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Interview de Bernard Bosc

Mercredi 19 octobre 2016

Militant féministe et membre du Réseau féministe "Ruptures", Bernard Bosc explique comment cet engagement politique lui permet de déconstruire de nombreux systèmes de domination et d’avoir une réflexion globale sur les inégalités sociales.


Est-ce que vous vous considérez comme un féministe ? Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

J’aime à me définir comme féministe ou tout au moins à en revendiquer le mode d’analyse de la société.

C’est pour moi un engagement politique qui me permet de déconstruire de très nombreux systèmes de domination. Le rapport de domination entre les hommes et les femmes est le plus ancien. Dans une société qui se réclame de la justice et de l’égalité le féminisme comme pratique de transformation et de réflexion me semble tout à fait légitime et opérationnel. Je ne pense pas qu’il y ait une contradiction à ce qu’un homme se revendique du féminisme.

Depuis quand vous intéressez vous à la question de l’égalité, du féminisme ? Qu’est-ce qui vous y a amené ?

Je suis peut être un Monsieur Jourdain de l’égalité tout au moins en ce qui concerne les pratiques domestiques mais sans aucun mérite. Mes parents très liés, pratiquaient dans le respect mutuel, le partage des tâches ; avec mon frère nous étions témoins et acteurs de leur quotidien. Si ma mère faisait beaucoup de couture parce que c’était sa formation aucun des garçons, père et fils, ne refusaient de participer aux autres activités de la maison sans plaisir particulier mais assez naturellement. J’ai trouvé évident de poursuivre ces pratiques dans ma vie personnelle, marié, deux enfants dont j’ai assumé à part égale la charge et le plaisir de l’éducation. Enseignant dans le primaire j’ai partagé mon activité dans un espace assez féminisé mais sans en analyser les effets. Ce n’est que lors de manifestations pour les droits des femmes auxquelles mes collègues participaient que j’ai commencé à prendre conscience de la « condition » différente des femmes et du poids du patriarcat dans l’organisation de la société à laquelle j’appartenais.

Puis plus précisément les luttes pour la parité m’ont conduit à m’inscrire dans la réflexion politique et à rejoindre une association engagée pour obtenir la parité femmes-hommes dans tous les secteurs de la société. Le travail en réseau m’a conduit d’abord à écouter puis à participer à des travaux qui se réalisaient sous les regards croisés de différentes associations qui avaient en commun le « féminisme ».

Est-ce que cela vous a pu vous attirer des réflexions, voire des incompréhensions de la part de personnes de votre entourage ?

Parler de ses activités au sein d’une association féministe quand on est un garçon interpelle toujours un peu. Les réflexions bien sûr n’ont pas manqué ; mais c’est l’incrédulité et la curiosité qui se manifestent le plus fréquemment. Incrédulité car le féminisme c’est un truc de fille et de plus de fille qui « n’aiment pas les hommes » ceci pour résumer les réflexions plus ou moins sexistes qui assortissaient ces interrogations.

Mais aussi curiosité des hommes qui découvraient que le féminisme pouvait être un outil politique partagé par des femmes et des hommes pour construire plus d’égalité. Curiosité des femmes avec qui je participais à des réunions doublée d’une méfiance justifiée par des décennies de domination masculine de certaines d’entre elles. Un accueil distant voire de rejet a parfois refroidi mon enthousiasme mais sans atténuer ma conviction.

L’accueil de cet engagement en ce qui concerne mes amis les plus proches et ma famille a permis plus de proximité et des échanges variés qui m’ont permis agréablement d’essayer mes arguments, de les valider et même d’en apprécier la capacité de conviction.

Faites vous partie d’associations ou de réseaux féministes ?

Je « milite » dans la même association, le Réseau Féministe "Ruptures" depuis une quinzaine d’année. depuis une quinzaine d’année. Son activité en réseau me convient du fait que je peux ainsi vérifier que le féminisme est porteur d’éléments d’analyse qui se prêtent à bien des domaines : le travail, la justice, l’éducation et plus largement tout ce qui relie les êtres humains et qui fait société.

Je suis également les activités de l’association Zéromacho dont j’ai signé le manifeste parmi les premiers.

D’après vous, pourquoi y a-t-il en France si peu d’hommes (et particulièrement des jeunes) dans les formations, les conférences-débats portant sur l’égalité, les droits des femmes ?

Si déjà on écrit « peu d’hommes » c’est un progrès par rapport à « aucun ». Quant au public féminin qui assiste à des conférences-débats est-il si jeune que cela ?

Pour ce qui est du public qui suit des formations portant sur l’égalité femmes-hommes et sur les droits des femmes il y a peut-être un banal effet de proximité avec le sujet évoqué qui favorise la présence d’un public féminin et le manque d’intérêt manifesté par les garçons.

Au-delà du fait que les jeunes filles ou garçons ne sont pas présents dans les lieux de débats il faut s’interroger sur leur engagement et sur les lieux de son expression : agora du style « nuit debout » ou média sociaux divers. Je suis optimiste et confiant sur leur capacité à se saisir de nouveau de nos éléments d’analyse et à les adapter aux nouvelles conditions.

Comment pourrait-on les inciter à venir ?

Ce sont aux jeunes femmes, petites filles des féministes des années 70, à qui revient la tâche de partager avec les garçons de leur génération les débats et les discussions autour de l’égalité femmes-hommes et sur les droits conquis par les femmes et pour lesquels ils auront à se battre de nouveau pour ne pas les perdre face aux attaques qui déjà se manifestent.

C’est donc par ces jeunes que lors des formations nous avons à transmettre nos convictions et l’histoire de nos luttes et des luttes qui nous ont précédés et se félicitera que les garçons s’y joignent de plus en plus fréquemment même si on aimerait qu’ils soient plus nombreux.

D’une manière générale, avez vous connu, connaissez vous toujours des « privilèges » liés à la socialisation masculine ? Et/ou des « inconvénients » ?

Les privilèges ou le primat du masculin est inscrit encore fortement dans les relations entre les hommes et les femmes. Notre pays est celui du « Droit de l’Homme » mais bien sûr homme avec un grand « H ».

Dans mon métier d’enseignant ma fonction de « Maitre », maître d’école, était symbolique de certains de ces privilèges. L’instituteur représente l’autorité, celui dont l’avis compte, le référent, celui qui compense les absences du père : voyageur ou « déserteur ».

Dans ma vie personnelle, occupant un logement attribué à ma conjointe pour ses fonctions de direction dans un établissement de formation c’est souvent à moi que l’on s’adressait lorsqu’elle organisait des événements dans son établissement.

Rien que de banal en ce qui concerne mes congénères qui s’en accommodent comme je m’en suis accommodé avant de posséder les outils qui en démontrent toute l’incongruité. Le chemin semble encore long qui conduira la société entière hommes et femmes à se prémunir de ces mauvais réflexes de la culture de l’inégalité entre les femmes et les hommes.

Pour ma part, je n’ai jamais aimé le rôle de l’autorité que l’on me confiait, parce que homme, dans les différentes écoles où j’ai exercé. C’était bien plus valorisant pour moi d’inspirer la confiance de mes élèves que la crainte que l’autorité sous-entend.

Que pensez vous de ce que dit Patric Jean : « il faut être conscient que tout homme qui réfléchit, prend la parole ou écrit en faveur de l’égalité femmes-hommes, récupère de ce fait des privilèges secondaires parfois importants »

C’est bien sûr ce que l’on peut même soupçonner de l’intérêt que portent certains à la « cause des femmes ». Mais nous pouvons aussi faire crédit aux jeunes hommes qui s’engageraient dans la voie d’écrire et même de parler en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes sans leur opposer « des privilèges secondaires » qu’ils n’ont pas souhaité.

Toutes actions en faveur des discriminations n’entraine-t-elle pas ce genre « d’effet secondaires ». Doit-on rechercher les mêmes effets dans l’action des premiers hommes et femmes à s’être élevé contre l’esclavage ?

Le constat de ces effets pervers me semblerait dangereux s’il conduisait certains à ne pas agir ou à en saisir le prétexte pour ne pas s’engager dans cette juste revendication. Qu’importe la qualité de la main qui tient la plume si ce qu’elle écrit est juste. On oubliera la main mais on lira les mots.

Je sais par ailleurs que les groupes de paroles non mixtes ont leurs adeptes et qu’ils sont même indispensables pour comprendre les systèmes de domination qui nous oppriment mais je me sens plus utile en militant dans la mixité.

Des institutions, des lois ont fait l’actualité en France (Loi sur l’égalité, parité dans certains scrutins électoraux, loi contre le système prostitutionnel). Pensez vous qu’on soit dans un contexte d’avancées importantes pour l’égalité femmes-hommes en France en ce moment ? Quels sont les points sur lesquels il faudrait encore agir ?

J’ai déjà évoqué les craintes que font peser des groupes réactionnaires sur les justes droits acquis par les femmes au cours du siècle précédent : droits civiques et droits personnels sexuels et reproductifs ; veiller à ce qu’ils ne soient pas mis en danger sera un premier objectif et paradoxalement pourra être considéré comme une avancée.

Le contexte est donc double veiller à maintenir les acquis et agir pour une égalité réelle au-delà de l’égalité formelle qui donne à voir une fausse égalité ; les lois semblent porter toutes les garanties de l’égalité mais il est encore loin le temps de leur application.

Il demeure un chantier dans le secteur des salaires où les écarts à activité et compétence égales entre les femmes et les hommes demeurent totalement insupportables pour des jeunes femmes et les jeunes hommes qui auront à se mobiliser pour ne pas être les bénéficiaires de ces privilèges illégitimes.

Nous devons aussi inscrire dans les travaux à réaliser en faveur de l’égalité celui concernant les femmes immigrées et issues de l’immigration qui restent soumises aux lois de leurs pays d’origine. Nous pouvons souhaiter pour elles comme nous l’avons avancé pour les femmes en Europe « le statut de la femme européenne la plus favorisée ». [NDR : "la clause de l’Européenne la plus favorisée" est un plaidoyer pour que les droits des femmes dans l’Union européenne soient alignés sur la législation la plus favorable à ces droits.]

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