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Chronique du Grenelle, juillet 2008

juillet 2008, par Yveline Nicolas

Le projet de « Loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement » a été présenté au Conseil des ministres du 11 juin, qui l’a approuvé. Mais son adoption par l’Assemblée nationale est renvoyée à l’automne. Comme nombre de lois et décrets d’application précisant les objectifs intermédiaires et les financements devront être élaborés, on peut craindre que le processus ne prenne plusieurs années…


Or, il y a urgence ! Depuis plusieurs mois, la crise écologique, économique, sociale se précise, au niveau global et local. Pénuries alimentaires, hausse du prix du pétrole, réchauffement climatique - avec une fonte des glaciers bien plus rapide que prévue - tensions sur le système économique et financier mondial : le cocktail est explosif. Les hausses des prix de l’énergie et des denrées de base, riz, blé, maïs, huile… ont des traductions très concrètes dans la vie - ou la survie - quotidienne de millions de personnes. Dans des pays du Sud, certains produits ont augmenté de 80 % en quelques mois, provoquant des émeutes et obligeant les institutions internationales à mettre en place des aides alimentaire d’urgence.

Pourtant, depuis des années, au nom du « droit à la souveraineté alimentaire », les organisations de solidarité internationale tirent la sonnette d’alarme :

• Les plans d’ajustement structurel du Fonds monétaire international (FMI), visant à comprimer les dépenses publiques et ouvrir les économies, ont contraint les pays les plus endettés à développer des cultures d’exportation et à importer leur nourriture.

• L’organisation mondiale du commerce (OMC) et les Accords de partenariat économique (APE) entre pays riches et pauvres promeuvent le démantèlement des protections douanières. L’agriculture familiale des pays défavorisés se retrouve sans protection, en compétition avec l’agriculture industrielle des pays riches hautement subventionnée : la production locale de riz, de lait, de poulet en Afrique de l’Ouest a été laminée.

• La demande énergétique et du prix du pétrole explose et des surfaces agricoles sont converties en production d’agrocarburants (actuellement, 30% de la production de maïs ).

• Aucune mesure n’est prise contre la spéculation sur les matières premières, alors que, depuis les crises boursières et immobilières, les investisseurs se reportent sur les produits alimentaires, pourtant à la base de la vie humaine…

Dans ce contexte, quelle vision de l’agriculture offre la Loi Grenelle ?

La « vocation première et prioritaire de l’agriculture est de répondre aux besoins alimentaires de la population. Le changement climatique, avec ses aléas et sa rapidité, impose à l’agriculture de s’adapter, de se diversifier et de contribuer à la réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre ». Le Grenelle prend quelques mesures pour développer la Bio. Mais la politique agricole commune (PAC), bientôt renégociée, n’est pas abordée, or l’essentiel se joue à ce niveau.

La PAC s’orientera-t-elle vers son marché intérieur, respectant l’environnement et la biodiversité, participant à l’aménagement équilibré des territoires ?

La crise alimentaire montre l’urgence, dans tous les pays du monde, d’une relocalisation de la production et de la consommation, qui permettrait également une décroissance des transports et une plus grande sobriété énergétique. Consommer moins et mieux, privilégier les produits locaux, non transformés, c’est aussi aider les pays pauvres à s’organiser pour leur autonomie alimentaire.

Le Grenelle soutient la Bio, tout favorisant la dissémination des OGM ?

Adoptée en mai, la loi sur les OGM fixe des règles en matière de "coexistence" des cultures et de responsabilité en cas de dommages causés aux filières non-OGM ou à l’environnement. Mais en admettant un seuil de 0,9% d’OGM acceptable elle ouvre la porte à une contamination généralisée. La loi ne prévoit aucune représentation de la filière AB au sein du nouveau Haut conseil des biotechnologies…

Un groupe de parlementaires a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel, au motif que le gouvernement a porté atteinte au principe de précaution reconnu par la Charte de l’environnement adossée à la Constitution.

Par ailleurs, Le Tribunal administratif de Paris, dans un jugement rendu le 16 mai, condamne l’Etat à verser un euro symbolique à huit organisations Bio en réparation du préjudice subi pour la non-transposition de la Directive européenne n° 2001/18 relative à la dissémination des OGM dans l’environnement.

La Fédération nationale de l’agriculture biologique indique qu’elle travaille désormais « à un identifiant pour des pratiques bio supérieures à la réglementation : l’absence totale d’OGM sera parmi les critères centraux de son cahier des charges ».

Yveline Nicolas
Déléguée générale de l’association Adéquations
ynicolas adequations.org

Association de sensibilisation, formation et soutien de projets en matière de développement durable, solidarité internationale, droits humains.

P.-S.

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