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Programme Genre et économie, les femmes actrices du développement

Reconnaître la contribution économique des femmes

Interviews réalisées entre 2010 et 2012 par Bénédicte Fiquet, Adéquations

Mardi 1er janvier 2013

Juliette Compaoré, secrétaire exécutive de l’ONG Asmade au Burkina Faso, explique pourquoi accompagner des femmes dans leur autonomisation économique exige de faire de nombreux détours, dont celui de la santé de la reproduction


Mots clés : utilité économique, plaidoyer, reconnaissance du métier, espaces dédiés, santé publique, santé de la reproduction

«  Dans le cadre du programme AGLAE (Approche genre levier de l’activité économique), qui faisait partie du FSP Genre et économie, l’ONG Asmade accompagne des femmes travaillant à la transformation alimentaire et la restauration populaire, deux secteurs investis à 80 % par des femmes selon les études de la FAO. Il s’agit généralement de femmes en situation précaire, qui vivent en périphérie de la capitale. Des femmes cheffes de ménage en charge d’une famille nombreuse, avec un niveau de scolarisation assez bas et qui travaillent de manière très artisanale. Ce sont des femmes qui se battent, qui « se débrouillent », pour soutenir leur famille, comme on dit au Burkina-Faso.

Des métiers qui répondent à de réels besoins

Ce corps de métier contribue à valoriser des produits locaux et propose de la restauration « populaire », accessible à un grand nombre de personnes, parce que très bon marché. La restauration de rue répond ainsi aux besoins des personnes qui n’ont pas les moyens de rentrer chez elles à l’heure du déjeuner ou qui n’ont pas les moyens d’acheter le sac de riz car il faut savoir que ce dernier a doublé en 4 ans. Or en dépit de leur pertinence économique, ces métiers ne sont pas encore totalement reconnus.

L’ONG Asmade a décidé de s’engager auprès de ces femmes pour plusieurs raisons. D’abord parce que ce sont les femmes elles-mêmes qui l’ont interpellée et que dans la philosophie d’intervention d’Asmade, il est essentiel que le besoin ait été exprimé par les bénéficiaires que nous soutenons. Par ailleurs ce corps de métier forme un secteur économique très mobilisateur. Les femmes font travailler 4 à 5 personnes, elles créent donc des emplois, et touchent en moyenne une cinquantaine de clients. Cependant, dans nos villes en pleine expansion, les espaces de restauration n’ont pas été prévus. Les transformatrices et les restauratrices vendent n’importent où. Parfois à proximité de tas d’ordures, ce qui pose un vrai problème d’hygiène public.

Protéger les artisanes et les consommateur-trices

La reconnaissance de ces métiers est donc essentielle pour que les femmes bénéficient d’espaces dédiés dans les plans d’aménagement du territoire au niveau communal et pour que les enjeux de santé publique soient pris en compte. A l’heure actuelle, les personnes responsables de l’hygiène publique limitent leurs interventions à des contrôles inopinés, surtout pour sanctionner, mais aucune règle ne garantit des produits sans danger aux consommateurs, pas plus que des conditions de travail décentes pour les femmes. Il est temps que ces activités soient prises aux sérieux, que l’on cesse de les concevoir comme le simple prolongement des activités domestiques des femmes. Elles doivent prendre la place qu’elles méritent dans le contexte économique.

Une partie de notre action repose sur le plaidoyer. Dans la politique nationale genre, le levier économique est l’un de ceux que le ministère de la promotion féminine affirme vouloir renforcer. C’est donc tout naturellement que nous avons sollicité la ministre pour qu’elle soit la marraine de notre action. Notre ambition est qu’elle mobilise d’autres ministères. Celui du commerce et de l’artisanat et celui de l’agriculture, notamment. Nous avançons. A l’issu d’une conférence de presse organisée par Asmade, le ministre de l’agriculture a déclaré publiquement que ses services techniques appuieront les femmes accompagnées par AGLAE et qu’elles pourraient bénéficier des conditions très avantageuses qu’offre le ministère pour se procurer des équipements, dont des prêts à taux d’intérêt très bas.

De la santé de la reproduction à l’autonomisation économique

Mais le plaidoyer envers les ministères ne suffit pas. Accompagner des femmes dans leur autonomisation économique exige que l’on tienne compte de différents facteurs qui semblent à première vue éloignés des enjeux économiques. C’est le principe du volet genre que nous développons avec le programme AGLAE. Ainsi, au sein d’Asmade, nous menons aujourd’hui une réflexion sur la manière à prendre en compte la dimension santé de la reproduction dans l’accompagnement des activités économiques.

Une femme qui a vécu dix maternités est affaiblie physiquement, elle a peu de temps à consacrer à son activité économique et elle a trop de charges familiales pour y réinvestir une part suffisante de son chiffre d’affaire. Les liens étroits qu’ils existent entre santé de la reproduction, croissance de la population, bien-être des familles, et activités économiques des femmes ne sont plus à démontrer. Ils ont été largement étudiés. Mais jusqu’à présent nous n’avons sensibilisé que les femmes à ces questions. Or sociologiquement, c’est l’homme, ou la belle mère qui décide des maternités. Au niveau national, on est revenu de ces stratégies qui se basent uniquement sur une communication en direction des femmes et on commence à s’adresser aussi aux hommes et aux membres influents du milieu. C’est beaucoup plus pertinent. Dans le cadre du programmeAGLAE, Asmade souhaite ouvrir des espaces de négociations pour que les ménages limitent ou espacent les naissances de manière consensuelle. Il faut lever les tabous. Pendant longtemps les grandes familles étaient au contraire perçues comme un avantage sur le plan économiques parce que leurs membres étaient considérés comme de la main d’œuvre. Ainsi les femmes elles-mêmes pouvaient souhaiter une co-épouse pour les aider à travailler à la maison et aux champs. Il faudra plusieurs générations pour faire changer complètement les choses, mais les mentalités ont déjà beaucoup évoluées. Peu à peu, il s’opère une prise de conscience. Les femmes ne peuvent pas être réduite à de la main d’œuvre. Ce sont des êtres à part entière qui peuvent participer au développement à condition d’être perçu autrement qu’à partir de leur rôle de reproduction. L’objectif de l’autonomisation économique des femmes, c’est de les aider à devenir des femmes épanouies qui profitent personnellement et comme elles l’entendent de leurs gains. »

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