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La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique rend son rapport

Mardi 13 novembre 2012


 Présentation du rapport, par Adéquations

La « Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique », présidée par Lionel Jospin, a remis le 9 novembre 2012 le rapport que lui avait commandé le Président de la république. Elle formule 35 propositions en réponse aux questions - assez limitatives - qui figuraient sur sa lettre de mission : « définir les conditions d’un meilleur déroulement de l’élection présidentielle » ; « s’interroger sur le statut juridictionnel du président élu » ; « examiner les voies d’une réforme des scrutins applicables aux élections législatives et sénatoriales » ; « formuler des propositions permettant d’assurer le non-cumul des mandats de membres du parlement ou du gouvernement avec l’exercice de responsabilités exécutives locales » ; « définir des règles déontologiques de nature à garantir la transparence de la vie publique ».

Les chapitres du rapport de la Commission reprennent ces grands thèmes : « une élection présidentielle modernisée » ; « un Parlement plus représentatif » ; « une rupture avec la pratique du cumul des mandats » ; « un statut juridictionnel de chef de l’Etat et des ministres plus respectueux du principe d’égalité » ; « une stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts ».

La Commission ne propose pas, comme la possibilité lui en était offerte, de projets de lois tout faits, mais un certain nombre de principes et de mesures dont certains reprennent les idées de la Commission Sauvé.

En matière de cumul des mandats et des fonctions, la Commission préconise l’interdiction pour les ministres de détenir tout mandat local, et la limitation (mais non l’interdiction complète) du cumul pour les députés et sénateurs.

En matière de prévention des conflits d’intérêts, la Commission préconise essentiellement :
- L’obligation de souscrire une déclaration d’intérêts pour les parlementaires, les membres du gouvernement, les membres des cabinets, les titulaires « d’emplois supérieurs de l’Etat », les membres des « autorités administratives indépendantes »...
- Un meilleur contrôle des « départs vers le secteur privé » (pantouflage) de ces responsables publics
- La création d’une « Autorité de déontologie de la vie publique » chargée de veiller au respect des nouvelles règles.

En matière de réglementation du lobbying, la Commission ne prévoit... rien, ou presque, si ce n’est de confier à l’Autorité de déontologie le soin de valider les « règles de bonne conduite » existantes ou susceptibles d’être mises en place par chaque institution concernée.

Vers une (timide) forme de reconnaissance des veilles citoyennes pour la démocratie ? La Commission propose enfin la mise en place d’un « dispositif ouvert "d’alerte éthique" » qui permettrait à toute personne ayant connaissance d’un cas de conflit d’intérêts manifeste ou présumé, de porter l’affaire devant les déontologues concernés et éventuellement devant l’Autorité de déontologie elle-même.

 Rapport. Liste des propositions

UNE REPRESENTATION POLITIQUE RENOVEE

Chapitre l : Une élection présidentielle modernisée

Proposition n° 1
→ Instaurer un parrainage des candidats à l’élection présidentielle par les citoyens

Proposition n° 2
→ Modifier les modalités de calcul du remboursement public

Proposition n° 3
→ Substituer la règle de l’équité à celle de l’égalité pour les temps de parole des candidats pendant la période « intermédiaire »

Proposition n° 4
→ Fixer à 20 heures la fermeture des bureaux de vote sur l’ensemble du territoire métropolitain

Proposition n° 5
→ Avancer dans l’année la tenue de l’élection présidentielle et des élections législatives

Proposition n° 6
→ Réduire le délai entre l’élection présidentielle et les élections législatives

Chapitre 2 : Un Parlement plus représentatif

Proposition n° 7
→ Introduire une part de proportionnelle pour l’élection des députés

Proposition n° 8
→ Réformer les modalités de l’élection des députés représentant les Français de l’étranger

Proposition N° 9
→ Éviter les seconds tours à un seul candidat dans le cadre du scrutin majoritaire

Proposition n° 10
→ Assurer une représentation plus Juste des collectivités territoriales au Sénat par une pondération des voix des grands électeur et retirer les députés du collège électoral

Proposition n° 11
→ Étendre le recours au scrutin proportionnel pour l’élection des sénateurs

Proposition n° 12
→ Abaisser à 18 ans l’âge minimal d’éligibilité au Sénat

Proposition n° 13
→ Compléter les effets de l’extension de la proportionnelle sur le respect de la parité en renforçant le dispositif de modulation des aides financières aux partis politiques

UN EXERCICE DES RESPONSABILITES EXEMPLAIRE

Chapitre l : Une rupture avec la pratique du cumul des mandats

Proposition n° 14
→ Interdire le cumul de fonctions ministérielles avec l’exercice de tout mandat local

Proposition n° 15
→ Rendre incompatible le mandat de parlementaire avec tout mandat électif autre qu’un mandat local simple à compter des prochaines élections locales

Chapitre 2 : Un statut juridictionnel du chef de l ‘État et des ministres plus respectueux du principe d’égalité

Proposition n° 16
→ Mieux affirmer le caractère politique de la procédure de destitution du Président de la République

Proposition n° 17
→ Mettre fin à l’inviolabilité du Président de la République en matière pénale

Proposition n° 18
→ Mettre fin à l’inviolabilité du Président de la République en matière civile

Proposition n° 19
→ Supprimer la Cour de justice de la République

Chapitre 3 : Une stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts

Proposition n° 20
→ Renforcer le régime des incompatibilités pour les membres du Gouvernement

Proposition n° 21
→ Prévoir pour les membres du Gouvernement une obligation légale de souscrire une déclaration d’intérêts et d’activités

Proposition n° 22
→ Prévoir pour les membres du Gouvernement une obligation légale de donner un mandat de gestion de leur patrimoine mobilier

Proposition n° 23
→ Étendre aux ministres le contrôle des départs vers le secteur privé et vers certains organismes publics et incriminer la prise illégale d’intérêts à l’issue des fonctions gouvernementales

Proposition n° 24
→ Étendre aux collaborateurs du Président de la République et aux membres des cabinets ministériels les règles d’incompatibilité applicables aux agents publics

Proposition n° 25
→ Prévoir pour les collaborateurs du Président de la République et pour les membres des cabinets ministériels une obligation légale de souscrire une déclaration d’intérêts et d’activités

Proposition n° 26
→ Prévoir une obligation légale de souscrire une déclaration d’intérêts et d’activités pour les titulaires d’emplois supérieurs de l’Etat particulièrement exposés au risque de conflit d’intérêts

Proposition n° 27
→ Améliorer l’efficacité du contrôle relevant actuellement de la Commission de déontologie de la fonction publique : modifier les conditions de saisine d’office et étendre le champ du contrôle aux départs vers tous les organismes publics exerçant une activité économique

Proposition n° 28
→ Harmoniser et renforcer le régime des déclarations d’intérêts et d’activités applicable aux membres des collèges et responsables des autorités administratives indépendantes

Proposition n° 29
→ Étendre aux départs vers tous les organismes publics exerçant une activité économique le champ du contrôle relevant actuellement de la Commission de déontologie de la fonction publique pour les membres des collèges et responsables des autorités administratives indépendantes

Proposition n° 30
→ Prévoir une obligation légale de déclaration d’intérêts et d’activités pour les parlementaires

Proposition n° 31
→ Renforcer le régime des incompatibilités professionnelles applicable aux parlementaires

Proposition n° 32
→ Supprimer la catégorie des membres de droit du Conseil constitutionnel et interdire l’exercice de toute activité de conseil à ses membres

Proposition n° 33
→ Créer une Autorité de déontologie de la vie publique

Proposition n° 34
→ Confier à l’Autorité de déontologie de la vie publique un rôle de validation des règles de bonne conduite applicables aux représentants d’intérêts

Proposition n° 35
→ Mettre en place un dispositif ouvert d’ « alerte éthique »

 Synthèse du rapport

Notre démocratie connaît aujourd’hui une crise de confiance. Cette crise, aggravée par les difficultés économiques traversées depuis longtemps par notre pays et par le sentiment d’une certaine impuissance publique qui en résulte, peut aussi apparaître comme une mise en cause de la légitimité des responsables publics.

Dans ce contexte, il est nécessaire d’ouvrir le chantier de la rénovation de notre vie publique.

Conformément à la lettre de mission du Président de la République, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique a consacré ses travaux à cinq thèmes précis, qui constituent cinq chantiers majeurs pour un renouveau démocratique :
le déroulement de l’élection présidentielle ;
les modes de scrutin aux élections législatives et sénatoriales ;
le cumul d’une fonction ministérielle ou d’un mandat parlementaire avec des mandats locaux ;
le statut juridictionnel du chef de l’Etat et des ministres ;
la prévention des conflits d’intérêts pour les membres du gouvernement, les parlementaires et les titulaires de certains emplois supérieurs de l’Etat.

Sur chacun de ces thèmes, la Commission formule des propositions opérationnelles, d’une part pour rénover la représentation politique, d’autre part pour garantir un exercice exemplaire des responsabilités publiques. Elle a entendu placer les citoyens au cœur de son propos et insiste sur le fait que, si des textes et des procédures doivent être modifiés, une évolution profonde des comportements des acteurs publics n’est pas moins nécessaire.

UNE REPRESENTATION POLITIQUE RENOVEE

Une élection présidentielle modernisée

L’élection présidentielle, événement majeur de la vie publique nationale, doit se dérouler dans des conditions irréprochables.

Le dispositif actuel de parrainage des candidats par 500 élus ne répond plus aux exigences d’une démocratie moderne. Le moment est venu de rendre plus légitime ce mécanisme de « qualification préalable » en confiant aux citoyens eux-mêmes le soin d’habiliter ceux qui pourront concourir à l’élection à la plus haute responsabilité politique. Le seuil minimal de 150 000 signatures est proposé. Il semble suffisamment élevé pour prévenir le risque de candidatures régionalistes, communautaristes ou fantaisistes. Il devrait par ailleurs permettre de n’exclure aucun candidat issu d’un courant politique représentatif.

Les règles de financement de la campagne sont globalement satisfaisantes. Cependant, les conditions du remboursement public de l’apport personnel des candidats, qui comportent un effet de seuil important selon que ceux-ci atteignent ou non 5% des suffrages, doivent être réformées : la Commission préconise de rendre le montant. du remboursement public proportionnel au résultat obtenu par chaque candidat.

L’encadrement et la régulation par le Conseil supérieur de l’audiovisuel de l’accès des candidats aux médias audiovisuels peuvent eux aussi être regardés comme satisfaisants. Il est cependant proposé d’assouplir la régulation pendant la période dite « intermédiaire », qui s’étend de la publication de la liste des candidats au début de la campagne officielle, en substituant à l’exigence de stricte égalité - laquelle ne paraît justifiée que pendant la campagne officielle - un principe d’équité. Il est également préconisé de fixer à 20 heures l’horaire de fermeture de l’ensemble des bureaux de vote métropolitains, afin d’empêcher la diffusion prématurée d’estimations de résultats avant la fin du scrutin.

Le calendrier électoral actuel, qui place les élections législatives dans le prolongement de l’élection présidentielle, doit être maintenu, parce qu’il est cohérent avec la logique politique qui résulte de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et du quinquennat. Deux aménagements limités sont toutefois préconisés :
avancer de deux mois la tenue de l’élection présidentielle et des élections législatives ;
réduire d’une à deux semaines le délai - actuellement de cinq semaines - entre le second tour de l’élection présidentielle et le premier tour des élections législatives.

Un Parlement plus représentatif

Le mode de scrutin applicable aux élections législatives doit favoriser la constitution d’une majorité nette, afin d’assurer la stabilité gouvernementale : tel est le premier objectif qui doit lui être assigné. La recherche d’une représentation aussi satisfaisante que possible des différents courants politiques et d’un accès plus large des femmes à l’AssembIée nationale doit être conciliée avec cet objectif fondamental.

Il est proposé de conserver le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection de l’essentiel des députés et d’introduire une part de représentation proportionnelle. L’élection au scrutin de liste de 10 % au plus des députés - soit 58 députés - dans une circonscription nationale unique, sans seuil d’éligibilité et avec participation de toutes les listes à la répartition des sièges pourvus à la proportionnelle, permettrait une meilleure représentation du pluralisme politique à l’Assemblée nationale, sans compromettre les acquis du fait majoritaire.

La Commission estime par ailleurs que l’élection des sénateurs doit permettre une représentation plus équitable des collectivités territoriales de la République. A cette fin, il est d’abord proposé de réformer le collège sénatorial, d’une part, en introduisant un mécanisme de pondération des votes destiné à améliorer la représentation des régions et des départements et à tenir compte de l’importance démographique des communes, d’autre part, en en retirant les députés. Par ailleurs, la Commission préconise d’étendre le scrutin proportionnel de liste aux départements qui élisent trois sénateurs. En outre, l’âge minimal d’éligibilité au Sénat devrait être abaissé à 18 ans, comme pour les autres scrutins.

La présence des femmes au Parlement reste insuffisante. il est aujourd’hui nécessaire de franchir une nouvelle étape vers la parité. Le recours accru au scrutin proportionnel pour l’élection des députés et des sénateurs et la limitation stricte du cumul des mandats des parlementaires sont de nature à y contribuer. La Commission propose en outre de renforcer le dispositif de modulation des aides financières aux partis politiques.

UN EXERCICE DES RESPONSABILITES EXEMPLAIRE

Une rupture avec la pratique du cumul des mandats

La France doit rompre avec sa vieille habitude du cumul des mandats, afin d’améliorer le fonctionnement de ses institutions et de conforter la confiance des citoyens dans leurs élus. La limitation stricte du cumul des mandats pour les ministres et pour les parlementaires est aujourd’hui la pierre de touche d’une rénovation de la vie publique.

Les ministres doivent pouvoir être pleinement engagés au service de l’État. À cette fin, il est proposé d’interdire le cumul de fonctions ministérielles avec l’exercice de tout mandat local.

La rénovation du Parlement doit être poursuivie, afin de garantir un exercice des missions d’élaboration de la loi, de contrôle de l’action du Gouvernement et dévaluation des politiques publiques correspondant pleinement aux attentes des citoyens. Par ailleurs, l’importance des fonctions électives locales doit être complètement reconnue. Enfin, un renouvellement du personnel politique doit être favorisé.

Pour ces différentes raisons, la Commission préconise de rendre incompatible le mandat de parlementaire avec tout mandat électif autre qu’un mandat local « simple » (conseiller municipal, général ou régional). Un parlementaire ne pourrait plus exercer aucune fonction exécutive locale, ni aucune fonction « dérivée » au sein des organismes dans lesquels siègent des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. En outre, il ne percevrait aucune rémunération au titre de son mandat local « simple ».

Ce régime devrait s’appliquer dans les mêmes termes aux sénateurs et aux députés et entrer en vigueur dès les prochaines élections locales. La Commission inscrit sa proposition dans la perspective d’une évolution vers un mandat parlementaire unique - c’est-à-dire incompatible avec tout mandat local - mais elle n’a pas jugé souhaitable de proposer d’en brusquer l’échéance, afin de permettre que de nouveaux équilibres s’établissent peu à peu.

Un statut juridictionnel du chef de l’Etat et des ministres plus respectueux du principe d’égalité

L’exigence d’égalité des citoyens devant la justice commande de rapprocher du droit commun le statut juridictionnel, aujourd’hui très largement dérogatoire, du chef de l’Etat et des ministres. Il convient toutefois de ne pas priver de toute protection le Président de la République et les membres du Gouvernement, qui ont un devoir d’Etat et que leurs fonctions exposent à des actions judiciaires abusives susceptibles de compromettre le bon fonctionnement des pouvoirs publics.

La Commission propose de maintenir l’immunité fonctionnelle dont bénéficie le chef de l’Etat pour les actes accomplis en cette qualité, sous réserve de la possibilité, « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », d’une destitution prononcée par le Parlement, qu’il n’y aurait plus lieu de constituer en « Haute Cour », mais de réunir en « Congrès », afin d’affirmer clairement le caractère politique, et non juridictionnel, de la procédure de destitution.

En revanche, la Commission préconise de mettre in à l’inviolabilité pénale du Président de la République : celui-ci doit pouvoir être poursuivi et jugé au cours de son mandat pour tous les actes qu’il n’a pas accomplis en qualité de chef de l’Etat. Il est également proposé de mettre fin à son inviolabilité civile. Cette application du droit commun devrait toutefois s’accompagner de règles de compétence et de procédure particulières. Au pénal, il est notamment proposé de prévoir les règles suivantes :
une phase d’examen préalable des requêtes par une commission supérieure chargée d’écarter les actions qui entrent dans le champ de l’immunité fonctionnelle ainsi que les actions abusives ou manifestement infondées ;
la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris ;
un recours systématique à l’instruction préparatoire ;
une collégialité renforcée au stade de l’instruction et pour les formations de jugement ;
une interdiction de principe des mesures de contrainte.
Au civil, une phase d’examen préalable des requêtes est également préconisée.

Il est par ailleurs proposé de supprimer le privilège de juridiction des ministres, dont la responsabilité pénale pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ne peut aujourd’hui être engagée que devant la Cour de justice de la République. La Commission préconise de supprimer cette juridiction d’exception créée en 1993 et composée à la fois de parlementaires et de magistrats. Elle propose d’appliquer aux ministres le droit commun, avec des règles de compétence et de procédure adaptées, afin que les membres du Gouvernement ne soient pas privés de toute protection contre le risque de mises en cause abusives.

Une stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts

Il est nécessaire de mettre en œuvre une stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts, afin de garantir un exercice exemplaire des responsabilités publiques et de renforcer la confiance des citoyens dans leurs institutions.

Une telle stratégie doit pouvoir s’appuyer sur une définition claire du conflit d’intérêts, inscrite dans la loi : constitue un tel conflit une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. Elle doit associer l’édiction de normes et le développement de bonnes pratiques.

Les réformes proposées par la Commission concernent différentes catégories d’acteurs publics particulièrement exposés au risque de conflits d’intérêts : les membres du Gouvernement, les collaborateurs du Président de la République et les membres des cabinets ministériels, les titulaires de certains emplois supérieurs de l’État, les membres et principaux responsables d’autorités administratives indépendantes, les parlementaires.

Ces réformes consistent d’une part en la définition d’obligations nouvelles, d’autre part en la création d’une Autorité de déontologie de la vie publique chargée, avec le réseau des déontologues des différentes institutions et administrations, de veiller à leur mise en œuvre et au développement d’une véritable culture de la déontologie.

L’un des outils majeurs de la prévention des conflits d’intérêts est la déclaration d’intérêts et d’activités. La Commission propose d’instaurer une obligation légale de déclaration d’intérêts et d’activités pour les acteurs publics mentionnés. La déclaration souscrite par les membres du Gouvernement et les parlementaires serait rendue publique. La déclaration devrait toujours être transmise à l’Autorité de déontologie de la vie publique. Il appartiendrait à celle-ci de contrôler l’existence et la sincérité des déclarations. Dans l’hypothèse où elle estimerait que tel intérêt ou telle activité est susceptible de présenter un risque particulier au regard des attributions du déclarant, il lui appartiendrait de saisir l’autorité compétente de l’institution ou de l’administration concernée, à laquelle il incomberait de prendre les mesures de prévention nécessaires.

La Commission formule en outre des propositions spécifiques pour chacune des catégories d’acteurs publics les plus exposés au risque de conflits d’intérêts.

Pour les membres du Gouvernement, il est proposé de rendre leurs fonctions incompatibles avec toute fonction de direction ou d’administration au sein d’un parti politique et de toute autre personne morale (sociétés commerciales et. associations notamment). Les ministres devraient par ailleurs être soumis à une obligation légale de donner à un intermédiaire agréé un mandat de gestion de leur patrimoine mobilier, sans droit de regard. Enfin, la Commission juge nécessaire, d’une part, d’étendre aux ministres le contrôle des départs vers le secteur privé et vers certains organismes publics et, d’autre part, d’inclure les membres du Gouvernement dans le champ du délit de prise illégale d’intérêts à l’issue des fonctions.

Les règles d’incompatibilité applicables aux agents publics doivent être expressément étendues aux collaborateurs du Président de la République et aux membres de cabinets ministériels qui n’ont pas la qualité d’agent public.

Pour les titulaires de certains emplois supérieurs de l’État, il est préconisé de renforcer l’efficacité du contrôle qu’exerce actuellement la Commission de déontologie de la fonction publique sur les départs vers le secteur privé. Le délai ouvert pour sa saisine d’office devrait être porté de dix jours à trois mois et le champ des situations soumises à son contrôle devrait être étendu aux départs vers tout organisme public ayant une activité économique.

La Commission préconise d’harmoniser et de renforcer les obligations légales - déclarations d’intérêts et d’activités, règles de déport, incompatibilités - qui sont imposées aux membres des collèges et responsables des autorités administratives indépendantes et d’étendre pour eux le champ du contrôle actuellement exercé par la Commission de déontologie dans les mêmes conditions que pour les titulaires d’autres emplois supérieurs de l’Etat.

Pour les parlementaires, la Commission propose que l’incompatibilité du mandat parlementaire avec les fonctions de direction de certaines entreprises privées soit étendue aux fonctions de direction exercées dans des sociétés mères contrôlant ces entreprises. L’accès à la profession d’avocat en cours de mandat devrait par ailleurs être prohibé.

Pour le Conseil constitutionnel, la Commission propose de supprimer la catégorie des membres de droit : la présence de droit et à vie des anciens Présidents de la République introduit en effet une forme de confusion entre fonctions juridictionnelles et fonctions politiques. En outre, un membre du Conseil constitutionnel ne devrait plus pouvoir exercer des activités de conseil, même réglementées.

La Commission souscrit, dans son principe, à la proposition faite par la Commission présidée par M. Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d’Etat, de créer une Autorité de déontologie de la vie publique. La prévention des conflits d’intérêts ne peut en effet relever des seules administrations et institutions concernées : il est indispensable d’externaliser une part de cette mission en la confiant à cette Autorité qui constituerait, en liaison avec le réseau des déontologues, la clé de voûte du dispositif.

L’Autorité pourrait être composée de neuf membres : le Vice-président du Conseil d’Etat, le Premier président de la Cour de cassation, le Premier président de la Cour des comptes et six personnalités qualifiées désignées par le Président de la République et les présidents des deux assemblées parlementaires.

Elle exercerait deux missions essentielles : d’abord, une mission de conseil auprès des institutions et des administrations de l’État, en liaison avec leurs déontologues ; ensuite, une mission de contrôle des déclarations d’intérêts et d‘activités.

La Commission préconise en outre que l’Autorité exerce les missions aujourd’hui dévolues à la Commission pour la transparence financière de la vie politique - recueil et contrôle des déclarations de patrimoine - et les missions dévolues à la Commission de déontologie de la fonction publique - contrôle des départs vers le secteur privé ; ces dernières missions seraient renforcées dans les conditions qui ont été précisées ci-dessus.

Enfin, la Commission recommande la mise en place d’un dispositif ouvert d’« alerte éthique ». Toute personne qui identifierait un conflit d’intérêts avéré ou potentiel pourrait adresser une alerte aux déontologues et, en l’absence de réponse de ceux-ci, saisir l’Autorité de déontologie. Le déontologue ou l’Autorité qui jugerait une alerte sérieuse en informerait l’autorité compétente, qui devrait lui indiquer les mesures qu’elle envisage de prendre.

 Extrait. Mettre en place une Autorité de déontologie de la vie publique

Proposition n° 33.
Créer une Autorité de déontologie de la vie publique

La Commission propose de créer une autorité chargée des questions de déontologie, dénommée Autorité de déontologie de la vie publique.

La Commission souscrit à cet égard, dans son principe, à la proposition faite par la Commission Sauvé de bâtir une architecture institutionnelle de la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts autour d’une Autorité centrale et d’un réseau de déontologues exerçant les missions et les pouvoirs qu’elle a définis dans son rapport.

Elle propose à cette fin que chaque administration ou institution désigne un déontologue présentant toutes les garanties d’indépendance nécessaires. Une telle nomination devrait être précédée d’une information préalable de l’Autorité de déontologie de la vie publique, qui pourrait faire valoir, en les rendant publiques, d’éventuelles observations.

Compte tenu des préconisations qu’elle formule pour les acteurs publics les plus exposés aux risques de conflits d’intérêts, auxquels elle a consacré ses travaux, la Commission entend insister sur quelques points particuliers.

En premier lieu, les missions confiées à cette Autorité, en ce qui concerne les acteurs publics ici en cause, consisteraient à la fois à faciliter la mise en œuvre des nouvelles obligations légales qui ont été proposées et à encourager le développement de bonnes pratiques déontologiques.

À ce double titre, les missions de l’Autorité pourraient être les suivantes.

On a déjà mentionné la fonction consultative qu’elle pourrait assurer pour la définition du champ et du contenu des nouvelles obligations légales. Cette mission pourrait aussi donner lieu à la publication, à l’initiative de l’Autorité, de toutes recommandations générales qui lui paraîtraient utiles.

L’autorité serait en outre chargée d’une mission de conseil auprès des institutions et des administrations de l’Etat, en liaison avec leurs déontologues. Elle apporterait ainsi son concours aussi bien à l’élaboration de chartes de déontologie et de codes de bonnes pratiques qu’à celle de différents modèles de déclarations d’intérêts et d’activités adaptés aux spécificités de chaque catégorie d’acteurs. Elle constituerait à cet égard une autorité de référence et un centre de ressources pour les responsables et les déontologues des différentes institutions et administrations.

Au-delà de cette mission générale, elle pourrait en outre, pour les cas individuels les plus complexes, être un interlocuteur complémentaire du « tiers de référence » de droit commun que doit constituer chaque déontologue.

Par ailleurs, l’Autorité serait chargée d’un rôle de validation des modèles de déclarations d’intérêts et d’activités ainsi que des prescriptions déontologiques élaborés au sein des diverses administrations ou institutions.

Enfin, elle exercerait une mission de contrôle des déclarations individuelles d’intérêts et d’activités remplies par ces acteurs publics.

Comme on l’a dit, dans le cas où elle constaterait, soit un manquement à l’obligation de déclaration, soit que telle activité ou tel intérêt déclaré est susceptible de créer un risque de conflit d’intérêts, il lui appartiendrait de saisir le déontologue ou l’autorité compétente de l’institution ou de l’administration concernée. Il ne lui reviendrait ainsi ni de prononcer elle-même une éventuelle sanction pour manquement à l’obligation déclarative, ni de prendre elle-même les mesures éventuellement nécessaires à la prévention du risque de conflit d’intérêts qu’elle aurait identifié. De telles mesures relèveraient en effet de l’autorité compétente au sein de chaque institution ou administration concernée.

En deuxième lieu, la Commission juge opportun, comme l’avait déjà souligné le rapport de la Commission Sauvé, qu’au-delà de ces missions, l’Autorité de déontologie de la vie publique absorbe l’actuelle Commission pour la transparence financière de la vie politique et exerce donc les missions qui sont aujourd’hui dévolues à celle-ci : recueil des déclarations de patrimoine obligatoirement souscrites, en vertu de la loi du 11 mars 1988, par les membres du Gouvernement, les parlementaires, certains titulaires de fonctions exécutives locales et les présidents et directeurs généraux de certains organismes particulièrement exposés ; appréciation de l’évolution des situations patrimoniales et, dans l’hypothèse de variations inexpliquées, transmission du dossier au parquet.

La Commission estime également opportun, dans la même perspective, d’intégrer dans cette Autorité l’actuelle Commission de déontologie de la fonction publique. L’autorité exercerait donc désormais les missions aujourd’hui remplies par cette Commission qui seraient renforcées dans les conditions qui ont été indiquées.

La Commission s’est par ailleurs interrogée sur la pertinence de confier à l’Autorité de déontologie de la vie publique les compétences dévolues au Service central de prévention de la corruption, actuellement placé auprès du ministre de la justice.

Elle relève toutefois que ce service n’a de compétence qu’en matière de lutte contre la corruption. Il est en effet chargé, en vertu de la loi du 29 janvier 1993, de centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention des faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion et de prise illégale d’intérêts, de prêter son concours aux autorités judiciaires saisies de faits de cette nature et de donner aux autorités administratives des avis sur les mesures susceptibles d’être prises pour prévenir de tels faits. Dès lors, rattacher ce service à une autorité administrative ayant pour mission essentielle la prévention des conflits d’intérêts ne paraît pas s’imposer à la Commission.

En troisième lieu, la Commission estime que l’Autorité pourrait être composée des neuf membres suivants : trois membres de droit (le Vice-président du Conseil d’État, le Premier président de la Cour de cassation et le Premier président de la Cour des comptes) et six personnalités qualifiées désignées en raison de leurs compétences en matière de déontologie (deux par le Président de la République, deux par le Président de l’Assemblée nationale et deux par le Président du Sénat). La Commission considère que ces personnalités qualifiées devraient être auditionnées par les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elle juge par ailleurs qu’il serait souhaitable que certaines de ces personnalités soient issues du secteur privé.

Lorsqu’elle exercerait les missions actuellement confiées à la Commission de déontologie de la fonction publique, l’Autorité devrait entendre le directeur des ressources humaines concerné et, quand serait en cause un agent de la fonction publique de l’Etat, le directeur d’administration centrale dont relèverait cet agent.

Proposition n° 34
Confier a l’Autorité de déontologie de la vie publique un rôle de validation des règles de bonne conduite applicables aux représentants d’intérêts

La Commission a jugé utile de compléter les règles qu’elle propose, qui s’adressent principalement aux acteurs publics concernés par le risque de conflit d’intérêts, par des règles qui tendent à encadrer le comportement des acteurs privés.

Parce qu’elles reposent sur la promotion d’intérêts privés auprès de décideurs publics, qu’ils soient ministres, hauts fonctionnaires ou parlementaires, les activités de lobbying et de représentation d’intérêts comportent en effet des risques évidents de conflit d’intérêts, d’autant plus élevés que les intérêts privés en cause sont puissants.

Longtemps négligée, la question d’un encadrement de ces activités a été prise en compte au cours des dernières années, principalement au sein du Parlement. C’est. ainsi que, dans une démarche visant à une plus grande transparence, les représentants d’intérêts qui exercent leur activité à l’Assemblée nationale et au Sénat doivent désormais demander leur inscription sur un registre porté à la connaissance du public et s’engager à respecter un code de conduite. En cas de manquement aux règles ainsi fixées, les représentants d’intérêts ou d’entreprises peuvent être évincés du registre qui conditionne leur accès à chaque assemblée.

La Commission estime que cet encadrement, au titre des bonnes pratiques déontologiques, est nécessaire et qu’il pourrait d’ailleurs trouver à s’appliquer au-delà du Parlement.

Elle propose de confier à Autorité de déontologie de la vie publique une mission de conseil et une mission de validation des dispositifs existants ou susceptibles d’être mis en place au sein des diverses institutions et administrations. Il reviendrait notamment à cette Autorité de se prononcer, d’une part sur le contenu des codes de conduite auxquels doivent souscrire les représentants d’intérêts, d’autre part. sur les conditions dans lesquelles les accréditations sont accordées, refusées ou retirées.

L’Autorité de déontologie pourrait en outre formuler des recommandations précises en matière de cadeaux ou d’invitations. À titre d’exemple, la publication des invitations à des déplacements à l’étranger, prévue par la réglementation applicable au Sénat, pourrait être généralisée pour tous les acteurs publics particulièrement exposés au risque de conflit d’intérêts.

Proposition n° 35
Mettre en place un dispositif ouvert d’« alerte éthique »

Des dispositifs de « lanceurs d’alerte » existent dans plusieurs pays de l’OCDE. Ils ont en général pour objet d’aider à la prévention et à la répression d’infractions pénales.

Ils reposent sur une procédure de signalement, soit par les seuls agents publics, soit, plus largement, par les citoyens eux-mêmes. Le témoin d’actes illicites, notamment d’actes de corruption, peut ainsi alerter les autorités compétentes en bénéficiant, au titre de l’exercice de cette mission de « veille éthique », d’une protection appropriée.

La Commission estime possible de s’inspirer de ce type de dispositifs pour compléter la stratégie de prévention des conflits d’intérêts préconisée en permettant aux citoyens eux-mêmes d’y prendre part.

Le mécanisme qu’elle propose serait le suivant.

Toute personne pourrait adresser une alerte aux déontologues des institutions et administrations dont relèvent les acteurs publics particulièrement exposés au risque de conflit d’intérêts, dès lors qu’elle identifierait un conflit d’intérêts, potentiel ou avéré, mettant en cause l’un de ces acteurs. En cas d’absence de réponse du déontologue, l’Autorité de déontologie pourrait être directement saisie. Ce mécanisme de signalement serait ouvert non seulement aux agents publics qui auraient connaissance, dans leur activité professionnelle, d’éléments révélant un conflit d’intérêts, mais aussi à tous les citoyens.

Il ne s’agirait pas d’une procédure à connotation pénale, comparable à celle que prévoit le second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale, mais d’un dispositif permettant d’attirer l’attention des administrations et des institutions sur des situations dans lesquelles les décisions prises sont ou paraissent être critiquables au regard de l’exigence d’impartialité.

Lorsque l’alerte serait fantaisiste, manifestement infondée ou sans rapport direct avec un problème de conflit d’intérêts, le déontologue la laisserait sans suite. En revanche, lorsqu’il l’estimerait sérieuse, il en informerait l’autorité compétente (par exemple, l’autorité hiérarchique de droit commun pour un haut fonctionnaire ou le Premier ministre pour un membre du Gouvernement) en lui faisant connaître son analyse de la situation et en lui demandant de lui indiquer les mesures qu’elle envisage éventuellement de prendre. Il pourrait également saisir pour avis l’Autorité de déontologie de la vie publique.

La Commission juge indispensable que, pour tous les « lanceurs d’alerte » placés dans une relation de dépendance quelconque à l’égard des personnes publiques concernées, une protection appropriée soit prévue.

Elle est consciente que la mise en place d’un tel dispositif pourrait conduire, du moins dans un premier temps, à de nombreux signalements fantaisistes ou abusifs. Il est probable par ailleurs que la tentation sera grande, pour de nombreux citoyens, de se saisir du dispositif d’alerte pour faire valoir une insatisfaction ou une revendication alors même qu’aucun conflit d’intérêts ne sera en cause, ou pour critiquer, de façon générale, tel ministre ou tel parlementaire.

La Commission estime cependant que la mise en place d’un dispositif d’alerte éthique peut contribuer utilement à la rénovation de la vie publique.

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