les impacts différenciés de ces politiques sur les femmes et sur les hommes" Consulter notre documentation sur les définitions de ces concepts

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