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Programme Genre et économie, les femmes actrices du développement Diffuser les résultats d’un diagnostic de genreInterviews réalisées entre 2010 et 2012 par Bénédicte Fiquet, Adéquations Mardi 1er janvier 2013 Coordinateur du projet ABORD au Bénin, Victor Gbessemehlan détaille les modalités d’une restitution publique du diagnostic de la situation initiale de jeunes filles et de jeunes femmes en formation professionnelle. Les autorités invitées se sont jointes aux bénéficiaires du projet pour analyser ce diagnotic, elles ont formulées des recommandations et pris des engagements de soutien à leur insertion professionnelle. |
Mots clés : diagnostic, restitution, pouvoir décisionnel, accès aux ressources, rentabilité des métiers, plaidoyer, Plan de développement communautaire
« Le projet ABORD « Actrices Béninoise Organisation et Développement » est porté par trois associations : l’ACFB (Association de Caisses de Financements à la Base), l’AFV (Femmes et Vie), le GRAPAD (Groupe de Recherche et d’Action pour la Promotion de l’Agriculture et du Développement). C’est un projet de formation professionnelle qui concerne essentiellement des femmes mais aussi d’anciennes vinomégons - autrement dit des jeunes filles qui ont connu un passé de filles placées - et dans une moindre mesure des hommes et des jeunes hommes. Au démarrage, nous avons commencé les formations professionnelles sans connaître notre public plus que ça. Nous avions effectué en amont un diagnostic qui mettait à jour les inégalités entre les femmes et les hommes sur le plan national, mais il nous fallait identifier plus précisément les besoins réels de nos bénéficiaires. C’est ce qui a nous a conduit à réaliser un diagnostic participatif intégrant le genre.
Avec l’appui d’Aster-International nous avons élaboré un questionnaire pour aller sur le terrain de manière à mieux comprendre les conditions de vie des femmes et des hommes et à identifier des métiers porteurs. Les résultats des deux volets de cette enquête nous ont beaucoup appris.
Hommes et femmes ont confirmé le peu de poids des femmes pour les décisions prises au sein des ménage, le manque de considération dont elles faisaient l’objet, leur accès au crédit limité faute de garanties, l’accès aux ressources majoritairement sous le contrôle de l’homme. Beaucoup d’entre elles cachaient leurs revenus à leurs maris pour pouvoir en disposer un peu. Nous nous sommes également intéressés à la perception que les hommes et les femmes avaient de leur propre emploi du temps et de celui du sexe opposé. A notre grande surprise nous avons constaté que les femmes ne distinguaient pas leur activité génératrice de revenus de leurs tâches domestiques.
Ces inégalités ont un impact direct sur la situation professionnelle des femmes. Car leur manque d’autonomie et l’absence de prise de décision concertée au sein des ménage vont jusqu’à les empêcher de se projeter dans un plan de formation professionnelle (contrairement aux hommes qui sont beaucoup plus déterminés). Nous avons alors compris qu’on ne pouvait se limiter à leur proposer une formation professionnelle et qu’il fallait leur fournir un véritable accompagnement.
Autre source d’étonnement, en interrogeant les gens, nous sous sommes rendus compte que des métiers de femmes très répandus comme la coiffure et la couture ne généraient pas des revenus suffisants. Ça rapporte si peu que les femmes sont obligées de développer dans leur atelier un petit commerce annexe, ce qui les écarte même de ce qu’elles ont appris. Ça n’a donc pas de sens de former des jeunes filles à ces métiers aujourd’hui. Finalement nous avons identifié neuf métiers porteurs pour lesquels nous pourrions proposer des formations aux jeunes filles comme aux jeunes hommes : la restauration, l’atelier de vitrerie le carrelage et peinture. Pour les femmes qui ne sont plus assez disponibles pour suivre un cursus de formation de 2 ou 3 ans nous avons identifié la transformation de produits agricole, la restauration, la pâtisserie, la biscuiterie et savonnerie.
Devant les résultats de cette enquête, il nous est apparu important de partager notre réflexion avec les institutions qui soutiennent les femmes - Le ministère de la promotion de la femmes, le ministère de l’action sociale et de la solidarité, la banque d’appui au artisans, la Chambre des métiers qui organise les formations duales (en alternance), etc. – et qu’elles amendent nos recommandations. C’est ainsi que nous avons organisé une restitution publique de notre diagnostic. Plus de 200 personnes ont participé à cette journée. Au sein d’un même atelier des représentants des autorités publiques, des décideurs, des jeunes filles en formations, des femmes du quartier ont échangé autour d’un des quatre thème de travail que nous avions programmé : le manque de formation professionnelle des femmes, le montage de dossier, la concertation au sein du ménage et l’autonomie des femmes. Ce fut une journée grandiose ! Les jeunes filles nous ont convaincu que nous faisons fausse route en les parachutant dans des domaines de formation qui débouchaient sur des métiers peu porteurs. A l’évidence, ce n’est pas comme ça qu’elles rattraperont les jeunes hommes.
Notre diagnostic amendé pendant cette journée de restitution fournit aujourd’hui une base de plaidoyer pour les associations du projet Abord. L’association Femmes et Vie par exemple s’en est servi pour que le projet soit intégré au Plan de développement communautaire (PDC). »