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Conflits d’intérêts, expertise biaisée, lobbying dans l’UE et en France : menaces pour la démocratie ?

Dimanche 6 février 2011

Face aux dérives et aux nombreux scandales en France, comme au niveau des institutions européennes, la prévention et la sanction des conflits d’intérêts entre la fonction de décideur politique (fonctionnaires ou élus) et les responsabilités au sein de milieux d’affaires sont devenus un impératif démocratique.


 Vers une loi pour prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts en France ?

En France, la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a rendu son rapport le 26 janvier ; elle était chargée par le Président de la République de faire des propositions afin de prévenir ou régler les situations de conflits d’intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement, les responsables des établissements publics et entreprises publiques ainsi que, le cas échéant, certains agents publics.

La Commission donne une définition du conflit d’intérêt, qu’elle propose de faire entrer dans une future loi de déontologie : « un conflit d’intérêts est une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions (….) ».

Les recommandations paraissent assez ambitieuses, avec un dispositif de déclaration de conflits d’intérêts annuel pour les membres du gouvernement, des cabinets, des services centraux, l’exigence pour le décideur public de s’abstenir de participer à la prise de décision en cas de conflit d’intérêt, des sanctions d’amende ou inéligibilité, etc. Il est prévu de fusionner la commission de déontologie et la commission pour la transparence financière de la vie politique au sein d’une Autorité de déontologie de la vie publique, dotée d’un pouvoir d’avis, et le cas échéant de mise en demeure et d’injonction. La saisine de cette instance serait ouverte aux membres du gouvernement, aux agents publics pour ce qui les concerne personnellement, et pour ce qui concerne le gouvernement à 30 députés ou 30 sénateurs. La question du "déclenchement d’alerte dans les services publics en cas de risque sérieux d’infraction pénale" est abordée.

Mais quels seront les moyens de cette Autorité de déontologie ? On note l’absence des associations et des citoyens, qui ne peuvent pas saisir l’Autorité de déontologie, laquelle n’est pas non plus dotée de pouvoirs d’investigation. On se rappelle qu’en 2009, le gouvernement n’avait aucunement tenu compte de l’avis de l’actuelle commission de déontologie de la fonction publique, (laquelle n’a pas le pouvoir de s’auto-saisir) concernant la nomination du secrétaire général adjoint de l’Elysée à la tête du futur groupe bancaire Caisses d’Epargne-Banques populaires ; ce qui avait entraîné la démission de plusieurs de ses membres.

Il est également beaucoup question de "codes de déontologie" , avec la création d’un réseau de déontologues etc. Encore un nouveau métier en expansion ? On sait que « déontologie », "code de bonne conduite", « transparence » constituent souvent des mots creux pour sauvegarder une approche volontaire basée sur la "responsabilité", qui fonctionne rarement, et pour retarder des réglementations énergiques.

A noter que la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique n’a pas jugé utile de revenir sur la réduction de 5 à 3 ans de la période pour le pantouflage entre public et privé. En effet, le décret de la loi de modernisation de la fonction publique (n° 2007-148 du 2 février 2007) avait assoupli les règles de « pantouflage » pour les agents de la fonction publique partant dans le privé...

- Introduction du rapport et annexe récapitulant les propositions

Les propositions sur la prévention des conflits d’intérêts sont bonnes à prendre et à soutenir - d’autant, qu’à peine annoncées, elles font déjà l’objet de fortes résistances, alors qu’il faudrait qu’elles s’étendent, au delà de la fonction publique, aux parlementaires et à tous les "grands" élus. Il est urgent également d’interdire les conflits d’intérêts dans les institutions d’expertise scientifiques.

Car si de telles mesures sont rendues nécessaires, c’est en raison de graves dérives de la "gouvernance" démocratique, d’un déséquilibre de la décision publique, d’un déséquilibre bien installé en faveur de certains acteurs industriels et financiers et d’un manque de prise en compte et de soutien à des contre-pouvoirs citoyens - y compris la protection des lanceurs d’alerte. De même la prévention et la sanction des pratiques d’influence - comme de la corruption - a besoin d’une justice indépendante, notamment en ce qui concerne les pouvoirs du Parquet.

Par ailleurs, plusieurs mesures mises en œuvre ou à l’étude inquiètent des citoyens : par exemple la circulaire du 18 janvier 2010, qui tend à considérer la majorité des activités exercées par les associations comme des activités économiques ; de même, la récente proposition de loi sur le secret des affaires qui pourrait porter atteinte à la liberté d’expression en matière d’information économique, en prévoyant des sanctions pour toute possession ou divulgation "d’information à caractère économique protégée", etc.

- Afin d’informer le public et les acteurs de la société civile, Adéquations a commencé à mettre en place un "tableau de bord" concernant les évolutions institutionnelles, les projets de loi etc. qui gagneraient à faire l’objet d’une réflexion publique : >>>>>
- De même une revue de presse recense les articles sur le lobbying et les conflits d’intérêts : >>>>>

 Crise financière et conflits d’intérêts au niveau international

La crise financière dont l’onde de choc se poursuit avec l’accroissement du chômage et de la précarité, est largement due, en Europe comme aux Etats-Unis à l’emprise des lobbyistes sur la décision publique et aux conflits d’intérêts entre les milieux bancaires et les responsables politiques en charge des réglementations, des dérèglementations, et des « rerèglementations » quand il s’agit de sauver les meubles. Les représentants du secteur financier ont été activement impliqués dans la conception des politiques qui ont contribué à la crise mondiale, de même que les décisions prises par les gouvernements de renflouer d’urgence le secteur bancaire ont eu pour objectif de conforter leurs positions.

Adéquations est membre de la coalition européenne Alter EU, qui alerte sur le caractère inéquitable et déséquilibré de la prise de décision publique, alors qu’on estime que 50% de l’ensemble de la législation adoptée au niveau national et 80% de la législation économique ont pour point de départ Bruxelles.

Les groupes d’experts qui conseillent la Commission européenne sur les politiques du secteur financier sont dominés par des représentants des banques, des assurances, des fonds spéculatifs, etc. Situation caricaturale : environ 250 lobbyistes financiers conseillent 150 hauts fonctionnaires. L’Union européenne contrevient ainsi à l’article 9 de son propre Traité, qui parle du « principe de l’égalité de ses citoyens, qui bénéficient d’une égale attention de ses institutions »

- Consulter le rapport d’Alter EU, octobre 2009

Le 3 février 2011, Alter EU a publié un dossier sur les pantouflage (ou pratiques des « portes tournantes », revolving doors) des anciens Commissaires européens. A la fin de leur mandat, ceux-ci prennent fréquemment des postes dans l’industrie, le secteur financier, voire dans des cabinets de lobbying, ce qui provoque de multiples conflits d’intérêts. Six des treize commissaires qui n’ont pas continué de la Commission Barroso I à la Commission Barroso II sont ainsi passés au secteur privé à des postes susceptibles d’inclure des activités de lobbying. Pourtant, ces ex-Commissaires perçoivent pendant trois ans des allocations à hauteur de la moitié de leur salaire de Commissaire ! Le nouveau Code de conduite actuellement à l’étude par la Commission européenne s’avère très insuffisant. La période de notification pendant laquelle les anciens commissaires conservent le droit de bénéficier de leurs indemnités n’est prolongée que de 12 à 18 mois. Pour la première fois l’interdiction faite aux ex-commissaires de faire du lobbying auprès de leurs ex-collègues est explicite. Mais elle est limitée au champ de leur ancien portefeuille, ce qui est irréaliste vu que les décisions de la Commission sont prises de manière collégiale.

- Résumé de cette étude (traduction en Français par Adéquations) et téléchargement

Selon Alter EU, il faut prolonger la période de notification obligatoire de trois ans pour que le contrôle de la Commission corresponde à la période pendant laquelle les anciens commissaires conservent le droit de bénéficier de leurs indemnités ; introduire une interdiction générale de lobbying et de conseil pour une période d’au moins trois ans ; instituer un comité éthique réellement indépendant menant des investigations concernant les conflits d’intérêts potentiels entre les anciens Commissaires et leurs nouveaux employeurs, avec des sanctions effectives pour appliquer ses décisions. Il est également urgent d’avoir une définition claire du lobbying et des conflits d’intérêts.

Lors du séminaire du 19 janvier « Lobbying, conflits d’intérêt, expertise : quels pouvoirs, quels contre-pouvoirs ? » organisé au Sénat par des associations du réseau pour la transparence et l’encadrement du lobbying (ETAL), Yiorgos Vassalos de Corporate Europe Observatory et Alter EU a donné des exemples très concrets du pantouflage de commissaires européens.

- Lire son intervention
- Rubrique sur Alter EU

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