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Déclaration commune d’expertes et experts internationaux et régionaux en matière de droits humains, dans le cadre de la COP29Mercredi 30 octobre 2024 Alertées par la répression des défenseuses et défenseurs des droits, des personnalités des Nations unies publient une Déclaration commune d’expertes et experts internationaux et régionaux en matière de droits humains. "Il est temps de protéger les défenseurs et défenseuses de l’environnement et de garantir leur participation sûre aux forums internationaux sur l’environnement et le changement
climatique". Au moins 200 meurtres de défenseurs-ses de l’environnement ont eu lieu dans le monde en 2023. |
Il est temps de protéger les défenseurs et défenseuses de l’environnement et de garantir leur participation sûre aux forums internationaux sur l’environnement et le changement climatique
Déclaration commune d’expertes et experts internationaux et régionaux en matière de droits humains, dans le cadre de la COP29
Les défenseurs et défenseuses de l’environnement sont à la fois en première ligne dans la lutte contre les violations de l’environnement dans leurs communautés, leurs villes et leurs pays, et la force motrice des efforts visant à résoudre la triple crise planétaire de la pollution, de la perte de biodiversité et du changement climatique. Pourtant, chaque jour, en s’efforçant de protéger les personnes et la planète, les défenseur.es paient un lourd tribut.
Bien que le rôle essentiel joué par les défenseur.es de l’environnement soit de plus en plus reconnu aux niveaux régional et international, ces dernières années ont été marquées par une augmentation globale de la fréquence et de la gravité des menaces et des attaques qui les visent. Alors que les COP devraient constituer un modèle exemplaire, sous l’égide des Nations unies, pour leur participation en toute sécurité aux forums internationaux sur l’environnement et le changement climatique, les défenseur.es de l’environnement se heurtent chaque année à des difficultés considérables dans leurs efforts pour faire entendre leur voix au sein de ces forums. Cela montre qu’il reste encore beaucoup à faire pour garantir cette nécessaire participation en toute sécurité. Alors que la COP29 se tient à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre, nous considérons qu’il s’agit d’une occasion importante pour réitérer l’urgente nécessité pour les États de reconnaître et de protéger les défenseur.es de l’environnement en toutes circonstances et de garantir leur participation sûre dans les forums internationaux relatifs à l’environnement et au changement climatique.
Bien que le rôle essentiel des défenseurs et défenseuses de l’environnement soit de plus en plus reconnu aux niveaux régional et international, on a assisté ces dernières années à une augmentation globale de la fréquence et de la gravité des menaces et des attaques qui les visent.
Reconnaissance renforcée du droit humain à un environnement propre, sain et durable
Ces dernières années, plusieurs mesures importantes ont été prises pour renforcer la reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable en tant que droit humain. C’est précisément ce qu’a fait l’Assemblée générale des Nations unies en août 2022, après sa reconnaissance par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en 202. À la lumière de ces développements au niveau international, le Comité des Ministres, du Conseil de l’Europe a appelé en 2022 ses États membres à reconnaître ce droit au niveau national [1], comme l’avait déjà fait le Parlement européen dans son appel de 2021 aux États membres de l’UE pour qu’ils reconnaissent ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. [2]
Le droit à un environnement propre, sain et durable est reconnu depuis longtemps dans un certain nombre de traités, notamment dans le Protocole de San Salvador (1969) [3] de la Commission inter-américaine des droits de l’Homme, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (1991) [4], la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Convention d’Aarhus, 1998) [5] et, plus récemment, dans l’Accord régional sur l’accès à l’information, la participation du public et la justice en matière d’environnement en Amérique latine et dans les Caraïbes (Accord d’Escazú, 2018) [6]
Renforcement de la reconnaissance des défenseurs et défenseuses de l’environnement
Parallèlement aux efforts visant à réaffirmer le lien entre les droits humains et l’environnement et à garantir le droit à un environnement propre, sain et durable pour tous et toutes, des mesures spécifiques ont été prises ces dernières années pour renforcer la reconnaissance et la protection des défenseur.es de l’environnement aux niveaux régional et international.
L’Accord d’Escazú comprend des exigences détaillées pour la protection des défenseur.es de l’environnement [7]. De même, la Convention d’Aarhus exige que chaque Partie les protège contre la pénalisation, la persécution ou le harcèlement [8]. En 2019, le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies a spécifiquement reconnu leur contribution à la jouissance des droits humains [9]. En 2021, un mécanisme de réaction rapide pour protéger les défenseur.es de l’environnement a été établi dans le cadre de la Convention d’Aarhus, sous la forme d’un Rapporteur spécial sur les défenseurs et défenseuses de l’environnement. [10] Il s’agit du premier mécanisme international établi dans le cadre d’un instrument juridiquement contraignant qui vise spécifiquement à les protéger.
Augmentation des menaces et des attaques contre les défenseurs et défenseuses de l’environnement dans le monde entier
Malgré la reconnaissance accrue du droit à un environnement propre, sain et durable et la nécessité de protéger les défenseur.es de ce droit, les menaces et attaques qui les visent sont croissantes dans le monde entier.
Au-delà du nombre effroyable d’assassinats - la documentation de la société civile fait état de près de 200 meurtres en 2023 [11], ce qui est presque certainement une sous-estimation - les obstacles auxquels les défenseur.es de l’environnement font face en représailles de leurs efforts pour protéger l’environnement vont de la stigmatisation et des campagnes de diffamation, des menaces en ligne, des attaques verbales et physiques les visant ainsi que leurs proches et familles, à des sanctions administratives infondées, des restrictions de leurs libertés de réunion pacifique et d’association, et des arrestations et détentions arbitraires. Les tentatives visant à réduire au silence les défenseur.es de l’environnement par le biais de contentieux stratégiques contre la participation publique (SLAPP), intentés par des entreprises ou des acteurs étatiques, sont également une tendance inquiétante qui se développe rapidement dans de nombreux pays.
En exigeant des gouvernements qu’ils agissent - et en protestant contre l’inaction - pour lutter contre la pollution, la perte de biodiversité et le changement climatique, ou en s’opposant à des projets de grande envergure, notamment ceux destinés à favoriser la transition énergétique tels que les méga-barrages, les champs de panneaux photovoltaïques ou les mines de lithium, les défenseur.es de l’environnement s’exposent à de graves risques. Si la nature et le niveau des risques varient d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre, ils augmentent rapidement sur tous les continents et sont le fait d’acteurs étatiques et non étatiques, y compris d’entreprises privées. Parmi les défenseur.es de l’environnement, ces risques pèsent particulièrement sur les petit.es exploitant.es agricoles, les communautés autochtones, les femmes, les jeunes, les personnes âgées et les défenseur.es de la classe ouvrière.
Alors que les COP devraient constituer un modèle exemplaire, sous l’égide des Nations Unies, pour leur participation en toute sécurité aux forums internationaux relatifs à l’environnement et au changement climatique, les défis importants auxquels les défenseurs et défenseuses de l’environnement font face chaque année dans leurs efforts pour faire entendre leur voix dans ces forums montrent qu’il reste encore beaucoup à faire pour garantir leur nécessaire participation en toute sécurité.
La participation indispensable des défenseurs et défenseuses de l’environnement aux COP
Chaque année, la COP rappelle durement l’insuffisance des progrès accomplis depuis l’adoption de l’Accord de Paris au titre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 2015, lorsque les États se sont engagés à prendre les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
Pour que cet objectif soit atteint par le biais d’une approche juste et fondée sur les droits humains, les individus et les groupes qui défendent le droit humain à un environnement propre, sain et durable, en particulier ceux qui sont en première ligne face au changement climatique, doivent pouvoir participer aux discussions lors des COP de manière effective et en toute sécurité.
Tant que ce ne sera pas le cas, les personnes les plus touchées par le changement climatique et la dégradation de l’environnement continueront à subir une double peine : elles verront leur environnement, leur bien-être et leurs moyens de subsistance détruits d’abord par la pollution, la perte de biodiversité et le changement climatique, puis à nouveau par des projets à grande échelle et d’autres décisions gouvernementales censées répondre à la crise climatique. C’est ce que l’on constate déjà, par exemple, avec un certain nombre de projets de transition énergétique et d’extraction, y compris ceux qui sont développés sur les territoires des peuples autochtones et d’autres peuples traditionnels sans leur consentement libre, préalable et éclairé.
Règles existantes et obstacles à la participation en toute sécurité des défenseurs et défenseuses de l’environnement aux COP
En 2023, l’organe subsidiaire de mise en œuvre de la CCNUCC a souligné à juste titre que « les accords avec le pays hôte devraient refléter les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies [...] afin de garantir que les sessions de la CCNUCC et les événements mandatés soient organisés dans un lieu où les droits humains et les libertés fondamentales sont promus et protégés, et où tous les participant.es sont efficacement protégé.es contre toute violation ou tout abus » 11. Les règles de la CCNUCC mentionnent également explicitement que les sessions et les événements mandatés doivent être organisés dans des lieux où les droits humains et les libertés fondamentales sont promus et protégés. [12]
Pourtant, la participation de la société civile aux COP a été entravée à maintes reprises. Il s’agit notamment d’entraves à la participation des défenseur.es par le biais de procédures d’accréditation lourdes, de règles complexes et incohérentes régissant les droits de participation et d’intervention, de coûts prohibitifs et d’obstacles à l’obtention de visas pour se rendre sur les lieux des COP, d’une exclusion des lieux où se déroulent effectivement les négociations et d’une sous-représentation de certains segments de la société civile.
Outre ces obstacles procéduraux, de nombreux.euses défenseur.es de l’environnement ont fait l’objet de menaces et de représailles avant, pendant et après les COP, en raison de leur participation [13]. Il s’agit notamment de campagnes de diffamation soutenues par l’État, d’interdictions de voyager, d’arrestations et de détentions arbitraires. Cette situation a suscité une attention internationale accrue quant à l’importance de garantir une participation sûre aux COP, ainsi que des appels de la société civile au secrétariat de la CCNUCC pour qu’il rende publics les accords d’accueil et veille à ce qu’ils soient conformes aux normes et droit international des droits humains.
La COP29, qui se tiendra à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre 2024, constitue une occasion importante de réitérer l’urgence pour les États de reconnaître et de protéger les défenseurs et défenseuses de l’environnement en toutes circonstances, et de garantir leur participation en toute sécurité aux forums internationaux relatifs à l’environnement.
Obligations de l’Azerbaïdjan de garantir la protection et la participation sûre des défenseurs et défenseuses de l’environnement, y compris lors de la COP29
En tant que pays hôte de la COP29, l’Azerbaïdjan devrait s’engager à respecter le droit international des droits humains avant, pendant et après la conférence, à veiller à ce que les participant.es puissent exercer leurs droits humains sans crainte d’intimidation et de représailles et à agir conformément à cet engagement. En tant que Partie à la Convention d’Aarhus, l’Azerbaïdjan a également l’obligation de protéger les défenseur.es de l’environnement [14] et de promouvoir leur participation à des forums internationaux tels que la COP [15]
Une vague alarmante d’arrestations, de poursuites et de détentions de défenseurs et défenseuses des droits humains en Azerbaïdjan
Malgré cela, alors que l’Azerbaïdjan se prépare à accueillir la COP29 à Bakou, ces derniers mois ont été marqués par une vague alarmante d’arrestations et de poursuites pénales à l’encontre des défenseur.es des droits humains dans le pays, y compris des journalistes et des médias indépendants, et plusieurs d’entre nous ont reçu des plaintes concernant des menaces et des représailles à leur encontre. [16]
Ces allégations amplifient nos inquiétudes quant à la possibilité pour les défenseur.es de l’environnement présent.es à la COP29 de participer à la conférence librement, utilement et en toute sécurité. Il est temps que les autorités azerbaïdjanaises mettent fin à toute forme de harcèlement à l’encontre des critiques, qu’elles libèrent immédiatement et sans condition les personnes détenues arbitrairement et qu’elles garantissent un environnement propice aux activités liées aux droits humains en général.
Nous appelons les États à faire preuve de leadership pour protéger les défenseurs et défenseuses de l’environnement et promouvoir leur participation en toute sécurité aux COP
La Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme [17] garantit le droit de défendre les droits, y compris le droit à un environnement propre, sain et durable et tous les droits qui dépendent de sa réalisation. La déclaration impose également aux États l’obligation de veiller à ce que les personnes puissent exercer ce droit sans violence, menace, entrave ou insécurité, quel que soit l’endroit où elles exercent leurs activités. Les défenseur.es de l’environnement qui souhaitent participer aux COP doivent pouvoir s’asseoir à la table des négociations sans subir de représailles.
Comme l’ont déjà souligné l’année dernière, dans le contexte de la COP28, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les défenseurs et défenseuses des droits humains [18] et le Rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs et défenseuses de l’environnement au titre de la Convention d’Aarhus [19], les États doivent faire preuve de leadership, tant lors de la COP29 que lors des futures négociations sur le climat, pour protéger les défenseur.es de l’environnement à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières, et pour promouvoir leur participation aux forums internationaux relatifs à l’environnement et au changement climatique. Il ne s’agit pas seulement d’une responsabilité pour tous les États membres des Nations unies, mais aussi d’une obligation contraignante pour les 46 États et l’Union européenne qui sont Parties à la Convention d’Aarhus, ainsi que pour les 17 États qui sont Parties à l’Accord d’Escazú.
Pendant trop longtemps, les États n’ont pas voulu entendre des vérités gênantes qui bouleverseraient le cours normal des choses. Il est désormais urgent qu’ils fassent beaucoup plus pour se conformer à leurs obligations internationales.
Les défenseurs et défenseuses de l’environnement doivent être écouté.es comme il se doit et leurs propos doivent être suivis d’effets. Il n’y a pas de temps à perdre
Mary Lawlor, Nations Unies, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits
humains
Michel Forst, Nations Unies, Rapporteur spécial sur les défenseurs et défenseuses de l’environnement au titre
de la Convention d’Aarhus
Gina Romero, Nations Unies, Rapporteuse spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et
d’association
José Luis Caballero, Commission inter-américaine des droits de l’homme, Rapporteur sur les défenseurs des
droits humains et les opérateurs de justice
Prof. Rémy Ngoy Lumbu, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Rapporteur spécial
sur les défenseurs des droits de l’homme, Point focal sur les représailles en Afrique, Point focal sur l’indépendance judiciaire en Afrique
Rubrique Adéquations sur les droits environnementaux : http://www.adequations.org/spip.php?rubrique442
[1] https://edoc.coe.int/fr/environnement/11389-droits-de-l-homme-et-protection-de-l-environnement-recommandation-cmrec202220.html
[2] EU Biodiversity Strategy for 2030 : Bringing nature back into our lives, European Parliament resolution of 9 June 2021 (2020/2273(INI) : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0277_EN.pdf
[4] Article 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ; https://au.int/en/treaties/african-charter-human-and-peoples-rights
[5] Article 1 de la Convention d’Aarhus ; https://unece.org/environmental-policy-1/public-participation
[7] Article 9 de l’Accord d’Escazú
[8] Article 3 (8) de la Convention d’Aarhus
[9] Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, A/HRC/RES/40/11
[13] https://www.ohchr.org/en/press-releases/2022/11/egypt-un-experts-alarmed-harassment-civil-society-actors-cop27-climate
[14] Article 3 (8) de la Convention d’Aarhus
[15] Article 3 (7) de la Convention d’Aarhus
[16] https://www.ohchr.org/en/press-releases/2024/08/azerbaijan-expert-concerned-about-prosecution-human-rights-defenders-and ; https://unece.org/environmental-policy/public-participation/correspondence-regarding-complaints-special-rapporteur#accordion_38_0_3_6_9_12_15_18_21_24_27_30_33
[17] Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme : https://www.ohchr.org/fr/special-procedures/sr-human-rights-defenders/declaration-human-rights-defenders
[18] Disponible en ligne : https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/11/uae-must-ensure-cop28-inclusive-says-un-expert